Intervention de Alain Juppé

Réunion du 26 novembre 2010 à 14h45
Loi de finances pour 2011 — Anciens combattants mémoire et liens avec la nation, amendements 170 44 1 2011

Alain Juppé, ministre d'État :

… sachez que la situation budgétaire ne permet pas d’inscrire les crédits nécessaires à l’augmentation du nombre des retraites du combattant correspondants. Il n’y a donc pas pour 2011 de mise en œuvre de cette mesure d’extension. Je veillerai, cependant, à ce que cette disposition soit appliquée dès que les marges financières seront acquises pour financer un surcoût de l’ordre de 4, 6 millions d’euros par an.

En ce qui concerne l’attribution du bénéfice de la campagne double aux anciens combattants d’Afrique du Nord, je voudrais dissiper un malentendu avec certaines associations d’anciens combattants qui dénoncent le caractère restrictif du décret du 29 juillet dernier.

Permettez-moi à ce sujet un bref rappel historique. Dès l’origine, pour les opérations qui se sont déroulées en Afrique du Nord, seul le régime de la campagne simple a été accordé. Cela signifie que les services qui y ont été accomplis ont été comptabilisés deux fois au titre de la pension de retraite. Le régime de la campagne double, plus favorable puisque les services sont comptés trois fois, est traditionnellement réservé aux seules opérations de guerre. Or la loi du 18 octobre 1999 a précisément substitué à l’expression « aux opérations effectuées en Afrique du Nord », l’expression « à la guerre d’Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc ».

Des associations ont donc demandé l’attribution de la campagne double pour les ressortissants du code des pensions civiles et militaires de retraite ayant servi en Afrique du Nord. Un arrêt du conseil d’État du 17 mars leur a donné raison.

Le décret du 29 juillet 2010 permet de réviser toutes les pensions de retraite liquidées à compter du 19 octobre 1999, date de l’entrée en vigueur de la loi. Il respecte le principe d’égalité de traitement entre générations du feu. Il répond aux exigences du Conseil d’État qui, dans un avis du 30 novembre 2006, avait demandé aux ministres chargés des anciens combattants et du budget de définir « les circonstances de temps et de lieu » permettant d’identifier les « situations de combat » ouvrant droit à la bonification. Le décompte des actions de feu et de combat sera fait à la demande des intéressés, sur la base des journaux des marches et des opérations.

Enfin, ce projet de budget traduit notre volonté de remédier à certaines situations injustes.

Le Gouvernement a souhaité voir améliorer la situation des veuves des plus grands invalides de guerre, ces femmes qui ont renoncé à une activité professionnelle pour s’occuper, avec dévouement et générosité, de leur conjoint gravement blessé. Il a donc émis un avis favorable sur l’amendement, déposé par les députés, visant à instituer un supplément de pension de 360 points en faveur des conjoints des invalides dont le taux d’invalidité est le plus élevé. Cette disposition, d’un coût modeste, je le reconnais, représente néanmoins une avancée incontestable.

Dans le même esprit, à la demande du Premier ministre et pour améliorer la cohérence d’un dispositif juridique qui excluait injustement du droit à réparation certains orphelins de victimes de la barbarie nazie, le ministère de la défense a rédigé un projet de décret unique tendant à l’unification des dispositifs existants. Ce projet répond à l’exigence de lisibilité et de correction des principales difficultés d’application constatées, tout en restant fidèle à la spécificité d’une réparation liée à la notion de barbarie nazie. Je précise toutefois que le budget qui met en œuvre les mesures d’indemnisation des orphelins de déportés et de victimes de la barbarie nazie, le programme 158, est placé sous la responsabilité du Premier ministre et non du ministère de la défense et des anciens combattants.

Enfin, chère Janine Rozier, en réponse à l’amendement que vous avez déposé, je vous informe qu’une étude sera réalisée dans dix-huit départements afin de recenser les anciens combattants les plus démunis susceptibles de bénéficier d’une allocation différentielle sur le modèle de l’allocation existant pour les conjoints survivants. Sur la base de cette étude, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport évaluant l’intérêt de créer une telle allocation pour les anciens combattants ressortissant de l’Office national des anciens combattants, l’ONAC.

