La commission examine le rapport et le texte de la commission sur la proposition de résolution européenne n° 685 (2013-2014), présentée par Mme Françoise Boog au nom de la commission des affaires européennes en application de l'article 73 quater du Règlement, sur la réduction de la consommation de sacs en plastique légers à poignée.
La réunion est ouverte à 16 h 30.
EXAMEN DU RAPPORT
La proposition de résolution européenne que je suis chargée de rapporter a été adoptée par la commission des affaires européennes à l'initiative de notre collègue Françoise Boog. Ayant travaillé dans des délais très contraints, je n'ai mené qu'un nombre restreint d'auditions, parmi lesquelles celle de la Fédération du commerce et de l'industrie qui avait été à l'initiative des premières démarches visant à réduire la consommation de sacs en plastique et fut l'interlocuteur privilégié du ministère sur le sujet. Les distributeurs sont souvent décriés, il était juste de rappeler ici qu'ils ont, en l'occurrence, donné l'impulsion.
Cette proposition de résolution porte sur le projet de directive, en cours de discussion à Bruxelles, visant à harmoniser les politiques menées en Europe en vue de diminuer progressivement l'utilisation de sacs en plastique, dont la surconsommation pose un problème environnemental de plus en plus aigu. Jusque dans les années 1960, les ménages utilisaient essentiellement des sacs en tissu et des cabas. Depuis, les sacs en plastique légers se sont développés de manière exponentielle et sont aujourd'hui très majoritairement utilisés pour transporter les achats, en particulier alimentaires. Ces sacs sont généralement composés de polyéthylène d'origine pétrolière, même si de plus en plus d'alternatives se développent. Selon les chiffres de l'Agence de la protection de l'environnement des États-Unis, entre 500 et 1 000 milliards de sacs seraient utilisés chaque année dans le monde. Le coût de revient d'un sac en plastique classique n'est que d'un centime de dollar. Dans l'Union européenne, d'après les chiffres de 2010, chaque citoyen utilisait en moyenne 198 sacs par an, avec cependant de sensibles différences d'un pays à l'autre. Les Danois et les Finlandais ne consomment qu'un sac en plastique par trimestre, tandis que les Chypriotes, les Hongrois, les Polonais ou encore les Portugais en consomment un par jour. En France, chaque individu consomme 90 sacs par an, soit deux fois moins que la moyenne communautaire.
Ces sacs légers sont particulièrement néfastes pour l'environnement. Un sac de caisse est fabriqué en une seconde, est utilisé pendant 20 minutes et se décompose durant 400 ans. Ces chiffres témoignent de l'ampleur du problème environnemental que posent ces emballages. Une étude publiée le 30 juin dernier aux États-Unis, dans les comptes rendus de l'Académie américaine des sciences, montre que les fragments de plastique pollueraient près de 88 % de la surface des océans. Cette étude confirme l'existence de cinq grandes zones de convergence où s'accumulent ces déchets de plastique sous l'effet des courants. Dans le Pacifique Nord, cette île de plastique représenterait une à trois fois la superficie de la France... Ces rejets de déchets plastiques constituent une menace croissante pour la vie marine, mais aussi pour le tourisme, la pêche et la chaine alimentaire en général.
Certains pays ont, en réaction, opté pour l'interdiction pure et simple des sacs plastique légers non réutilisables. En juin 2008, la Chine a décidé d'interdire la production et l'utilisation des sacs plastiques de moins de 25 microns d'épaisseur. Six mois après cette interdiction, la consommation chinoise avait diminué des deux tiers. Pour ce pays qui utilisait 37 millions de barils de pétrole chaque année pour la production des sacs, la mesure d'interdiction se justifie aussi sur le plan économique. En Europe, l'Italie a décidé d'interdire la production et l'utilisation des sacs à compter du 1er janvier 2011.
D'autres pays ont choisi une approche tarifaire, qui produit presque les mêmes effets. L'Irlande a ainsi mis en place, dès mars 2002, une taxe de 15 centimes d'euro, passée aujourd'hui à 50 centimes, pour chaque sac plastique à usage unique, avec une exemption pour les sacs réutilisables. Cette politique, qui met en application le principe du pollueur-payeur, s'est révélée très efficace puisque la consommation de sacs en plastique y a diminué de 90 %.
La France n'a pas attendu le projet de directive pour agir. En 2005, un accord a été signé entre la grande distribution et la filière plastique, sous l'égide du ministère de l'environnement. Un objectif de réduction de 50 % des sacs de caisse distribués gratuitement a été fixé à fin 2006. Leur nombre est ainsi passé de 15 milliards en 2003 à 650 millions en 2012, soit une réduction de 95 %. Les 650 millions de sacs gratuits encore distribués le sont principalement dans les commerces de proximité.
J'en viens au projet de directive qui motive cette proposition de résolution. La consommation de sacs en plastique est un enjeu commun et transfrontalier, mais les mesures prises individuellement par les États membres manquent de cohérence, et c'est pourquoi l'Union européenne a choisi d'intervenir. La Commission est, au-delà, engagée dans un vaste travail de révision de la politique des déchets au niveau européen.
Elle a déposé, le 4 novembre 2013, une proposition de directive prévoyant que les États membres prennent des mesures afin de réduire la consommation de sacs dans un délai de deux ans à compter de son entrée en vigueur. Ces mesures pourront consister en des restrictions de commercialisation, ce qui est interdit sous la réglementation actuelle. L'éventail des instruments dont disposent les États pour s'attaquer à la consommation non durable de sacs se trouve donc élargi.
Seront concernés les sacs en plastique d'une épaisseur inférieure à 50 microns qui sont fournis aux consommateurs dans les points de vente de marchandises ou de produits. Cela touchera aussi bien les sacs biosourcés, produits à base de matières organiques, que les sacs pétrochimiques. Au-delà de 50 microns d'épaisseur, les sacs sont considérés comme réutilisables et ne rentrent pas dans le champ d'application de la directive.
