Intervention de Aline Archimbaud

Réunion du 16 juillet 2014 à 14h30
Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 — Articles additionnels avant l'article 1er

Photo de Aline ArchimbaudAline Archimbaud :

Le trafic transfrontalier de tabac affecte particulièrement les politiques de santé publique et les recettes fiscales en France. Il occasionne une chute vertigineuse des ventes de tabac dans le réseau des débitants de tabac, ainsi qu’une consommation soutenue en dépit des politiques fiscales destinées à faire chuter cette consommation. Ainsi, il met à mal les politiques de santé publique fondées sur des augmentations de taxe. Il nuit également aux buralistes, qui perdent des parts de marché, alors même que les autorités publiques financent leur activité pour limiter les dégâts occasionnés par le trafic transfrontalier.

Les franchises applicables au transport de tabac dans les échanges entre États membres comme avec les États tiers sont prévues par la circulaire du 7 mai 2013 précisant les règles de détention et de taxation des tabacs manufacturés détenus par les particuliers. Ces seuils trouvent leur source dans la directive communautaire 2008/118/CE et permettent de déterminer les niveaux indicatifs à partir desquels le transport de produits du tabac entre États membres a une nature commerciale ou est destiné à la consommation personnelle du transporteur. Or les seuils minimaux édictés par cette directive sont nettement inférieurs aux seuils fixés par la circulaire française. Par exemple, la circulaire fixe un seuil de 2 000 cigarettes, alors que la directive retient le niveau de 800 cigarettes. Cette différence ne se justifie aucunement et constitue un encouragement au trafic transfrontalier de produits du tabac entre États membres, pratique qui est déjà reconnue comme fournissant entre 15 % et 20 % des produits consommés sur le territoire français.

Si la Cour de justice de l’Union européenne a censuré les dispositions qui permettaient le contrôle du respect de ces franchises par véhicule et non par voyageur, cette circonstance ne devrait pas faire échec à l’application des niveaux minimaux de seuils indicatifs tels qu’ils sont énoncés dans la directive. En effet, les fondements du droit communautaire prévoient que la nature, commerciale ou à usage privé, des marchandises doit être déterminée à la lumière de critères quantitatifs comme qualitatifs.

Pour justifier les soupçons de nature commerciale du transport, des critères existent ; ceux qui nous concernent ici sont les critères quantitatifs. Il convient donc d’appliquer les critères quantitatifs comme qualitatifs prévus par la directive précitée pour apprécier si le transport est de nature commerciale ou vise à satisfaire des besoins de consommation privée, tout en transposant fidèlement les termes de ladite directive pour ce qui concerne les niveaux de franchise applicables.

Par ailleurs, l’intervention du législateur se justifie pleinement pour réformer un marché sur lequel pèsent de graves soupçons. Qu’il s’agisse d’une entente sur les prix avalisée par les pouvoirs publics, des conflits d’intérêts entre les personnes chargées de mission de service public et les fabricants de tabac, il est plus que temps que la souveraineté populaire se ressaisisse de ses propres prérogatives en matière de santé publique et de fiscalité. Ainsi, une disposition législative a toute sa place pour réglementer les trafics de tabac, particulièrement lorsque les autorités en charge de cette réglementation ne présentent pas toutes les garanties d’indépendance et d’objectivité nécessaires à l’efficacité des politiques publiques.

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