Séance en hémicycle du 15 juillet 2014 à 21h45

Résumé de la séance

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  • allégement
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  • rectificative

La séance

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La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Madame la ministre, mes chers collègues, c’est avec une grande émotion que nous avons appris la mort hier, dans le nord du Mali, de l’adjudant-chef Dejvid Nikolic, sous-officier du 1er régiment étranger de génie de Landun-l’Ardoise, dans le Gard.

Ce décès, intervenu dans le cadre d’une mission de reconnaissance, nous rappelle à la fois l’exemplarité de l’engagement et du courage de nos forces armées dans la lutte contre les groupes terroristes qui sévissent au Mali et, plus généralement, au Sahel et le prix très lourd qu’elles ont à payer pour assurer la sécurité de nos concitoyens.

Comme le président Jean-Pierre Bel l’a exprimé cet après-midi et au nom du Sénat tout entier, je voudrais faire part de notre profonde sympathie à sa famille et à ses compagnons d’armes.

À sa demande, je vous propose de respecter un moment de recueillement en observant une minute de silence.

Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et observent une minute de silence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 est une traduction du pacte de responsabilité, qui formalise l’objectif économique voulu par le Gouvernement : alléger le coût du travail pour relancer l’activité – l’intention est sans doute louable, mais il faut encore la réaliser.

Avec les 20 milliards d’euros du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, 41 milliards d’euros au total seront accordés aux entreprises ; le Gouvernement estime que cette manne financière nouvelle permettra aux entreprises de créer 190 000 postes supplémentaires.

Comme M. le rapporteur général l’a souligné cet après-midi, le pacte de responsabilité, c’est la confiance. Seulement, la confiance, ce n’est pas un pari : elle se construit et elle se vérifie.

Or, aujourd’hui, rien ne garantit que les entreprises utiliseront ces nouvelles marges de manœuvre pour créer des emplois. En effet, l’histoire prouve que, jusqu’à maintenant, les allégements de charges ont toujours profité au capital plutôt qu’au travail. Ainsi, entre 1993, date à laquelle les premiers allégements de charges ont été accordés, et 2013, la part de la valeur ajoutée des entreprises allouée aux salaires est restée quasiment stable, puisqu’elle s’est établie respectivement à 48 % et 51 %, tandis que la part allouée aux dividendes a plus que doublé, passant de 6 % à plus de 14 %. L’effet de ces allégements sur l’emploi est donc peu évident.

Pour financer ces allégements de charges, le Gouvernement fait le choix de réduire la dépense publique de 50 milliards d’euros à l’horizon de 2017. Madame la ministre, il y a là un paradoxe : comment peut-on reconnaître que la santé, la justice, l’action sociale et la prise en charge de la dépendance ont besoin de moyens et de postes supplémentaires et annoncer en même temps un plan d’économies sans précédent sur la dépense publique ?

Du reste, nous, écologistes, ne sommes pas les seuls à faire cette analyse ; elle est partagée par les communistes, bien sûr, mais aussi par d’autres. En effet, selon la direction du Trésor, si les mesures du pacte devraient susciter 190 000 emplois et 0, 6 point de croissance cumulée à horizon de 2017, les 50 milliards d’euros d’économies devraient provoquer, à la même échéance, la suppression de 250 000 emplois et une baisse de croissance cumulée de 1, 4 point. Autrement dit, on croit gagner quelque chose d’un côté, mais on perd davantage de l’autre, y compris sur le plan de l’emploi.

Par ailleurs, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 manque d’équité, dans la mesure où il prévoit le gel de certaines prestations.

Le projet initial prévoyait un gel des aides personnalisées au logement, mais un amendement du rapporteur de l’Assemblée nationale a supprimé cette mesure, ce dont nous nous félicitons.

Reste que le gel des pensions de retraite supérieures à 1 205 euros pendant un an est maintenu, ce que nous déplorons. Il faut se souvenir que la loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites a déjà repoussé la revalorisation de six mois. Si ce gel est adopté, on atteindra donc, au total, dix-huit mois sans revalorisation.

Ainsi, ce collectif budgétaire est inspiré par le choix de pratiquer une politique de l’offre indifférenciée, et il fragilise les retraités ; nous ne le cautionnons pas.

Les écologistes proposent un autre modèle, que je n’ai pas le temps d’exposer en détail : soutenir les secteurs porteurs d’avenir, comme la transition énergétique et écologique, et encourager les comportements vertueux des entreprises par des incitations ciblées et responsables, tout en garantissant la justice sociale par des contributions progressives.

Dans ses communications, le Gouvernement annonce vouloir soutenir les plus modestes. Pour vraiment agir en leur faveur, nous vous proposons une solution plus juste et plus efficace, dont le premier élément est l’instauration d’une CSG progressive.

