La séance est ouverte à neuf heures quarante.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (projet n° 635, résultat des travaux de la commission spéciale n° 659, rapport n° 658).
Je rappelle que la discussion générale a été close.
La commission spéciale n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles du projet de loi initial.
Chapitre Ier
Dispositions relatives à la délimitation des régions
L’amendement n° 47, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union des démocrates et indépendants-UC, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La présente loi a pour objectifs de permettre une meilleure efficience publique, de lutter contre l’érosion de la démocratie locale et d’armer la France face aux défis de la mondialisation, en s’appuyant sur les territoires.
La présente loi doit respecter la diversité des territoires, des collectivités territoriales et des établissements publics qui leur sont attachés. Pour ce faire, elle permet la mise en œuvre de réponses différenciées et adaptées aux réalités de chaque territoire.
La présente loi doit redéfinir la sphère d’intervention de l’État, permettant une nouvelle implantation des services de l’État sur les territoires. Elle est associée à une réforme de la fiscalité locale permettant d’accroître l’autonomie fiscale des collectivités territoriales et d’aboutir à une fiscalité efficace et plus lisible pour les citoyens.
La présente loi pose le principe selon lequel toute réorganisation du périmètre ou de l’organisation des différents niveaux de collectivités territoriales prévus à l’article 72 de la Constitution, ainsi que les établissements publics qui leur sont associés, doit être précédée d’une répartition des compétences entre ces collectivités en cohérence avec la nouvelle architecture proposée.
La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement tendant à introduire un article additionnel avant l’article 1er vise à rappeler les grands principes auxquels nous sommes attachés.
Nous devons ainsi nous donner pour objectifs de permettre une meilleure efficience publique, de lutter contre l’érosion de la démocratie locale et d’armer la France face aux défis de la mondialisation, en nous appuyant sur les territoires.
Nous affirmons ensuite le nécessaire respect de la diversité des territoires qui suppose la mise en œuvre de réponses différenciées et adaptées aux réalités de chaque territoire dans l’unité de la République.
Nous soulignons en outre que l’État doit redéfinir sa sphère d’intervention sur les territoires et qu’il est important d’aboutir à une fiscalité efficace liée à la réforme des territoires.
Enfin, nous rappelons qu’il serait pertinent de redéfinir par priorité la répartition des compétences entre collectivités territoriales en cohérence avec la nouvelle architecture d’ensemble proposée dans ce projet de loi.
Madame Gourault, n’ayant pu le dire personnellement à M. Zocchetto, bien que je me prononce pour la quatrième fois sur cet amendement, je vous répète que ce type de disposition, dont la valeur littéraire est très grande, ne fera en rien avancer le schmilblick en ce qui concerne ce projet de loi.
La commission spéciale a émis un avis favorable.
J’ai eu l’occasion de rappeler hier les principes qui doivent guider cette réforme territoriale, madame la sénatrice, et je ne vais donc pas reprendre les arguments que j’ai déjà développés.
Tout en saluant votre contribution personnelle, ainsi que celle de votre groupe, qui s’est révélée très utile à nos débats, je ne peux émettre un avis favorable sur cet amendement. En effet, les principes qu’il évoque vont bien au-delà de l’objet de ce projet de loi et englobent la totalité des sujets de la réforme. L’insertion d’une telle disposition ne contribuerait à mon avis pas à la lisibilité du projet de loi.
Cet amendement me paraît excellent, car il traduit bien la pensée qu’un certain nombre d’entre nous ont exprimée tout au long de la discussion d’hier.
Il ne faut pas mettre la charrue devant les bœufs : avant le mariage, il y a les fiançailles et, quand il y a un mariage, il y a un contrat. Si l'on n’a pas étudié préalablement tous ces points et que l’on procède à un mariage forcé, cela ne peut pas marcher ! Rien ne marchera tant que l’on n’aura pas bien défini les compétences de chaque collectivité territoriale, afin de savoir qui fait quoi.
Comment expliquer à nos concitoyens que des villes situées à quelques kilomètres de Paris vont se retrouver dans une sphère de rayonnement allant jusqu’à la baie de Somme ou à Strasbourg ? Certains cantons de la Haute-Marne sont aussi éloignés de la baie de Somme que de la Provence : pourquoi associer ce département de préférence à celui de la Somme plutôt qu’à la Provence ? Il faudra bien trouver des arguments en ce sens, et ceux-ci peuvent se fonder sur l’intérêt de disposer de régions bien dimensionnées et exerçant des compétences précises.
Monsieur le ministre, il faut également travailler sur les conséquences de cette réforme. Que vont devenir les universités, puisque nous allons avoir de grandes régions disposant de plusieurs universités ?
C’est déjà le cas, mais des complémentarités ont été trouvées. Quelle sera la stratégie de reconstruction des universités dans le cadre des programmes régionaux ? Il faut en parler ! On dit qu’un certain nombre d’universités n’ont pas toute leur place, mais il faut savoir lesquelles ! Sans surprise, il s’agira toujours de celles qui sont situées sur les territoires les plus fragiles.
Si l’on se pose la question des universités, il faudra aussi réfléchir aux centres hospitaliers universitaires, les CHU : certaines régions auront plusieurs CHU, qui peuvent développer des complémentarités, mais peuvent aussi se trouver en concurrence. Là encore, il faut trouver des arguments pour prouver l’intérêt de se marier au sein de vastes régions afin de défendre des compétences de ce type.
Se pose également la question des moyens. On compare les futures régions aux Länder allemands, mais ceux-ci disposent de moyens huit fois plus importants : la fiscalité de l’État leur est dédiée à hauteur de 50 %. L’approche n’est pas la même, puisque la France est un État décentralisé et l’Allemagne une république fédérale.
Jusqu’où pousse-t-on cette décentralisation ? Jusqu’où pousse-t-on la reconcentration d’un certain nombre de politiques, indispensable si vous supprimez l’échelon départemental ? Telles sont les questions auxquelles il faut répondre, monsieur le ministre, sous peine de procéder à l’envers !
Madame Gourault, je vous remercie d’avoir présenté cet amendement qui remet les choses à l’endroit. J’espère que vous soutiendrez également notre amendement visant à la suppression de l’article 1er, puisque procéder dans le bon sens suppose de ne pas déterminer la carte avant d’avoir défini les compétences. C’est la raison pour laquelle je m’associe volontiers aux auteurs de l’amendement n° 47.
Applaudissements sur les travées de l’UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les explications de René-Paul Savary devraient normalement me permettre de me taire, car, partageant totalement son sentiment, je pourrais craindre d’être redondant. Pour autant, j’ai vraiment envie d’exprimer les raisons très sincères, très fortes et très profondes qui me conduisent à soutenir l’amendement n° 47.
Monsieur le ministre, depuis le début de ce débat plane une équivoque qui est proprement insupportable du point de vue intellectuel. Vous affirmez que, pour l’efficacité économique de l’action régionale, il faut que les régions soient de grande taille. Pourtant, à aucun moment, vous n’apportez la démonstration de cet axiome. Nous avons les uns et les autres lu attentivement l’étude d’impact, et jamais nous n’y avons trouvé la preuve que l’efficacité économique d’un territoire était, d’une façon ou d’une autre, directement ou indirectement, liée à sa taille.
En revanche, nous avons l’exemple, y compris en Europe, de territoires beaucoup plus petits qui ont une pertinence et une efficacité économiques autrement plus grandes que des régions beaucoup plus vastes en apparence. Je m’exprime ici en tant qu’élu lorrain, mais les Alsaciens pourraient tenir le même raisonnement.
La région Lorraine rassemble plus de 2 350 000 habitants. Son taux de chômage est, hélas ! comparable au taux moyen français, et 70 000 de nos compatriotes lorrains partent tous les jours travailler au Luxembourg. Le Luxembourg est-il une grande région, un grand État ? Nullement ! C’est un tout petit territoire, à la population modeste qui n’excède guère 350 000 habitants, mais à la réussite économique assurée.
Ce qui fait la différence entre un territoire et un autre, ce n’est pas la taille, c’est la pertinence des décisions prises par les autorités publiques en matière de droit du travail, de fiscalité, d’encouragement à l’investissement et à l’épargne et, naturellement, de liberté d’investissement.
Monsieur le ministre, si vous aviez déclaré vouloir faire des régions des acteurs efficaces du développement et de la réussite économiques français, nous vous aurions répondu « chiche ! », à condition que soient singulièrement et sensiblement augmentées leurs responsabilités et leur liberté en matière d’expérimentation sur le terrain de l’organisation économique dans le territoire dont les élus ont la charge, comme d’ailleurs la loi le permet.
Or vous augmentez la taille des régions, mais non les marges de manœuvre des conseils régionaux. À quoi cela sert-il ? En agissant ainsi, vous allez paralyser l’action des régions. En effet – et j’y reviendrai dans la suite de la discussion –, une taille beaucoup plus importante n’est absolument pas la garantie d’une optimisation des moyens publics dans l’organisation des services publics. Elle entraînera même une augmentation des contradictions en matière de décision, car les conseils régionaux seront amenés à arbitrer entre des vocations opposées des différents secteurs territoriaux de leur espace.
Nous avons la certitude absolue que les régions n’atteindront pas l’objectif de pertinence et d’efficacité économiques que vous leur assignez – si tant est que, en gérant 1, 5 % du PIB, elles puissent proposer des apports importants – si vous ne leur donnez pas de liberté en matière d’organisation du travail, d’organisation de la capacité d’entreprendre et de soutien à l’investissement, non par l’investissement public et l’aide publique – nécessairement limités, car les budgets publics sont insuffisants –, mais par des dispositions permettant l’épargne et la rémunération de l’épargne. Au contraire, vous ne changerez rien !
Je rappelle que les régions actuelles datent pour l’essentiel de la carte de 1960, rectifiée en 1964, complétée en 1972, consolidée en 1982. Pourquoi diable vous ingénier à modifier ce qui, dans l’histoire de notre pays, a peu d’ancienneté, alors que le fond du problème, c’est non pas la géographie, mais la vocation des conseils régionaux sur lesquels vous ne prenez en rien position ? §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je prolonge les propos de René-Paul Savary et de Gérard Longuet. Je suis tout à fait favorable à cet amendement, car, de mon point de vue, la fragilité du projet de loi réside dans le manque de vision en matière de décentralisation. La référence à la Constitution et à la République décentralisée nous impose une réflexion globale.
Le désaccord qui est apparu hier au cours de la discussion générale entre grandes régions et départements a pour point de départ la question de la cohérence de notre organisation territoriale.
Je reprends l’argument développé par Gérard Longuet. On peut parler petites régions et grandes régions : tout dépend de ce que l’on fait du département et de l’action de l’État, car cela constitue un ensemble. Il s’agit de rendre la République plus efficace et plus juste par la décentralisation. Nous croyons vraiment aux vertus de la décentralisation, car nous pensons que cette organisation réglera un certain nombre de problèmes dans une France congestionnée par le haut. Évidemment, le seul débat départemental ou le seul débat régional n’y suffiront pas, car l’enjeu porte sur la vision d’ensemble et non sur la taille des régions.
Personnellement, je suis favorable à des grandes régions, car, à mon sens, la proximité doit être confiée aux départements. C’est une conception globale. Mais je prône un État fort, conservant les fonctions régaliennes qui sont les siennes, et une application différenciée suivant les territoires, ainsi que tend à le prévoir cet amendement. Le Limousin n’est pas la région Rhône-Alpes ! Avec ce seul exemple, on comprend qu’il faille un traitement spécifique.
Il me semble tout à fait opportun que ces principes soient rappelés. Cela montre que, notamment ici, au Sénat, où les décentralisateurs sont nombreux, cette réforme constitue un choix politique et ne se réduit pas à des mesures techniques. Je le répète, il s’agit de rendre la République, qui constitue un ensemble, plus efficace, plus juste, plus proche, par des décisions que le citoyen peut comprendre, car elles lui sont accessibles.
C'est la raison pour laquelle cet amendement, en faisant référence à la Constitution, pose bien le cadre de notre réflexion commune. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’ai malheureusement pas pu assister hier à la discussion générale. Si le groupe UDI-UC est bien évidemment d’accord pour revoir l’ensemble de ce que l’on appelle « le millefeuille territorial » – et cette position est très largement partagée sur l’ensemble des travées –, la réforme qui nous est aujourd’hui proposée procède à l’envers : on met la charrue devant les bœufs, on commence par la fin. Alors que nous aimerions débattre au fond d’une organisation et d’une répartition globales des compétences avant de proposer une nouvelle carte des régions, on nous demande de nous prononcer tout de suite sur une carte.
L’amendement n° 47 rappelle des principes largement partagés. M. le rapporteur a indiqué qu’il était extrêmement bien rédigé. Par conséquent, je ne comprends pas l’avis du ministre qui partage a priori aussi ces convictions et ces objectifs. Il me semble bon de rappeler les principes sur lesquels on doit s’appuyer au moment où nous engageons une réflexion sur l’ensemble de l’organisation territoriale. Que risque-t-on à les inscrire dans la loi ? C’est la raison pour laquelle je souhaite l’adoption de cet amendement.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis bien sûr tout à fait favorable à l’amendement du groupe UDI-UC. À mes yeux, la réorganisation des collectivités territoriales doit avoir pour point de départ la redéfinition et la clarification des compétences. C’est à mon avis essentiel.
Je prendrai deux exemples pour étayer mon propos : le premier dans le domaine économique, le second en matière d’organisation territoriale.
Premier exemple, imagine-t-on rassemblés autour d’une table un chef d’entreprise dans l’agroalimentaire, un autre dans la parfumerie, un troisième dans la sous-traitance, qui décideraient de construire une usine sans se demander à quoi elle servira ? Cela ne marcherait jamais, cela tombe sous le sens !
Second exemple, j’ai examiné l’une des nombreuses cartes qui nous ont été proposées – il en a fleuri beaucoup ces derniers temps… – et je me suis penché sur le cas de la région Centre, en me demandant avec qui il était le plus opportun de la marier. J’ai d’ailleurs eu du mal à la trouver, car elle se trouve parfois dans le Massif central, parfois du côté d’Orléans. Si l’aménagement du territoire, en particulier les problèmes de sécurité liés à la Loire, constitue la compétence principale dévolue à cette région, alors il faut la marier avec les pays de Loire. En revanche, si ce sont les réseaux ferrés qui priment, notamment la façon d’organiser le réseau Nord-Sud, il faut absolument l’associer au Limousin, et certainement pas avec les pays de Loire. Enfin, si la recherche et l’innovation sont privilégiées, il faut alors marier nos laboratoires importants, comme le CNRS et l’INRA, etc., avec le plateau de Saclay, c’est-à-dire avec les Yvelines, donc l’Île-de-France.
Cette démonstration montre bien que, en fonction des compétences qui seront dévolues aux régions et de celles qui resteront aux autres collectivités, la carte peut différer. C’est la raison pour laquelle je souhaite que nous définissions les compétences avant de dessiner la carte.
Habituellement, j’hésite toujours à me prononcer en faveur d’amendements qui ne comportent pas de dispositions ayant force de droit. Mais après la discussion générale que nous avons eue hier et qui a montré l’étendue de nos désaccords et même une certaine incapacité à les circonscrire et à les entendre de manière respectueuse, cet amendement me paraît nécessaire.
En effet, si nous voulons que la réforme territoriale réussisse, nous avons besoin de fixer la méthode, les objectifs et la liste des sujets à traiter.
Il n’y a pas ici des conservateurs et des révolutionnaires ; il peut y avoir des départementalistes, des régionalistes, et aussi ceux, dont nous faisons partie, qui sont favorables à une meilleure articulation entre les départements et les régions.
Découper les régions avant d’avoir décidé ce qu’elles devront faire, c’est tout simplement ne pas comprendre que l’on ne peut pas déterminer la taille des régions indépendamment des missions qu’il s’agit de leur confier.
Si les régions sont investies de missions de gestion, comme l’entretien des routes, des collèges, les transports scolaires, les syndicats d’initiative ou la carte des infrastructures de tourisme, elles seront d’autant moins efficaces qu’elles seront éloignées du terrain.
Si les régions sont composées d’élus en apesanteur, issus de listes constituées par les partis politiques, au lieu d’être composées d’élus territorialisés connus de tous et auxquels les maires peuvent s’adresser, alors, plus elles seront éloignées, plus le sentiment de la réalité de la vie démocratique et de la responsabilité des élus se distendra, alimentant ainsi chez les Français un sentiment les conduisant parfois à privilégier des votes extrêmes ou l’abstention.
En revanche, si la région est concentrée sur ses missions de planification des grands équipements et des infrastructures, de formation professionnelle et de développement économique, elle gagnera alors à être importante.
Ainsi toute position a priori et systématique sur la taille des régions me paraît-elle fondamentalement erronée.
Par ailleurs, pour qu’une région soit porteuse d’une ambition, elle doit avoir une certaine cohésion. Or elle ne peut pas avoir cette cohésion si l’on se contente de construire les régions par des additions de populations pour atteindre un certain chiffre et une masse critique.
