Intervention de Henri Tandonnet

Réunion du 3 juillet 2014 à 15h00
Délimitation des régions et élections régionales et départementales — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

Photo de Henri TandonnetHenri Tandonnet :

Se pose, tout d’abord, un problème de méthode.

Nous faisons aujourd’hui face à une absence criante de méthode et de cohérence du Gouvernement dans sa manière d’appréhender la réforme territoriale. On nous avait promis un acte III de la décentralisation ; on pourrait plutôt parler d’un acte manqué !

En effet, nous avons adopté, en décembre dernier, le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Et, six mois plus tard, nous redécoupons les régions. Demain, nous étudierons la taille des intercommunalités et les compétences de chaque collectivité. Cela n’a pas de sens !

Au lieu de s’appuyer sur la loi de réforme des collectivités territoriales de 2010, qui visait principalement à réorganiser les collectivités autour de deux pôles – « départements-régions » et « communes-intercommunalités » –, à simplifier et à achever la cohérence intercommunale, le Gouvernement a préféré, par pur dogmatisme, détruire ce qui avait été fait par la majorité précédente.

Je pense, notamment, au rétablissement de la clause générale de compétence qu’on nous promet de supprimer, ou encore à la naissance du conseiller départemental à deux têtes, en remplacement du conseiller territorial, une mesure qui est complètement déconnectée de l’échelon intercommunal, puisque la nouvelle carte cantonale ne tient absolument pas compte de ce critère pourtant généralisé depuis le 1er janvier 2014.

Une réforme efficace est avant tout une réforme pensée globalement, et non à l’emporte-pièce. Je m’interroge donc beaucoup sur la solidité de l’équilibre territorial qui sera trouvé.

Au-delà des problèmes de méthode que je viens d’évoquer, mon second point porte sur le redécoupage des régions prévu dans le texte, un redécoupage, hélas, tributaire d’opportunités politiques.

Pourtant, la pertinence des territoires doit reposer sur les pratiques des habitants, le fonctionnement des entreprises et des acteurs économiques, ainsi que sur les projets qui façonneront l’avenir, afin d’atteindre un maximum de complémentarités, de cohérence et d’efficacité économique au sein des futures régions.

Malheureusement, il me semble que la notion de bassin de vie est totalement absente de l’essence même de ce texte, alors que les outils statistiques existent et sont faciles à consulter ; je pense, notamment, aux travaux de l’INSEE.

Le redécoupage proposé par le Gouvernement est fondé sur des régions de base liées à de grandes métropoles, ce qui est justifié. Toutefois, l’erreur commise est de vouloir regrouper des régions intermédiaires, qui ne disposent pas d’une véritable métropole et ne peuvent donc constituer une future région cohérente. On le voit bien avec la région Centre-Limousin-Poitou-Charentes ou encore avec la Picardie, regroupée avec la Champagne-Ardenne.

Il aurait donc fallu introduire un peu plus de nuance et de compréhension du territoire et accepter un raisonnement à l’échelle des départements et non pas seulement par blocs régionaux figés. Cela aurait permis d’éclater les départements de ces régions intermédiaires vers leur véritable capitale régionale et sociale.

À l’évidence, ce redécoupage aurait également nécessité des concertations et un dialogue avec les collectivités territoriales, afin de bien saisir les enjeux de tous les territoires; qui, ne l’oublions pas, seront les acteurs de cette réforme.

Souhaitant redonner la parole aux élus, le groupe de l’UDI-UC a souhaité faciliter l’expression des territoires, en apportant de la souplesse dans certains mécanismes. C’est pourquoi, j’ai, notamment, redéposé deux amendements, qui ont d’ailleurs été repris par M. le rapporteur et d’autres groupes parlementaires, visant à permettre qu’un département et deux régions contiguës puissent demander une modification des limites régionales, afin d’inclure le département dans le territoire d’une région qui lui est limitrophe sans autre condition, c'est-à-dire sans référendum. Nous demandons qu’il en soit de même pour la fusion de deux régions.

Si l’objet de la réforme est de faire des économies, il faut qu’il y ait un minimum d’affectio societatis pour rechercher des outils mutualisés et partager des projets communs.

Si l’on peut imaginer facilement de redonner la responsabilité du versement du RSA, le revenu de solidarité active, à l’État, pour une meilleure solidarité nationale, que ne peuvent plus assurer les départements, notamment ruraux, et une gestion administrative par la CAF, la caisse d’allocations familiales, il en va différemment pour ce qui concerne les stratégies de développement économique attachées à la diversité des territoires, qui exigent un consensus des collectivités.

Enfin, je dirai quelques mots sur les territoires ruraux.

Certes, je soutiens l’idée de régions plus vastes et cohérentes, qui permettraient de mettre en synergie des dynamiques économiques et de transport. Je pense à l’action que pourrait mener le grand Sud-Ouest avec son industrie liée à l’aérospatiale, à l’agroalimentaire de qualité ou encore à l’aménagement des infrastructures, avec le TGV Bordeaux-Toulouse.

Cependant, le constat est aujourd’hui terrible : les régions actuelles n’ont pas permis d’arrêter la fracture qui s’est aggravée entre les métropoles et les zones rurales quant au développement et à l’emploi. Aussi, parier sur des grandes régions et des intercommunalités plus fortes pose la question des territoires ruraux et de la solidarité qui doit être réorganisée à leur bénéfice pour empêcher que les besoins en infrastructures, qui sont de plus en plus forts dans ces métropoles, ne laissent pour compte ces territoires. L’échelon territorial qu’est le département et la nécessaire solidarité qui l’accompagne ne peuvent donc pas être supprimés d’un trait de plume.

Or, à ce jour, aucune solution n’est proposée. C’est pourquoi nous sollicitons une meilleure représentation de la ruralité au sein des conseils régionaux.

Malgré les défauts de méthode que j’ai évoqués, nous souhaitons entrer dans le débat, en proposant des solutions qui s’inscrivent dans la continuité du mouvement de la décentralisation engagé depuis 1982.

Oui à un rapprochement des régions et des départements. Non à la suppression des départements sans solution préalable. Oui à une intercommunalité correspondant à un bassin de vie, outil mutualisé aux services des communes.

Nous pouvons compter sur notre assemblée pour poursuivre une décentralisation tournée vers l’avenir, mais qui reste cependant conditionnée, monsieur le ministre, à votre volonté d’accepter l’assouplissement des mécanismes de rapprochement des territoires, tel que nous le proposerons dans nos amendements. §

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