Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 4 juillet 2014 à 9h45
Délimitation des régions et élections régionales et départementales — Articles additionnels avant l'article 1er

Photo de Gérard LonguetGérard Longuet :

La commission a en effet adopté l’amendement présenté par M. Favier, parce qu’il a le mérite d’ouvrir un débat sur la République décentralisée.

Monsieur le ministre, en proposant des régions de taille très largement supérieure, vous faites référence notamment au rapport de MM. Raffarin et Krattinger. Cependant, ce rapport acceptait le principe de grandes régions parce qu’il consolidait le fait départemental.

À l’instant, vous nous avez renvoyé au projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, présenté en conseil des ministres le 18 juin dernier. Vous nous dites en substance : « Pourquoi diable hésitez-vous à parler des limites territoriales puisque vous connaissez déjà ce que nous voulons faire en matière de compétences ? » Or votre texte vide le département de toute responsabilité !

L’amendement présenté par M. Favier est très républicain – ce n’est pas tout à fait une surprise – et même assez jacobin. Il évoque le débat de la loi Tréveneuc de 1872, lorsque Waddington et Roubaud, je crois, se sont opposés sur l’idée de regroupement de départements. La tradition républicaine veut un État fort – c’est l’héritage capétien – et, en face de lui – c’est la valeur ajoutée républicaine –, des départements qui apportent la sécurité administrative aux citoyens.

Dans un souci de proximité, ces départements doivent être d’une taille suffisamment modeste : c’est la fameuse histoire selon laquelle ils ont été définis de telle sorte que l’on puisse se rendre en moins d’une journée de cheval au chef-lieu de chacun de ceux-ci depuis n’importe quel point de leur territoire. Qu’elle soit attestée ou non, cette histoire illustre bien cette idée de proximité !

Les départements sont également des circonscriptions électorales, dans la tradition républicaine. Surtout, leur taille ne doit pas être d’une importance telle qu’elle leur permette, un jour, de servir de socle à une action émancipatrice qui pourrait contester et remettre en cause le pouvoir central.

En 1790, les Jacobins ont soutenu contre les Girondins cette conception d’un département de taille modeste pour les raisons pratiques que j’ai évoquées, mais également avec le souvenir de la Fronde et des Grands féodaux. Toute l’histoire de la IIIe République est celle du reflux régional, qui apparaîtra dans sa formule nouvelle seulement dans les années 1930 et qui sera consolidé, dans des conditions d’ailleurs assez équivoques, en janvier 1944 par le gouvernement provisoire de la République française, lequel a institué les commissaires régionaux de la République.

Avec M. Favier, nous continuons donc la tradition républicaine. En revanche, monsieur le ministre, votre texte sur les grandes régions ouvre la porte à un fédéralisme qui, si l’on allait au bout de la logique du droit d’expérience et de différenciation, irait à l’encontre de cette tradition unitaire.

Monsieur le ministre, je souhaite que vous nous répondiez sur le fond. On sent bien que cet amendement n’a pas de valeur normative, mais sa discussion devrait nous permettre de connaître la manière dont vous concevez ces évolutions.

En effet, les grandes régions ne sont pas nécessaires pour les grands projets. Les régions d’aujourd’hui ont déjà su travailler entre elles.

Parlons des infrastructures : en s’associant avec les régions Île-de-France, Champagne-Ardenne et Alsace, la région Lorraine a réalisé le TGV Est que Paris ne souhaitait pas vraiment financer.

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