Songez à d’autres pays, auxquels nous nous comparons habituellement, qui sont des conglomérats d’anciennes royautés ou principautés, d’anciens duchés ou des villes libres. Les régions – je pense en particulier aux Länder – y sont des entités constituées par une longue histoire commencée au Moyen Âge. Ce sont des réalités culturelles et des lieux d’identification profonde d’une population qui permettent à un pouvoir politique de s’exercer avec une très grande légitimité. Quand une région est hétéroclite, quand elle est le fruit d’une décision autoritaire et brutale, parfois sans concertation, elle ne peut pas acquérir cette cohésion.
Nous avons en France des régions récentes à l’échelle de l’histoire. Comme beaucoup de nos collègues, je reconnais qu’elles ne sont pas idéales et j’admets que l’on puisse en modifier le périmètre. Je suis ainsi satisfait que la Haute-Normandie et la Basse-Normandie soient regroupées, et le projet de loi prévoit le découpage d’autres régions dont personne ne conteste le périmètre.
Pour autant, ce découpage généralisé inspiré par une vision technocratique des territoires français n’est pas pertinent.
Nous nous y opposons pour cette raison, et non par je ne sais quel conservatisme dont on nous accuse trop facilement pour disqualifier nos arguments sans y répondre. §
Cet amendement est frappé au coin du bon sens. Je salue le travail de son rédacteur, car ce texte est clair, précis, et il définit de manière parfaite ce que doit être une loi d’aménagement du territoire.
Il dispose très simplement que « toute réorganisation du périmètre ou de l’organisation des différents niveaux de collectivités territoriales prévus à l’article 72 de la Constitution […] doit être précédée d’une répartition des compétences entre ces collectivités en cohérence avec la nouvelle architecture proposée ».
Par conséquent, la suite du débat n’aura plus guère de sens puisque cet amendement affirme de manière très claire qu’il faut commencer par la répartition des compétences, ce qui est d’ailleurs logique. §
L’objet, ou exposé des motifs, plein de bon sens précise que l’on « ne peut pas construire une maison en commençant par le toit ». C’est vrai !
Ce projet de loi ne porte pas une vision d’ensemble et fait fi du bon sens en présentant le contenant avant le contenu.
Avec cet amendement, nous avons une excellente orientation, et, chère Jacqueline Gourault, je ne peux que vous en féliciter. C’est pourquoi nous voterons l’amendement.
La question de fond concernant les grandes régions est la suivante : y a-t-il un intérêt à se marier ?
Sourires.
Souvent, il y a d’abord l’amour. Il faut donc constater cette affection réciproque.
Parfois, au-delà de l’amour, il y a…
… d’autres intérêts. Et souvent amour et intérêts s’additionnent. Mais, en l’occurrence, ces différents critères sont absents du projet de loi.
Plus sérieusement, cet amendement étant frappé au coin du bon sens, nous le voterons.
L’amendement n° 47 de M. François Zocchetto est très intéressant. Il affiche de grands principes qu’il est difficile de rejeter.
Comment être contre une meilleure efficience publique ? Comment refuser de lutter contre l’érosion de la démocratie locale ? Comment ne pas vouloir armer la France face au défi de la mondialisation ? Comment ne pas vouloir respecter la diversité du territoire ?
Tout cela est très intéressant, mais n’a rien de normatif.
Avec cet amendement, nos collègues du groupe UDI-UC veulent surtout nous conduire au dernier paragraphe concernant le débat relatif au découpage et aux compétences.
Le groupe socialiste considère que les deux débats doivent être menés de manière parallèle. C’est d’ailleurs le choix qu’a fait le Gouvernement puisque, le 18 juin dernier, deux textes ont été présentés au conseil des ministres, l’un sur le découpage de nouvelles grandes régions et l’autre sur les compétences.
Personne dans cet hémicycle ne peut ignorer les intentions du Gouvernement en matière de compétences puisque le texte a été largement diffusé, notamment sur le site de l’Élysée.
Il faut bien commencer par l’un des deux textes.
Le Gouvernement commence par la question du découpage puis abordera celle des compétences, et personne ne peut de bonne foi ignorer quelles sont les intentions du Gouvernement en matière de compétences.
Mes chers collègues, je vais vous dire le fond de ma pensée : face à ce texte, diverses postures se rejoignent dans une opposition.
M. Philippe Kaltenbach. Ces postures pour refuser le débat sur la nouvelle carte territoriale et sur les nouvelles compétences forment une opposition dont les arguments pourraient être retournés.
Protestations sur les travées de l'UMP et du groupe CRC.
Si le Gouvernement avait d’abord déposé le texte sur les compétences, les mêmes se seraient exclamé que l’on ne peut pas parler des compétences sans savoir quels seront les découpages des territoires.
Ce qui vous préoccupe, ce sont les élections de septembre ; vous voulez vous positionner fortement contre le Gouvernement. Certains ont déjà vendu la peau de l’ours – mais je leur conseille de faire attention – et sont déjà en campagne pour la présidence du Sénat.
Dans ce cas, soyez plus positifs ! Le texte sur les compétences a été déposé, et vous le connaissez. On pourrait commencer par l’examen du texte sur les compétences ou par celui qui concerne le découpage. Les deux textes sont sur la table.
Évidemment, l’amendement n° 47 constitue un piège tendu par le groupe UDI-UC avec lequel nous avons pourtant la volonté de débattre du texte.
Nous pensons pour notre part que le choix du Gouvernement consistant à examiner d’abord le projet de loi sur le découpage puis le projet de loi relatif aux compétences se défend.
Certains se renient : après avoir longtemps défendu les grandes régions, ils y sont maintenant moins favorables. Je leur conseille d’aller voir ce qui se passe dans la région Rhône-Alpes, qui rassemble déjà des territoires différents : le Dauphiné, la Savoie, Le Lyonnais, l’Ardèche, la région de Saint-Etienne.
Ce regroupement est particulièrement efficace d’un point de vue économique parce que la région Rhône-Alpes se développe et innove pour accompagner ses entreprises à l’exportation.
Comme le propose le Gouvernement, remplaçons les petites régions repliées sur elles-mêmes par de grandes régions. Cela ne remet absolument pas en cause l’identité des différents territoires mais permet à ces derniers de s’allier pour des raisons économiques. Il ne s’agit pas d’un mariage d’amour, …
… c’est une alliance pour mieux défendre les intérêts en matière économique.
Soyons constructifs, abordons le débat sur le découpage et avançons ! C’est le choix du Gouvernement, qui a la maîtrise de l’ordre du jour ; soyons positifs et constructifs, et ne cherchons pas de faux-semblants pour refuser le débat au fond.
C’est pourquoi le groupe socialiste votera contre cet amendement n° 47.
M. Jean-Claude Lenoir. Le rapporteur soulignait la qualité littéraire de l’amendement. Mais si l’on ne votait que sur ce critère-là, la bibliothèque serait envahie !
M. le rapporteur s’exclame.
La portée de cet amendement est néanmoins considérable, et je souscris tout à fait à ce texte.
Afin de ne pas allonger les débats pour éviter que le Sénat ne siège demain soir, je ne développerai pas mon opinion : elle a déjà été exprimée avec talent par les orateurs de mon groupe.
J’appellerai votre attention sur quelques remarques de bon sens comme on peut les exprimer, monsieur le ministre, quand on appartient à ce terroir sur lequel nous nous retrouvons régulièrement.
Devons-nous organiser le système électoral avant les compétences, ou bien l’inverse ?
J’entendais M. Kaltenbach dire : « Si on avait fait le contraire, vous auriez également protesté. » Chiche !
Je me référerai à une histoire récente en citant deux exemples. Premier exemple : la décentralisation. Sous le gouvernement de Pierre Mauroy, lorsque la loi a arrêté le système régional, on a commencé par déterminer les compétences des régions et des départements, et c’est seulement après qu’une loi a été votée pour organiser le système électoral qui a conduit aux élections de 1986. Le bon sens était du côté du Gouvernement et du Parlement qui l’a approuvé.
Second exemple : l’intercommunalité. Nous sortons d’une période de fusions de communautés de communes. À l’issue d’un processus mené avec les commissions départementales de coopération intercommunale, des fusions ont été décidées.
L’acte créateur de la fusion est un arrêté du préfet qui prévoit la fusion entre des EPCI, avec éventuellement des communes qui s’y rattachent. C’est dans le même arrêté que figurent les compétences du nouvel EPCI.
Là encore le bon sens l’a emporté.
Dans ces deux exemples, dont un récent, qui résultent des lois votées, que nous ne contestons pas, les compétences du nouvel établissement public sont déterminées au moment du mariage. C’est ce que nous souhaitons, monsieur le ministre.
Concernant la réforme territoriale, il y a convergence d’idées sur bien des travées de cette assemblée.
En revanche, la méthode employée n’est pas la bonne. Nous vous demandons donc – c’est aussi le sens de l’amendement n° 47 défendu par le groupe UDI-UC – de pouvoir déterminer les compétences des régions avant d’en organiser le regroupement.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Le groupe écologiste votera cet amendement, qui peut aussi nous servir de feuille de route pour nos débats de ce jour, en nous permettant d’avoir les idées claires sur la manière dont nous allons travailler par la suite.
J’entends les arguments de Philippe Kaltenbach, mais, globalement, cet amendement reste tout de même assez littéraire ; et compte tenu du calendrier envisagé, la carte ne sera de toute façon mise en œuvre qu’après le vote du Parlement sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Le vote de cet amendement n’aura donc pas beaucoup de conséquences, sauf qu’il permettra de refixer le cadre politique de cette réforme.
Nous sommes actuellement dans une situation assez paradoxale. Si l’on en juge par les réactions sur le terrain, cette loi, fondamentalement, est voulue, y compris en Bretagne et dans les Pays de la Loire – en effet, en tant qu’habitant de la Loire-Atlantique, j’ai un peu un pied dans chacune de ces deux régions !
Qu’il s’agisse des acteurs économiques ou de la population en général, personne ne se manifeste pour le statu quo. Il est extrêmement important de le souligner. Le dernier sondage Louis Harris pour la presse quotidienne régionale, paru hier, montre que nos concitoyens sont favorables à la réforme, y compris en Bretagne : loin des craintes de dilution de l’identité bretonne que l’on aurait pu imaginer, l’on constate au contraire que les habitants de cette région seraient peut-être même prêts à aller jusqu’à la fusion avec les Pays de la Loire.
Ainsi, cette réforme est voulue, et elle doit réussir. Je vois bien que des collègues favorables et des collègues opposés à cette réforme vont se retrouver pour voter cet amendement. Mais le plus important, me semble-t-il, est de réussir cette réforme. Et nous sommes à cet égard dans une situation paradoxale, parce que cette dynamique de modification de la carte des régions, globalement soutenue par la population française et les acteurs économiques, se heurte à la méthode choisie.
Je comprends certes le raisonnement du Gouvernement. Il se dit que, s’il donne du temps au débat, s’il introduit de la souplesse, s’il laisse des départements quitter des régions, il ouvre la boîte de Pandore et court à l’échec. Il reprend donc la méthode utilisée en 1962 par Serge Antoine, lequel s’était notamment fondé sur les flux de courrier entre départements pour essayer d’établir un découpage somme toute assez technocratique. En tant que Breton de Loire-Atlantique, je n’adhère certes pas totalement au découpage de Serge Antoine. Je voudrais néanmoins rendre hommage à cet homme qui, par la suite – les itinéraires sont parfois étonnants –, fut l’un des rédacteurs du chapitre « collectivités territoriales » de l’Agenda 21 de Rio et passa une bonne partie de sa vie, y compris au sein du Club de Rome, à défendre les valeurs du développement durable.
Il n’en demeure pas moins que le choix de faire comme en 1962 est une véritable erreur politique. Nous ne sommes plus en 1962 ! Le tournant de 1981 et la première décentralisation sont passés par là, et les territoires ne peuvent pas être aujourd’hui dépossédés de ce débat. On ne peut pas imposer une carte d’en haut, et il faut se laisser un peu de temps pour voir comment les mouvements s’opèrent sur le terrain.
Pour reprendre l’exemple de la Bretagne et des Pays de la Loire, après un premier temps de sidération, durant lequel quelques voix fortes se sont élevées en faveur du statu quo, nous sommes désormais entrés dans le temps du débat, dans le temps d’un affrontement positif entre, d’une part, ceux qui considèrent qu’un rapprochement aboutirait à une Bretagne élargie majoritairement bretonne, et, d’autre part, ceux qui redoutent encore que l’identité bretonne n’imprègne trop fortement cette région Bretagne-Loire. Et je suis sûr que, cet automne, nous pourrons dégager, à défaut de consensus, tout au moins des majorités d’action.
Je trouve pour ma part la rédaction de l’amendement assez forte. Il me semble en particulier essentiel d’insister sur la nécessité d’une gestion différenciée des territoires français. Et je suis heureux de retrouver à mes côtés, pour défendre cette idée, des groupes qui, dans mon esprit, restaient attachés à une certaine vision jacobine de la France. Comme quoi tout évolue dans le bon sens !
Il est en effet trop tôt aujourd’hui pour se focaliser sur la carte. Il faut laisser le temps du débat, cet été et au début de l’automne, et permettre aux territoires d’avancer vers plus de consensus. Il faut aujourd’hui que nous fassions œuvre de pédagogie et que nous autorisions plus de souplesse sur la carte. Un certain nombre d’amendements intéressants sont justement sur la table aujourd’hui, qui visent à fournir aux territoires une boîte à outils pour construire des régions cohérentes, soutenues par la population et les acteurs économiques. Nous sommes dans ce temps-là aujourd’hui, et, si certains considèrent que cet amendement est un peu littéraire, je pense pour ma part qu’un peu de littérature pourrait contribuer à la réussite de cette réforme. Celle-ci manque pour l’instant d’un récit commun, et cet amendement en constitue une amorce.
L’amendement n° 47 de François Zocchetto a le grand mérite de corriger une incohérence de méthode – elle a été soulignée par nombre de nos collègues – qui consiste à vouloir dessiner la carte des régions avant de définir les compétences. Comment pourrait-on en effet délibérer sur une carte sans savoir ce que seront réellement, demain, les compétences de ces grandes régions ?
Évidemment, cette démarche dissimule une petite manœuvre qui n’aura échappé à personne : elle permet en effet d’éviter pour l’heure le débat sur l’avenir des départements, l’objectif du Gouvernement étant, à terme, de les supprimer, même si j’ai pu entendre, hier, que face à la montée des mécontentements qui s’expriment un peu partout dans le pays, l’exécutif pourrait partiellement reculer et faire une distinction entre les départements ruraux et les départements urbains, les premiers étant seuls légitimes à conserver leur conseil général.
Il s’agit d’ailleurs, à mon avis, d’une vision assez fausse de la réalité. En effet, les inégalités sociales et territoriales sont parfois plus grandes en zone urbaine qu’en zone rurale. La région d’Île-de-France est ainsi à la fois la plus puissante et la plus riche de France – et l’une des plus riches d’Europe –, et celle où s’expriment avec le plus de force les inégalités sociales et territoriales. Or les départements ont précisément pour fonction la réduction de ces inégalités sociales, par le biais de l’action sociale. Nous avons évidemment besoin de cette solidarité sur tous les territoires, qu’ils soient ruraux ou urbains.
Le fait de prendre en compte la diversité des territoires n’est pas forcément contradictoire avec le respect de l’unicité de la République et le besoin de traiter de manière égale les citoyens, quels qu’ils soient et où qu’ils résident. C’est ainsi que nous interprétons cet amendement.
Tout cela pose bien évidemment la question du rôle de l’État. En effet, si l’on veut respecter cette égalité des citoyens sur le territoire, il faut aussi que l’État intervienne là où les difficultés sont les plus grandes pour corriger ces inégalités dans les territoires qui en ont le plus besoin. Nous ne voyons donc pas de contradiction entre la volonté de prendre en compte cette diversité des territoires et la volonté de conserver une république unique et cohérente.
En conséquence, nous voterons cet amendement.
J’approuve les propos de l’ensemble de nos collègues, y compris ceux de Philippe Kaltenbach, qui s’est livré à un excellent plaidoyer en faveur d’un texte unique. Il a fait la démonstration de ce que le texte aurait dû évoquer aussi les compétences des régions. Effectivement, doit-on parler d’abord de la délimitation des périmètres ou d’abord des compétences ? On peut plaider en faveur des deux solutions.
Je me souviens que, lorsque nous avions examiné le texte sur le conseiller territorial, l’opposition de l’époque – majorité d’aujourd’hui – nous avait reproché de réformer le couple département-région et d’instituer ce conseiller territorial avant d’examiner la question des compétences.
C’est oublier que nous avions aboli la clause de compétence générale, rétablie par l’actuelle majorité, et que nous avions institué comme principe la possibilité de répartir différemment les compétences entre le département ou la région en fonction du souhait des élus en début de mandat et des problématiques locales propres.
