Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 3 juillet 2014 à 21h45
Délimitation des régions et élections régionales et départementales — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi

Bernard Cazeneuve  :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens d’abord à remercier l’ensemble des orateurs de tous les groupes, sans exception, qui ont apporté une contribution extrêmement utile et intéressante au débat sur ce projet de loi.

Je ne répondrai pas de façon exhaustive à chacun des intervenants, car, comme la discussion générale a duré près de cinq heures, vous pourriez, à juste titre, m’en tenir grief ! J’essaierai de reprendre quelques-unes des critiques les plus saillantes qui ont été exprimées et d’y répondre de façon brève.

La première impression que suscite l’écoute des différents orateurs lorsqu’on est au banc du Gouvernement pour porter ce texte, c'est qu’une partie des sénateurs ici présents seront bientôt renouvelés. Certains d’entre vous, siégeant notamment sur les travées de l’opposition, se sont davantage adressés à ce qu’ils imaginent être la majorité de demain pour la séduire qu’au Gouvernement pour critiquer son texte.

Deux discours, en particulier, ont été tout à fait emblématiques de cette volonté de s’inscrire dans une perspective qui est non pas celle d’aujourd'hui, mais celle d’après les élections sénatoriales. Le Parlement a de tout temps fonctionné ainsi, cédant à la tentation de s’abandonner aux charmes de la « politique ». Ce débat a fourni une nouvelle illustration du phénomène.

Je le regrette vivement, car, au vu de la situation de notre pays depuis dix ans, on pourrait tout de même se dire les choses sans agressivité ou volonté de polémiquer. Le Front national a souvent été évoqué, mais le gouvernement actuel n’est pas le seul responsable, s’il devait avoir quelque responsabilité que ce soit à cet égard, de la montée de ce parti. Depuis dix ans, il y a eu d’autres gouvernements, qui n’ont pas tout réussi et qui et, par conséquent, pourraient partager la responsabilité du score du Front national.

Dès lors que nous acceptons de reconnaître que la responsabilité de la montée de ce parti est partagée, nous pourrions peut-être essayer ensemble d’en analyser les raisons. J’en vois une qui mérite d’être évoquée au moment où nous discutons ce projet de loi : c'est l’affaiblissement de notre pays et l’éloignement des citoyens de la classe politique. Quelle en est la raison ? Elle tient à ce que, face à des problèmes sérieux, qui impliquent des réformes urgentes, la politique, dans sa dimension la plus classique, la plus clivante, la plus « antagonisante », reprend ses droits, alors que nous devrions essayer de trouver des compromis pour élaborer ensemble de bons textes.

Cela vaut pour toutes les majorités, tous les gouvernements, quels qu’ils soient. Lorsque nous étions dans l’opposition, nous avons aussi cédé à ce type de charmes. Aujourd’hui, c'est vous, mesdames, messieurs les sénateurs de l’UMP, qui êtes dans l’opposition. Plutôt que de tirer des enseignements de ce que vous n’avez pas réussi à faire durant ces dix dernières années – vous avez commis de nombreuses erreurs que nous aurions, nous aussi, pu faire –, vous vous êtes lancés dans une entreprise de démolition absolument classique, et avec une jubilation sans limite.

Or, je le redis, quand un pays est en crise, que le Front national atteint un tel score et que les citoyens s’éloignent de la vie politique, celle-ci ne peut pas se résumer à une entreprise perpétuelle de démolition, avec toutes les outrances, les excès et les contre-vérités qui vont de pair. Et, au cours de ce débat, des outrances et des excès, j’en ai beaucoup entendu, qui ont contribué à fabriquer de belles contre-vérités.

Je les reprendrai les unes après les autres, pour qu’il reste au moins une trace de la sincérité des intentions du Gouvernement. On ne peut pas raconter tout et n’importe quoi dans un débat, notamment pour faire dire à un texte ce qu’il ne dit pas.

Tout d’abord, j’ai entendu dire que nous voulions recentraliser, que nous souhaitions prendre des pouvoirs aux collectivités locales pour les donner aux préfets, dans les départements, et que nous allions défaire ce que la décentralisation avait fait. C’est un énorme mensonge !

Pour qu’une telle allégation puisse avoir quelque crédit, il faudrait qu’une loi défasse ce que les lois de décentralisation ont fait et transfère à l’État des compétences que ces dernières avaient confiées aux collectivités locales. Pouvez-vous me citer un seul exemple de compétence qui avait été donnée aux collectivités locales, dans la multiplicité de leurs strates, et que l’État cherche à reprendre ? Non, car il n’y en a aucun !

Si nous donnons des pouvoirs supplémentaires aux préfets, ce n’est pas au détriment des collectivités locales, c’est à celui de l’État central ! Cela s’appelle la déconcentration !

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