Mon intervention sur l’article 1er vaudra également défense de l’amendement n° 105 tendant à la suppression de cet article.
L’article 1er qui fixe la nouvelle carte régionale constitue bien, en effet, le cœur de la réforme qui nous est proposée. Si l’exposé des motifs est peu loquace en ce qui concerne les objectifs et les critères des regroupements de régions proposés, l’étude d’impact explicite mieux ces choix sans en mesurer pour autant les conséquences. Ainsi, elle précise qu’il s’agit d’« adapter » la carte régionale non seulement aux « réalités géographiques », sans plus de précisions, mais aussi à « l’Europe des régions ».
Tel est donc l’objectif premier : il nous est demandé d’adapter notre pays à cette perspective d’une Europe fédérale et libérale.
Le deuxième objectif affiché par l’étude d’impact est celui du redressement de l’économie et des comptes publics, sans que les conséquences des fusions de régions dans ces domaines soient réellement étudiées. Les économies ne sont qu’affirmées et non démontrées ; au contraire, je crois que les différents orateurs, sur toutes les travées de cette assemblée, ont fait la démonstration que la création de ces grandes régions allait plutôt entraîner des surcoûts.
M. le rapporteur considère, quant à lui, que l’objectif visé par le Gouvernement avec la création de ces grandes régions serait la recherche d’une puissance renforcée de nos régions dans la concurrence européenne et mondiale. Dans ce cadre, la diminution du nombre des régions serait un facteur d’efficacité. Il ne dépasse pas, lui non plus, le stade de l’affirmation et n’ébauche pas la moindre tentative de justification de telles allégations.
Il serait intéressant que nous puissions débattre de cette notion de puissance que l’on entend de plus en plus évoquer à propos des régions. En quoi de grandes régions seraient-elles nécessairement plus fortes ou plus justes ? Par exemple, la fusion de deux régions pauvres ne fera jamais une région riche.
Nous devrions alors nous interroger sur les raisons qui nous font en permanence comparer nos régions aux Länder allemands et à leur force, en oubliant de mentionner que cette puissance est étroitement liée aux pouvoirs et aux moyens qu’ils tirent d’une constitution fédérale. Faut-il rappeler que l’Allemagne n’est pas une république une et indivisible et que l’unité allemande est récente au regard de l’existence de notre État-nation ? Enfin, les discriminations territoriales de toutes sortes sont aussi le lot commun en Allemagne.
Quelle puissance devraient atteindre nos régions ? Au service de quels objectifs développer celle-ci ? Malheureusement, rien n’est dit sur ce sujet. On disserte sur le management, on parle d’efficacité, mais pour répondre à quelles attentes, à quels besoins, à quelle réduction réelle des inégalités sociales et territoriales ? En quoi le transfert de la gestion des routes ou des collèges aux régions va-t-il les rendre plus performantes ? Bien au contraire, comme beaucoup l’ont souligné, le risque est de les transformer en monstres technocratiques, moins efficaces et, en tout cas, moins réactifs que les départements.
Les dernières élections, municipales et européennes, ont montré de fortes attentes des citoyens en termes de participation et d’écoute. Le présent projet de loi est-il une première réponse alors que, au nom de la puissance et de l’efficacité, on s’apprête à mettre en œuvre des structures encore plus éloignées des citoyens et comptant moins d’élus ?
Pour toutes ces raisons et bien d’autres, notamment l’absence à peu près totale de concertation pour préparer cette carte, nous vous proposerons de supprimer l’article 1er, ce qui nous permettra au moins d’examiner en première lecture le projet de loi relatif aux compétences avant de conclure sur le périmètre des futures régions avec la deuxième lecture du présent projet de loi.