On pourrait trouver étonnant que les sacs biodégradables soient visés par le projet de directive. Il faut rappeler que le terme biodégradable ne signifie pas que les sacs en plastique se dégradent naturellement. Il y faut un processus de compostage en usine, à une température de 57 degrés et à un taux d'humidité au moins égal à 90 %. Or la filière de compostage reste peu développée en Europe comme en France. L'intégration de ces sacs dans le champ de la directive est donc parfaitement justifiée. De la même manière, les sacs oxodégradables ne constituent pas une alternative idéale. Ils sont fabriqués avec des additifs qui provoquent une dégradation du plastique sous l'action de la lumière ou de la chaleur, mais les particules issues de cette dégradation sont polluantes.
Le 16 avril 2014, le Parlement européen a adopté en séance plénière un texte amendé, plus ambitieux que la proposition initiale de la Commission. Il établit des objectifs chiffrés : les États membres devront réduire leur consommation de sacs en plastique de moins de 50 microns de 50 % d'ici 2017 et de 80 % en 2019, par rapport aux chiffres de 2010. Une exemption est prévue, pour des raisons d'hygiène, pour les sacs très légers utilisés pour emballer les produits alimentaires tels que les viandes crues, les poissons et les produits laitiers.
Au vu de ces éléments, la commission des affaires européennes a adopté, la semaine dernière, à l'unanimité, une proposition de résolution. Elle estime que le texte initialement proposé par la Commission n'est pas suffisamment ambitieux au regard de l'objectif affiché, mais qu'à l'inverse, la version adoptée par le Parlement européen est trop radicale et peu en phase avec les réalités commerciales et industrielles.
La résolution insiste donc pour que soit retenu un objectif clair, en nombre de sacs par habitant, par an et par pays, adapté à l'état d'avancement des États membres dans ce domaine. En cela, la résolution est sur la même ligne que le Gouvernement, qui soutient également l'option d'objectifs chiffrés par pays, afin de tenir compte des efforts déjà réalisés en matière de réduction de la consommation de sacs.
Le Gouvernement semble également travailler sur une interdiction à moyen terme. Au cours de l'examen du projet de loi relatif à la biodiversité devant la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, le 25 juin, Ségolène Royal a fait adopter un amendement prévoyant l'interdiction des sacs en plastique légers à compter de 2016. Seraient exonérés les sacs compostables de manière domestique et les sacs constitués de matières biosourcées. La ministre a toutefois elle-même reconnu, dans un discours prononcé le 2 juillet à l'occasion de la journée internationale sans sacs plastique, que ces alternatives n'existent pas encore. Les travaux de normalisation afférents au compostage domestique doivent être menés au niveau européen d'ici à 2016. Pour l'heure, les filières industrielles n'existent pas. Cette position me semble donc un peu prématurée. Nous n'avons que trop tendance, en France, à transposer de manière maximaliste les textes européens... Je crois qu'il faut aujourd'hui travailler en priorité à la définition d'objectifs réalistes de réduction par pays.
Concernant le champ d'application du dispositif, la proposition de résolution préconise d'abaisser le seuil d'épaisseur de 50 à 20 microns. Je suis ici un peu en porte-à-faux avec la commission des affaires européennes, car il me paraît préférable d'en rester au seuil retenu par la directive. Placer le curseur trop bas pourrait provoquer d'importants effets de seuil : au lieu de fabriquer des sacs de caisse non réutilisables de 14 microns environ, comme c'est le cas aujourd'hui, il suffirait aux industriels de fabriquer des sacs de 21 microns pour sortir du champ d'application de la directive. Les objectifs de réduction de la consommation de sacs ne seraient pas atteints, et le coût environnemental de ces sacs légèrement plus épais, serait aggravé, car leur fabrication exigerait plus de pétrole. Françoise Boog indique dans son rapport qu'à partir de 37 à 38 microns, les sacs sont réutilisables. Mais ils ne le sont, en réalité, que comme sacs poubelle. Un sac réutilisable, au sens de l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), doit pouvoir être employé au moins sept fois. D'où la proposition d'amendement que je vous soumettrai pour revenir à 50 microns, en accord avec Françoise Boog.
La proposition de résolution insiste, enfin, sur la nécessité d'accompagner la réduction de la consommation de sacs en plastique par l'encouragement au développement de filières de compostage. C'est une des conditions pour atteindre l'objectif « zéro plastique » dans les décharges en 2020.
Je vous proposerai d'adopter cette proposition de résolution, amendée dans le sens que j'ai indiqué.
Je félicite notre rapporteure, qui a su mener son travail à très bref délai.
Nous savons que les sacs en plastique sont une plaie, à tous égards, même s'ils sont aujourd'hui moins nombreux à voleter en tous sens. Ils sont un danger pour la nature, pour les animaux, mais aussi pour l'économie. Ma région est productrice de lin : quand dans une balle de filasse sont venus se mêler quelques fils de plastique, elle devient impropre à l'exportation ; les États-Unis n'en veulent pas.
Il faut clairement différencier, à mon sens, le plastique d'origine minérale du plastique d'origine végétale. Le premier met entre 400 et 1 000 ans, dit-on - une durée telle, en tout cas, qu'on ne pourra jamais le vérifier - à se dégrader, tandis que le second, d'origine naturelle, se dégrade en six mois. On ne peut pas traiter l'un et l'autre de la même manière. J'avais naguère profité d'un texte touchant à l'agriculture pour déposer un amendement visant à rendre obligatoire l'usage du plastique végétal plutôt que minéral pour tout ce qui concerne l'alimentation. Il n'a, hélas, pas prospéré. Les lobbies du pétrole sont puissants...
