Intervention de Anne-Marie Escoffier

Réunion du 3 juillet 2014 à 21h45
Délimitation des régions et élections régionales et départementales — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

Photo de Anne-Marie EscoffierAnne-Marie Escoffier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne suis pas sûre qu’il soit nécessaire de revenir sur les critiques que nombre d’entre nous ont déjà formulées et qui convergent pour dénoncer un texte inabouti, préparé et présenté dans l’urgence, contrairement à la démarche que le Président de la République avait mise en avant sans discontinuer : le dialogue pour tendre vers un consensus de bon aloi.

Le consensus, monsieur le ministre, existe sur le fond – c’est assez précieux pour le souligner. Y aurait-il parmi nous, sénateurs, porteurs privilégiés de la parole des élus locaux, quelque opposant au principe d’une réforme cohérente de l’organisation territoriale ?

Qui refuserait de voir l’absolue nécessité d’améliorer le fonctionnement des services de l’administration d’État et celui des services des collectivités territoriales pour répondre plus efficacement aux besoins de nos populations sur l’ensemble de notre territoire ?

Qui n’aurait pas l’ambition d’apporter sa part de réflexion à la construction d’un nouvel aménagement du territoire respectueux tant des contraintes auxquelles nous sommes exposés – bataille pour l’emploi, compétitivité, évolution sociétale, participation à l’effort de maîtrise de nos dépenses – que des formidables potentialités dont sont riches tous nos territoires ?

Je ne peux que m’adjoindre à celles et ceux qui, ici, regrettent les conditions dans lesquelles le texte nous est soumis, et dont nous cherchons encore l’objectif réel. Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec une attention soutenue, tout comme j’avais écouté, avant vous, le Premier ministre.

Je dois reconnaître que l’une et l’autre de vos interventions m’ont rassurée, qu’elles m'ont rassérénée. Je me suis retrouvée dans une démarche qui doit être de raison, de bon sens, parce qu’elle répond aux attentes de nos concitoyens : des régions fortes portées par l’ambition d’investir, d’innover et de se mettre au diapason de la compétitivité dans le concert mondial que nous connaissons ; une clarification des compétences au sein des services de l’État et de ceux des collectivités locales, source d’une meilleure maîtrise des dépenses, que vous avez déclinée, monsieur le ministre ; une juste place reconnue aux territoires dans leur diversité, qu’ils soient métropolitains, urbains ou ruraux.

Toutefois, pourquoi donc a-t-il donc fallu attendre aujourd’hui pour que ce discours apaisé et apaisant parvienne jusqu’à une assemblée qui a le droit de comprendre, de débattre, sans se sentir menacée, et qui – je le crois sincèrement – n’a d’autre ambition que de parvenir à un bon texte ?

À vous comme à nous, rien n’a été épargné. L’objectif premier n’était-il pas, à nouveau, le report de la date des élections régionales et départementales, ainsi que quelques aménagements supplémentaires rendus nécessaires pour la métropole de Lyon ou le remplacement des conseillers départementaux ?

Il fallait, constitutionnellement parlant, habiller cette mesure d’une disposition modifiant l’organisation territoriale des régions. D’où cette carte qui n’en a pas fini de susciter l’ire de certains et d’en interroger d’autres sur son bien-fondé.

Pour y avoir, en d’autres temps, un peu réfléchi, j’étais convaincue que la détermination du nouveau périmètre des régions devait se faire sur la base de plusieurs critères. Le critère démographique, seul, n’est pas pertinent.

Nombreux ont été les exemples rapportés ici, et dans les réunions de la commission spéciale et dans l’hémicycle, montrant que l’histoire propre à une région – émanation de nos anciennes provinces –, sa sociologie, sa géographie physique et bien entendu sa culture sont autant d’éléments qui peuvent créer et fédérer une région. Néanmoins, aujourd’hui, me semble-t-il, sa surface financière importe plus que tout dans une économie dynamique, capable de susciter innovation, recherche et compétitivité.

Il doit s'agir en effet de régions attractives, qui donnent envie aux entreprises de taille intermédiaire, aux petites et moyennes entreprises, de venir s’y installer pour développer de nouveaux talents.

Pourtant, me direz-vous, une surface financière suffisante emporte l’affectation de ressources suffisantes, dont il faut bien trouver la source : transfert de l'État, fiscalité locale nouvelle, péréquation entre régions ou avec d’autres niveaux de collectivités… Le sujet financier de l’autonomie fiscale et financière ne peut être passé sous silence. Il est impérativement lié à notre débat.

Je sais, monsieur le ministre, que cette question ne peut nous échapper. Nous la traiterons dans un autre cadre, et dans un autre temps. Mais si le débat concernant cette question n’est pas conjoint à celui de ce soir, nous risquons bien de nous trouver confrontés à de nouvelles incohérences.

« Incohérent » : voilà un mot revenu bien souvent au cours de nos travaux. Il a été appliqué à plusieurs reprises à la « décision » de suppression des conseils généraux, ou à ce qui ressemblait à une décision non décrite – ainsi, ce matin, un amendement de nos amis socialistes visant à faire une exception pour les départements ruraux confirmait incidemment l’intention du Gouvernement.

Qu’il faille ou non supprimer les conseils généraux mérite un vrai débat, en premier lieu pour imaginer qui assumera les compétences de ces assemblées.

La notion de proximité, dont il faudra un jour m’expliquer à quoi elle correspond vraiment, me paraît bien mal en point face à des régions agrandies et élargies, dont le chef-lieu ne sera peut-être pas accessible dans les meilleures conditions. Le périmètre de nos intercommunalités, là encore, n’a pas vraiment de sens par rapport à un seuil démographique de vingt mille habitants : il doit se construire sur la base d’un vrai projet dans un bassin de vie. Ces intercommunalités remodelées seront-elles à même de se substituer au conseil général ? Et dans quels délais, et pour quels domaines ?

Monsieur le ministre, je voudrais que vous soyez assuré que vous n’avez pas affaire ici à des sénateurs obtus, ancrés dans la certitude qu’ils détiendraient la vérité contre celle portée par le Gouvernement. Je suis de celles et de ceux qui veulent, avec vous – je sais vos qualités –, travailler à la construction d’une organisation territoriale moderne, rénovée, porteuse des ambitions des Français et des valeurs de la République.

Les propositions qui ont été formulées tout à l’heure par mon ami Jacques Mézard sont là pour témoigner de cette volonté.

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