Quant aux allégements de charges sur les bas salaires, nous n’y croyons pas. D’ailleurs, le rapport de la mission commune d’information sur la réalité de l’impact sur l’emploi des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises, qui n’a pas été adopté ce matin, confirme qu’il n’y a aucune certitude que cette politique crée des emplois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Opposés aux allégements de charges sur les bas salaires, nous présenterons des amendements destinés à réduire les inconvénients de ces mesures ; en particulier, nous proposerons d’instaurer une conditionnalité en réservant les allégements aux postes en CDI ou à temps complet.

Nous défendrons également une réduction des cotisations sociales de 500 euros par mois et par apprenti pour développer l’apprentissage, ainsi que l’ouverture des emplois d’avenir aux chômeurs de longue durée. Ces mesures, temporaires, puisque nous proposons de les mettre en place jusqu’en décembre 2015, permettront de donner un coup de pouce supplémentaire à la création d’emplois, par le biais d’aides financières qui, elles, auront des effets rapides et mesurables.

Pour l’exonération de contribution sociale de solidarité des sociétés, nous proposerons que l’allégement bénéficie aux entreprises qui communiquent sur leur politique de salaires, de dividendes et d’optimisation fiscale.

Enfin, nous proposerons la suppression du gel des retraites, car il n’est pas acceptable que les seules économies prévues par le projet de loi soient réalisées avec les pensions des retraités !

Madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 accorde aux entreprises des faveurs et peut-être même des cadeaux – l’avenir le dira –, de surcroît sans contrôle ni conditionnalité, fragilise les retraités et réduit notre protection sociale ; dans sa rédaction actuelle, il ne correspond pas aux attentes des écologistes !

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC . – Mme la présidente de la commission des affaires sociales applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Vous ne serez pas surpris, cher monsieur Desessard, que mon propos diverge radicalement du vôtre. J’incline à commencer par ce mot : enfin. Oui, enfin ! Après tant de déclarations du Président de la République et des Premiers ministres successifs sur le pacte de responsabilité et après un an de valse-hésitation, une ébauche de mesures nous est enfin présentée ; mais à quel prix ?

En vérité, comme les précédentes interventions l’ont bien montré, les mesures proposées par le Gouvernement ménagent la chèvre et le chou, le MEDEF et l’aile gauche de la majorité. Bien entendu, un tel dispositif ne peut satisfaire personne !

Madame le ministre, vous proposez des exonérations de charges sociales sur les bas salaires, jusqu’à 1, 6 fois le SMIC. En somme, il ne s’agit que de compléter bien modestement le dispositif Fillon, puisque seules disparaissent la cotisation au fonds national d’aide au logement et la cotisation accidents du travail.

Vous entendez réduire de 1, 8 point la cotisation allocations familiales, mais sans ouvrir le chantier d’une véritable réforme du financement de la politique familiale qui laisserait aux entreprises la seule charge du salaire de substitution, comme Gérard Longuet l’a proposé au nom de notre groupe lors du débat sur la proposition de résolution, présentée par Serge Dassault, relative au financement de la protection sociale et à l’allégement des charges des entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Vous comptez supprimer la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, qui finance à hauteur de 5 milliards d’euros le régime social des indépendants et le Fonds de solidarité vieillesse, en vous bornant à transférer cette somme vers le régime général et après avoir déplafonné, il y a deux ans, les cotisations retraite et maladie des travailleurs indépendants.

Vous voulez rendre un peu de pouvoir d’achat aux salariés les plus modestes, ceux qui gagnent entre 1 et 1, 3 fois le SMIC, en réduisant leurs cotisations sociales, mais vous oubliez que vous avez supprimé la défiscalisation des heures supplémentaires et considérablement alourdi leur charge d’impôt !

Sans compter que vous ne prévoyez de mettre en œuvre toutes ces mesures qu’en 2015 – toujours plus tard ! –, bien que notre économie soit exsangue, et que vous ne donnez aucune indication sur leur financement, alors même que la suppression de la C3S représente à elle seule 5 milliards d’euros.

M. le rapporteur général lui-même a reconnu qu’il disposait de peu de précisions sur le financement des mesures. Sans doute, Mme le ministre nous a assurés qu’on trouverait la solution en 2015, de sorte que nous pouvions être tranquilles, et M. le rapporteur pour avis de la commission des finances nous a affirmé qu’il y avait un plan ; mais convenez que ce sont des éclaircissements assez peu concrets. En vérité, c’est encore une fois la même logique : plus tard, on verra plus tard !

Pourtant, malgré la baisse du rythme des dépenses de santé, que je salue, vous êtes dans l’obligation, madame le ministre, d’augmenter de 100 millions d’euros votre prévision de déficit du régime général, en raison du ralentissement de l’économie qui est la conséquence de votre politique.

