Je crois que nous sommes en train de glisser d’un amendement qui paraissait anodin – l’expression « bon sens » a été employée à de nombreuses reprises – à un véritable débat de fond. Comment concilier la République une et indivisible et la France diverse, la France plurielle ? Comment concilier une République décentralisée et un État fort ? On en revient à des données de base concernant l’organisation territoriale de la République, parce que cet amendement, insuffisamment précis, pose le principe que la loi doit s’appliquer sans discrimination « territoriale ».
Affirmer un certain nombre de principes, c’est très bien. Cette affirmation dépasse d’ailleurs très largement les clivages politiques. Cependant, l’essentiel n’est pas là.
L’essentiel, c’est la cohérence entre les discours et les actes, et la mise en application des grands principes. Derrière ce débat, il y a les questions de l’aménagement du territoire, de l’égalité des chances entre les territoires, de la péréquation et – je crois que cette question formait la toile de fond de l’intervention de Jean-Pierre Raffarin – de la discrimination positive, qui consiste à apporter davantage aux territoires qui en ont le plus besoin.
L’exemple du Rhône a été cité à plusieurs reprises. Cet exemple me fait doucement rire. Je me rappelle – je pense qu’un certain nombre de présidents de conseil général ici présents s’en souviennent également – qu’il y a eu, au début des années 2000, un grand débat au sein de l’Assemblée des départements de France parce que le président du conseil général du Rhône voulait que le RMI soit départementalisé, c’est-à-dire que son montant relève de la libre décision de chaque conseil général. En termes de cohésion sociale et territoriale, cela aurait été absolument redoutable.
Il faut l’action sociale la plus juste possible dans les territoires, mais également – je crois que ces deux dimensions sont loin d’être incompatibles – un État fort pour veiller à l’application des principes essentiels. En effet, la péréquation, tant horizontale que verticale, ne peut exister que si elle est imposée par un État fort.