On aurait en effet pu imaginer de grandes régions où collèges et lycées auraient été de compétence départementale et de petites régions où même les collèges auraient été gérés par la région, parce que cela serait apparu comme le choix le plus pertinent.
Aujourd’hui, vous décidez de former de très grandes régions, qui iront pour certaines de Langres à la Baie de Somme, ou de Bourges à La Rochelle.
On dira tout à l’heure tout le mal que l’on en pense. Quoi qu’il en soit, une telle démarche ne peut s’envisager pour reprendre des compétences départementales comme les collèges ou le micro-tourisme ; elle est envisageable seulement pour gérer des compétences nouvelles résultant d’un nouveau transfert de la part de l’État, qui permettrait, par exemple, d’achever le transfert des routes départementales ou d’aller plus loin dans la décentralisation ferroviaire.
En revanche, cela n’a aucun sens aujourd’hui de délimiter des régions sans savoir si celles-ci vont gérer de nouvelles compétences nationales ou vont simplement reprendre des compétences du département, comme les collèges ou certaines compétences sociales, dont on risque de se rendre compte, dans quatre ans, qu’il n’est pas pertinent de les transférer à des communautés de communes, y compris de plus de 20 000 habitants, qui ne seront pas en capacité de mener une politique de solidarité suffisante sur leur territoire.
Merci donc, monsieur Kaltenbach, d’avoir ajouté à la démonstration faite par tous nos autres collègues. Il aurait en effet fallu prévoir pour cette réforme un texte unique abordant à la fois le format des collectivités et leurs compétences ; et c’est précisément ce qui justifie un aussi large consensus pour voter cet amendement.
Je trouve que la matinée commence de façon très grave. En effet, même si cet amendement ne constitue pas à proprement parler un acte intellectuel, c’est Descartes qui, par ce biais, s’invite dans notre assemblée et introduit une dose de bon sens : le droit à la spécificité des territoires, et surtout la primauté du fond sur la méthode : quid des compétences, quels territoires pour quelles compétences, et quel financement pour ces compétences – sur ce dernier point, le silence est assourdissant ? Autant de sujets qui posent un cas de conscience à chacun d’entre nous. Que devons-nous faire ?
Nous sommes au pied d’une haute montagne que l’on nous propose de gravir en short et en baskets
Sourires sur les travées de l'UMP.
Devons-nous partir faire cette course en montagne que le Gouvernement a l’air de vouloir nous imposer ?
Je livre ce dilemme à la réflexion de chacun d’entre vous, mes chers collègues. C’est vraiment un problème difficile à résoudre, pour nous qui avons le souci que la France se réforme et aille dans le bon sens.
Je voudrais en quelques minutes répondre à ces interventions, qui reprennent toutes des éléments essentiels du débat.
Trois sujets ont été plus particulièrement évoqués par les orateurs des différents groupes.
Premièrement, est-il bien nécessaire de faire des grandes régions ? Est-ce pertinent sur le plan économique ? Ces nouvelles régions vont-elles être dotées de pouvoirs supplémentaires ? C’est la question posée notamment par Gérard Longuet ; elle est légitime et mérite une réponse.
Deuxièmement, dans la foulée de l’amendement lui-même, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin s’est interrogé sur la visibilité de l’ensemble de la réforme. Je comprends très bien cette question : nous ne pouvons pas aborder un débat sur ce texte sans avoir une lecture globale de la réforme portée par le Gouvernement ; nous ne pouvons pas examiner les problèmes les uns derrière les autres sans cohérence, sans volonté de donner un contenu, un sens, une visibilité, un relief à l’organisation des territoires de la République.
Troisièmement, s’agissant de l’amendement lui-même, faut-il le voter, dès lors que l’on considère que cette lecture est nécessaire ?
Je répondrai à ces trois questions.
Premièrement, est-il économiquement pertinent de rassembler les régions ?
Si nous le faisons, c’est que nous le jugeons indispensable. Nous ne le faisons pas simplement pour faire une réforme, pour créer du vacarme dans les hémicycles et dans le pays en suscitant des oppositions. Nous le faisons parce que c’est nécessaire !
D’ailleurs, beaucoup d’excellentes choses ont déjà été accomplies en matière de coopération économique interrégionale par les précédents gouvernements, y compris par les gouvernements que vous souteniez, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition. Faut-il rappeler ce que les pôles de compétitivité, qui traversent les frontières des régions, ont apporté ?
Messieurs Philippe Bas et Jean-Claude Lenoir, dans notre propre région de Basse-Normandie, que le Gouvernement propose de réunir à la Haute-Normandie, des rapprochements ont été entrepris avec les Hauts-Normands en matière d’automobile, à travers le pôle Mov’eo, dans la filière équine et dans d’autres domaines.
D’autres régions ont développé des pôles de compétitivité. Dès lors qu’ils seront gérés par des régions rassemblées, ces pôles permettront de réaliser des investissements utiles et d’accompagner davantage les filières. Cela constitue-t-il, monsieur Longuet, une rupture par rapport à ce qui a déjà été fait ? Non ! Il s’agit d’un prolongement, d’un approfondissement. Grâce à des coopérations économiques intelligentes, qui ont été louées, il sera possible d’aller plus loin et de créer les conditions d’une unité de pilotage et de coordination de l’action économique, ce qui donnera de la force aux régions. Je pourrais prendre d’autres exemples et évoquer les investissements dans les infrastructures.
Ensuite, l’objectif étant celui que je viens de dire, le découpage des régions que nous proposons est-il le bon ? L’examen de l’article 1er sera l’occasion de débattre de cette question.
Si nous proposons de rassembler des régions, c’est parce que nous pensons que c’est pertinent d’un point de vue économique. En outre, comme je l’ai déjà dit hier, ces rassemblements rendront possibles des mutualisations, lesquelles permettront de dégager des marges de manœuvre et d’investir dans l’économie. Dans un contexte où l’argent public est rare, c’est une nécessité.
On peut discuter à l’infini de l’opportunité de constituer ou non de grandes régions. Je ne veux pas rouvrir ce débat, il a eu lieu hier. Sur toutes les travées, il y a d’ailleurs eu des parlementaires pour considérer qu’il fallait rassembler les régions.
Nous prenons donc le risque de le faire pour les raisons économiques que je viens d’indiquer. À cet égard, je précise, à l’intention de Gérard Longuet, que nous ne le faisons pas à pouvoirs des régions inchangés.
Je rappelle en effet que le Gouvernement a déposé un projet de loi, que vous connaissez, mesdames, messieurs les sénateurs, sur la répartition des compétences. Ce texte a été adopté en conseil des ministres, et il est sur le bureau du Sénat depuis le 18 juin dernier.
Ce projet de loi s’inscrit dans le droit fil de la loi du 13 août 2004, monsieur Raffarin. Il permet aux régions de faire des schémas d’aménagement du territoire et de développement économique prescriptifs. Il prévoit également que la région aura toutes les compétences économiques infrarégionales, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent. Il prolonge donc l’ambition que vous avez portée, monsieur Raffarin, lorsque vous avez clarifié les compétences des régions dans la loi du 13 août 2004.
Le texte relatif à la répartition des compétences entre les départements et les régions prévoit enfin qu’un pouvoir normatif d’adaptation réglementaire pourra être confié aux régions dans le domaine du développement économique.
Je réponds le plus précisément et le plus scrupuleusement possible à Gérard Longuet : nous nous inscrivons dans une démarche de continuité. Ce que nous voulons, c’est donner une plus grande force économique aux régions, et ce en leur donnant des pouvoirs nouveaux, dans l’esprit de la décentralisation, en poussant plus loin la logique de la loi du 13 août 2004 présentée par Jean-Pierre Raffarin.
Je tenais à faire cette réponse, car elle est importante pour la clarté du débat.
Deuxièmement, avançons-nous à l’aveugle ? Ne faudrait-il pas, dès lors que nous commençons par le découpage, que l’amendement n° 47 soit adopté afin d’avoir une vision globale de ce que doit être l’organisation territoriale de la République ?
Cette vision globale – mais peut-être n’ai-je pas été assez clair ? –, je vous en ai fait part hier dans mon propos. Nous n’avançons pas à l’aveugle, mesdames, messieurs les sénateurs : le texte établissant la répartition des compétences a été examiné en conseil des ministres, vous en avez pris connaissance, vous n’ignorez pas son contenu et nos intentions.
Permettez-moi cependant de rappeler quelles sont nos intentions. Nous voulons des intercommunalités plus fortes, dans un pays où l’émiettement intercommunal est puissant. Nous souhaitons parachever l’organisation territoriale et la moderniser, dans la continuité de ce qui a déjà été engagé. Nous voulons une administration déconcentrée de l’État plus puissante, non pas pour remettre en cause la décentralisation, mais afin qu’il y ait un transfert entre l’État central et l’État déconcentré, pour donner plus de force à l’administration déconcentrée, au plus près du terrain. Nous voulons une nouvelle carte régionale et une répartition des compétences clarifiée entre les départements et les régions.
Nous avons donc dit ce que nous voulions faire. Nous ne disons pas au Sénat : « Prenez cette carte, nous vous dirons ce qui va se passer après. »
Depuis hier, je dis au Sénat : « Voici quelle organisation nous voulons pour la République, voici l’organisation de ses territoires. » Nous jouons cartes sur table, nous disons quel est le chemin. Nous comprenons qu’il soit contesté, mais vous ne pouvez pas dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Sénat, l’Assemblée nationale et le pays ne sont pas informés de l’organisation républicaine cohérente, globale, que nous souhaitons pour nos territoires. Je réponds, disant cela, à la préoccupation très légitime exprimée par Jean-Pierre Raffarin et par d’autres orateurs.
Troisièmement, l’amendement n° 47, dès lors qu’il s’inscrit dans cette perspective, pourrait être adopté s’il ne posait deux problèmes.
Le premier problème, c’est qu’il est dénué de portée normative. Or il est souhaitable qu’une assemblée comme le Sénat, qui produit du droit, n’introduise pas dans la loi, si l’on veut que celle-ci ait un sens, des dispositions n’ayant aucune conséquence ni portée normative. Si nous faisions cela, indépendamment de l’intérêt de l’amendement, nous créerions des textes peu précis, dont l’orientation pourrait parfois être aléatoire. Un projet de loi est d’autant plus fort qu’il a du sens et qu’il produit des normes précises et succinctes.
Le second problème, c’est que le dernier alinéa de l’amendement tend à prévoir l’inverse de ce que nous faisons. Nombreux sont ceux d’entre vous qui considèrent qu’il aurait fallu commencer par la répartition des compétences et terminer par la carte.
Vous avez vous-même expliqué tout à l’heure, monsieur Grosdidier, que, lorsqu’il s’est agi du conseiller territorial, la précédente majorité s’est vu reprocher d’avoir commencé par une loi électorale et par la carte avant de se préoccuper des compétences. Je pourrais plaider pendant dix minutes l’intérêt de commencer à travailler sur la carte avant de réfléchir sur les compétences, en étant tout aussi pertinent que vous l’êtes lorsque vous défendez le contraire. C’est un débat sans fin !
Ce débat aurait un intérêt si vous ne saviez pas où nous allons. Or vous le savez. Je viens de le redire à l’instant.
Essayons donc de donner au présent texte un caractère normatif. Évitons les amendements politiques, surtout s’ils visent à reprendre les intentions du Gouvernement, qui a clarifié sa copie sur ces sujets.
Je mets aux voix l’amendement n° 47.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.
Je rappelle que la commission a émis un avis favorable et que le Gouvernement a émis un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 207 :
Le Sénat a adopté. §
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l’article 1er.
L’amendement n° 100, présenté par MM. Favier et Le Cam, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La République une et indivisible assure l’égalité de tous les citoyens. Son organisation est décentralisée, tout en gardant un État central garant de l’unité et de la solidarité entre les territoires et les populations qui y vivent, garant que la loi s’appliquera à tous et partout sans aucune discrimination, ni sociale, ni religieuse, ni philosophique, ni territoriale.
La parole est à M. Christian Favier.
Le texte que nous examinons aujourd’hui nous conduit forcément à nous interroger sur le principe constitutionnel d’unicité de notre République. Rappeler ce principe essentiel en ouverture de nos débats nous semble donc une nécessité. L’article 1er de la Constitution précise ainsi que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale » et que « son organisation est décentralisée ».
La portée de la décentralisation ne se cantonne pas à l’agencement institutionnel de l’État. La décentralisation exerce également ses effets sur la structuration du système normatif. Elle implique donc l’existence de collectivités territoriales dotées de la personnalité morale, d’un pouvoir normatif et d’une autonomie financière.
L’indivisibilité de la République ne signifie pas pour autant que le territoire est figé. Elle n’interdit pas non plus la prise en compte de spécificités locales, le principe de libre administration des collectivités territoriales permettant une autonomie et la prise en compte de la diversité. Elle permet au contraire de mieux répondre aux besoins de la population dans la proximité.
Mais cette unicité, c’est l’assurance de l’égalité de toutes les citoyennes et de tous les citoyens devant les normes édictées à tous les niveaux. Les moyens de préserver cette indivisibilité sont donc essentiels. Le principe d’égalité figure d’ailleurs également dans plusieurs dispositions de nature constitutionnelle, à côté de l’indivisibilité, en tant que finalité de la République. Le lien entre les deux principes va bien au-delà de leur proximité dans le texte fondateur : leur coexistence influe sur leur sens et sur leur portée, et leur interaction est permanente.
Toute réforme de nos territoires doit donc préserver cette unicité, mais aussi une égalité réelle sur l’ensemble du territoire afin que celui-ci forme un ensemble homogène. Elle doit également prendre en compte les spécificités afin de mieux répondre à l’exigence de lutte contre toutes les discriminations.
Parce que ce principe est susceptible de subir des revers importants, il faut être vigilant en permanence pour en assurer la sauvegarde. Nous vous proposons donc de réaffirmer ici notre attachement au principe de l’indivisibilité de notre République en adoptant le présent amendement.
Pour les mêmes raisons que celles que j’ai indiquées pour le précédent amendement, le Gouvernement émet un avis défavorable.
La commission a en effet adopté l’amendement présenté par M. Favier, parce qu’il a le mérite d’ouvrir un débat sur la République décentralisée.
Monsieur le ministre, en proposant des régions de taille très largement supérieure, vous faites référence notamment au rapport de MM. Raffarin et Krattinger. Cependant, ce rapport acceptait le principe de grandes régions parce qu’il consolidait le fait départemental.
À l’instant, vous nous avez renvoyé au projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, présenté en conseil des ministres le 18 juin dernier. Vous nous dites en substance : « Pourquoi diable hésitez-vous à parler des limites territoriales puisque vous connaissez déjà ce que nous voulons faire en matière de compétences ? » Or votre texte vide le département de toute responsabilité !
L’amendement présenté par M. Favier est très républicain – ce n’est pas tout à fait une surprise – et même assez jacobin. Il évoque le débat de la loi Tréveneuc de 1872, lorsque Waddington et Roubaud, je crois, se sont opposés sur l’idée de regroupement de départements. La tradition républicaine veut un État fort – c’est l’héritage capétien – et, en face de lui – c’est la valeur ajoutée républicaine –, des départements qui apportent la sécurité administrative aux citoyens.
Dans un souci de proximité, ces départements doivent être d’une taille suffisamment modeste : c’est la fameuse histoire selon laquelle ils ont été définis de telle sorte que l’on puisse se rendre en moins d’une journée de cheval au chef-lieu de chacun de ceux-ci depuis n’importe quel point de leur territoire. Qu’elle soit attestée ou non, cette histoire illustre bien cette idée de proximité !
Les départements sont également des circonscriptions électorales, dans la tradition républicaine. Surtout, leur taille ne doit pas être d’une importance telle qu’elle leur permette, un jour, de servir de socle à une action émancipatrice qui pourrait contester et remettre en cause le pouvoir central.
En 1790, les Jacobins ont soutenu contre les Girondins cette conception d’un département de taille modeste pour les raisons pratiques que j’ai évoquées, mais également avec le souvenir de la Fronde et des Grands féodaux. Toute l’histoire de la IIIe République est celle du reflux régional, qui apparaîtra dans sa formule nouvelle seulement dans les années 1930 et qui sera consolidé, dans des conditions d’ailleurs assez équivoques, en janvier 1944 par le gouvernement provisoire de la République française, lequel a institué les commissaires régionaux de la République.
Avec M. Favier, nous continuons donc la tradition républicaine. En revanche, monsieur le ministre, votre texte sur les grandes régions ouvre la porte à un fédéralisme qui, si l’on allait au bout de la logique du droit d’expérience et de différenciation, irait à l’encontre de cette tradition unitaire.
Monsieur le ministre, je souhaite que vous nous répondiez sur le fond. On sent bien que cet amendement n’a pas de valeur normative, mais sa discussion devrait nous permettre de connaître la manière dont vous concevez ces évolutions.
