Intervention de Yves Pozzo di Borgo

Réunion du 4 juillet 2014 à 14h45
Délimitation des régions et élections régionales et départementales — Article 1er

Photo de Yves Pozzo di BorgoYves Pozzo di Borgo :

Monsieur le ministre, vous nous avez rappelé en commission que votre objectif est bien de rendre nos régions plus fortes et plus compétitives, afin qu’elles puissent s’adapter à la mondialisation, pour être en phase avec les grandes régions européennes et mondiales, à l’image des Länder allemands.

Vous avez affirmé que « ce découpage privilégie la taille et les enjeux économiques ».

Je regrette d’ailleurs que cet élément n’apparaisse pas dans l’exposé des motifs du texte que vous nous présentez.

Nous voyons, en regardant la nouvelle carte proposée, que la plupart des régions sont taillées pour affronter la concurrence économique européenne, même si l’action de certaines d’entre elles va au-delà de l’Europe et se déroule à travers le monde. Ainsi, pour ne prendre que ces exemples, la région Rhône-Alpes est représentée à Shanghai et la région Alsace est jumelée avec celle de Nankin.

Mais une seule région a la taille mondiale pour affronter les défis économiques mondiaux : c’est l’Île-de-France. Derrière tout cela se profile le débat sur les villes-monde, le débat sur le Grand Paris.

Au Sénat, une commission sur le Grand Paris a été constituée et nous avons eu de très longs débats sur la région d’Île-de-France. La loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris qui vise la grande boucle des transports parisiens était un premier pas pour accompagner et conforter les pôles stratégiques d’Île-de-France et pour assurer le développement économique de la France.

La loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles a abouti à la création de la métropole du Grand Paris. C’est une avancée, mais celle-ci est très imparfaite.

En arrière-fond du débat sur le Grand Paris, il y a un débat sur ses limites. Celui-ci n’a pas encore été tranché.

Pour certains, le Grand Paris doit se limiter à Paris et à ses trois départements périphériques. Le texte sur la métropole a donné la possibilité d’élargir le Grand Paris aux limites des quatre départements, Paris compris. Pour d’autres, dont je suis, ainsi que pour Roger Karoutchi, le Grand Paris doit correspondre à la région d’Île-de-France entière. Pour ne prendre qu’un exemple à l’étranger, le Grand Moscou représente quatre fois la région d’Île-de-France.

En 2012, l’Île-de-France demeurait la première région importatrice et exportatrice de biens avec plus d’un quart des importations et 18 % des exportations nationales en valeur.

Deuxième plate-forme fluviale d’Europe, dotée d’infrastructures ferroviaires qui la relient aux grandes capitales européennes, elle est également située au carrefour des échanges européens et mondiaux. Elle est la première région économique française et l’une des premières au plan européen.

L’Île-de-France contribue pour 29 % au produit intérieur brut métropolitain, dont 22 % seulement sont utilisés par les Franciliens, le reste étant redistribué dans les autres régions. C’est grâce notamment à l’implantation de nombreuses entreprises non seulement françaises, mais aussi étrangères sur ce territoire.

L’Île-de-France est la deuxième région en Europe et la première en France en matière d’accueil des investissements étrangers, la troisième dans le monde, derrière Londres, qui accueille trois fois plus d’investissements étrangers, et New York, qui en accueille deux fois plus.

N’oublions pas également qu’elle est l’une des premières destinations touristiques au monde.

Comme je l’ai souligné, l’Île-de-France a une capacité de développement économique à l’échelon mondial. Le monde a changé, il ne correspond plus aux échelles géographiques que nous avons connues. La perception de l’espace et la gestion des déplacements ont été bouleversées par la mondialisation. Le XXIe siècle est celui du phénomène de métropolisation. Les grandes capitales s’appréhendent désormais comme des villes-monde ou des villes-région. Tel est déjà le cas de New York, de Tokyo et de Londres. La région d’Île-de-France n’ayant pas encore achevé ce processus, il faut donc l’accompagner pour qu’elle reste dans la compétition mondiale.

Or ce Grand Paris-région d’Île-de-France a une grande faiblesse : il ne dispose pas d’une façade maritime. Aujourd’hui, 80 % des marchandises transitent par la mer. Ne pas prendre ce fait en considération et ne pas se doter de moyens de capter ce trafic revient finalement à se priver, au plan national, de participer pleinement au commerce international.

La plupart des grandes villes du monde et des grandes régions disposent d’une ouverture maritime : New York, Shanghai, Bombay avec le port Jawaharlal Nehru, Hong Kong, Singapour, Tokyo, Los Angeles, Séoul, Londres.

Pour qu’elle soit compétitive à l’image des régions-monde, l’Île-de-France devrait pouvoir disposer d’une façade maritime. Les ports du Havre et de Rouen, en Haute-Normandie, ont constitué d’ores et déjà avec les ports de Paris un complexe portuaire majeur en Europe, baptisé HAROPA, et reconnu « Meilleur port européen 2014 » par les lecteurs du journal Cargonews Asia, leader de la presse professionnelle en Asie.

En 1995, Le Havre et Anvers traitaient respectivement environ 1 million et 2 millions de conteneurs ; en 2012, le premier port en traitait 2 millions et le second 8 millions.

Vous le constatez, mes chers collègues, malgré les efforts accomplis, les bateaux ne s’arrêtent pas au port du Havre, mais se rendent au nord de l’Europe. Et une partie de la France est alimentée par les conteneurs qui arrivent de Rotterdam, d’Anvers ou de Hambourg, en évitant nos ports.

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