En dépit de l’ouverture de ces nouveaux droits, le budget des anciens combattants pour 2011, c’est sa troisième caractéristique, est cependant un budget responsable.

Ce budget est responsable, tout d’abord, parce que, face à une crise économique et financière sans précédent, il ne pouvait s’exonérer de l’effort collectif nécessaire pour redresser les finances de l’État. Cette nécessité, François Baroin l’a clairement réaffirmée lors de la présentation du projet de loi de finances, en fixant comme objectif de ramener le déficit de 152 milliards d’euros en 2010 à 92 milliards d’euros en 2011. Le Premier ministre en a également pris acte, en décidant d’affecter toutes les économies à la réduction des dépenses.

Dans ce contexte, chacun comprendra, je l’espère, même si nous le regrettons tous, que les demandes de hausse du plafond pour la rente mutualiste du combattant ou d’abaissement en dessous de 75 ans de l’âge ouvrant droit à la demi-part fiscale ne sont pas réalisables.

De même, il n’est malheureusement pas possible d’augmenter de deux points la retraite du combattant en 2011, comme je l’aurais personnellement souhaité, car nous ne disposons pas des marges de manœuvre nécessaires pour le faire. Cette décision, nous ne la prenons pas de gaîté de cœur, nous qui avons largement prouvé notre attachement au monde combattant en augmentant cette pension de 36 % en quatre ans. Nous avons donc décidé d’accorder un point de hausse au 1er juillet 2011 : la dépense s’élèvera à 4, 7 millions d’euros en 2011 et à 18, 44 millions d’euros en année pleine pour 2012 et 2013. Tel est le sens de l’amendement n° II-170, déposé par le Gouvernement, qui porte à 44 points la retraite du combattant au 1er juillet 2011.

Responsable, le budget des anciens combattants pour 2011 l’est également par sa volonté de préparer l’avenir, ce qui suppose, tout d’abord, que nous nous donnions tous les moyens de remplir notre devoir de mémoire.

Dans la perspective du centenaire de la Grande Guerre, le budget pour 2011 consacre une mesure nouvelle de 1, 5 million d’euros, reconductible en 2012 et 2013, à la rénovation de nos nécropoles. Ce budget permettra par ailleurs de poursuivre le cycle commémoratif du 70e anniversaire de la Seconde Guerre mondiale engagé l’an dernier, en faisant porter notre effort sur la Résistance.

Enfin, vous le savez, le Gouvernement a installé, le 19 octobre 2010, le conseil d’administration de la Fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie. À l’instar des grandes fondations de mémoire de la Seconde Guerre mondiale, ce nouvel organisme est appelé à devenir un centre de ressources documentaires ainsi qu’un lieu de recueil de la mémoire orale. Il sera également ouvert aux historiens et aux sociologues, auxquels il offrira un espace de réflexion et de débat inscrit dans l’histoire du conflit, mais aussi dans le temps long et dans l’histoire de l’espace méditerranéen.

Préparer l’avenir, c’est enfin garantir la relève du monde combattant et renforcer le lien armée-nation. Tel est le sens du décret modifiant les critères d’octroi de la carte du combattant pour les opérations extérieures, les OPEX, publié le 14 novembre 2010, qui permet d’augmenter de 25 % à 50 % le nombre de bénéficiaires nouveaux de la carte du combattant chaque année.

C’est aussi l’objectif du chantier que nous allons lancer, vingt ans après la guerre du Golfe, pour donner une dimension mémorielle cohérente à cette longue génération des OPEX, qui va de la guerre de Corée, première opération extérieure de l’après-guerre, à l’Afghanistan aujourd’hui.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, avec ce budget ambitieux, juste et responsable, le Gouvernement montre que l’avenir du monde combattant est au cœur de ses préoccupations. Il exprime son engagement sans faille aux côtés des anciens combattants et sa ferme détermination à rendre la flamme du souvenir toujours plus vive et toujours plus claire !

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