Intervention de Isabelle Pasquet

Réunion du 16 juillet 2014 à 14h30
Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 — Article 2

Photo de Isabelle PasquetIsabelle Pasquet :

Les alinéas 9 et 10 de l’article 2, que les auteurs de cet amendement proposent de supprimer, prévoient une réduction de la part patronale des cotisations sociales destinées à financer la branche famille.

En proposant une telle réduction, le Gouvernement fait le choix de fragiliser cette branche de la sécurité sociale pour, à terme, organiser une fiscalisation de son financement et exclure la politique familiale de la sécurité sociale. Cette fiscalisation est en outre injuste, puisqu’elle fait peser l’essentiel du financement de la politique familiale sur les ménages, alors que le financement actuel de celle-ci repose sur une répartition des richesses créées dans les entreprises.

Il faut dire que le MEDEF réclame cette mesure depuis plus de trente ans et que François Mitterrand lui-même l’avait déjà annoncée, avant d’y renoncer.

À entendre le MEDEF, le financement de la branche famille représenterait un poids insupportable pour les entreprises françaises, alors que cette branche n’aurait aucun lien avec le monde du travail ni avec les entreprises. Or ces deux arguments, répétés à l’envi au point de convaincre le Gouvernement, nous les contestons.

En effet, les prestations servies par les caisses d’allocations familiales ont un lien direct avec l’emploi et les entreprises. Ainsi, dans son rapport de mai 2013 sur le financement de la branche famille, commandé par la MECSS de l’Assemblée nationale, la Cour des comptes estime que, sur les 55 milliards d’euros de prestations versées par la Caisse nationale des allocations familiales, 14 milliards d’euros bénéficient directement aux entreprises, car ils servent à financer des mesures permettant la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale, notamment en ce qui concerne la garde des enfants. La Cour des comptes en conclut logiquement que le maintien d’un financement par les entreprises est légitime.

En outre, les cotisations patronales pour la branche famille ne représentent que 34 milliards d’euros sur un total de 170 milliards d’euros de cotisations sociales patronales. Sans compter que cet ensemble de cotisations, comme Jérôme Guedj, ancien rapporteur de la branche famille à l’Assemblée nationale, le rappelle sur son blog, n’est lui-même qu’une petite partie du coût total du travail, qui s’élève, salaires compris, à 700 milliards d’euros.

M. Guedj ajoute que, au demeurant, ce coût du travail ne représente pas, tant s’en faut, la totalité des coûts de production : il faut tenir compte aussi, en plus des coûts de l’énergie et des matières premières, du coût du capital, qui se fait bien trop oublier dans le débat. Il en conclut à raison : « Au total, nos cotisations familiales patronales ne forment qu’une goutte d’eau, à peine plus de 1 % des coûts de production, et ne sauraient être vécues comme un verrou bloquant la compétitivité des entreprises ».

En vérité, à considérer cette proportion de 1 %, on est en droit de se demander quelle est la raison d’un tel acharnement dirigé contre une catégorie de cotisations qui représente une part aussi faible des coûts de production…

Selon nous, la réponse est claire : l’objectif est, à terme, de faire exploser la sécurité sociale, en supprimant la branche famille, puis sans doute une autre ; ce serait la fin de la sécurité sociale telle que nous la connaissons depuis 1945 !

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