En effet, les grandes régions ne sont pas nécessaires pour les grands projets. Les régions d’aujourd’hui ont déjà su travailler entre elles.
Parlons des infrastructures : en s’associant avec les régions Île-de-France, Champagne-Ardenne et Alsace, la région Lorraine a réalisé le TGV Est que Paris ne souhaitait pas vraiment financer.
Une nouvelle coopération s’est mise en place pour le TGV Rhin-Rhône : elle associe l’Alsace, la Franche-Comté et la Bourgogne, c’est-à-dire un nouvel ensemble. La logique des grands projets, monsieur le ministre, consiste en effet dans la coopération interrégionale ad hoc sur des projets.
Prenons l’exemple des pôles de compétitivité, que vous avez choisi vous-même. Croyez-vous qu’il faille nécessairement que le pôle de compétitivité soit prisonnier d’un seul espace régional ? La coopération interrégionale est la bonne réponse.
En ouvrant la porte aux grandes régions, vous introduisez l’idée de régions dont l’importance peut faire équilibre à Paris et qui portent donc en germe le fédéralisme. L’amendement de M. Favier est donc parfaitement légitime. §
Cet amendement ne vise évidemment pas à énoncer une règle de droit qui ne serait pas déjà inscrite dans notre Constitution ; c’est d’ailleurs fort heureux.
La discussion de cet amendement a cependant le très grand mérite d’ouvrir un débat politique qui est en réalité au cœur de la réforme dont nous discutons : il porte sur les conditions propres à garantir l’égalité des droits sur le territoire national.
Plaçons-nous en 2020. La réforme proposée par le Gouvernement a été adoptée et une loi a été votée ensuite pour déterminer les conditions de la disparition des départements, puisque tel est l’objectif annoncé.
Les départements conserveront essentiellement les compétences sociales puisqu’ils seront – du fait du second texte que nous aurons à examiner cette année, le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République – dépouillés de presque toutes les compétences de proximité qu’ils exercent aujourd’hui.
En quoi consiste la compétence sociale exercée par les départements ? Elle s’exerce en faveur des chômeurs de longue durée en grande difficulté, des personnes handicapées qui ont droit à la compensation de leur handicap, des personnes âgées dépendantes et de l’enfance malheureuse.
Le Gouvernement aura, s’il veut faire disparaître les départements, le choix entre deux solutions.
La première consiste à doter les intercommunalités de la responsabilité sociale des départements. Toutefois, imagine-t-on que nos aînés puissent être traités différemment d’une intercommunalité à l’autre ? Accepterons-nous que les personnes handicapées bénéficient d’une prestation de compensation du handicap différente d’une intercommunalité à l’autre ? Admettrons-nous que les personnes en difficulté d’insertion reçoivent une aide plus ou moins substantielle selon la commune où ils habitent ? Tolérerons-nous que les enfants soient plus ou moins protégés, selon que la commune dans laquelle ils vivent peut leur consacrer plus ou moins de moyens ?
Nous ne pouvons évidemment pas l’accepter ! Aujourd’hui, le département assure l’égalité de tous sur le territoire dont il a la charge. En 2020, il faudra donc refuser que ces compétences sociales soient transférées aux intercommunalités.
À qui seront-elles alors transférées ? À l’État ou à ses dépendances, les organismes de sécurité sociale ! Et de quoi s’agit-il donc, sinon d’une recentralisation ?
Par conséquent, la réforme dont nous débattons s’inscrit dans une double perspective : d’une part, celle de la centralisation au niveau régional – que dis-je, au niveau « superrégional » ! – de compétences de proximité aujourd’hui détenues par les départements, telles que les routes, les collèges, le transport scolaire, le tourisme ; d’autre part, celle de la centralisation, demain et après-demain, des compétences sociales pour respecter l’égalité des droits sociaux de nos concitoyens sur le territoire national.
Nous refusons la recentralisation parce que c’est un incroyable retour en arrière ! Jamais depuis 1982 nous n’avons eu à débattre d’un texte de loi revenant sur les libertés locales qui ont été accordées par les majorités successives. Il faut aujourd’hui éviter de s’engager dans cette direction.
Je ne partage pas l’avis de mes collègues du groupe CRC sur ce sujet. Après tout, les girondins sont des hommes libres…
Monsieur Favier, je souscris évidemment à cette vision fondamentalement républicaine qui est la vôtre. La République décentralisée, c’est d’abord la République. Je suis bien d’accord sur ce point.
Cependant, mon expérience des réalités territoriales, notamment depuis que Michel Rocard a institué les contrats de plan avec un certain Michel Delebarre, me porte à me souvenir du concept d’ « inégalité d’avantages ».
Les territoires fragiles tels que le Poitou-Charentes étaient bien contents, grâce aux contrats de plan et à un certain nombre d’autres mesures, de bénéficier des inégalités d’avantages. Ils appréciaient que l’État républicain garantisse cette différenciation. Il nous faut donc faire très attention. Pour poursuivre la décentralisation, nous avons davantage besoin, selon moi, de diversification que d’unité, laquelle est déjà très présente.
Voter l’amendement n° 100 laisserait penser que nous ne voulons pas renforcer la diversité des territoires. Je sais bien qu’il est très difficile d’équilibrer unité et diversité, comme quelqu’un l’a dit dans la discussion générale : c’est le problème de tous les pays aujourd’hui.
Nous avons besoin d’unité : il est clair qu’il ne faut pas mettre en cause notre unité républicaine. C’est pourquoi il était légitime d’évoquer toutes les menaces du populisme afin de les combattre. Toutefois, je suis très attentif à ce que nous demeurions dans une logique de décentralisation. En votant l’amendement n° 47, nous avons réaffirmé les principes constitutionnels. Je pense qu’il ne faut pas insister davantage parce qu’il faut préserver ce concept d’inégalité d’avantages.
En effet, si l’on veut corriger les inégalités, il faut bien faire plus pour ceux qui ont moins ! En recherchant toujours l’égalité de traitement, vous servez les plus forts, et continuerez à les servir ! Les territoires les plus fragiles ont donc besoin d’un avantage ponctuel, qu’ils ne doivent évidemment pas déterminer seuls ; cet arbitrage revient à la République et à ses institutions.
Oui à la République, mais décentralisée !
Je m’exprimerai à titre personnel : contrairement aux membres de mon groupe, je ne voterai pas cet amendement. En effet, je partage le point de vue de Jean-Pierre Raffarin.
Nous défendons toutes et tous les valeurs républicaines de liberté, d’égalité et de fraternité, et il est évident que nous devrons le faire encore davantage.
Il suffit d’observer la réalité du terrain : voter cet amendement serait aller à l’encontre de la diversité et de l’équité.
Oui à l’équité, non à l’égalitarisme ! Combien de régions, de départements et de communes ont-ils mis en place des différences de traitement ?
Depuis la décentralisation du RMI par M. Raffarin, certains départements allouent 17 % du montant des dépenses effectuées au titre de l’allocation à l’insertion des bénéficiaires du RMI, mais d’autres ne le font pas : cette contribution est optionnelle.
J’évoquais, hier, la différence entre un département pauvre, l’Ariège, et un département riche, la Haute-Garonne. En Ariège, le conseil général a décidé que les transports scolaires seraient payants parce qu’il n’y a pas d’argent ; en revanche, en Haute-Garonne, les transports scolaires sont gratuits parce que le département en a les moyens.
De même, les contrats de plan doivent évidemment être conduits de façon différente : un habitant de Rhône-Alpes n’est pas un habitant du Limousin !
En tant que citoyens de la République, ils ont les mêmes droits et devoirs. Cependant, ces territoires sont différents ! Les aides apportées dans le Limousin ne peuvent pas être au même niveau qu’en Rhône-Alpes, car ce serait discriminatoire ! En effet, le Limousin en a beaucoup plus besoin que ma région, Rhône-Alpes. Je ne partage donc pas ce refus de l’inégalité de traitement.
Sur le fond, je suis d’accord avec vous, cher Christian Favier : il faut affirmer sans cesse les valeurs de la République.
Mais la République, ce n’est pas l’égalitarisme, c’est la discrimination en vue d’apporter des réponses équitables : plus je suis pauvre, plus je dois recevoir ; moins je le suis, moins je reçois. Voilà la réalité de ce que nous faisons, tous et toutes, sur le terrain.
Une commune de mon département qui a sur son territoire une centrale nucléaire et dispose d’un potentiel fiscal par habitant de 3 500 euros n’est pas dans la même situation qu’un village reculé dont le potentiel fiscal est de 500 euros. Nous devons examiner ces questions sereinement.
Je partage totalement l’esprit de cet amendement présenté par les membres du groupe CRC et mon excellent ami Christian Favier. Je les mets toutefois en garde : je n’accepte pas que tous les territoires de la République soient logés à la même enseigne ! Si tel était le cas, certains seraient discriminés. On tâchera sans doute d’estomper les différences, mais les plus pauvres resteront toujours aussi pauvres, tandis que les plus riches pourraient devenir plus riches !
Je suis donc favorable à l’équité plutôt qu’à l’égalité. Lorsque certains territoires présentent des inégalités, il faut apporter des réponses inégalitaires ! Insérer tous les territoires dans le même tableau ne saurait être une solution.
Je ne connais pas le résultat du vote en commission sur cet amendement. Pour ma part, je suis favorable aux valeurs de la République laïque et unie : liberté, égalité, fraternité. Nous avons certes une démocratie sociale, mais la République est diverse, et on ne peut l’administrer de la même façon, partout sur notre territoire.
Oui à une République unifiée, mais également décentralisée : tel est l’essentiel du message que nous faisons passer depuis trente ans. C’est aussi, selon moi, monsieur le ministre, celui que le Gouvernement veut transmettre avec ce texte. Il s’agit non pas de revenir sur la décentralisation, mais d’atteindre la première étape de la clarification.
Monsieur le ministre, vous avez la chance d’assister à un débat préalable à la réforme de la Constitution, ou quasiment ; c’est dire l’intérêt du présent projet de loi.
Le début de l’amendement de Christian Favier – « La République une et indivisible assure l’égalité de tous les citoyens. Son organisation est décentralisée » – me rappelle le débat que nous avons eu en 2003 au sujet de la réforme de la Constitution. Nous avions notamment débattu de l’opportunité de préciser que c’est l’organisation « administrative » de la République qui est décentralisée. Je me souviens d'ailleurs, monsieur le Premier ministre Raffarin, que vous aviez quitté l’hémicycle à cause de mes remarques désagréables ; j’avais dû être maladroit, comme d’habitude…
Ce qui est écrit dans l’amendement est vrai. Cependant, quitte à insérer un article additionnel n’ayant pas réellement de portée normative, j’aimerais que l’on opte pour la formule « organisation administrative », car c’est celle qu’avait retenue la commission des lois en 2003, avant de se faire battre dans l’hémicycle. Il n’y aurait là rien de choquant ; il s’agirait simplement d’une correction.
Les propos que nous venons d’entendre constituent à mon avis de belles interventions de posture, qui font dire à notre amendement, que chacun a le droit de ne pas voter – je respecte ce choix –, des choses qui n’y sont pas écrites.
Nous n’affirmons nulle part un quelconque principe d’égalitarisme. Reprenons le texte de l’amendement : « La République une et indivisible assure l’égalité de tous les citoyens. »
Nous savons tous ce que signifie l’affirmation de l’égalité. Tous les citoyens ne connaissant pas la même situation, il s’agit de ne pas donner à chacun la même chose ; le rôle de l’État est d’organiser la péréquation et de garantir que, in fine, tous les citoyens aient accès aux mêmes droits, quels que soient leur situation et leur territoire de résidence. Tel est le sens de notre amendement.
Nous réaffirmons – Christian Favier l’a rappelé lors de son explication de vote sur l’amendement précédent – que l’organisation de la République est « décentralisée » ; il est vrai que c’est une erreur de ne pas préciser qu’il s’agit de l’organisation « administrative ». Sur l’ensemble du territoire, il y a des régions, des départements et des communes. Même si certaines choses peuvent évoluer, l’unicité de l’organisation décentralisée de la République perdurera.
Je veux bien que certains refusent de voter notre amendement – je respecte les considérations qui motivent leur choix –, mais je vous invite, mes chers collègues, à utiliser des arguments qui se rapportent vraiment au texte de l’amendement.
Vous ne partagez pas l’idée selon laquelle il est nécessaire non seulement de poursuivre la réflexion sur l’organisation décentralisée de la République et de donner suffisamment de moyens aux élus locaux qui assurent la gestion des collectivités, mais également de maintenir un État central fort, non pas pour dire aux élus locaux ce qu’ils doivent faire ou ne pas faire dans leurs collectivités, mais pour garantir la péréquation, et donc l’unicité de la République et l’égalité de tous les citoyens. Quel que soit son territoire de résidence, quelle que soit sa situation sociale, chacun a le droit de vivre dignement dans notre République.
En vertu de ce principe, les contrats de plan sont évidemment différenciés d’une région à l’autre. Les actions des départements et des régions peuvent être différenciées en fonction des réalités locales. C’est cela que nous réaffirmons au travers de notre proposition. Si vous voulez lui faire dire autre chose, vous en avez le droit, mais ce n’est respecter ni l’esprit ni le fond de l’amendement.
Je ne pensais pas intervenir, mais il s’agit véritablement d’un débat de fond. On voit s’opposer des positions jacobines et des positions girondines. Je pense que vous avez compris, d’après mes propos précédents, dans quel camp je me situais.
Je vous remercie, monsieur Guillaume ! Je partage entièrement ce que vous avez dit à propos de cet amendement. C’est clair. Cependant, il faut aller jusqu’au bout des choses. Derrière, c’est le principe de la solidarité des territoires qui est en jeu. C’est la raison pour laquelle nous divergeons quant au futur de l’institution départementale.
Jusqu’à présent, la solidarité était organisée à un échelon – l’échelon départemental – possédant la taille critique pour marcher sur deux pieds, c’est-à-dire pour jouer à la fois un rôle d’amortisseur social, puisqu’il assure la solidarité entre les hommes à travers l’action sociale, qui est essentielle en période de crise et a fait ses preuves, et un rôle d’aménagement du territoire, à travers un certain nombre de compétences de proximité grâce auxquelles il peut soutenir les territoires les plus en difficulté.
Dans la conception qui sous-tend les deux projets de réforme territoriale, et en particulier le second, on ne retrouve pas ces deux pieds qui permettent véritablement à la République de se décentraliser en restant une et indivisible. L’échelon départemental est plus que jamais un équilibre.
C’est le cas même dans les grandes régions. Monsieur Kaltenbach, vous avez pris un très bon exemple, celui de Rhône-Alpes. Il s’agit d’une très grande région, avec les compétences que l’on connaît. Cependant, elle ne « marche » que parce qu’il y a des départements qui déclinent des politiques de proximité en s’appuyant sur leurs deux jambes : leur jambe d’amortisseur social et leur jambe de développeur local. Si vous coupez cette dernière, vous n’aurez plus la même efficacité.
En revanche, monsieur le ministre, je suis d’accord avec vous lorsque vous dites que, pour se développer plus largement, les régions doivent dégager des marges de manœuvre sur leur fonctionnement afin de financer leurs investissements et leurs interventions. Il ne faut pas qu’elles soient plombées par des charges de fonctionnement !
Si vous leur confiez la gestion, et donc aussi le déneigement, des routes départementales, le fauchage et la gestion des personnels TOS, vous les plombez, vous les empêchez de dégager des marges de manœuvre.
Et les allocations individuelles de solidarité, elles n’ont pas plombé les départements ?
C’est l’une des différences entre votre conception et celle qui est largement partagée au sein de notre groupe.
On peut cependant avancer, notamment au sujet de la clause de compétence générale, que l’on pourrait retirer aux départements ; je partage ce point de vue. Cependant, monsieur le ministre, si on veut favoriser l’innovation, si veut une régionalisation des banques européennes d’investissement, si on veut plus de dynamisme, il faut se poser la question de la clause de compétence générale des régions, pour aller jusqu’au bout des choses.
Ce thème mérite d’être discuté. Il faut aller plus loin. Quand on aura bien défini les compétences, il sera toujours temps de déterminer quels sont les meilleurs mariages et de définir une organisation qui fasse jouer la solidarité nationale, afin que notre République reste une et indivisible.
Monsieur le ministre, ma question est claire : quelle est la position du Gouvernement sur l’amendement présenté par l’une des branches de sa majorité ?
Je crois que l’amendement présenté par Christian Favier n’est pas rédigé convenablement. En effet, l’explication donnée par Cécile Cukierman est tout à fait différente de la lecture que l’on peut faire de cet amendement.
Il s’agit d’une question fondamentale. La devise de la République est « liberté, égalité, fraternité ». Mais si la liberté, l’égalité, la fraternité avaient existé, les révolutionnaires n’auraient pas eu besoin d’inscrire ces mots aux frontons de notre République !