Vous avez dit qu'il existe encore peu d'usines de compostage. J'invite à nouveau la commission à venir en Seine-Maritime, où une unité, installée à côté d'une usine qui privilégie le plastique végétal, est en phase de finalisation.
Je voterai cette proposition de résolution amendée, mais j'estime que le sujet mériterait d'être approfondi. Encore une fois, le plastique végétal se détruit beaucoup plus vite.
Je connais la modération et le pragmatisme de notre rapporteure, que j'ai vue à l'oeuvre comme présidente de la mission commune d'information sur les pesticides. Mais je dois dire qu'en ce qui me concerne, je suis partisan de l'interdiction. Il est vrai que l'on a beaucoup progressé, jusqu'à réduire de 84 % l'usage de ces sacs en plastique dans la distribution, mais dans le même temps, on laisse se développer de nouveaux usages, comme ces emballages plastiques qui enveloppent les revues et les journaux, produits en grande quantité et encore plus polluants. Il serait bon de s'en préoccuper. Et de développer le plastique biodégradable, qui n'a pas les mêmes effets néfastes sur l'environnement.
D'accord pour les sacs en plastique d'origine végétale, mais à condition que le maïs qui sert à les fabriquer ne soit pas cultivé sous plastique...
J'évoquerai, une fois n'est pas coutume, mon expérience personnelle. Le supermarché où je fais mes courses a décidé d'arrêter de distribuer des sacs en plastique. Ils proposent à la vente, à la place, des sacs résistants, que l'on peut très bien ranger dans son coffre et réutiliser.
Les sacs en plastique ne sont nullement indispensables dans la vie courante. Certains pays s'en passent d'ailleurs totalement, sans s'en porter plus mal. Cela est faisable et souhaitable. Nous devrions, nous aussi, parvenir à leur suppression pure et simple. Songeons aux dégâts sur l'environnement. J'ai récemment lu un article sur le « plastiglomérat », une nouvelle roche faite de sédiments mêlés de plastique qui s'agglomèrent au fond des mers. Nous transformons notre écosystème sans savoir quels en seront les effets sur la biodiversité. Et cela à cause de sacs en plastique dont nous n'avons pas vraiment besoin.
Pourquoi la directive se limite-t-elle aux sacs avec poignée ? Je suppose que cela est lié à leur utilisation, pour les courses. Chez les marchands de fruits et légumes, on trouve employés des sacs en plastique, mais aussi du papier d'emballage, bien meilleur pour la conservation. Une salade se défraichit aussitôt dans un sac en plastique, pas dans du papier. Mais certains marchands y restent réfractaires, parce qu'on le leur permet. Or, même les sacs en plastique végétal, faits avec du maïs, mais aussi de la pomme de terre, mettent du temps à se dégrader. Il faut les composter, à 50°C, ce qui suppose de ne pas vider trop fréquemment le compost.
Vous avez évoqué la journée sans sacs plastiques, le 2 juillet dernier, mais qui en a entendu parler ? Il reste bien du chemin à faire. Et il n'y a pas que les sacs. Je suis tombée l'autre jour sur un documentaire effrayant, où l'on voyait, sur une plage, des oiseaux pris au piège dans des bouteilles en plastique.
J'ai souvenir que le Sénat avait voté un texte, il y a six ans, qui visait à réduire les résidus d'emballage. Les choses n'ont guère évolué depuis. D'autant que les ménagères préfèrent acheter de petits contenants, moins lourds, ce qui multiplie les emballages.
Quand donc les grandes surfaces se mettront-elles à arborer leurs abords ? On sait que c'est efficace pour piéger les sacs, et éviter leur dispersion dans la nature. Charles Revet a évoqué la pollution du lin, un vrai problème en Seine-Maritime, au point qu'il a fallu nettoyer tous les fossés qui bordent les routes départementales. Ils étaient remplis de sacs en plastiques, sans parler des bouteilles jetées par les camionneurs. Cela a pris quatre ans. D'où la nécessité de systèmes de piégeage.
Mais je vous suivrai sur la question du seuil. Il faut avancer, au profit des générations futures.
Le plastique a des effets catastrophiques sur l'environnement. Il faut interdire les sacs en plastique, quelle que soit la pression des lobbies. Je suis fils de petit commerçant et je me souviens qu'autrefois, on emballait dans du papier journal. Aux États-Unis, les commerces utilisent des sacs en papier, le fameux brown bag, beaucoup plus chic et mieux assorti aux robes de ces dames.
J'avais déposé, il y a deux ans, une proposition de loi, malheureusement restée dans les cartons, qui tendait à rétablir la consigne pour toutes les bouteilles, comme en Allemagne et aux États-Unis où l'on voit, en ces temps de crise, les étudiants les ramasser pour se faire de l'argent de poche.
Dans mon département, le jour de la fête du bruit, dite fête de la musique par une minorité qui vient casser les oreilles de la majorité, la route était jonchée de monceaux de canettes et de bouteilles. C'est inadmissible. Pour préserver la beauté de la France, on devrait avoir le courage de rétablir la consigne. Je vous invite à ressortir ma proposition de loi du tiroir et à la cosigner et transmettre aux générations futures une terre qui ne nous est que prêtée.
D'accord pour le papier d'emballage, mais pas le papier journal, à cause de l'encre.
Cette proposition de résolution reste entre deux eaux, comme le plastique... Pourquoi ne pas se donner l'objectif de limiter l'usage des sacs aux sacs biodégradables ? Le progrès technologique le permet. La discussion devrait s'ouvrir avec les industriels sur le temps qui leur serait nécessaire pour y parvenir.
J'entends bien, en revanche, les raisons de votre amendement. Ramener le seuil de 50 à 20 microns pourrait avoir des effets contre-productifs.
Je félicite notre rapporteure et rejoins les observations qui ont été faites. Pourquoi ne viser que les sacs « à poignée » ? Cette mention devrait disparaître. Chez mon épicier, ce sont des sacs sans poignée qui sont proposés.