À vrai dire, on peut se demander pourquoi le Gouvernement présente un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale à cette époque. De fait, comme les précédents orateurs l’ont parfaitement souligné, c’est une démarche exceptionnelle, puisqu’on n’en recense que deux exemples en près de vingt ans ; on pourrait donc imaginer que c’est à la suite d’un événement considérable qu’il convient de présenter aux parlementaires un tel texte avant l’été.

Aussi bien, madame le ministre, votre démarche fait « pschitt » – pardonnez-moi d’employer cette expression un peu familière –, puisqu’on nous annonce en juillet 2014 des mesures qui ne s’appliqueront qu’à partir de 2015, et sans nous expliquer comment elles seront financées.

Je pense donc que nous aurions pu faire l’économie de ce débat à ce moment de l’année ; en effet, il aurait été beaucoup plus logique qu’il ait lieu à l’automne, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.

Madame le ministre, les seules données financières claires que vous présentez dès 2014 ne sont pas des économies, mais un ralentissement des dépenses, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

… rendu possible par le gel d’un certain nombre de prestations sociales, qui du reste est fortement contesté par votre aile gauche, comme certaines interventions précédentes l’ont montré. Le gel vise en particulier la retraite des classes moyennes, ce qui est à nos yeux inacceptable.

Vous prévoyez, de surcroît, de priver de 160 millions d’euros le Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés, ce qui à notre sens ne s’imposait pas.

Sans parler de votre fameux plan pour la dépendance, d’abord prévu à l’automne 2014 et désormais annoncé pour 2015, dont on ne sait pas comment il sera financé. Je crains que nous ne soyons encore confrontés à des impasses !

Au total, madame le ministre, nous sommes loin du choc de compétitivité si nécessaire à la France.

Dans notre esprit, la seule solution serait de lancer des signes forts aux secteurs qui en ont le plus besoin. Je pense d’abord aux services à la personne et aux emplois à domicile. À cet égard, M. Eckert, secrétaire d’État chargé du budget, a récemment déclaré que la réduction de cotisations devait être fixée par décret et qu’il envisageait une modulation d’abattement pour revenir sur la suppression du calcul au forfait intervenue il y a quelques mois ; cet abattement pourrait être compris entre 0, 75 euro et 2 euros.

Je me réjouis que la commission des affaires sociales ait adopté à l’unanimité un amendement, présenté par M. le rapporteur général, visant à instaurer un abattement de 1, 50 euro. Pour notre part, nous voudrions aller plus loin, au moins jusqu’à 2 euros, et peut-être même rétablir en partie le système du calcul au forfait.

Il faudrait aussi étendre les exonérations de charges des entreprises, en particulier de cotisations familiales, aux revenus représentant 3 ou 4 fois le SMIC, ce qui donnerait un coup de fouet salutaire aux entreprises innovantes et aux start-up. En effet, la limitation des exonérations au bas de l’échelle des salaires pénalise considérablement ces entreprises qui exportent et font preuve d’une grande imagination, alors qu’elles sont déjà défavorisées dans la compétition mondiale. Madame le ministre, en commission, vous nous avez dit que ce serait fait en 2016 ou en 2017. Bref, plus tard, toujours plus tard, encore plus tard.

Il faudra aussi réviser le CICE – ce n’est pas tout à fait le débat du jour, mais cela en fait partie – pour qu’il soit accessible aux catégories d’entreprises que je viens de mentionner – start-up, entreprises innovantes –, alors que, à l’heure actuelle, il bénéficie essentiellement, nous le savons, à de grandes entreprises non délocalisables comme les grandes surfaces, La Poste. Or ce sont les entreprises qui exportent qui auraient besoin de ce coup de pouce.

Pour financer ces mesures, nous préconisons la TVA anti-délocalisation, que vous avez supprimée, mais qui refait son chemin progressivement dans les esprits. Notre rapporteur général de la commission des affaires sociales n’en a d'ailleurs pas complètement écarté l’idée. En la matière, il faudrait vraiment réaliser des études approfondies. Il ne suffit pas d’augmenter la TVA de deux ou trois points ; il convient de prévoir des augmentations ciblées, des augmentations substantielles sur certains produits importés de haut niveau, je pense aux véhicules 4x4. On pourrait également envisager une TVA favorisant la fiscalité écologique.

Chacun sait que c’est la solution. J’en veux d'ailleurs pour preuve que les ministres des finances de la zone euro ont recommandé, le 7 juillet dernier, l’allégement de la fiscalité sur le travail, qui serait compensée par des « sources de revenus fiscaux moins préjudiciables à la croissance, comme des taxes sur la consommation ». C’est une phrase que j’aurais pu reprendre à mon compte.