La discussion ne date pas d’aujourd’hui. Dans La République, Platon écrivait en substance : l’égalité est juste entre égaux, l’inégalité est juste entre inégaux. Cela veut bien dire que, comme il n’y a pas d’égalité, il faut aller vers l’égalité par des politiques d’égalisation des chances, à travers une redistribution, une mutualisation et une péréquation. Aristote ne disait-il pas la même chose lorsqu’il affirmait que l’égalité consiste à traiter inégalement les inégalités ?
Il faut des politiques d’égalisation des moyens et des chances. Seule la République peut conduire cette politique de répartition, de mutualisation. Je sais que ce n’est pas facile. Tout le monde est d’accord sur les principes, mais, quand il faut les mettre en pratique en aidant les plus faibles, les plus forts sont souvent réticents. C'est pourquoi il est important que la République joue son rôle en introduisant dans la loi des dispositifs tels que les contrats de plan, qui permettent à ceux qui ont moins de capacités de disposer de plus de moyens.
Monsieur Favier, je ne voterai pas votre amendement, car je crois qu’il n’exprime pas ce que nous sommes en train d’énoncer, et qu’a également formulé Cécile Cukierman. Je vous invite donc à le retirer et à réfléchir à une nouvelle rédaction qui prenne en compte les remarques des uns et des autres.
Je crois que nous sommes en train de glisser d’un amendement qui paraissait anodin – l’expression « bon sens » a été employée à de nombreuses reprises – à un véritable débat de fond. Comment concilier la République une et indivisible et la France diverse, la France plurielle ? Comment concilier une République décentralisée et un État fort ? On en revient à des données de base concernant l’organisation territoriale de la République, parce que cet amendement, insuffisamment précis, pose le principe que la loi doit s’appliquer sans discrimination « territoriale ».
Affirmer un certain nombre de principes, c’est très bien. Cette affirmation dépasse d’ailleurs très largement les clivages politiques. Cependant, l’essentiel n’est pas là.
L’essentiel, c’est la cohérence entre les discours et les actes, et la mise en application des grands principes. Derrière ce débat, il y a les questions de l’aménagement du territoire, de l’égalité des chances entre les territoires, de la péréquation et – je crois que cette question formait la toile de fond de l’intervention de Jean-Pierre Raffarin – de la discrimination positive, qui consiste à apporter davantage aux territoires qui en ont le plus besoin.
L’exemple du Rhône a été cité à plusieurs reprises. Cet exemple me fait doucement rire. Je me rappelle – je pense qu’un certain nombre de présidents de conseil général ici présents s’en souviennent également – qu’il y a eu, au début des années 2000, un grand débat au sein de l’Assemblée des départements de France parce que le président du conseil général du Rhône voulait que le RMI soit départementalisé, c’est-à-dire que son montant relève de la libre décision de chaque conseil général. En termes de cohésion sociale et territoriale, cela aurait été absolument redoutable.
Il faut l’action sociale la plus juste possible dans les territoires, mais également – je crois que ces deux dimensions sont loin d’être incompatibles – un État fort pour veiller à l’application des principes essentiels. En effet, la péréquation, tant horizontale que verticale, ne peut exister que si elle est imposée par un État fort.
Chaque fois que l’on demande aux collectivités locales de mettre en place, sur leur propre initiative et sous leur propre responsabilité, des dispositifs de péréquation horizontale, on se rend compte qu’il y a beaucoup plus de croyants que de pratiquants… C’est à l’État qu’il appartient d’imposer la discrimination positive. L’affirmation de ce type de principes, c’est bien, mais c’est surtout leur mise en œuvre qui est absolument essentielle.
Je mets aux voix l’amendement n° 100.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Mes chers collègues, Mmes et MM. les secrétaires m’informent qu’il y a lieu de procéder au pointage des votes.
En attendant le résultat définitif, je vous propose de poursuivre la discussion des articles.
L’amendement n° 101, présenté par MM. Favier et Le Cam, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le cadre du processus de décentralisation engagé depuis 1982, faisant de notre pays une République indivisible dont l’organisation est décentralisée, toute réforme de nos institutions territoriales, toute nouvelle répartition des compétences visent un double objectif, celui de rendre aux citoyens les meilleurs services publics dans la solidarité entre les personnes et les territoires et d’autre part d’améliorer l’exercice de notre démocratie locale en favorisant toujours plus la participation des citoyens aux décisions et au contrôle de leur mise en œuvre, dans le respect des instances élues et du pluralisme des courants de pensée qui traversent notre pays.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
L’amendement que nous vous soumettons vise également à introduire un article additionnel avant l’article 1er afin de rappeler au Gouvernement et aux législateurs les objectifs qui doivent fonder, à notre avis, toute réforme de nos institutions locales dans le cadre du processus de décentralisation engagé depuis trois décennies, que personne, jusqu’à présent, n’a déclaré vouloir remettre en cause.
Les buts initiaux de notre décentralisation étant, nous semble-t-il, trop souvent oubliés, il nous paraît nécessaire de les rappeler en ouverture de ce débat sur un texte de loi qui, s’il était adopté, ébranlerait fortement notre organisation territoriale.
Le séisme qu’il pourrait provoquer serait aggravé, amplifié, par les prochains textes déposés et annoncés. Les lois de décentralisation – faut-il le rappeler ? – visaient à donner plus de liberté et de responsabilités à nos institutions locales. Nous avons inscrit dans notre Constitution le principe de leur libre administration fondée, non seulement sur une responsabilité fiscale et une autonomie financière, mais aussi sur l’affirmation d’une compétence générale leur permettant d’intervenir en tout domaine pour répondre aux besoins et aux attentes de leurs concitoyens, et pour défendre les intérêts de leur territoire.
Il ne s’agissait pas alors simplement de réformer les institutions. Les promoteurs de ces textes avaient surtout dans l’idée d’affronter un double défi : la réponse aux besoins et le développement de notre démocratie.
En renforçant le rôle des assemblées locales élues, le gouvernement de l’époque et sa majorité souhaitaient donner plus de pouvoirs d’intervention au peuple, plus de pouvoirs de contrôle sur les décisions prises par les administrations locales, plus de moyens pour répondre aux besoins de la vie quotidienne. Tout le monde s’accordait alors pour dire qu’en application du principe de subsidiarité il serait plus aisé et plus assuré de répondre aux attentes.
Rappeler ces objectifs nous semble tout particulièrement pertinent aujourd’hui quand, dans ce projet de loi, il n’est question que de réduction de la dépense publique et du nombre d’élus.
Chacun l’aura bien compris, nous sommes conscients de la faiblesse de la portée normative de la série d’articles additionnels que nous avons souhaité introduire. Pourtant, tout le monde sait aussi que, dans une loi, il y a non seulement la règle écrite, mais aussi l’esprit. C’est la raison pour laquelle je vous propose d’adopter l’amendement ainsi présenté.
Il s’agit de la troisième tentative du même type, mais, pour une fois, la commission spéciale a suivi l’avis de son rapporteur et donné un avis défavorable.
Madame la sénatrice, j’ai indiqué tout à l’heure au sujet d’autres amendements n’ayant pas de portée normative qu’il n’était pas souhaitable que nous les adoptions, car nous ne souhaitons pas que soient introduits dans des articles de loi des éléments relevant davantage du préambule ou de considérations d’ordre général.
En vertu de la même doctrine, je ne peux accepter votre amendement qui relève de la même logique. N’ayant pas de portée normative, il n’a pas, selon nous, à figurer dans la loi.
Par ailleurs, pour répondre sur le fond, je me dois de vous dire que l’objectif de la réforme territoriale ne peut pas se limiter, même s’il s’agit d’une préoccupation très forte du Gouvernement, au développement des services publics et de la démocratie locale. Le projet de loi doit avoir cette dimension, et il l’a, mais il doit aller au-delà. Ainsi, nous devons également tenir compte du contexte économique et de la complexité de notre organisation territoriale, laquelle est devenue un frein au développement économique et à l’emploi.
C’est la raison pour laquelle le Président de la République a rappelé les objectifs de la loi : simplifier et clarifier le rôle des collectivités locales ; faire des territoires les moteurs du redressement économique du pays ; renforcer les solidarités territoriales et humaines.
Cet amendement n’ayant pas de portée normative, et les sujets qu’il évoque étant trop restrictifs par rapport aux objectifs que nous souhaitons atteindre, je ne peux lui réserver une suite favorable.
Les écologistes voteront résolument contre cet amendement. À mon sens, madame Cukierman, vous détricotez le principe même des deux projets de loi qui nous sont soumis successivement, avec le projet de loi Lebranchu.
Si nous soutenons fortement le présent texte, c’est bien parce qu’il nous permettra de sortir de cet empilement de collectivités – communes, départements, régions – qui, au nom de la libre administration, s’occupent aujourd’hui de tout, avec des compétences de plus en plus croisées, ce qui fait que les Français ne s’y retrouvent plus. Nos compatriotes sont d’accord pour que tout soit remis à plat.
Il y a notamment une avancée majeure dans le projet de loi Lebranchu avec la mise en place des schémas prescriptifs. Je crois ne pas me tromper en disant que votre amendement remet en cause ces schémas, et donc la planification régionale, …
… laquelle, après débat entre l’ensemble des collectivités concernées dans le cadre de la conférence territoriale, a vocation à s’imposer à tous.
Il s’agit d’une avancée majeure. Il faut savoir que nous réclamons de l’aménagement du territoire prescriptif à l’échelle régionale depuis longtemps. Or force est de constater que de cette idée découle logiquement la fusion des régions, même si je ne souhaite pas relancer le débat sur le calendrier proposé.
Nous sommes convaincus qu’il faut des régions plus grandes pour assumer ces schémas prescriptifs et une véritable planification régionale. À mon sens, cet amendement tend à remettre en cause l’ensemble d’une architecture voulue par les Français, qui comprennent mieux que certains d’entre nous, je crois, le texte dont nous débattons.
On peut toujours faire dire aux gens ce qu’ils ne disent pas et continuer ce dialogue de sourds pendant plusieurs jours !
Depuis les débats sur la loi Lebranchu de modernisation de l’action publique, nous n’avons de cesse de dire que nous sommes des décentralisateurs, que cela vous plaise ou non. Peut-être n’avons-nous pas la même vision de la décentralisation, mais nous pensons que le but de celle-ci est de donner les moyens aux collectivités locales de s’organiser entre elles pour définir la répartition de leurs compétences et les politiques à mener sur leurs territoires, dans le cadre d’un État fort garantissant l’égalité entre tous nos concitoyens, quels que soient leurs conditions sociales et leur lieu de vie.
Monsieur Dantec, les jours passent, mais les mêmes faux débats perdurent ! En effet, nous n’avons jamais dit que nous étions, a priori, contre les schémas prescriptifs.
La question est la suivante : sommes-nous des décentralisateurs, ici, au Sénat ?
Si tel est le cas, nous devons poser en principe que les schémas prescriptifs doivent être discutés dans le cadre des conférences territoriales, des conférences des exécutifs, lesquelles doivent pouvoir permettre aux élus de décider de la répartition des compétences, des moyens à répartir et, si besoin est, d’un schéma prescriptif pour mettre en œuvre les politiques définies ensemble.
Si tel n’est pas le cas, c’est alors un texte « venu d’en haut » qui doit dire de façon autoritaire – je n’emploierai pas le qualificatif « jacobin », auquel je tiens et que je ne souhaite pas galvauder – que telle collectivité exerce telle compétence, et que le schéma qu’elle élaborera sera prescriptif et s’imposera à tous, quelle que soit la réalité des territoires et des collectivités locales.
Nous ne sommes peut-être pas d’accord, monsieur Dantec, mais n’utilisez pas de faux arguments visant à simplifier notre pensée. Nous n’en sommes d’ailleurs pas surpris, car cela a déjà été le cas lors de la discussion du précédent texte. Les communistes ne sont pas pour l’immobilisme : nous voulons au contraire renforcer le pouvoir local dans une République qui assure l’égalité entre toutes et tous. Nous n’en démordrons pas et, s’il le faut, nous le répéterons à l’occasion de chaque amendement.
Si nous faisions le contraire de ce que vous souhaitez, je comprendrais que, avec passion et talent, vous nous morigéniez de belle manière, comme l’on dit dans les pièces de Molière. En l’occurrence, le texte de Marylise Lebranchu prévoit exactement ce que vous préconisez, …
Vous n’avez pas pu le soutenir, puisque le texte vient d’être adopté par le conseil des ministres et n’a pas encore été discuté au Sénat !
Le texte dont je parle est celui qui a été débattu en conseil des ministres le 18 juin dernier et qui doit prochainement venir en discussion devant le Sénat.
Je vous précise ce qui figure dans ce texte pour que vous puissiez immédiatement, avec autant de passion, reprendre la parole pour dire que le Gouvernement a raison et que vous allez soutenir ce texte, car c’est exactement ce que vous demandez
Sourires.
Nous allons mettre en place des schémas prescriptifs, lesquels seront élaborés par les territoires, sans qu’il y ait aucune forme d’injonction de la part du Gouvernement, parce que nous considérons, comme vous, qu’il revient aux territoires de déterminer le chemin de leur développement économique. Les régions pourront le faire en lien avec les départements et ces schémas seront prescriptifs, car ils émaneront des territoires eux-mêmes.
Madame la sénatrice, ce que nous avons l’intention de faire est donc exactement ce que vous venez de demander. Aussi, ne soyez pas en colère lorsque nous nous conformons à vos souhaits, car, alors, nous ne saurons plus comment vous satisfaire ! §
L'amendement n'est pas adopté.
Voici le résultat, après pointage, du scrutin n° 208 portant sur l’amendement n° 100 :
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 102, présenté par MM. Favier et Le Cam, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Par l’article 72 de notre Constitution, les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus et aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. À ce titre, elles doivent pouvoir en permanence intervenir pour assurer la sauvegarde des intérêts de leur population et de leur territoire en application du principe de subsidiarité, et en utilisant leur compétence générale qui est consubstantielle à leur libre administration. Elles ne peuvent, par ailleurs, se voir contraintes d’agir ni entraver leur action par des décisions relevant d’une autre collectivité territoriale.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Pour devancer vos remarques, j’annonce tout de suite que la portée normative de cet amendement vous paraîtra sans doute faible
M. le ministre sourit
Mme Éliane Assassi. Cet amendement s’attache à une question fondamentale à nos yeux, celle de la clause de compétence générale. Il a longuement été question du prochain projet de loi – on nous a expliqué que nous aurions dû en débattre avant celui-ci –, dans lequel, nous le savons, il est proposé de supprimer cette clause. Cela commence à ressembler à du harcèlement !
Sourires.
D’aucuns disent que les élus n’utilisent pas cette faculté de la bonne manière. Je récuse cette idée, qui met en cause les élus et méconnaît les lois. Cette compétence générale ne peut en effet s’exercer que dans des domaines dont la responsabilité n’a pas été confiée à une collectivité territoriale particulière.
Le raisonnement dominant favorise de plus en plus les compétences exclusives, et cette compétence générale est donc de plus en plus résiduelle. Or elle est pourtant essentielle, selon nous, car elle offre un espace de liberté permettant de répondre à des problèmes dont les solutions ne sont pas envisagées dans les textes. Elle permet d’inventer et constitue une source de progrès, d’innovation sociale.
Telles sont les raisons qui nous conduisent à vous soumettre cet amendement.
Vous remarquerez que, contrairement à nos collègues du groupe socialiste, nous n’avons pas changé d’avis. Nous avions déjà longuement débattu de ce sujet durant l’examen de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi MAPAM, et, malgré quelques divergences, nous nous étions alors accordés sur son rétablissement.
Nombre d’entre vous reconnaissent notre cohérence dans ce débat, et je vous la confirme !
J’aurais beaucoup aimé donner un avis favorable sur cet amendement, mais son manque de portée normative me contraint, par souci de cohérence, à le traiter comme les précédents.
L’avis est défavorable.
Je tenais à vous rassurer, monsieur le ministre, l’énervement, voire l’agacement, n’est pas la colère !
Je ne sais pas si nous en arriverons à exprimer de la colère au sujet de ce texte ou d’un autre, mais, en l’occurrence, je voulais simplement faire part de notre agacement face à la tendance qu’ont certains à déformer nos propos et à caricaturer nos propositions.
M. le président de la commission spéciale fait un signe de dénégation.
Vous n’étiez d’ailleurs pas en cause, monsieur le ministre ; ce n’est pas à vous que je m’adressais. Sachez toutefois que je n’exprimerai pas de soutien absolu au texte du Gouvernement qui nous sera soumis à l’automne, comme vous sembliez me le demander.
Nous pourrons peut-être nous accorder sur certains passages, mais le véritable point d’achoppement, qui expliquera notre désaccord, sera la disparition, inscrite dans ce texte, de la clause de compétence générale. Tout ce que nous disons sur la libre administration des collectivités entre elles n’aurait plus de sens si cette clause était supprimée.
Mais le texte dont il est question touche aux départements et aux régions, monsieur Kaltenbach !