Je souscris à la plupart de vos observations, faites avec fougue et conviction. Je précise que les sacs en plastique très fin, sans poignée et non réutilisables, de moins de 50 microns, sont également visés dans la directive. J'indique à Henri Tandonnet qu'une révision globale de la directive emballages est prévue : les bouteilles en plastique et les emballages des journaux et magazines seront visés.
Pourquoi ne pas interdire ? La ministre de l'environnement, Mme Ségolène Royal, a fait passer un amendement au projet de loi relatif à la biodiversité pour prévoir une interdiction au 1er janvier 2016. Il me semble que c'est un peu tôt. Produire des sacs de substitution suppose de développer une norme - qui n'existe pas aujourd'hui -, sans laquelle les industriels ne peuvent préparer un outil de production ad hoc. J'ajoute que s'il faut développer une filière française, l'idéal serait que l'Europe s'y mette.
Privilégier les sacs en papier ? Sachez que l'Ademe et un grand distributeur ont conduit une étude dans laquelle il apparaît que le bilan carbone de ces sacs, du fait d'impératifs de fabrication, est très mauvais.
Evelyne Didier a évoqué les lobbies. Je veux lui dire que parmi les quelques auditions que j'ai pu conduire, j'ai entendu le club du bioplastique, qui, regroupant tous les acteurs de la filière, milite pour une transformation des process de fabrication, afin de pousser à la fabrication de sacs faits de matières naturelles. Ils font du lobbying, mais dans le bon sens. Preuve qu'il existe des industriels responsables.
Ronan Dantec a raison de dire que nous sommes à mi-chemin. Les pays du Sud de l'Europe utilisent encore beaucoup de ces sacs. C'est pourquoi la résolution propose un objectif par pays. Pour la Finlande, par exemple, qui n'en utilise quasiment plus, réduire l'usage de 50 % serait très difficile, quand un pays comme le Portugal peut aisément le réduire de 90 %.
A Anne-Marie Escoffier, j'indique que la mention des sacs « à poignée » figure dans le titre de la directive, mais que la révision de la directive emballages répondra à son souci.
EXAMEN DE L'AMENDEMENT
Mon amendement vise à supprimer l'alinéa 8 de la proposition de résolution, pour s'en tenir au seuil de 50 microns prévu par la directive.
L'amendement n° 1 est adopté.
Moi de même. J'estime que nous ne sommes pas assez fermes.
La proposition de résolution européenne est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
La commission entend MM. Pascal Berteaud, directeur général de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), Nicolas Bériot, secrétaire général de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (ONERC) et Jean-Marc Lacave, président-directeur général de Météo France, sur l'avancement du projet de cartes d'anticipation du changement climatique.
La réunion est ouverte à 17 h 30.
Nous recevons Pascal Berteaud, directeur général de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), Nicolas Bériot, secrétaire général de l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (Onerc) - dont le conseil d'orientation est présidé par Paul Vergès, membre de notre commission - et Jean-Marc Lacave, président-directeur général de Météo France. La commission vous a déjà rencontrés chacun séparément. A la fin de l'année 2013, M. Berteaud nous avait mis l'eau à la bouche en nous annonçant qu'il travaillait sur une cartographie à l'horizon 2030 du changement climatique sur les territoires, en lien avec vos organismes. Nous aurions bien besoin de tels outils pour établir notamment les schémas de cohérence territoriale (SCoT).
Christophe Maocec, directeur de la stratégie et moi-même allons vous présenter le portail Drias (Donner accès aux scénarios climatiques régionalisés français pour l'impact et l'adaptation de nos sociétés et environnements), développé avec d'autres institutions, tel l'Institut Pierre-Simon Laplace (IPSL), pour fournir au grand public comme aux experts des informations sur le changement climatique.
Le lien entre climat passé et climat futur peut être démontré grâce au continuum qui existe entre les modèles de la prévision météo et du climat. La simulation nécessite une échelle large, des mailles de 50 à 300 kilomètres : l'information ne peut donc pas être très fine. Une descente d'échelle permet d'augmenter la résolution géographique pour des besoins locaux. Il y a néanmoins une limite physique en dessous de laquelle il est impossible de descendre. Les données semblent précises, mais doivent être prises comme des scénarios possibles, et non comme des prévisions. Pour être plus proche de la réalité, il faut moyenner sur une période longue.
Les incertitudes proviennent de différents éléments : les scénarios d'émissions de gaz à effet de serre - nous utilisons ceux du Giec ; les modèles de prévision ; la variabilité climatique, que nous atténuons par l'usage de moyennes ; la méthode de régionalisation. Elles nécessitent un accompagnement explicatif pour que l'interprétation ne soit pas faussée. Le climat passé est important pour les projections climatiques, en tant qu'illustration pour faire mieux comprendre l'amplitude et les conséquences réelles du changement climatique. Il faut s'appuyer sur ces références pour rendre perceptible un futur pour ainsi dire inconcevable.
Drias, ouvert il y a deux ans, est un portail internet gratuit destiné à diffuser le plus largement possible la connaissance scientifique sur le changement climatique. Il permet une navigation cartographique des données à une échelle de carrés de 8 kilomètres - le mieux que nous puissions faire - selon plusieurs scénarios, plusieurs modèles, plusieurs horizons de temps, et plusieurs paramètres climatiques. Les données brutes peuvent être téléchargées pour construire des études à façon, comme par exemple sur l'importance des vagues de chaleur, que l'on peut représenter par des graphiques percutants.
De nouveaux indicateurs climatiques ont été ajoutés récemment en lien avec les utilisateurs ; en 2014, les nouveaux scénarios du Giec seront intégrés ; le champ couvert s'étendra à l'outre-mer ; des produits passé-futur seront créés. L'expérience est très satisfaisante, avec une audience notable et de nombreuses questions posées sur la hotline. L'objectif est de construire un véritable service pérenne répondant au mieux aux besoins des utilisateurs.
