Intervention de Michel Boutant

Réunion du 3 juillet 2014 à 21h45
Délimitation des régions et élections régionales et départementales — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

Photo de Michel BoutantMichel Boutant :

D’ailleurs, l’État a déjà montré l’exemple en réduisant le rôle des préfets de département au bénéfice des préfets de région, en transférant à la région bon nombre d’anciens services départementaux : exit les directions départementales de l’équipement, les directions départementales de l’agriculture et de la forêt, les directions départementales de la jeunesse et des sports ; exit, donc, tous ces cadres, toute cette matière grise qui ont quitté les villes chefs-lieux de département pour se concentrer dans les capitales régionales ou les métropoles, amoindrissant du même coup les forces de territoires qui ne sont ni tout à fait ruraux ni tout à fait urbains.

On a vu fleurir les directions régionales, voire interrégionales, telles que les DIR, les DRAC, les DIRECCTE et autres acronymes, qui s’éloignent peu à peu des territoires.

Ce processus de réduction, de redéploiement, de reconcentration tourne le dos à la décentralisation, acte d’émancipation des collectivités, signe incontestable de vitalité des territoires, qui leur avait été octroyé par François Mitterrand, Gaston Defferre et Pierre Mauroy.

Vers quelle collectivité s’est pourtant tourné l’État pour transférer les personnels des ex-DDE et des collèges ? Vers qui s’est tourné l’État pour partager le financement des allocations individuelles de solidarité que sont l’APA, le RSA, la PCH, faisant du coup supporter par les recettes propres des départements une charge de 42 milliards d’euros – j’attire votre attention sur ce chiffre, mes chers collègues – entre 2002 et 2013 ?

Vers quelle collectivité se tourne encore l’État pour financer les travaux sur la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique ou sur les routes nationales ? Les départements !

Ceux-ci ont supporté, en maugréant souvent, mais ont supporté tout de même les conséquences de décisions prises ailleurs et par d’autres. Ils ont pourtant préparé des budgets équilibrés – ils n’avaient d’ailleurs pas le choix –, tout en maintenant l’investissement si précieux pour les entreprises. Ils ont même pu, ici et là, développer des projets créateurs d’emplois. Là, un Futuroscope, ailleurs, un pôle de l’image animée.

Mais je sais que rien n’est immuable. Il faut être moderne. Il faut tourner les pages, il faut réduire le millefeuille, il faut « dégraisser le mammouth », disait-on à une époque, pour faire des économies et renouer avec la croissance.

Le transfert des compétences va-t-il diminuer le coût de l’exercice de ces compétences ? J’en doute. Ce que je pressens surtout et ce que j’entrevois, c’est un mouvement de plaques tectoniques, ou technocratiques, visant à la disparition des uns et à l’émergence des autres.

La question des compétences, de leur maintien, de leur exercice, de leur transfert est essentielle.

La question du périmètre des collectivités régionales ou intercommunales est d’importance. D’ailleurs, les élus locaux, les populations se sont emparés de cette question, sans doute à la surprise de beaucoup.

En Poitou-Charentes, par exemple, sur mon initiative, les conseils généraux des quatre départements se sont réunis le 6 juin dernier et ont voté à l’unanimité – moins une voix et deux abstentions – la formation d’une région Aquitaine–Poitou-Charentes–Limousin.

À ce jour, 300 des 404 communes que compte le département de la Charente ont délibéré sur la formation de cette région Poitou-Charentes–Limousin–Aquitaine.

Dans des régions plus grandes, les départements, surtout les départements ruraux, auront encore plus qu’aujourd’hui un rôle de première importance à jouer en termes de mutualisation, de solidarité tant humaine que territoriale. Ni trop éloignés pour être un gage d’efficacité et de réactivité, ni trop proches pour pouvoir mutualiser au mieux les moyens humains et matériels, ils seront à la fois une garantie de bonne gestion et, dans tous les cas, une source de péréquation et d’équité.

Je ne remets pas en cause la réforme, mais que l’on ne cloue pas au pilori tous ces élus, toutes ces femmes, tous ces hommes au service des collectivités, qu’on ne les désigne pas à la vindicte !

Réformer, oui ! Clarifier, oui ! Transférer des compétences, pourquoi pas ? Mais à la condition qu’elles soient plus efficacement exercées par ceux qui se les verraient alors confier et que ce transfert soit également compatible avec la situation financière et économique de notre pays.

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