S’il nous est demandé de permettre aux exécutifs de travailler ensemble dans des conférences territoriales, quitte à déboucher sur des schémas prescriptifs dès lors que la clause de compétence générale leur est retirée, alors nos points de vue sur ce texte divergeront. Je ne doute toutefois pas que le Gouvernement, à l’écoute des élus locaux et de l’opinion, évoluera pour nous permettre de concevoir ensemble, à l’automne, un texte répondant aux attentes des Françaises et des Français !
L'amendement n'est pas adopté.
L’amendement n° 104, présenté par MM. Favier et Le Cam, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Six mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’impact des mesures qu’elle contient en termes d’emplois publics.
La parole est à M. Christian Favier.
Cet amendement est en cohérence avec notre démarche visant à contester la qualité de l’étude d’impact jointe à ce projet de loi.
En effet, le Conseil constitutionnel a reconnu, bien que de façon indirecte, qu’aucun élément relatif à l’emploi public n’était présent dans cette étude d’impact, tout en rejetant notre demande au motif que le projet de loi ne contient lui-même aucune mention de ce sujet.
Cet état de fait inquiète beaucoup les personnels territoriaux, en particulier les contractuels, qui risquent de faire les frais de ces réorganisations, regroupements et modifications. Rappelons que 20 % des personnels de la fonction publique territoriale sont contractuels. Nombre d’entre eux sont très inquiets des évolutions dont nous discutons aujourd’hui, et que nous contestons.
Chacun s’accorde pour dire que leurs conséquences seront nombreuses. À terme, nous soupçonnons la mise en place d’un véritable plan social, avec des contrats non renouvelés après leur échéance et le non-remplacement d’un très grand nombre de départs en retraite, sans compter les risques de déclassement et de ralentissement dans les évolutions de carrière. De plus, nous savons que des équipes vont disparaître, que les fonctions de la majorité des agents seront remises en cause et que les recrutements seront gelés.
Les propos, qui se veulent rassurants, de Marylise Lebranchu ne peuvent nous satisfaire, car ils restent très loin des réalités que nous côtoyons tous les jours et des inquiétudes qui montent. Dans mon département, j’ai réuni les personnels. Plus de deux mille d’entre eux sont venus exprimer avec force leurs préoccupations. Il en a été de même dans d’autres départements.
Il serait donc temps que l’on se penche sur les conséquences réelles des mesures que l’on nous demande d’adopter. Ne disposant pas des éléments nécessaires pour éclairer nos choix, car les études d’impact sont aujourd’hui manquantes, nous demandons qu’un rapport soit établi six mois après la promulgation de la loi, afin que nous soyons à même, à tout le moins, d’examiner les conditions de mise en œuvre des textes que nous votons.
Monsieur Favier, le Gouvernement n’a pas fait de la réduction des emplois publics un objectif « en soi » de la nouvelle carte des régions. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs estimé, pour cette raison, que l’étude d’impact du projet de loi qui lui a été soumise n’avait pas à traiter de cette question.
Il n’y aura donc pas plus lieu de l’étudier six mois après la promulgation de la loi, c’est-à-dire avant même le regroupement des régions, qui ne sera effectif qu’au 1er janvier 2016. L’organisation et le fonctionnement des régions relève de leur responsabilité pleine et entière, et elles-mêmes devront tirer toutes les conséquences nécessaires, y compris en termes d’emplois, des regroupements opérés.
Pour autant, le Gouvernement n’a jamais caché, comme l’a rappelé hier après-midi le Premier ministre, que l’un des objectifs de sa politique était le redressement de notre pays, qui passe par celui de ses comptes publics. La réforme territoriale s’inscrit dans ce cadre général de maîtrise des finances publiques, tout autant que la réforme de l’administration territoriale.
J’ajoute, monsieur le sénateur, que je connais l’inquiétude des fonctionnaires territoriaux dans mon propre département. Comme vous, je vais les réunir très prochainement, avec le nouveau président du conseil général, afin de leur apporter toutes garanties et assurances quant à leur avenir.
Quelles garanties ? Avec ce que vous venez de dire, elles sont vaines !
Cet amendement nous interpelle, monsieur le ministre, car ce que vous proposez entraînera des mouvements de personnel au niveau régional, bien sûr, mais également dans toute l’organisation de l’État. Aujourd’hui, il existe vingt-deux chefs-lieux de région ; demain il en restera seulement quatorze !
Mécaniquement, un nombre très important d’agents des préfectures, mais aussi des régions de gendarmerie, des académies, des agences régionales de santé, seront affectés. Sans cela, il n’y aurait aucun intérêt à rassembler les régions dans une organisation différente !
L’impact au niveau des départements sera particulièrement important et c’est pourquoi, monsieur le ministre, je ne parviens pas à comprendre votre raisonnement par rapport au personnel.
Lorsque vous placez les routes et les collèges sous la responsabilité des régions, cela signifie que des milliers de personnes vont changer d’employeur, avec des personnels TOS – techniciens, ouvriers et de service – bénéficiant de rémunérations différentes.
On sait, par exemple, combien ces personnels sont payés dans les départements et dans les régions, lorsqu’ils en dépendent déjà. Nous avons fait les comptes : nombre de régions les rémunéraient davantage. Cela va donc tirer les salaires vers le haut, et il faudra bien prendre en charge financièrement les masses de personnels transférées, alors même que les collectivités disposent de moins en moins de moyens.
Monsieur le ministre, pour prouver à nos concitoyens que des économies ont été réalisées, que cette réforme avait un intérêt, il nous faut bien définir un point de départ, un point zéro ! Je ne suis pas un adepte des rapports ; c’est pourquoi je ne voterai sans doute pas cet amendement. Mais nous devons la vérité aux gens : il faut bien savoir comment cela se mettra en œuvre sur le terrain.
Or les gens sont dans l’angoisse, et je le ressens lorsque je préside le comité technique paritaire du département. Savez-vous ce qu’ils me disent ? « Monsieur le président, défendez nos intérêts ! Nous sommes des routiers, des hommes de terrain, nous savons à qui nous avons affaire et comment tout s’organise, car nous pouvons vous parler ! » Pensez-vous qu’ils s’adresseront ainsi, demain, à leur nouvel employeur, président d’une région qui s’étendrait de l’Auvergne jusqu’à l’autre bout de Rhône-Alpes ?
Si c’est faux, monsieur le ministre, expliquez-le-nous et donnez-nous les garanties nécessaires. Nous avancerons ainsi dans le débat ! §
Je suis content que nous abordions le problème du personnel, et j’en remercie notre collègue Christian Favier.
Je me suis permis d’en parler hier, ce qui a suscité du brouhaha sur les travées du parti socialiste. « Le personnel n’a pas à s’inquiéter ! », « nous allons nous en occuper ! », « toutes les réponses sont apportées ! », avons-nous entendu…
Nous avons en effet reçu un document de Mme Lebranchu nous expliquant qu’aux questions du personnel, nous devions répondre qu’il n’y a pas d’inquiétudes à avoir, car des solutions seront trouvées.
Je suis étonné, en outre, de vos propos concernant le Conseil constitutionnel. Selon vous, il aurait affirmé qu’il était inutile de parler du personnel dans l’étude d’impact, car ce problème serait de la responsabilité des futures régions.
Mais enfin on peut tout de même se demander, en amont, ce qui va se passer.
Quand je vous dis que les personnels sont inquiets – je remercie mes collègues communistes d’avoir évoqué cette question, car, sur ces sujets-là, on les écoute plus que nous –, je peux vous assurer que c’est la réalité ! Les nombreux contractuels que nous avons dans nos collectivités pour diverses raisons sont, eux aussi, inquiets. Ils se demandent ce qu’ils vont devenir à la fin de leur contrat.
On nous dit que cette question n’est pas grave, qu’on la traitera plus tard. Je suis désolé de vous le dire, mais chaque personnel est, avec sa propre vie, ses propres problématiques, un individu qui se pose des questions sur son avenir, l’évolution de sa carrière. Or que répondons-nous à ces personnels qui nous posent tous les jours les mêmes questions ? Ne vous inquiétez pas, le Gouvernement veille sur vous, vous n’aurez pas de problèmes !
Monsieur le secrétaire d’État, dites-nous les choses clairement ! Si telle collectivité doit réduire ses effectifs de 2 000 à 1 500, annoncez-le ! Mais ne nous dites pas que tout cela n’est pas grave, qu’on verra plus tard et que les choses s’organiseront.
Concernant les routes et les collèges, les personnels sont tout aussi inquiets. Mais ils savent bien qu’il y aura toujours des routes et des collèges, que tout cela sera géré différemment, qu’ils auront un autre employeur, avec de nouvelles règles. En revanche, les personnels des services supports ont le droit de se poser des questions.
D’ailleurs, dans le texte sur les compétences que l’on nous demande de prendre en considération, mais dont on ne dispose pas – même s’il n’est pas encore adopté, il est sous-jacent, nous dit-on, au texte présent, car il a été présenté en même temps ! –, l’article 35, me semble-t-il, indique clairement que, contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, les collectivités pourront non pas licencier – cela n’est peut-être pas possible dans un tel contexte – mais se séparer immédiatement, et sans aucune compensation, des contractuels qui travaillent dans les deux directions.
M. le secrétaire d’État s’étonne.
De toute façon, on n’a vraiment pas le sentiment que vous vous préoccupiez du personnel. Il s’agit, pour vous, d’un problème secondaire, alors que nous considérons qu’il est majeur. Excusez-moi de vous le dire, mais les collectivités sont, au quotidien, des sociétés de services : nous apportons des réponses aux habitants du département en leur proposant, grâce à nos personnels, qui sont notre principale force de frappe, des services.
Aussi, j’aimerais que vous nous répondiez clairement sur ce point, monsieur le secrétaire d’État, que vous preniez des engagements vis-à-vis de ces personnels ou que vous nous donniez la direction dans laquelle vous voulez que nous allions. Nous verrons alors si nous vous suivons dans vos orientations. Eu égard aux 290 000 fonctionnaires des collectivités, principalement des départements, on n’a pas le droit de laisser cette question dans l’ombre. §
Je veux remercier le groupe CRC d’avoir déposé cet amendement, qui montre qu’il s’agit d’un vrai sujet. Oui, le personnel est inquiet !
Il faut donc le rassurer. Mes chers collègues, on connaît depuis un moment des mouvements de personnels.
Que s’est-il passé lorsque le précédent gouvernement a mis en place la RGPP, la révision générale des politiques publiques, avec le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite ?
Je vais y venir…
Les personnels n’étaient-ils pas inquiets lorsque la DDE a été transférée aux départements ? Qui s’en est occupé ? Pas l’État, les conseils généraux !
Les personnels TOS n’étaient-ils pas inquiets lorsqu’ils ont été transférés aux départements ! Qui s’en est occupé ? Pas l’État, les conseils généraux !
Et qu’en fut-il quand la loi – merveilleuse ! – sur le handicap a été adoptée en 2005 ? Qui s’en est occupé ? Pas l’État, les conseils généraux !
Faites donc attention à ce que vous dites ! §
Par ailleurs, imaginons que le fameux rapport d’information Krattinger-Raffarin ait donné naissance à une loi. Qu’en aurait-il été des personnels si l’on avait créé les huit grandes régions ? N’aurait-il pas fallu choisir la capitale de la région ? N’aurait-il pas fallu déplacer des personnels ? Soyons sérieux ! Regardons les choses très objectivement ! Le même problème se serait posé, exactement de la même façon !
Je pense que nous devons rassurer le personnel.
Oui, il y a des inquiétudes. Mais ayez confiance dans le travail parlementaire !
Vous dites déjà ce qu’il adviendra demain, comme si le projet de loi allait être adopté en l’état, sans débat au Parlement. Mais enfin, quelle est votre position, chers collègues de l’UMP ? Dites-vous que vous soutenez le Gouvernement, que vous le suivez et que le projet de loi qui nous est soumis s’appliquera ? Ou estimez-vous qu’il nous revient à nous, praticiens du territoire, de voir, en lien avec le Gouvernement, comment nous pourrons rassurer le personnel et résoudre les problèmes qui se poseront ?
Les transferts de personnels ont toujours existé. Déjà en 1982 – j’étais à peine né ! –, la grande loi de décentralisation Mitterrand-Mauroy-Defferre n’avait-elle pas suscité des inquiétudes dans les préfectures ? N’y avait-il pas eu alors des transferts de personnels ?
En la matière, je demande beaucoup de sérieux et de sérénité. Oui, les personnels sont inquiets, mais on peut y répondre de deux façons : soit on crie à la catastrophe, en leur répondant qu’on ne sait pas ce qu’ils vont devenir, soit on les réunit pour leur assurer qu’ils seront respectés, …
… quels que soient les termes de la loi. C’est que j’ai fait, pour ma part, au conseil général de la Drôme, en rencontrant les organisations syndicales.
Nous parlons là du service public régional, départemental ou local. Aussi, je veux réaffirmer ici la qualité et l’importance de ces personnels.
Les fonctionnaires territoriaux sont des personnels hors pair. Ils sont mal payés, avec des salaires inférieurs à ceux de nombreuses autres personnes, mais ils jouent un rôle essentiel pour le lien social, la proximité, le lien territorial. C’est grâce à leur action que nous pouvons avoir un service public moderne et innovant.
Oui, il peut y avoir des problèmes. Mais j’estime – et telle est aussi la position du groupe socialiste – que nous devons examiner les textes proposés par le Gouvernement, à commencer par celui qui nous est soumis, suivi de celui sur les compétences qui sera déposé ultérieurement et qui porte sur la réorganisation territoriale.
Dans quelle direction pouvons-nous aller ? On nous parle toujours des préfectures, des collèges et des lycées. Mais si vous ne souhaitez pas que les collèges soient transférés aux régions, proposons que les lycées relèvent des départements !
Et il y aura de la proximité ! Toutefois, je vous ferai remarquer, mes chers collègues, que le problème des agents des lycées sera exactement le même. Ce sera le tour des agents des régions d’être inquiets quant à leur changement de statut, d’indemnités, de patron, de fonctions. Tout cela, on le sait !
Quelle que soit l’inquiétude d’ensemble que nous pouvons ressentir, je souhaite qu’il ressorte de ce débat l’expression de notre solidarité avec tous les personnels de la fonction publique. Saluons la qualité de leur travail et réaffirmons collectivement, j’y insiste, sans tenir de discours anxiogène, que, quel que soit le texte final, quelles que soient les compétences qui seront attribuées aux uns et aux autres – nous pouvons trouver des points d’accord sur beaucoup de questions et avoir des divergences de vue sur d’autres –, aucun d’entre nous, qu’il soit dans la majorité ou l’opposition, ne laissera tomber les personnels de la fonction publique départementale. Nous les soutiendrons ! §
Il est trop facile de dire qu’il nous appartient de rassurer les personnels. Nous sommes presque tous ici des responsables d’exécutifs locaux, nous savons donc le faire dans nos collectivités.
Là encore, il y a une accumulation de contradictions. D’abord, si l’on suit l’économie générale du projet de loi et si l’on va au bout du raisonnement, on voit bien qu’il y aura un alignement, ne serait-ce que pour ce qui concerne le régime indemnitaire. Il ne s’agit donc pas d’économies.
Par ailleurs, vous arguez du fait qu’il n’y aura pas de difficultés, que les personnels ne seront pas touchés et que l’on va les rassurer. Mais la création de grandes régions, la suppression des conseils généraux et le transfert de compétence de la voirie départementale, des collèges et des transports scolaires aux métropoles régionales entraîneront forcément le départ des personnels vers les métropoles régionales. Ne pas le dire ne serait pas loyal à l’égard de nos personnels.
Dans mon département, même ceux qui, parmi vos camarades, soutiennent ce texte indiquent que la réforme impliquera une diminution des personnels. C’est la moindre des choses de dire la vérité !
Il y a une autre contradiction de fond, monsieur le secrétaire d’État. Vous nous dites que cette réforme doit in fine conduire à faire des économies. Mais alors, comment peut-on réaliser des économies sans toucher aux frais de fonctionnement ni aux charges de personnel ? Si la réforme ne mène pas, comme vous semblez vouloir le dire, à une amélioration du fonctionnement de nos collectivités par des mutualisations – je ne vous le reproche pas, c’est une constatation –, d’où viendront les économies ?
Vous ne pouvez pas, d’un côté, affirmer que vous allez faire des milliards d’économies et, de l’autre, être totalement silencieux sur la manière de les réaliser. J’ai bien lu la note que vous avez eu la gentillesse de me transmettre hier, et il en ressort qu’il y aura bien une diminution des effectifs. Cela peut s’entendre, mais dites-le clairement à nos concitoyens, monsieur le secrétaire d’État ! Que dit-on à ceux de nos personnels qui, d’une manière ou d’une autre – même s’il s’agit d’une minorité –, seront obligés de quitter nos départements ?