Il sera intéressant, en particulier, de mettre en évidence l'impact du changement climatique sur un secteur économique donné - nous avons besoin pour cela de croiser les données, grâce à un travail en collaboration. L'enjeu est de capitaliser sur Drias et de le faire progresser pour qu'il devienne un service de référence sur l'adaptation au changement climatique. L'alliance de recherche pour l'environnement Allenvi l'aidera, notamment en coordonnant - cela commence tout juste - des portails de données sur le changement climatique et ses impacts. Signalons le lancement de Copernicus, programme de services climatiques au niveau européen. Le site contient une présentation des précautions d'emploi, un mode de navigation initiation et un mode expert, ainsi qu'une mosaïque de cartes sur lesquelles il est possible de zoomer.
Le site est d'une grande variété et convient aux experts comme aux néophytes. Il a un très riche potentiel même si l'ergonomie peut encore être améliorée. Il ne demande qu'à croître au service des élus, des entreprises, des particuliers, des institutions. Ce produit collectif est une porte d'entrée majeure pour le public dans la thématique du climat.
Le travail de cartographie de l'IGN, spécialiste de la représentation et de la vulgarisation, se situe bien sûr en aval de celui dont il vient d'être question. Nous transformons les données techniques en un produit qui puisse être montré dans une réunion publique. Cela n'est pas sans difficultés : le nombre de données pose des problèmes de représentativité ; certes les carrés de 8 kilomètres sur 8 rendent bien sur une carte au cent-millième ou au deux-cent-millième. Mais la représentation des incertitudes est difficile : comment faire comprendre qu'il ne faut pas prendre toutes les données représentées pour des vérités intangibles ? C'est déjà le cas pour la météo ; ce le sera davantage si nous devons traiter des effets physiques du climat. Néanmoins, nous avons déjà dans le passé cartographié des sujets plus incertains.
Lorsque nous avons vu la masse de données produites par le travail considérable de nos collègues, nous avons pragmatiquement décidé de bâtir un prototype qui puisse servir de base de travail avec Météo France - il faut bien sûr que tout cela soit mis en commun avec un accès unique. Nous venons d'en sortir la version zéro.
L'IGN construit un portail pour les décideurs - élus et acteurs socio-économiques - et les citoyens. Son rôle ? Voir les impacts du changement climatique pour aider à la communication et à la prise de décision, partager les connaissances produites par la science, et créer une interface entre les besoins des utilisateurs et les ressources disponibles fournies par le monde de la recherche. Il offrira une représentation cartographique et des indicateurs, dans tous les secteurs ou milieux, des impacts du changement climatique, grâce à l'agrégation des données propres de l'IGN et de celles de ses partenaires.
Il s'agit d'un sujet d'actualité dont se saisissent les élus. De nombreux industriels prennent également conscience de leur vulnérabilité. Existaient déjà le portail Drias, le site collaboratif Wiklimat et l'outil Impact'Climat de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Nous avons rencontré l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (Onerc), Météo France, l'Institut national de recherche agronomique (Inra), l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (Irstea).
Le prototype fournit trois indicateurs. L'indice de rigueur climatique régional entre 1980 et 2013, calculé par le service des observations et statistiques du ministère de l'écologie à partir des données de température de la saison de chauffe d'une année (janvier à mai et octobre à décembre) et utilisé par l'Ademe, donne une tendance à la baisse régulière et nette de la rigueur hivernale. Pour aller plus loin, nous avons calculé l'indice de rigueur climatique par commune, en prenant l'exemple du département du Gers.
Il est calculé pour 1980-2013 à partir des données fournies par Météo France sur la maille Safran de 8 kilomètres et pour les décennies futures à partir des données prospectives du portail Drias pour les trois scénarios du Giec. Nous en avons déduit l'indice, plus parlant, de consommation énergétique sur le même département, pour lequel nous avons travaillé avec l'entreprise Énergies demain, qui nous a aidés à évaluer au niveau communal le surcoût en chauffage engendré par l'évolution du climat entre 1980 et 2040.
Le prototype fournit des cartes par région représentant l'évolution dynamique de 1980 à 2013 ; la carte du Gers permet de zoomer sur chaque commune pour voir le graphe qui s'y rapporte. Le climat futur est décrit sur six décennies, selon trois scénarios plus ou moins optimistes, avec l'indice de surcoût. Le prototype a une version en ligne mais il reste beaucoup de travail : les incertitudes, non représentées dans le prototype, doivent faire l'objet de travaux avec Météo France ; nous devons trouver l'échelle de représentation géographique et de représentation temporelle qui réponde aux besoins locaux d'adaptation tout en étant scientifiquement valide ; un accompagnement sur l'interprétation des données est indispensable. Nous avons besoin de coopérations avec les organismes qui, dans tous les secteurs marqués par le changement climatique, en définissent et calculent les indicateurs pertinents, avec qui nous avons commencé à travailler, tels que l'Irstea pour les eaux et inondations, l'Inra pour l'agriculture, l'Ademe pour l'énergie ou l'Insee pour la santé. Des efforts de communication sont enfin nécessaires lors de a mise en place du portail.
Nous avons commencé par le plus facile : des modèles de données de Météo France aisés à cartographier. Mais la représentation des conséquences sera plus compliquée ; plus nous représentons des scénarios et plus nous devons gérer l'incertitude. Voilà ce que sera notre travail dans les prochains mois.
À Copenhague, nous avions découvert les évaluations faites par l'Onerc du coût de l'adaptation au changement climatique, mais aussi du coût de l'inertie face au changement. Cet organisme participe à la prise de conscience des décideurs.
