La proposition de résolution européenne que je suis chargée de rapporter a été adoptée par la commission des affaires européennes à l'initiative de notre collègue Françoise Boog. Ayant travaillé dans des délais très contraints, je n'ai mené qu'un nombre restreint d'auditions, parmi lesquelles celle de la Fédération du commerce et de l'industrie qui avait été à l'initiative des premières démarches visant à réduire la consommation de sacs en plastique et fut l'interlocuteur privilégié du ministère sur le sujet. Les distributeurs sont souvent décriés, il était juste de rappeler ici qu'ils ont, en l'occurrence, donné l'impulsion.
Cette proposition de résolution porte sur le projet de directive, en cours de discussion à Bruxelles, visant à harmoniser les politiques menées en Europe en vue de diminuer progressivement l'utilisation de sacs en plastique, dont la surconsommation pose un problème environnemental de plus en plus aigu. Jusque dans les années 1960, les ménages utilisaient essentiellement des sacs en tissu et des cabas. Depuis, les sacs en plastique légers se sont développés de manière exponentielle et sont aujourd'hui très majoritairement utilisés pour transporter les achats, en particulier alimentaires. Ces sacs sont généralement composés de polyéthylène d'origine pétrolière, même si de plus en plus d'alternatives se développent. Selon les chiffres de l'Agence de la protection de l'environnement des États-Unis, entre 500 et 1 000 milliards de sacs seraient utilisés chaque année dans le monde. Le coût de revient d'un sac en plastique classique n'est que d'un centime de dollar. Dans l'Union européenne, d'après les chiffres de 2010, chaque citoyen utilisait en moyenne 198 sacs par an, avec cependant de sensibles différences d'un pays à l'autre. Les Danois et les Finlandais ne consomment qu'un sac en plastique par trimestre, tandis que les Chypriotes, les Hongrois, les Polonais ou encore les Portugais en consomment un par jour. En France, chaque individu consomme 90 sacs par an, soit deux fois moins que la moyenne communautaire.
Ces sacs légers sont particulièrement néfastes pour l'environnement. Un sac de caisse est fabriqué en une seconde, est utilisé pendant 20 minutes et se décompose durant 400 ans. Ces chiffres témoignent de l'ampleur du problème environnemental que posent ces emballages. Une étude publiée le 30 juin dernier aux États-Unis, dans les comptes rendus de l'Académie américaine des sciences, montre que les fragments de plastique pollueraient près de 88 % de la surface des océans. Cette étude confirme l'existence de cinq grandes zones de convergence où s'accumulent ces déchets de plastique sous l'effet des courants. Dans le Pacifique Nord, cette île de plastique représenterait une à trois fois la superficie de la France... Ces rejets de déchets plastiques constituent une menace croissante pour la vie marine, mais aussi pour le tourisme, la pêche et la chaine alimentaire en général.
Certains pays ont, en réaction, opté pour l'interdiction pure et simple des sacs plastique légers non réutilisables. En juin 2008, la Chine a décidé d'interdire la production et l'utilisation des sacs plastiques de moins de 25 microns d'épaisseur. Six mois après cette interdiction, la consommation chinoise avait diminué des deux tiers. Pour ce pays qui utilisait 37 millions de barils de pétrole chaque année pour la production des sacs, la mesure d'interdiction se justifie aussi sur le plan économique. En Europe, l'Italie a décidé d'interdire la production et l'utilisation des sacs à compter du 1er janvier 2011.
D'autres pays ont choisi une approche tarifaire, qui produit presque les mêmes effets. L'Irlande a ainsi mis en place, dès mars 2002, une taxe de 15 centimes d'euro, passée aujourd'hui à 50 centimes, pour chaque sac plastique à usage unique, avec une exemption pour les sacs réutilisables. Cette politique, qui met en application le principe du pollueur-payeur, s'est révélée très efficace puisque la consommation de sacs en plastique y a diminué de 90 %.
La France n'a pas attendu le projet de directive pour agir. En 2005, un accord a été signé entre la grande distribution et la filière plastique, sous l'égide du ministère de l'environnement. Un objectif de réduction de 50 % des sacs de caisse distribués gratuitement a été fixé à fin 2006. Leur nombre est ainsi passé de 15 milliards en 2003 à 650 millions en 2012, soit une réduction de 95 %. Les 650 millions de sacs gratuits encore distribués le sont principalement dans les commerces de proximité.
J'en viens au projet de directive qui motive cette proposition de résolution. La consommation de sacs en plastique est un enjeu commun et transfrontalier, mais les mesures prises individuellement par les États membres manquent de cohérence, et c'est pourquoi l'Union européenne a choisi d'intervenir. La Commission est, au-delà, engagée dans un vaste travail de révision de la politique des déchets au niveau européen.
Elle a déposé, le 4 novembre 2013, une proposition de directive prévoyant que les États membres prennent des mesures afin de réduire la consommation de sacs dans un délai de deux ans à compter de son entrée en vigueur. Ces mesures pourront consister en des restrictions de commercialisation, ce qui est interdit sous la réglementation actuelle. L'éventail des instruments dont disposent les États pour s'attaquer à la consommation non durable de sacs se trouve donc élargi.
