Intervention de Annie David

Réunion du 16 juillet 2014 à 14h30
Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 — Article 2

Photo de Annie DavidAnnie David :

Contrairement aux autres secteurs de la sécurité sociale, la branche accidents du travail-maladies professionnelles, ou branche AT-MP, repose sur un financement presque exclusivement patronal et s’inscrit dans une logique purement assurantielle. Ce système suppose que les cotisations des entreprises soient adaptées aux dépenses, donc à la sinistralité.

En termes plus clairs, plus la tâche à accomplir est dangereuse pour la santé des salariés, plus les employés d’une même entreprise sont exposés à des risques ou victimes de maladies et d’accidents imputables à leurs activités professionnelles, et plus les employeurs cotisent.

Nous sommes toutes et tous attachés à cette logique, eu égard à sa vocation préventive manifeste. Or celle-ci est remise en cause par cet article : pour la première fois, et qui plus est par ce gouvernement, madame la secrétaire d’État, les cotisations sociales de la branche AT-MP sont réduites. Voilà qui revient à suggérer, d’une certaine manière, que les employeurs doivent être déresponsabilisés de la dégradation des conditions de santé de leurs salariés imputable à leur activité professionnelle !

Ce recul historique doit naturellement être mis en regard des déclarations du Premier ministre annonçant un report de l’application du compte pénibilité : sur les dix critères fixés par la loi, seulement quatre devraient faire l’objet d’une application rapide.

Devant la commission, Mme Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, a affirmé que seule la part mutualisée des cotisations de la branche AT-MP, et non la part assise sur la sinistralité, serait concernée. Or le présent projet de loi nous semble muet sur ce point.

Cette exonération n’en présente pas moins le risque suivant : faire cotiser les salariés au titre de cette branche, comme s’ils devaient être jugés responsables de leur état de santé, à la suite d’un accident ou d’une maladie professionnelle imputable au travail.

Ces exonérations devront bel et bien être compensées. Néanmoins, comment le seront-elles ? Par quelles mesures fiscales, assises sur quelle assiette, supportées par quels revenus – ceux du travail ou ceux du capital ? La question reste entière.

À nos yeux, le risque est grand que, au total, la compensation soit fiscale, donc supportée par les salariés eux-mêmes. À quoi bon réduire les cotisations sociales au titre de la branche AT-MP si c’est pour compenser cette baisse par une somme équivalente toujours exclusivement supportée par les entreprises, mais dont la provenance serait fiscale et non sociale ?

Nous condamnons fermement cette tentation d’un basculement du financement des entreprises vers les salariés. Nous la dénonçons avec d’autant plus de vigueur qu’elle n’est pas nouvelle : à la demande de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, la commission des affaires sociales a déjà déposé, par le passé, un amendement tendant à faire reposer le déficit de la branche AT-MP sur les salariés, en transférant cette dette à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES.

Une telle socialisation de la dette, comme la probable socialisation de la compensation, conduirait à une remise en cause du principe même du fonctionnement de la branche. Cela reviendrait à faire indemniser les victimes du travail par les salariés eux-mêmes. Une telle démarche irait complètement à contre-courant d’une incitation à la prévention des risques du travail sur la santé et marquerait un important recul social.

C’est pourquoi nous proposons la suppression des exonérations sociales sur les cotisations alimentant la branche AT-MP.

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