L'adaptation au changement climatique est notre mission principale. Je suis heureux d'être reçu par une commission qui s'y intéresse de près et dans la durée. Notre organisme est interdisciplinaire, interministériel et nécessairement en réseau avec de nombreux partenaires. Dépendant de la direction générale de l'énergie et du climat du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, l'Onerc est chargé des politiques d'adaptation au changement climatique. L'observatoire assure aussi la liaison avec le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) et il fait partie de l'équipe française dans les négociations climatiques mondiales.
Nous produisons des rapports, dont celui de 2009 sur les coûts de l'adaptation. Notre façon de travailler est de créer de la compétence dans les ministères, aux différents échelons des collectivités territoriales et notamment dans leurs directions techniques, ainsi que dans les organismes scientifiques. Nous avons rédigé en 2011 un plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc) pour 2011-2015 - que les personnes moins averties que vous ne connaissent pas toujours - constitué de plus de 200 mesures sur une vingtaine de secteurs, et considéré à l'international comme l'un des plus avancés. Il est vrai qu'une loi, en chargeant le ministère de ce plan, nous avait donné une grande légitimité. Ce plan contient des fiches transversales comme sur le Drias ou le travail de l'IGN. Il s'agit de créer de l'expertise, notamment en diffusant des publications scientifiques comme les documents de la série Le climat de la France au XXIème siècle, sous la direction de Jean Jouzel.
L'organisation météorologique mondiale a créé un cadre international très large ; les services climatiques nationaux sont créés petit à petit. La problématique principale est de rapprocher les services des divers utilisateurs - et pas seulement des chercheurs - dans les différents secteurs. L'alliance Allenvi compte un groupe de travail animé par Météo France et l'IGN. La démarche fait suite à notre rencontre avec vous, monsieur le président, lorsque vous nous aviez demandé de faire des cartes au plus près des territoires. Voici donc quel a été le travail des six derniers mois. Je précise que je parle ici en expert et non en représentant du ministère.
Nous sommes dans une phase de création de compétence ; avec le club Entreprises pour l'environnement, nous avons publié un guide d'adaptation au changement climatique qui a connu un certain succès : j'ai été surpris de voir l'amphithéâtre de la Maison de la chimie rempli de 400 personnes du monde de l'industrie intéressées par cette problématique. Il est vrai que les entreprises sont de plus en plus nombreuses à vouloir intégrer ces compétences. Nous essayons de répondre aux nombreuses demandes sur l'adaptation, ce domaine d'étude que personne ne connaissait il y a cinq ans.
Nous vivons aujourd'hui l'entrée dans la transition écologique : le climat est une porte d'entrée pour introduire le public dans un raisonnement plus large concernant tout le développement durable. Je suis tout à fait d'accord pour travailler sur les cartes concernant différents domaines : dans chacun d'entre eux, nous devrons développer un langage, pour apprendre à parler aux gens du métier, qu'il s'agisse du littoral, de l'eau, de l'agriculture, de l'énergie ou du tourisme. Raccrochons cela aux processus en cours, comme le Pnacc.
Nous saluons le travail qui a été fait : il est utile de visualiser le changement climatique, et de le faire à l'échelle de son propre territoire. Or, la modélisation de la montée des eaux serait-elle un sujet trop sulfureux ? Car je n'en vois pas trace sur vos sites. Elle aurait un impact énorme : une maison indiquée comme immergée en 2050 verrait sa valeur chuter, le marché immobilier local serait bouleversé. Traiterez-vous la question des eaux dans les bassins versants ? Des besoins en eau dans l'agriculture ?
Après la Conférence sur le climat de 2015 à Paris, le scénario retenu sera-t-il la stabilisation, voire l'inversion du changement, ou sa continuation ? Comment hiérarchiser les données publiées ? En fonction des impacts économiques immédiats ? La France a de l'avance dans cet exercice ; dans le cadre des négociations internationales, l'accompagnement des pays du Sud pourrait être un enjeu majeur. Partageons avec ceux qui ont peu de moyens ces techniques de prévision et de modélisation. C'est un point essentiel dans le capacity building. Puisque nous élargissons déjà à l'outre-mer, continuons à élargir notre champ d'étude.
Un journal rapportait dernièrement qu'un cabinet spécialisé américain avait classé les pays selon leur exposition au risque climatique, afin que les grands groupes puissent faire leurs arbitrages de localisation, d'investissement,...
Si vous voulez vous adresser au grand public, avez-vous fait tester l'utilisation de vos sites par monsieur ou madame tout le monde ? Mon expérience de ce point de vue est la suivante : dans ma commune, nous avons révisé le plan local d'urbanisme à partir d'une carte de prévention des risques d'inondations. Une entreprise nous a fourni une modélisation en trois dimensions du centre de la commune et des risques d'inondations. Les sceptiques ont été convaincus, sauf les plus endurcis - il en reste toujours, qui croient à la manipulation des données représentées. Cette illustration en 3D n'est pas si coûteuse, mais c'est une aide à la décision formidable ! Chacun a compris lorsqu'il a vu sa rue, sa maison.
Que pensez-vous de l'expression « dérèglement climatique » utilisée par le rapport du Conseil économique, social et environnemental, préparé par Jean Jouzel et Antoine Bonduelle ? Enfin, les collectivités manquant de moyens propres s'adressent souvent aux agences d'urbanisme, notamment pour construire leurs Scot ; avez-vous des liens avec elles ?
Le changement climatique est-il inexorable ? Existe-t-il une prospective dans le domaine économique pour tenir compte de ce changement ? Les incidents liés au changement climatique - grêle, tempêtes, inondations - ont des conséquences importantes : sont-ils stables sur dix ou vingt ans ? Sait-on quelle est la part des intempéries de cet ordre liée au changement climatique ?
Peu d'agriculteurs sont assurés, or les conséquences peuvent être catastrophiques. Faut-il instaurer un système d'assurance global et obligatoire, comme pour les assurances automobiles ?
