Intervention de Isabelle Pasquet

Réunion du 16 juillet 2014 à 14h30
Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 — Article 1er

Photo de Isabelle PasquetIsabelle Pasquet :

Le Président de la République a annoncé, dans son allocution télévisée, un pacte de solidarité censé contrebalancer le pacte de responsabilité, dont cet article, qui réduit la part de cotisations sociales supportées par les salariés, est un élément.

Passé l’effet d’annonce, qui a pu provoquer quelque enthousiasme, nos concitoyens, de plus en plus nombreux, ont pu mesurer qu’il s’agissait d’une mesure en trompe-l’œil. Sous les apparences d’une mesure favorable aux salariés, elle constitue une attaque larvée des fondements mêmes de notre système de protection sociale. En effet, les cotisations sociales, y compris celles qui sont acquittées par les salariés, constituent des éléments de rémunérations indirects, ce qu’on appelle le salaire socialisé. Mises en commun, elles permettent de financer un régime de protection sociale qui demeure encore assez protecteur, malgré les atteintes portées contre lui. Or le constat que nous faisons, c’est qu’à chaque fois que les financements de la sécurité sociale diminuent le champ de la protection sociale recule. Le geste que vous faites aujourd’hui en faveur des salariés modestes risque donc de se retourner contre eux.

D’ailleurs, les mesures initialement prévues dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale transmis au Conseil d’État prévoyaient le gel des allocations au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles. Il prévoyait même, pour 2014, le gel des allocations destinées au logement familial. Le projet de loi de finances rectificative prévoyait, quant à lui, le gel des aides personnalisées au logement. Bref, le gel de prestations qui sont notamment servies aux plus modestes, c’est-à-dire précisément à celles et ceux qui sont éligibles à la mesure de réduction des cotisations sociales ! Qui plus est, cette mesure devra nécessairement être compensée.

Là encore, l’expérience prouve que les compensations prennent le plus souvent la forme d’une hausse des taxes et impôts affectés, notamment de la CSG, qui présente l’avantage technique d’être une taxe à assiette large mais à taux réduit, ce qui lui assure un fort rendement. Qu’importe pour les adeptes de la CSG que cette taxe soit injuste, qu’elle ne soit pas progressive et qu’elle soit majoritairement supportée par les revenus du travail !

D’autres pistes de compensations sont envisagées avec toujours un même objectif : ces réductions consenties aux salariés seront, dans tous les cas, compensées par les salariés ! Ainsi, la rumeur circule d’une suppression de la prime pour l’emploi, laquelle, là encore, profite aux salariés les plus précaires.

Le silence gardé par le Gouvernement sur la technique de compensation qui sera retenue n’est pas acceptable, d’autant que cette prétendue augmentation du salaire net, qui, dans le meilleur des cas, devrait atteindre 42 euros mensuels, présente un autre inconvénient : elle pourrait fort bien avoir des effets indirects, conduisant, en réalité, à la diminution ou à la suppression de certaines aides ou prestations sociales.

Combien de salariés bénéficiaires de ces dispositions se verront-ils demain priver des aides au logement qu’ils percevaient ? Combien d’entre eux perdront-ils la gratuité des transports ou de la cantine scolaire ? Combien perdront-ils le bénéfice de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé ? Enfin, combien, en raison de la familiarisation de certaines prestations, verront-ils leur conjoint perdre le bénéfice du RSA ?

Tout cela pourquoi ? Pour une modeste augmentation du salaire net perçu de 42 euros par mois, par ailleurs déjà grignotée par la décision que vous avez prise de soumettre à impôt sur le revenu, au titre des avantages en nature, la part de cotisation mutuelle prise en charge par les employeurs !

De cette mesure, de ces 42 euros nets mensuels, il ne reste déjà plus rien et les conséquences en cascade feront regretter aux bénéficiaires de cette mesure son existence. C’est pourquoi le groupe CRC, refusant ce qui s’apparente à un bidouillage à vocation communicante, avait proposé de substituer à cet article une nouvelle rédaction, plus ambitieuse, plus solidaire et qui faisait clairement le choix de l’augmentation générale des salaires et du pouvoir d’achat. Malheureusement, cette proposition a été déclarée irrecevable et ne pourra être ni discutée ni votée, ce qui est bien dommage !

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