Intervention de Jean-François Husson

Réunion du 3 juillet 2014 à 21h45
Délimitation des régions et élections régionales et départementales — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

Photo de Jean-François HussonJean-François Husson :

Ou les quatre points cardinaux !

Alors que la clause de compétence générale a été réintroduite, on veut la supprimer ; alors que les départements ont été renforcés pour en faire des acteurs de solidarité territoriale, on veut les effacer ; alors qu’une grande réforme de simplification fiscale avait été annoncée au congrès des maires de France, on brouille encore un peu plus les lignes, en faisant peser des charges toujours plus lourdes sur les collectivités, sans leur transférer des moyens supplémentaires.

Pour couronner le tout, vous annoncez soudainement vouloir fusionner les régions, sans aucune précision sur les compétences qu’il s’agirait de leur confier, et encore moins sur les ressources dont elles pourraient disposer. Le projet de loi que vous présentez devant le Sénat est tout à fait incohérent et inconséquent.

Inconséquent sur la forme : il est réalisé sans qu’aucun des acteurs concernés n’ait été entendu, qu’il s’agisse des élus, qui œuvrent pourtant quelle que soit la collectivité dans le cadre de laquelle ils ont été désignés par les électeurs, ou des citoyens, nous avons pu le voir voilà quelques jours. Une réforme d’une telle ampleur historique méritait infiniment mieux.

On sait que le texte a été rédigé entre amis, socialistes, sur un coin de table à l’Élysée, au gré de petits arrangements dignes de la IVe République. Autant dire qu’ils ne sont pas à la hauteur de la cinquième puissance mondiale.

Comment pouvez-vous présenter un projet de loi aussi important et déterminant sans concertation ? Convenez en outre que la légitimité populaire acquise en 2012 est aujourd'hui grandement amoindrie.

Adapter l’organisation du territoire républicain aux nécessités du temps, pour la faire progresser et répondre aux enjeux de demain, constitue un objectif volontiers partagé. Mais il aurait fallu commencer par se poser quelques questions fondamentales : une nouvelle étape, oui, mais dans quel but ? Avec quels moyens, quelle stratégie et quel calendrier ?

Vous auriez pu prendre le temps de la consultation, en vous appuyant sur un certain nombre de structures capables de réaliser de bonnes études. Je citerai ici la DATAR, que vous avez vous-même ressuscitée, les agences d’urbanisme, un certain nombre de grands outils. Que nenni ! Pas de son, pas d’image !

Vous auriez pu aussi vous fonder sur l’intelligence des territoires, des exemples de coopérations réussies et d’innovations institutionnelles permettant de faire avancer des projets au-delà des seuls périmètres institutionnels et administratifs.

La France a besoin de lutter contre son déficit public. En quoi votre projet répond-il à cet objectif ? Quelles sont les économies prévues ? Quelle réforme de l’État proposez-vous ? Il aura fallu attendre aujourd'hui pour apprendre que, s’agissant des départements, vous auriez de nouveaux objectifs.

Ce premier projet de loi ne reflète-t-il pas la volonté de faire insidieusement assumer par les collectivités territoriales la responsabilité de la baisse de la dépense publique ? Ce serait extrêmement dangereux pour la vie des territoires et le dynamisme des entreprises qui y vivent et les irriguent.

La France a aujourd'hui besoin d’un pays uni, dans sa diversité, au-delà des sensibilités politiques : interdépendance entre territoires ruraux et urbains ; solidarités entre territoires riches et plus pauvres ; diminution de la fracture territoriale, une fracture que vous semblez plutôt creuser. Quelle est, aujourd'hui, l’approche prévue en termes de péréquation entre les régions ?

Sur ce projet de loi, comme sur le reste de votre politique, nous n’arrivons pas à identifier le cap suivi. Le contexte est trop grave pour ignorer les Français, leurs souffrances, leurs difficultés. Ils vous les ont signifiées à deux reprises. Cessez d’improviser !

Enfin, je veux le dire à cette tribune avec solennité et gravité : les voix de l’abstention – et celle-ci est, bien souvent, le fait des « sans-voix » – doivent être entendues comme des cris de doute, de dépit et de défiance.

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