Votre méthodologie est-elle en oeuvre dans d'autres pays ? Quels sont les pays en pointe ? Doit-on craindre un risque de tsunami sur la façade atlantique comme au Japon ?
L'expression « changement climatique » est plus adéquate que celle de réchauffement climatique ou de dérèglement climatique. Le terme d'adaptation porte en lui l'idée d'une préparation active, c'est une bonne chose. Les études montrent qu'en Aquitaine les températures ont augmenté. L'adaptation pose aussi la question de l'eau. On s'efforce de mettre sur pied, dans le Lot-et-Garonne, un pôle de compétence sur l'eau, associant tous les acteurs, pour réfléchir à sa gestion, au filtrage, à la constitution de réserves. Vos travaux auront-ils une influence sur les décisions du ministère de l'environnement ? Les trois derniers ministres ont eu des positions contrastées à l'égard de notre projet d'aménagement du bassin du Dropt et de réserve collinaire. La première s'y est opposée, le second l'a soutenu, la troisième est réservée...
La France peut s'enorgueillir de posséder l'un des meilleurs modèles de prévision climatique. Nous l'avons confronté aux données du passé et il s'est révélé robuste. Notre savoir-faire pourra être mis en avant lors de la « COP 21 », la Conférence de Paris, l'an prochain. Nous pouvons le proposer aux pays du Sud, avec des données, des formations, etc.
Tous les événements passés ont été enregistrés. Nous avons harmonisé nos données dans le temps pour supprimer les biais dus aux instruments de mesure ou aux méthodes. Nous disposons ainsi d'archives fiables sur trente ans.
Les prévisions sont plus délicates, en raison des incertitudes qu'a mentionnées M. Maocec. Je suis peu favorable à la présentation de nos prévisions sous forme de shows à l'américaine. Une carte des risques a l'avantage d'être spectaculaire mais elle pourrait stigmatiser des pays confrontés au risque de montée des eaux, dissuader les investisseurs, casser des marchés, entraînant des conséquences économiques insoupçonnées. Nous n'avons pas de certitudes. Nous manipulons des données potentiellement explosives. Il nous faut faire preuve de pédagogie, avancer dans une démarche d'accompagnement, être prudents. Les scientifiques et tous les professionnels doivent parler du futur sans donner l'illusion qu'ils possèdent des certitudes. Il est impossible de prédire si le maïs poussera ici ou là à cause du réchauffement climatique, ni à quelle échéance. Sur notre portail Drias nous favorisons l'initiation, et donnons accès à l'expertise, pour que les gens se familiarisent avec les modèles, les effets provoqués par le changement d'une variable ou des paramètres. Notre devoir est d'éviter les surinterprétations aux effets néfastes. Chaque fois que nous mettons en ligne de nouvelles catégories de données, nous prenons de multiples précautions et avons de nombreux échanges avec les organismes concernés. Beaucoup de gens consultent notre site, qu'ils soient Français ou étrangers, experts ou grand public. Notre site est très visité ; nous n'avons pas encore fait de bilan sur les échanges avec l'extérieur par le biais de notre hotline. Nous sommes au premier stade d'une approche plus simple, plus visuelle, pour le grand public.
À Londres je rencontrerai demain les représentants des autres services européens de prévision climatique. L'Union européenne prend de plus en plus d'initiatives, notamment avec la couverture du globe par satellite. Nous sommes très sollicités car nous travaillons à la frontière de la recherche et de l'opérationnel. L'objectif est d'avancer ensemble, sans discrimination, dans la mise à disposition de données. Copernicus sera un catalyseur pour la création de services destinés au grand public.
La question est la suivante : comment commencer à prendre des décisions d'adaptation, parfois lourdes, coûteuses, en s'appuyant sur des données de la recherche incertaines par nature, en faisant accepter l'investissement et les contraintes par les populations ? Les Pays-Bas n'ont pas hésité à prendre en compte la montée des eaux : ils ont décidé de rehausser toutes leurs digues. Le programme est lancé. Mais les polders font partie de l'identité de ce pays... Les sécheresses de 2003 et 2005 ont été exceptionnelles ; peut-être seront-elles ordinaires dans cinquante ans. Comment affiner la prévision sur le plan local, en tirer les conséquences pour l'agriculture par exemple ? Nous disposons de données et de corrélations. Nous devrons travailler avec le BRGM. Mais les résultats resteront empreints d'incertitudes.
La difficulté est de présenter une information accessible, car les experts n'inspirent plus confiance, tout en évitant de présenter des prévisions comme des vérités. Pour répondre à Mme Didier, la visualisation en trois dimensions est un outil précieux mais tellement réaliste que celui qui cherche à évaluer le niveau d'eau autour de sa maison risque d'oublier qu'il s'agit d'une prévision. Nous sommes en train de conclure un accord avec la fédération nationale des agences d'urbanisme. Nous n'aboutirons pas sans travailler avec les organismes de recherche, en amont, ni recueillir le concours des élus, en aval. Il est certain cependant que pour que les gens se préoccupent de la question du changement climatique, il faut leur en montrer les conséquences concrètes, chez eux.
Nous savons qu'il y a des dangers et que nous devons être prudents. Mais comment en tenir compte dans nos décisions, qui nous engagent pour quinze ou vingt ans, et qui nous serons reprochées ? Dans mon département, nous avons connu des inondations d'une ampleur insoupçonnée. Qui a été en première ligne ? Les élus. On ne nous pardonne rien. Il est difficile, pour un élu, de savoir qu'il y a un danger et de ne rien faire. Il a donc besoin de croiser les informations, multiplier les points de vue. Les élus ont à décider aujourd'hui. En 2017, le préfet pourra, en l'absence de Scot, bloquer les permis de construire. Quels éléments retenir ? Les scénarios extrêmes ? Sans doute pas. Mais on ne peut faire fi des inquiétudes, non plus ! En tout cas, le mouvement est lancé.