Seront concernés les sacs en plastique d'une épaisseur inférieure à 50 microns qui sont fournis aux consommateurs dans les points de vente de marchandises ou de produits. Cela touchera aussi bien les sacs biosourcés, produits à base de matières organiques, que les sacs pétrochimiques. Au-delà de 50 microns d'épaisseur, les sacs sont considérés comme réutilisables et ne rentrent pas dans le champ d'application de la directive.
On pourrait trouver étonnant que les sacs biodégradables soient visés par le projet de directive. Il faut rappeler que le terme biodégradable ne signifie pas que les sacs en plastique se dégradent naturellement. Il y faut un processus de compostage en usine, à une température de 57 degrés et à un taux d'humidité au moins égal à 90 %. Or la filière de compostage reste peu développée en Europe comme en France. L'intégration de ces sacs dans le champ de la directive est donc parfaitement justifiée. De la même manière, les sacs oxodégradables ne constituent pas une alternative idéale. Ils sont fabriqués avec des additifs qui provoquent une dégradation du plastique sous l'action de la lumière ou de la chaleur, mais les particules issues de cette dégradation sont polluantes.
Le 16 avril 2014, le Parlement européen a adopté en séance plénière un texte amendé, plus ambitieux que la proposition initiale de la Commission. Il établit des objectifs chiffrés : les États membres devront réduire leur consommation de sacs en plastique de moins de 50 microns de 50 % d'ici 2017 et de 80 % en 2019, par rapport aux chiffres de 2010. Une exemption est prévue, pour des raisons d'hygiène, pour les sacs très légers utilisés pour emballer les produits alimentaires tels que les viandes crues, les poissons et les produits laitiers.
Au vu de ces éléments, la commission des affaires européennes a adopté, la semaine dernière, à l'unanimité, une proposition de résolution. Elle estime que le texte initialement proposé par la Commission n'est pas suffisamment ambitieux au regard de l'objectif affiché, mais qu'à l'inverse, la version adoptée par le Parlement européen est trop radicale et peu en phase avec les réalités commerciales et industrielles.
La résolution insiste donc pour que soit retenu un objectif clair, en nombre de sacs par habitant, par an et par pays, adapté à l'état d'avancement des États membres dans ce domaine. En cela, la résolution est sur la même ligne que le Gouvernement, qui soutient également l'option d'objectifs chiffrés par pays, afin de tenir compte des efforts déjà réalisés en matière de réduction de la consommation de sacs.
Le Gouvernement semble également travailler sur une interdiction à moyen terme. Au cours de l'examen du projet de loi relatif à la biodiversité devant la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, le 25 juin, Ségolène Royal a fait adopter un amendement prévoyant l'interdiction des sacs en plastique légers à compter de 2016. Seraient exonérés les sacs compostables de manière domestique et les sacs constitués de matières biosourcées. La ministre a toutefois elle-même reconnu, dans un discours prononcé le 2 juillet à l'occasion de la journée internationale sans sacs plastique, que ces alternatives n'existent pas encore. Les travaux de normalisation afférents au compostage domestique doivent être menés au niveau européen d'ici à 2016. Pour l'heure, les filières industrielles n'existent pas. Cette position me semble donc un peu prématurée. Nous n'avons que trop tendance, en France, à transposer de manière maximaliste les textes européens... Je crois qu'il faut aujourd'hui travailler en priorité à la définition d'objectifs réalistes de réduction par pays.
Concernant le champ d'application du dispositif, la proposition de résolution préconise d'abaisser le seuil d'épaisseur de 50 à 20 microns. Je suis ici un peu en porte-à-faux avec la commission des affaires européennes, car il me paraît préférable d'en rester au seuil retenu par la directive. Placer le curseur trop bas pourrait provoquer d'importants effets de seuil : au lieu de fabriquer des sacs de caisse non réutilisables de 14 microns environ, comme c'est le cas aujourd'hui, il suffirait aux industriels de fabriquer des sacs de 21 microns pour sortir du champ d'application de la directive. Les objectifs de réduction de la consommation de sacs ne seraient pas atteints, et le coût environnemental de ces sacs légèrement plus épais, serait aggravé, car leur fabrication exigerait plus de pétrole. Françoise Boog indique dans son rapport qu'à partir de 37 à 38 microns, les sacs sont réutilisables. Mais ils ne le sont, en réalité, que comme sacs poubelle. Un sac réutilisable, au sens de l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), doit pouvoir être employé au moins sept fois. D'où la proposition d'amendement que je vous soumettrai pour revenir à 50 microns, en accord avec Françoise Boog.
La proposition de résolution insiste, enfin, sur la nécessité d'accompagner la réduction de la consommation de sacs en plastique par l'encouragement au développement de filières de compostage. C'est une des conditions pour atteindre l'objectif « zéro plastique » dans les décharges en 2020.
Je vous proposerai d'adopter cette proposition de résolution, amendée dans le sens que j'ai indiqué.