J’ai relu un autre extrait du discours de François Hollande, prononcé à Dijon, sur la désertification de nos territoires. Mais plus vous expédierez de personnels vers la métropole régionale, plus vous augmenterez la désertification de nos territoires !
Tel qu’il est rédigé, ce texte aggravera la fracture territoriale. Or vous êtes totalement silencieux, vous contentant de faire des déclarations d’intention.
Chaque fois que je vous pose une question précise sur la représentation territoriale, sur le transfert d’un certain nombre de compétences et d’une partie des personnels – fût-ce une partie d’entre eux –, vous êtes silencieux !
De la même manière, quand on vous parle de la suppression de l’ATESAT, l’aide technique de l’État aux communes, de l’instruction des permis de construire mise à la charge des communes, vous nous répondez que vous allez accroître le rôle de l’État dans nos départements. Or c’est contradictoire avec ce qui se passe aujourd’hui. Je ne fais pas de procès d’intention pour demain, je vous demande des réponses claires à des questions précises !
Je me félicite de ce que l’on parle du personnel, car ce problème est réel. Les agents territoriaux ont l’impression d’être les oubliés de cette réforme.
On n’a pas parlé d’eux. Ils ont raison d’être inquiets. On a annoncé des milliards et des milliards d’euros d’économies ; ils savent bien que ces économies se feront sur la masse salariale.
Éric Doligé l’a souligné tout à l’heure, pour des raisons diverses, certains agents ont des contrats précaires. Ils savent bien qu’ils seront les premiers sacrifiés.
Monsieur Mézard vient de le souligner, avec la création des grandes régions, il y aura des transferts de compétences lointaines et donc des transferts de postes. Les agents territoriaux se demandent où ils vont aller travailler et habiter. On ne veut pas les instrumentaliser, mais ils viennent nous voir personnellement sur rendez-vous, ou bien nous interrogent par le biais de leurs représentants syndicaux ou au sein des comités techniques paritaires, pour avoir des informations. Nous sommes ennuyés de ne pouvoir leur apporter de réponses certaines.
Que de chemin parcouru ! Les personnels TOS ou les personnels des routes avaient considéré leur transfert dans les territoires comme une atteinte à un dogme, la casse d’un service public, voire la fin du service public. Depuis lors, ils travaillent avec nous et, maintenant, ils se demandent ce qu’ils vont devenir. Mes amis, à l’époque, ce sont les conseils généraux qui ont fait le boulot ! Quand on nous donne une mission, nous la remplissons. Mais voyez comment on nous traite ! On veut bien toucher au millefeuille territorial, mais on nous dit qu’il n’y a qu’à supprimer les conseils généraux, car ils ne servent à rien. Il est extrêmement blessant de qualifier ainsi le travail accompli par les conseillers généraux ! §
Je n’avais pas l’intention de prendre la parole à cet instant du débat, mais l’intervention de M. Guillaume rend nécessaires certaines clarifications.
En vérité, nous savons parfaitement qu’il y aura des conséquences en termes de personnel ; nous demandons simplement au Gouvernement de les évaluer.
Dans cette affaire d’étude d’impact, ce qui nous a collectivement choqués, c’est l’absence totale d’évaluation des conséquences du projet présenté sur les personnels des collectivités territoriales, dont je rappelle que plus de 100 000 sont passés, au moment de la réforme Raffarin, du statut de fonctionnaire de l’État à celui de fonctionnaire territorial ; je pense en particulier aux personnels ATOSS qui ont rejoint les régions, pour ceux qui travaillent dans les lycées, et les départements, pour ceux qui travaillent dans les collèges.
Le transfert de ces fonctionnaires avait suscité chez eux une appréhension. Au demeurant, dans cet hémicycle, nous avons consacré à cette question des débats extrêmement difficiles, tendus et houleux.
Les sénateurs qui soutenaient la majorité de l’époque ont défendu ce transfert, parce que nous estimions que l’employeur proche serait certainement, en définitive, plus humain que l’employeur lointain.
J’observe que, aujourd’hui, les anciens personnels TOS ont été intégrés dans les régions et les départements, l’immense majorité d’entre eux faisant le choix d’être fonctionnaire territorial ; alors qu’ils avaient la possibilité de redevenir fonctionnaires d’État, à peu près aucun ne l’a demandé.
Que le problème existe, nous le savons parfaitement. Du reste, monsieur le ministre, nous ne vous reprochons pas de vouloir faire évoluer les effectifs. En effet, sur les 200 milliards d’euros que les collectivités territoriales dépensent chaque année, soit 11 % du PIB, environ la moitié correspond aux charges salariales. De sorte que si l’on veut réaliser des économies, comme Gérard Roche l’a signalé à juste titre, il faudra bien réduire les effectifs à un moment ou à un autre.
La majorité précédente avait pris ses responsabilités en le disant, pour ce qui est des personnels de l’État. Vous nous l’avez reproché, mais au moins l’avons-nous dit et avons-nous essayé de traiter le problème.
En ce qui concerne les collectivités territoriales, nous n’avions pas pris de mesures. Il est vrai qu’on leur reproche aujourd’hui d’avoir continué à embaucher, parce que ces administrations sont en contact quotidien avec les difficultés de nos compatriotes.
Il est vrai aussi, s’agissant du personnel municipal, que l’intercommunalité n’a pas conduit à des diminutions d’effectifs, ce qui pose un problème majeur. Peut-être la raison en est-elle que les communes et les intercommunalités sont aujourd’hui la seule porte ouverte et accessible à nos compatriotes qui ont des difficultés sociales ? De fait, pour les problèmes liés, par exemple, aux personnes âgées ou à l’enfance, c’est auprès d’elles qu’on trouve porte ouverte, dans la mesure où les préfectures et tous les services de l’État ont réduit leurs effectifs.
Il faut bien reconnaître que, dans nos relations avec les services de l’État, nous rencontrons aujourd’hui des difficultés, liées à l’insuffisance des effectifs de ces services.
Il n’est pas choquant d’annoncer des diminutions d’effectifs !
Aussi bien, puisque M. Montebourg a suivi la fusion General Electric – Alstom avec obstination pendant plusieurs semaines en mettant la question des emplois au cœur des négociations, il n’est pas complètement anormal que, sur un sujet beaucoup plus important en termes quantitatifs, on pose la même question.
L’amendement présenté par notre collègue Favier a le mérite de demander au Gouvernement un rapport. Ce n’est tout de même pas le bout du monde !
Évidemment, plutôt qu’un rapport, nous aurions préféré une vision prospective de l’effort que le Gouvernement, dans le cadre de sa réforme, entend demander aux collectivités territoriales au nom de l’intérêt national et de la réduction des déficits. Seulement, comme ces indications ne figurent pas dans l’étude d’impact, où elles auraient dû se trouver, et même si le rapport qu’il demande n’est qu’un succédané, nous nous rallions à l’amendement présenté par M. Favier.
Des conséquences, nous savons qu’il y en aura. Il ne s’agit donc pas, monsieur Guillaume, de rassurer, mais d’informer les Français, qui sont majeurs et vaccinés. Une fois les informations connues, des négociations pourront s’ouvrir ; mais sans information, pas de négociation !
Rassurer les personnels territoriaux, nous le voudrions bien. Seulement voilà : comment ne seraient-ils pas inquiets devant la valse-hésitation du Gouvernement – je le dis sans jeu de mots – au sujet de cette réforme ?
Jugez vous-même : un jour, on leur dit que les départements sont utiles et vont être préservés et, quelques jours plus tard, on leur annonce que ceux-ci vont être supprimés ; ici même, on nous dit que les départements ruraux seront peut-être conservés, mais pas les autres. Tout cela est anxiogène ! En vérité, ce ne sont pas nos propos qui provoquent l’inquiétude des personnels, mais le comportement du Gouvernement.
Les inquiétudes sont particulièrement vives dans les départements où la clause de compétence générale a été fortement mise en œuvre. En effet, la suppression annoncée de cette clause pour les départements et les régions dans le second projet de loi conduit de nombreux personnels, qui travaillent au service de misions choisies par des collectivités territoriales au titre de leur compétence générale, à se sentir menacés.
Ainsi, dans mon département, nous avons fait le choix, de très longue date, de gérer des crèches. Aujourd’hui, nous avons 76 crèches départementales, dans lesquelles travaillent plus de 1 500 personnes. Demain, le département supprimé, qui reprendra cette compétence ? Certainement pas la métropole. Quant aux communes, avec quels moyens le feraient-elles ?
De fait, aujourd’hui, on réduit les moyens des communes dans le cadre d’un plan d’austérité de 11 milliards d’euros imposé aux collectivités territoriales. Dans ce contexte, il est légitime que les personnels se demandent ce qu’ils vont devenir et ce qu’il adviendra du service rendu par la collectivité territoriale. Car il y a un vrai danger !
Ce plan d’austérité dans les collectivités territoriales a des conséquences très importantes et pèse lourdement sur le climat qui règne parmi les personnels.
Le président du conseil général du Nord a expliqué qu’il doit verser chaque année 600 millions d’euros au titre du RSA et qu’il n’en a maintenant plus les moyens, au point qu’il se demande si, au mois de septembre, il ne va pas être hors d’état d’assumer cette responsabilité. Dès lors, comment les personnels de ce conseil général, et de nombreux autres, ne seraient-ils pas inquiets ?
Je pense qu’il est profondément injuste de faire peser la réduction du déficit public de notre pays d’abord sur les collectivités territoriales. En effet, comme il a été rappelé, sur les 45 milliards d’euros dont le déficit public s’est accru depuis un an, 43 milliards sont le fait de l’accroissement du déficit de l’État, tandis que les collectivités territoriales ont réduit de 2 milliards d’euros leur contribution au déficit.
En somme, on prétend demander des efforts supplémentaires aux collectivités territoriales alors que c’est l’État qui continue de creuser le déficit public ! Cette situation est profondément injuste et a des conséquences sur le fonctionnement de nos collectivités territoriales et sur l’avenir de nos personnels.
Dans ces conditions, un rapport sur l’application de la future loi est bien le moins que nous puissions demander.
L’amendement n° 104 introduit dans notre débat la question des personnels, qui tient à cœur à de nombreux collègues responsables de collectivités territoriales.
C’est un fait, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que cet aspect du sujet n’est pas du tout abordé dans l’étude d’impact. Sans doute, le Conseil constitutionnel a estimé qu’il n’était pas nécessaire qu’il le soit ; mais la réalité de nos départements et de nos régions est faite de ces personnes impliquées dans leur métier.
Aussi, je tiens à réagir, à la suite de certains de nos collègues, à la solution proposée par Didier Guillaume : ces personnels, il suffirait de les rassurer.
Une réforme est proposée qui fera évoluer très fortement les pratiques professionnelles de ces agents des départements et des régions, qui sont travailleurs sociaux, techniciens dans les collèges, chargés de projets culturels, passionnés de tourisme ou de développement économique. Ces personnes ont un métier, qui va évoluer. Elles ont un lieu de travail, un chef et une organisation managériale ; or tout cela va changer. Il est nécessaire de prendre en compte leur situation, et la question ne peut pas être balayée par une simple réunion avec les syndicats.
Par ailleurs, il faut être conscient que ce projet de réforme territoriale inquiète aussi les administrations territoriales de l’État ; je pense en particulier à la gendarmerie, à l’organisation hospitalière et à nos tribunaux, qui se sentent fragilisés par la perte à venir du chef-lieu régional.
Certes, les personnels dont nous parlons ne relèvent plus du tout de la compétence de l’État et sont entièrement à la charge des départements et des régions ; mais ignorer leur situation, c’est oublier à la fois une réalité humaine et la réalité d’un service assuré à nos concitoyens. De fait, même si les élus sont très engagés sur le terrain, ce sont les milliers de fonctionnaires au contact des habitants qui portent les politiques que nous construisons.
J’ajoute que cette évolution pour les personnels se produira dans un contexte de grandes restrictions budgétaires.
Sans doute, notre débat n’est pas budgétaire ; mais il est impossible d’oublier que 11 milliards d’euros d’économies seront à réaliser en 2017, et 22 milliards d’euros au total entre 2015 et 2017, ce qui pèsera très fortement sur la gestion, les frais de fonctionnement et donc les personnels de nos collectivités territoriales.
Comment accompagner ces personnels et donner sens à leur engagement, ainsi qu’aux politiques publiques que nous conduisons, dans un contexte de fortes restrictions ? Cette question aussi, nos personnels, engagés comme ils le sont, avec leur savoir-faire et leur énergie, la ressentent vivement.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, occulter ce débat, c’est mépriser leur action et le cœur qu’ils mettent dans leur engagement au service des territoires. Leur avenir mérite mieux qu’un rapport !
L’amendement n° 104 est porteur d’un certain paradoxe, puisqu’il tend à demander au Gouvernement d’établir un rapport au sujet de personnels dont il n’a plus la charge. Reste qu’il introduit cette question dans notre débat, et c’est cela que nous voulons considérer.
En vérité, ces personnels méritent notre reconnaissance et tout notre respect ; leur avenir est une vraie question, qui mobilisera la nation au service de laquelle ils travaillent !
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
La question des personnels des collectivités territoriales, plus particulièrement des conseils régionaux et, surtout, des conseils généraux, est un vrai problème. Aussi, il ne faut pas pratiquer la politique de l’autruche, mais l’aborder ouvertement.
Si je me souviens bien, il y a environ deux mois, la disparition pure et simple des conseils généraux était envisagée pour le mois de mars 2016. Depuis, l’État a pris conscience des difficultés qu’il y aurait à gérer pour assurer le transfert de leurs compétences, de leurs moyens financiers, de leur patrimoine et, surtout, de leurs personnels.
D’ailleurs, depuis quelques jours, le site internet du ministère chargé de la réforme territoriale contient, sous la forme d’un questionnaire, tout un argumentaire qui tend à rassurer les personnels concernés, notamment en rappelant leurs garanties statutaires.
Reste qu’une véritable inquiétude règne dans nos collectivités territoriales. Cette inquiétude concerne essentiellement les cadres, techniques et administratifs.
En effet, les personnels de catégorie A savent bien que c’est surtout eux qui seront concernés par les transferts.
Il est vrai aussi que la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a entraîné ce type de transferts de l’État vers les collectivités territoriales ; globalement, pour ce qui est des personnels TOS et des anciens personnels de l’équipement, l’opération a été plutôt bien gérée.
La question s’est posée de manière beaucoup plus insidieuse, je dirais presque clandestine, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.
Toujours est-il que des effets cumulatifs se sont produits et qu’il est à craindre qu’il s’en produise d’autres sous l’effet de cette réforme. Or, comme je l’ai exposé hier dans la discussion générale, c’est cet effet cumulatif que je redoute, si l’on fait tout en même temps : d’un côté de grandes régions, de l’autre la suppression des conseils généraux.
Par ailleurs, mes chers collègues, n’oublions pas que supprimer les conseils généraux signifie aussi supprimer les cantons, ce qui est d’une grande importance en milieu rural. Je sais bien que défendre les cantons, en 2014, revient souvent à passer pour un ringard, un vieillot, un poussiéreux.
Le problème, c’est que le canton continue de servir de référence pour le maillage d’un certain nombre de services publics de l’État, comme la gendarmerie et La Poste, ou pour le recrutement des collèges. Là aussi, donc, le risque existe de voir se produire, avec des conséquences très négatives pour les territoires, un effet cumulatif impliquant à la fois les personnels de la fonction publique d’État et ceux de la fonction publique territoriale.
Cela ne doit pas faire oublier un dernier problème qui, me semble-t-il, est insoluble. Les transferts de compétence du conseil général vers des intercommunalités ne concerneront pas les services des conseils généraux n’existant pas dans ces intercommunalités. Je pense, par exemple, au service intérieur d’un conseil général. Dès lors, que deviendront les personnels concernés ? Demain, de très grandes difficultés se rencontreront à propos de leur statut, de leurs fonctions et de leur expérience…
Ce sujet nous renvoie à la discussion générale que nous avons eue hier, et notamment au sujet de l’absence totale d’études se rapportant aux conséquences sur les personnels du présent projet de loi et des textes à venir. Dans la conférence sociale de la semaine prochaine, le Gouvernement a prévu d’ouvrir un atelier avec les partenaires sociaux sur les conséquences éventuelles de la réforme…
Alors qu’aucune étude ni aucun dialogue préalables n’ont eu lieu, alors que le dialogue social – qui est l’une des méthodes du Gouvernement, ce n’est pas moi qui m’en plaindrai ! – est normalement le premier rendez-vous, voilà que nous sommes en train de légiférer, de vouloir faire des cartes et d’organiser les choses sans avoir aucune mesure des conséquences !
Je rappelle – et j’ai évoqué ce point avec mon collègue Louis Pinton, qui est président de conseil général – que, lorsque l’on cumule les budgets des collectivités territoriales, la masse salariale représente plus de 30 % de l’ensemble.
Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.