Les décisions d'investissement ou les politiques publiques à une échéance de vingt ans doivent tenir compte du changement climatique. Le réchauffement est déjà une réalité. Au XXe siècle les températures moyennes se sont accrues de 0,8 degré ; or, entre une ère glaciaire et une période interglaciaire, l'écart de température n'est que de 5 à 6 degrés, c'est dire l'ampleur de l'évolution. Toute décision doit se fonder sur de multiples paramètres : la météo, la température, les précipitations, la sensibilité et la résistance aux extrêmes, la nature des ressources à disposition, la réglementation, etc. Le raisonnement sur l'adaptation est riche. À l'exception des Pays-Bas qui ont pris le problème à bras le corps, peu de pays se sont encore préparés. Une autre difficulté tient à la complexité des modèles et à l'incertitude. Le raisonnement linéaire n'est pas suffisant...
M. Fabius, ministre des affaires étrangères, en charge de la négociation climatique internationale, emploie le terme de dérèglement climatique, plus saisissant que celui de changement. Cela me semble justifié au regard des déséquilibres actuels et de la vitesse d'évolution des paramètres. Il faudra attendre des dizaines d'années pour parvenir à un nouvel équilibre. Le changement climatique est là. Même en adoptant des mesures urgentes, ses conséquences iront en s'aggravant en raison de l'inertie des processus.
Nous ne raisonnons pas encore en termes de changement structurel, préalable à la transition écologique. Mais il peut y avoir de bonnes surprises. Dès que ce pas sera franchi, il s'accompagnera sans doute de ruptures scientifiques ou technologiques.
Les dégâts augmentent, ainsi que le coût des catastrophes, mais le changement climatique n'est pas le seul responsable. La vulnérabilité des sociétés s'est accrue, les fragilités systémiques se révèlent.
La création d'une réserve collinaire constitue parfois une solution, mais il faut apprécier chaque situation au cas par cas, en s'appuyant sur des études locales. Certes il faut prendre conscience de la nécessité d'agir, pour autant rien ne sert d'agir dans la précipitation. Il faut se mettre au travail aujourd'hui mais il serait excessif de dire que toutes les décisions doivent être prises aujourd'hui.
L'Onerc travaille avec les administrations centrales en charge de l'urbanisme, comme la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP). Certaines agences de l'urbanisme ont été associées à l'élaboration du plan national d'adaptation au changement climatique en 2010. Nous commençons seulement à aborder le thème de la ville durable. Bien des colloques lui sont consacrés à l'étranger depuis déjà un certain temps.
Il n'y a pas de pays en avance en matière d'adaptation. Nous sommes tous débutants. Les pays en développement ont beaucoup à nous apprendre, à l'image du Bangladesh qui, depuis dix ou quinze ans, a développé de nouvelles approches. Certains pays en proie à un problème identifié ont réfléchi au sujet, comme les Pays-Bas ou les pays situés dans les deltas fluviaux. Mais chacun découvre en avançant.
L'Onerc a publié en 2010 un rapport sur les villes et l'adaptation au changement climatique. Les assureurs sont très sensibles à la problématique du changement climatique car le coût des catastrophes augmente, à tel point que leur modèle économique est en danger ; la question des assurances constitue l'un des enjeux de la stratégie d'adaptation européenne. En France le plan national d'adaptation comprend une fiche assurance et financement, avec deux mesures à signaler : l'une tend à renforcer le taux de souscription des assurances habitation outre-mer, l'autre est destinée à responsabiliser les acteurs par une modulation des primes ou des cotisations. Un texte de loi a été préparé. L'assurance constitue un levier d'adaptation. Il s'agit d'éviter l'effondrement de ce secteur économique, tout en définissant ce qui est assurable, et ce qui est une perte acceptable pour le citoyen. Le Comité de la prévention et de la précaution a été saisi de ces sujets complexes. Dans le domaine agricole, les risques sont spécifiques. La couverture face à certains risques est insuffisante : on dit ainsi que deux sinistres de suite entraînent un dépôt de bilan.
Certaines assurances sont obligatoires - voiture, habitation - et d'autres facultatives, comme pour les aléas climatiques. Or les dégâts sont considérables. Il suffit d'un orage de grêle pour réduire à néant la récolte d'un producteur. Ne faudrait-il pas rendre obligatoires les assurances contre les aléas climatiques ?
Monsieur Bériot, dans vos différents bulletins, vous donnez des chiffres, des informations. Or vous nous faites part de vos scrupules à donner davantage d'informations aux élus. Vous avez chiffré deux scénarios, celui où l'on fait face, celui où l'on ne fait rien. Vous placez les élus dans une situation impossible en les informant du danger sans le définir. Il n'est plus possible de s'arrêter là. Il est indispensable que cette coopération débouche sur une échelle de propositions graduée que vous soumettrez aux élus, à charge pour eux de décider. Vous devez être force de proposition face au danger.
Je n'ai pas tenu un propos restrictif. Notre activité principale consiste à informer, à travers une lettre aux élus trimestrielle, diffusée à 5 000 exemplaires et consultable en ligne, une lettre de veille technique, notre rapport annuel au Parlement, etc. Sans doute faut-il poursuivre et approfondir pour aider les élus dans leur prise de décision. Nous sommes prêts à travailler sur des dossiers concrets.
Vu le nombre d'organes qu'un élu doit consulter avant de prendre une décision en matière d'urbanisme, on peut s'étonner qu'aucun ne soit compétent en matière de changement climatique ! Il n'y a pourtant aucune obligation de consulter sur ce sujet.
La difficulté est de passer du global au particulier. Dans un environnement incertain, la tentation est de ne rien faire. Il faut au contraire parvenir à définir des compromis.