Madame la ministre, je vous le dis d’emblée : le groupe écologiste partage votre volonté de diminuer la dette de la sécurité sociale afin d’assurer la pérennité de notre système de solidarité nationale.
Pour autant, nous nous séparons sur la méthode à suivre pour parvenir à réduire ces dépenses publiques. Selon nous, cette réduction devrait passer par d’autres priorités de santé publique.
Nous craignons en effet que les mesures proposées dans ce texte n’hypothèquent l’avenir de la sécurité sociale et voudrions relayer auprès de vous, madame la ministre, l’inquiétude des professionnels de la santé publique et des travailleurs sociaux, qui se demandent où les coupes seront opérées.
Les allégements de cotisations salariales proposés dans ce projet de loi diminueront les recettes de la sécurité sociale de 2, 5 milliards d’euros, les allégements des cotisations patronales et celles des travailleurs indépendants les réduiront de 5, 5 milliards d’euros et le rétrécissement de l’assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés privera la sécurité sociale de 1 milliard d’euros, soit, au total, 9 milliards d’euros !
Or toutes ces mesures constituent autant de diminutions pérennes des recettes de la sécurité sociale, sans que nous soient donnés clairement les moyens pérennes qui seront parallèlement mis en œuvre.
Car, madame la ministre, je n’ose imaginer que le gel de certaines prestations sociales que vous proposez cette année - il ne compense d’ailleurs que très partiellement les réductions de recettes en jeu – soit reconduit d’année en année aux fins d’équilibrer nos comptes publics !
Je crains donc que les mesures proposées ici ne soient de mauvaises solutions qui mettent en péril l’équilibre financier de notre système de solidarité nationale.
Oui, nous pensons qu’une autre vision des questions de santé publique pourrait conduire à des économies de même ampleur, et à des économies durables.
Pour réaliser des économies, nous, écologistes, proposons de dépenser autrement, en augmentant beaucoup plus les dépenses d’investissement visant à permettre l’accès du plus grand nombre à la santé, donc des dépenses qui à court, à moyen et à long terme, permettent ces économies.
Forte de cette logique, je ne comprends pas, par exemple, pourquoi l’adoption de mesures durables pour lutter contre la pollution de l’air prend tant de temps, alors que, chaque année, cette pollution coûte à la sécurité sociale entre 30 milliards d’euros et 50 milliards d’euros, selon les chiffres fournis en 2012 par le Commissariat général au développement durable.
Je ne comprends pas non plus pourquoi, bientôt un an après la remise du rapport que j’ai signé sur l’accès aux soins des plus démunis, la mise en œuvre des mesures de simplification de l’accès aux droits est si lente, alors même que, selon le Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, le SGMAP, conçu pour tenir le rôle de conseil auprès du Gouvernement dans l’élaboration, la conduite et le suivi du programme global de réforme, en s’attaquant aux obstacles qui font de l’accès aux soins un véritable parcours du combattant, on améliorerait l’état de santé global de la population et on dégagerait un gisement d’économies – que le SGMAP appelle d’ailleurs « le gisement moins de maladies ».
Pour mémoire, un certain nombre de propositions ont été formulées. J’en citerai deux : attribuer automatiquement la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, aux bénéficiaires du revenu de solidarité active, le RSA ; fonder l’attribution de la CMU-C et de l’assurance complémentaire santé, l’ACS, sur le dernier revenu fiscal de référence, ce qui reviendrait à simplifier considérablement l’accès à ces droits.
Du coup, en permettant un accès plus facile à la santé, on réaliserait un investissement qui déboucherait sur des économies très importantes. Beaucoup le disent !
Je ne comprends pas plus pourquoi vous continuez à refuser les mesures de santé environnementales que nous vous proposons, à chaque projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, surtout lorsque l’on sait le poids sur le budget de la sécurité sociale d’un certain nombre d’épidémies qui, comme le cancer, sont dues en partie à des facteurs environnementaux.
Pourquoi, par ailleurs, a-t-on perdu autant de temps sur la question épineuse des refus de soins, qui éloignent durablement de notre système de santé des personnes précaires ou gravement malades que l’on finit par retrouver, plus tard, dans un état très aggravé, au sein de nos services d’urgences encombrés et dont la prise en charge coûtera en conséquence, au final, beaucoup plus cher ?
Pourquoi prévoir, dans l’axe 13.1 du plan cancer, de dépenser dès maintenant des centaines de millions d’euros supplémentaires pour le Gardasil, alors que ce vaccin est de plus en plus contesté ? Ne faudrait-il pas au minimum un moratoire sur toute mesure nouvelle d’incitation à l’utilisation de ce vaccin, au moins le temps de mener une étude indépendante sur le sujet ?
En lieu et place de tout cela, comme Jean Desessard le relevait tout à l’heure, vous proposez des mesures qui, en l’état, apparaissent comme un véritable chèque en blanc signé aux entreprises, parce qu’elles ne sont pas assorties des garanties nécessaires en matière de créations d’emplois.
Faute d’une telle conditionnalité, ces mesures sont donc tout à fait déséquilibrées, raison pour laquelle nous défendrons un certain nombre d’amendements sur ce texte. En l’état actuel, nous ne pourrions pas le voter !