Quand on veut parler de maîtrise des dépenses publiques, il faut en mesurer les conséquences. Il convient aussi d’avoir consulté les personnels, parce qu’il y aura des modifications de régime indemnitaire et des changements essentiels au bon fonctionnement et l’équilibre de nos collectivités territoriales.
Le fait de rendre un rapport au terme d’un délai de six mois est donc une bonne chose, mais c’est très insuffisant. Avant d’aborder le texte, nous aurions dû au moins en connaître les conséquences. C'est donc, me semble-t-il, la méthode elle-même qui est condamnée au travers de ce débat.
Applaudissements sur les travées de l'UMP . – Mme Éliane Assassi acquiesce.
Je voudrais dire quelques mots en réponse à toutes les questions, très intéressantes, qui viennent d’être posées. Si vous le permettez, je vais commencer par une anecdote personnelle.
Lorsque M. Raffarin, alors Premier ministre, a décidé avec son gouvernement de décentraliser vers les départements les personnels TOS et les personnels d’entretien des routes, j’ai fait partie des rares personnes, au parti socialiste, à approuver cette réforme.
Vous étiez venu à Lyon, monsieur Raffarin, et j’étais intervenu pour vous dire que cette décision, qui constituait une étape de plus vers la décentralisation, me paraissait aller dans le bon sens. À l’époque, comme les personnels travaillant dans les collèges et sur les routes en concevaient déjà beaucoup d’inquiétude, je leur avais dit que je soutenais ce transfert, que tout se passerait bien et qu’ils ne devaient pas s’inquiéter.
J’ai été « accroché » par Le Nouvel Observateur, dans l’un des petits échos figurant dans les pages rouges de ce magazine, sur lesquelles on se précipite le jeudi ou le vendredi. Cet article a été affiché dans tous les collèges du département de l’Isère et l’on a dit, entre autres choses, que Vallini soutenait Raffarin !
Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.
Quelques années plus tard, à l’occasion de mes visites dans les collèges du département et les centres d’entretien routier, lorsque je demande aux personnels et aux représentants de tous les syndicats qui avait raison, ils reconnaissent que le transfert s’est bien passé, et aucun ne souhaite revenir en arrière !
La période a été un peu compliquée. Trois années ont été nécessaires, de 2004 à 2007 – Didier Guillaume l’a très bien expliqué – pour que tout se mette en place.
Notre collègue a eu raison de remonter encore plus loin dans le temps, aux années 1982 et 1983, car c’est une véritable révolution qu’avait alors opérée le gouvernement de l’époque en transférant tous les personnels de l’État – y compris ceux des DDASS, les directions départementales des affaires sanitaires et sociales – aux conseils généraux. Là encore, malgré la grande inquiétude et les nombreuses interrogations suscitées – du moins sur le moyen terme – par le transfert, celui-ci s’est bien passé.
La mutation que nous proposons provoquera évidemment beaucoup d’inquiétudes – c’est d’ailleurs déjà le cas ! –, auxquelles nous devons répondre de façon concrète. Les régimes indemnitaires seront sans doute harmonisés par le haut parce que c’est, dans notre pays, une tradition sur laquelle personne ne songe à revenir. D’après une première estimation de la Direction générale des collectivités locales, cela devrait coûter 20 millions d’euros.
M. Éric Doligé et Mme Catherine Procaccia le conteste.
En revanche, les économies budgétaires dont tout le monde parle – et moi le premier ! – doivent être au rendez-vous. Jour après jour, la presse nous l’indique, et vous le savez donc comme moi : les Français mettent les économies budgétaires au premier rang des objectifs qu’ils assignent à cette réforme territoriale.
Tel n’est pas le cas pour le Gouvernement, lequel assigne trois objectifs à cette réforme : la clarté dans la délimitation des compétences, la compétitivité des régions et la proximité avec les intercommunalités. Les économies budgétaires dont le Premier ministre a parlé hier après-midi n’apparaîtront, à moyen et long terme, que comme une conséquence de cette réforme territoriale.
La note dont parlait M. Mézard, je la distribuerai à celles et ceux qu’elle intéresse. Elle contient nombre de pistes d’économies budgétaires potentielles que l’on a déjà commencé à évaluer. Mais, je le répète, ces économies n’apparaîtront, d’ici cinq à dix ans, que comme la conséquence d’une réforme globale de toutes les strates territoriales.
Il y aura le bloc communal, car c’est là, comme l’a dit Gérard Longuet, que se trouvent les gisements d’économies les plus importants, la mutualisation entre les communes et les intercommunalités – nous avons déjà commencé, dans la loi MAPAM, à les y inciter : la DGF baissera moins pour ceux qui mutualisent leurs services –, la réforme des syndicats intercommunaux…
Vous savez sûrement, mesdames, messieurs les sénateurs, en tant qu’élus implantés dans des territoires que vous connaissez très bien, qu’il se trouve encore 13 400 syndicats intercommunaux en France, alors que la loi de 2010, votée durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy à la suite du rapport Balladur, prévoyait que l’on devait rationaliser non seulement la carte de la coopération intercommunale – ce qui a été fait –, mais aussi celle des syndicats intercommunaux.
Or les préfets ne sont pas allés au bout de ce travail. Il reste donc encore, je le répète, 13 400 syndicats intercommunaux, dont 5 800 ont un périmètre compris dans celui d’une seule intercommunalité.
Ces syndicats intercommunaux, qui rendent de bons services, qui font du bon travail, gagneraient sans doute, pour la plupart d’entre eux, à être absorbés par les communautés de communes. Le budget des syndicats intercommunaux est de 17 milliards d’euros, soit 9 milliards en fonctionnement et 8 milliards en investissement.
S’il se trouve donc des gisements d’économies, la gestion des élus, qui sont tous dévoués à l’intérêt général, n’est pas ici en cause. Responsables, gestionnaires rigoureux, les élus sont devenus prisonniers d’un système complexe et donc coûteux.
J’en termine en revenant aux personnels. Pardonnez-moi de citer souvent l’Isère en exemple, mais c’est le département que je connais le moins mal : ayant décidé d’anticiper les changements pour rassurer les personnels, nous avons pris contact avec la région Rhône-Alpes.
Le directeur des services du département a appelé son homologue à Lyon pour commencer à réfléchir à la façon dont les choses pourraient s’organiser au cours des années qui viennent. Comme l’a dit Jean-Jacques Lozach, nous avons quatre ans, peut-être cinq – de 2015 à 2020 – pour assurer le transfert des personnels départementaux, soit vers les régions, soit vers les intercommunalités. C’est beaucoup !
En effet, ce transfert sera avant tout juridique, et non pas toujours physique. Les personnels ne seront amenés à déménager que dans de rares cas et, évidemment, avec leur accord !
M. Jacques Mézard le conteste.
Monsieur Mézard, à Clermont-Ferrand, il subsistera toujours des services de la région qui s’appellera Rhône-Alpes-Auvergne, mais nous n’allons pas déménager tous les services de la région Auvergne pour les installer à Lyon…
En effet ! Et vous verrez, monsieur Larcher, que la plupart des services resteront là où ils sont. En descendant plus avant sur le terrain, les centres d’entretien routier demeureront tels quels, avec le cas échéant une rationalisation qui s’opèrera en bonne intelligence entre les syndicats des personnels et les nouveaux responsables que seront les élus régionaux ou les élus intercommunaux.
Faisons donc confiance à l’intelligence collective. Puisqu’il s’agit de transférer les personnels sur le plan juridique, et non pas sur le plan physique, nous avons le temps de réfléchir à la meilleure façon d’y parvenir. Par exemple, les personnels TOS des collèges resteront dans ces établissements. Il est évident, encore une fois, que personne ne les obligera à déménager !
Certes, il se peut que certains personnels de direction fassent l’objet d’un transfert. Et encore, dans des régions très grandes, les personnels de direction devront être répartis géographiquement. Si l’on fusionne la Haute-Normandie et la Basse-Normandie, tous les personnels ne viendront pas à Rouen ou à Caen !
Des personnels de direction resteront en poste dans les grandes villes de chaque région. Il ne faut donc pas trembler avant d’avoir la fièvre ! Ce qu’il faut, c’est de l’intelligence collective et du dialogue avec les organisations syndicales.
Je vous remercie d’avoir noté que Marylise Lebranchu avait ouvert un site dédié aux personnels territoriaux sur lequel ces derniers peuvent obtenir des renseignements de nature à les rassurer.
En effet, monsieur Larcher, et nous l’avons fait. Avec Bernard Cazeneuve, au niveau national, pour ce qui concerne les services de l’État qui seront déconcentrés, et Marylise Lebranchu, au niveau territorial, nous allons donner toutes les garanties quant à leur avenir aux personnels départementaux, qui fournissent un excellent travail et continueront, bien sûr, à le faire.
Je mets aux voix l’amendement n° 104.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 209 :
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 2, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Par dérogation aux articles L. 3112-1, L. 3112-2, L. 3114-1, L. 4122-1, L. 4122-2 et L. 4123-1 du code général des collectivités territoriales, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, les conseils régionaux et généraux proposent un schéma de réorganisation territoriale des régions et des départements dans leur secteur géographique.
Sur la base de ces propositions, la nouvelle liste des régions et des départements ainsi que la définition de leurs limites territoriales et de leurs chefs-lieux sont fixées par décret en Conseil d’État. Le nombre des départements de France métropolitaine ne peut excéder cinquante et celui des régions ne peut excéder douze.
Les services déconcentrés des administrations civiles de l’État sont organisés dans le cadre de circonscriptions coïncidant avec le territoire des collectivités visées au présent article.
II. – L’article 4 de la loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République est abrogé.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L'amendement n° 3, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Si avant le 1er mars 2015, tous les conseils généraux et le conseil régional d'une région actuelle demandent à fusionner en une collectivité territoriale unique, cette fusion est prononcée par décret.
La collectivité territoriale unique visée au présent article exerce l’ensemble des compétences attribuées par la loi à la région et aux départements qu’elle regroupe. Elle leur succède dans tous leurs droits et obligations.
Le présent article s’applique par dérogation à l'article L. 4124-1 du code général des collectivités territoriales et par dérogation aux autres articles de la présente loi.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 103, présenté par MM. Favier et Le Cam, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Lorsqu’il est envisagé de créer une nouvelle collectivité territoriale dotée d’un statut particulier ou de modifier le périmètre d’une collectivité territoriale existante, il est procédé à la consultation, par voie référendaire, des électeurs inscrits dans les collectivités intéressées.
Un décret du Conseil d’État précise les conditions de cette consultation.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
La loi de 2010 a fixé les règles favorisant les fusions entre collectivités territoriales, la création de nouvelles collectivités territoriales et, dans certains cas, des modifications territoriales.
Nous avons, pour notre part, combattu cette loi et demandé son abrogation. Nous demeurons pour le moins circonspects à l’égard de telles possibilités ; nous y sommes même opposés, pour une raison essentielle : notre volonté de respecter la République une et indivisible. Aussi considérons-nous que les mêmes collectivités territoriales doivent exister sur tout le territoire national, et disposer partout des mêmes prérogatives. C’est pour nous un principe républicain et l’un des fondements de l’égalité entre les citoyens.
Cependant, dans le cadre des évolutions de limites territoriales, la loi doit prévoir les conditions de mise en œuvre des dérogations à cette règle de la part des mêmes institutions territoriales, où qu’elles se trouvent. Il nous semble qu’une telle démarche ne peut aboutir qu’avec le soutien des citoyens, et donc en organisant l’expression de la souveraineté populaire.
La loi MAPAM, quant à elle, a créé la métropole de Lyon, car les auteurs du projet n’étaient pas du tout assurés d’obtenir le soutien de la population pour parvenir à cette création. Il y a eu là un véritable déficit démocratique extrêmement grave.
Dans ces conditions, il nous semble nécessaire de préciser dans la future loi que toute modification du territoire d’une collectivité territoriale, de la plus petite à la plus grande, de même que toute création d’une nouvelle collectivité territoriale doivent être soumises à référendum, afin que les citoyens puissent faire part de leur accord ou de leur désaccord sur de tels projets, qui les concernent au premier chef.
L’article 72-1 de la Constitution prévoit cette possibilité. Nous vous proposons de rendre celle-ci effective.
En s’appuyant sur mon rapport, la commission spéciale a eu plutôt tendance à alléger les procédures qui renvoyaient à une consultation de tous les habitants à chaque évolution des structures. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
Cet amendement est assez contraire à celui que nous avons adopté tout à l’heure présenté par M. Zocchetto, lequel insistait justement sur la mise en œuvre de réponses différenciées et adaptées aux réalités de chaque territoire.
La possibilité de fusion département-région relève justement de la gestion différenciée des réalités territoriales. Pour ma part, je souscris au souhait de M. le rapporteur d’aller plutôt vers la simplification. L’exemple alsacien nous y conduit d’ailleurs. En effet, je le rappelle, en Alsace, une tentative de création de collectivité unique a échoué malgré un référendum au résultat majoritairement favorable, en raison de l’existence de verrous départementaux.
Laissons de la souplesse et n’imposons pas un référendum là où il y a consensus.
En revanche, et pour aller, en partie seulement, dans le sens des auteurs du présent amendement, il me semble qu’il existe une lacune. Ainsi, dans le cas où, malgré un consensus ou une majorité à l’échelon des collectivités, la population n’adhérerait pas au projet présenté, je pense que la loi doit prévoir un référendum, mais d’initiative citoyenne. Il faut envisager un mécanisme permettant aux citoyens de demander un référendum sur le projet de fusion avec lequel ils ne sont pas d’accord dans les semaines suivant la décision ou sur un redécoupage que les élus ne voudraient pas défendre eux-mêmes. Ce serait un « plus », mais nous y reviendrons à l’occasion de l’examen d’amendements ultérieurs. Sur ce point, j’espère que nous tomberons tous d’accord.
Je n’en doute pas, monsieur Dantec !
Dans cet hémicycle, il est des mots qui sont souvent employés sur toutes les travées pour soutenir tel ou tel projet. Nous entendons les orateurs appeler à faire confiance aux intelligences locales ; il est même un rapport qui y fait explicitement référence.
Pour notre part, par le biais de l’amendement n° 103, nous vous demandons simplement de faire confiance au peuple, de reconnaître la plénitude de sa souveraineté et de mettre en œuvre le dernier alinéa de l’article 72-1 de la Constitution, dans le respect de l’article 2 de celle-ci aux termes duquel le principe de notre République est le « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. » L’objet de toute institution, au plan tant local que national, n’est-il pas de créer les conditions d’application permanentes de ce principe républicain fondateur ?
Aussi, il nous paraît naturel que toute modification des institutions locales soit soumise à référendum, local ou national, suivant l’ampleur des évolutions envisagées.
Si le Sénat adoptait le présent amendement, il ferait preuve d’une double confiance : aux élus, d’abord, pour largement consulter, puis proposer des modifications dont les finalités seront partagées au-delà de leurs propres rangs ; au peuple, ensuite, pour assurer le respect de l’intérêt général et des principes de notre République dans toute évolution institutionnelle.
Cette question a été soulevée au cours de la procédure législative d’examen du projet de loi que nous étudions, et pas seulement par les membres de mon groupe. C’est dire combien elle est d’actualité. D’ailleurs tous les sondages le montrent : à chaque fois que l’on demande aux sondés s’ils souhaitent être consultés, la réponse positive est toujours majoritaire.
Alors, avec un peu de courage et un sens aigu de la démocratie, il ne devrait pas être difficile de dégager une majorité pour mettre le peuple au centre de nos préoccupations et de la vie politique.
Les membres du groupe socialiste ne voteront pas en faveur de cet amendement.
Tout d’abord, nous défendrons, je l’espère, un amendement qui vise à offrir une possibilité d’option pour les départements, lesquels pourront choisir de passer d’une région à une autre avec l’accord des deux régions concernées. Par conséquent, cet amendement est complètement contradictoire avec l’amendement n° 103.
Par ailleurs, je précise que les collectivités peuvent organiser un référendum si elles le souhaitent. Mais c’est à elles d’en décider et non à la loi de l’imposer, d’autant qu’il peut parfois s’agir d’un élément de blocage. Maintenons donc un système où la collectivité peut organiser un référendum. Réfléchissons ensemble, dans un cadre élargi, à la proposition de M. Dantec d’ouvrir une possibilité de référendum citoyen lorsqu’un nombre suffisant de nos concitoyens l’aura demandé par le biais d’une pétition, mais essayons de donner de la souplesse au dispositif.
Au cours du débat, nous présenterons, je le répète, un amendement qui tend à instaurer un droit d’option pour les départements. M. le rapporteur défendra, quant à lui, un amendement visant à ouvrir des possibilités de fusions de départements ou de nouvelles fusions de régions, sans passer obligatoirement par un référendum.
Il me semble que nous pouvons faire évoluer la carte régionale dans la souplesse si nous faisons aussi confiance aux élus des différentes collectivités qui ont toute légitimité en matière de mise en place de nouvelles organisations territoriales.
L'amendement n'est pas adopté.
J’ai reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire.
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures quarante.