Intervention de Yannick Vaugrenard

Réunion du 3 juillet 2014 à 21h45
Délimitation des régions et élections régionales et départementales — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

Photo de Yannick VaugrenardYannick Vaugrenard :

Pour autant, la nécessité d’avoir des collectivités régionales plus fortes économiquement, et donc financièrement, ne fait pas débat, non plus que l’utilité d’en réduire le nombre. La quasi-totalité de l’échiquier politique acquiesce à ce qui est devenu une évidence, et le rapport Raffarin-Krattinger du 8 octobre 2013, souvent évoqué aujourd'hui, en avait étayé la pertinence.

Cette perspective et les bénéfices à en tirer en termes d’efficacité imposent, me semble-t-il, de ne pas tarder, compte tenu de la situation notre pays.

Modifier les limites territoriales, c’est aussi modifier les habitudes de concertation, voire les habitudes de vie, peut-être aussi l’appréhension des infrastructures. C’est donc un vaste chantier pour le présent, mais aussi et surtout pour l’avenir.

Notre horizon doit être celui d’une réforme pesant au moins sur les quarante à cinquante années à venir. C’est pourquoi les raisonnements court-termistes doivent être exclus de nos débats.

C’est dans cette logique que j’essaie de me situer pour vous parler des régions de l’ouest atlantique. Je pense qu’il est d’une impérieuse nécessité pour les régions de l’ouest de la France de se rassembler économiquement, financièrement mais aussi bien sûr dans leur organisation administrative. À ce titre, l’idée d’une union entre Poitou-Charentes et Aquitaine va dans le bon sens, en y adjoignant le Limousin. Nous devons faire ce même chemin pour les régions Bretagne et Pays de la Loire, et cela pour au moins trois raisons.

L’ouest de la France ne doit pas devenir le Far West de l’Europe. La modification des frontières européennes et son extension à l’est ont changé le centre de gravité de l’Union européenne et fait que nous risquons, sur la façade atlantique, de souffrir encore plus de notre périphéricité.

Voici déjà quelques années, la DATAR, la Délégation à l’aménagement du territoire – à l’époque sous la responsabilité d’Olivier Guichard – avait développé le concept d’Arc atlantique, partant de Glasgow en Ecosse, pour aller jusqu’au sud de l’Espagne. L’utilité, pour toutes ces régions périphériques, d’avoir des actions communes, des logiques économiques et d’aménagement concertées allait de soi. C’est a fortiori le cas pour les régions Bretagne-Pays de la Loire, qui sont au cœur de l’Arc atlantique et en sont symboliquement la flèche. La communauté d’intérêts est évidente en de nombreux domaines : transport, ferroviaire ou aérien, économie maritime...

La deuxième raison d’unir la Bretagne aux Pays de la Loire est l’excellente habitude de travail en commun prise depuis déjà de très nombreuses années, avec des spécialisations économiques semblables, notamment en matière d’agriculture et d’agroalimentaire, des pôles de compétitivité de dimension interrégionale, une stratégie conjointe de lobbying au sein de l’espace interrégional européen, une université fédérale commune, qui verra le jour le 1er janvier 2016, une coopération sur la pêche et l’aquaculture ou encore sur les énergies marines renouvelables, la formation professionnelle continue…

Cette liste, loin d’être exhaustive, démontre, si nécessaire, que déjà une logique conjointe de travailler ensemble est évidente et que l’union des deux régions Bretagne et Pays de la Loire serait ni plus ni moins que la formalisation démultipliée, compte tenu des nouvelles compétences, d’un fait majeur des trente dernières années, à savoir une coopération très privilégiée entre ces deux régions.

La troisième raison, c’est que les populations ligériennes et bretonnes le demandent, ainsi que les acteurs économiques. Un sondage paru aujourd'hui nous indique que 67 % des habitants des Pays de la Loire y sont favorables, tout comme 63 % des Bretons.

Le rapprochement entre Bretagne et Pays de la Loire apparaît donc d’une grande rationalité et il correspond à une évidence de travail partagé et d’intérêts communs, pour les populations de même pour l’avenir de ces deux régions de l’ouest atlantique.

En conclusion, je voudrais insister sur la nécessité d’avoir, dans ce débat, l’avenir à l’esprit. Je peux entendre qu’ici ou là des élus ne soient pas encore prêts, hésitent ou demandent plus de réflexion. C’est le respect dû à tous et à chacun, mais ce respect nous le devons aussi aux générations futures. C’est pourquoi tout démantèlement des régions actuelles doit, selon moi, être proscrit, car ce serait rayer d’un trait de plume les efforts de plusieurs décennies.

Faute de mieux, le statu quo, regrettable pour nos deux régions, ne pourrait être que momentané. Continuons la réflexion, écoutons aussi les nouvelles générations des maires de l’ouest. Prenons le temps de l’échange renouvelé, laissons les esprits et les consciences évoluer.

Laissons aussi la place à l’expérimentation entre les territoires, à l’ouest comme ailleurs. L’unité de la France n’implique pas l’uniformité ! Osons l’expérimentation à géométrie variable. L’administration centrale n’a rien à craindre de cela et notre pays a tout à y gagner. Soyons des bâtisseurs d’avenir comme d’autres l’ont été avant nous, en prenant leçon du passé et du présent ; bref, suivant la si jolie formule dont Pierre Mauroy avait fait le titre d’un livre un livre, soyons les« héritiers de l’avenir ». §

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