Pour terminer, mes chers collègues, sans méchanceté mais avec un certain réalisme, j’aimerais vous livrer la définition que j’ai trouvée, parmi d’autres, de l’autodestruction : « Le comportement autodestructeur est une sorte d’autopunition en réponse à un échec personnel. Il est souvent motivé par un besoin d’attention. » §

Avec ce texte, comme avec les textes passés et à venir, nous sommes au cœur du problème. En effet, les textes que vous nous soumettez, qui relèvent bien souvent de l’affichage, reviennent sur des mesures que vous aviez vous-mêmes votées quelque temps auparavant. Après avoir minutieusement et laborieusement détricoté tout ce qu’avait fait le précédent gouvernement, vous commencez à détricoter ce que vous avez vous-mêmes enclenché. C’est tout de même le comble !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Je vous en donne quelques exemples.

Les emplois d’avenir, nous en avons déjà parlé, vont timidement s’ouvrir au monde de l’entreprise. Le temps partiel pose d’énormes problèmes ; nous l’avions souligné lors de la loi sur la sécurisation de l’emploi. La pénibilité a été récemment une pomme de discorde avec les partenaires sociaux : Dieu sait si, au moment de la réforme des retraites, nous avions multiplié les mises en garde contre l’usine à gaz que constituait le compte pénibilité ! Vous êtes en train de revenir tout doucement en arrière. Sans parler de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, qui est un frein considérable à la construction de logements ! §

Enfin, le Président de la République vient de l’annoncer, on va revenir sur les mesures néfastes à l’égard de l’apprentissage que vous aviez prises. Lors du débat sur la loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, nous vous avions fortement mis en garde en vous signifiant que vous étiez en train de sacrifier l’apprentissage !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Bien sûr, vous revenez tout doucement sur ces points. Pourtant, nous avions tiré la sonnette d’alarme. Nous n’avions pas été entendus et nous le regrettons.

Pour conclure, vous commencez à réagir, c’est bien, mais pas assez vite ni assez vigoureusement ! Bien sûr, nous ne sommes pas d’accord avec une partie de votre majorité. Nous croyons qu’il faut aller encore plus loin et créer le véritable choc dont la France a tellement besoin.

Voilà pourquoi le groupe UMP s’abstiendra sur la partie recettes de ce texte qui, malgré ses insuffisances, est un timide premier pas dans la bonne direction. Nous souhaitons que le débat aille à son terme. Nous verrons ensuite quelle sera notre position sur le texte final, bien que je craigne que nous ne soyons malheureusement contraints de nous y opposer. §

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Nous attendions une réforme structurelle et nous avons un chèque en blanc. Oui, c’est bien à cela que peut s’apparenter le présent texte. Je dirais même un double chèque en blanc fait, d’une part, par le Parlement au Gouvernement et, d’autre part, par le Gouvernement aux entreprises.

Premier volet de ce chèque en blanc, celui que l’on nous demande de signer aujourd’hui, nous, parlementaires. En effet, ce PLFRSS dépense sans compenser. Il met en œuvre l’essentiel des mesures de relance du pacte de responsabilité et de solidarité mais sans que nous ayons une quelconque idée de la manière dont les pertes de recettes engendrées pour la protection sociale seront financées.

Seules les mesures relatives à l’impôt sur les sociétés et à l’impôt sur le revenu relèvent du champ des lois de finances. Autrement dit, 70 % des dépenses nouvelles du pacte relèvent du champ des lois de financement de la sécurité sociale, donc du présent projet de loi, d’où son importance politique mais aussi symbolique pour le Gouvernement.

De notre point de vue de parlementaires, comment voter ce texte sans avoir une vision d’ensemble du dispositif envisagé ?

Pour 2014 et 2015, le PLFRSS programme 9 milliards d’euros de recettes en moins pour seulement 1, 3 milliard d’euros d’économies. Ce ne sont donc pas moins de 7, 7 milliards d’euros de recettes en moins que nous sommes censés accepter sans savoir comment elles seront financées. J’ai bien entendu notre collègue Jean-Pierre Caffet nous détailler des mesures que nous connaissions déjà en partie…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Madame le ministre, pouvez-vous nous confirmer ce qui vient d’être dit, car vous vous étiez plutôt repliée, dans votre propos, sur la loi organique et la loi ordinaire de 2015.

Madame le ministre, nous ne doutons pas une seule seconde que les pertes de recettes pour la protection sociale seront compensées par le budget de l’État, y compris les pertes de recettes liées à l’extinction progressive de la C3S, mais c’est repousser le problème. C’est reculer pour mieux sauter ! §

Ces dépenses vont donc peser sur le budget de l’État. Comment y seront-elles compensées ? Économies ou recettes nouvelles ? Quel mélange des deux ? Pour l’heure, nous ne le savons pas. D’où notre sentiment de passer à côté de la réforme majeure dont notre pays a tant besoin, et depuis si longtemps.

Cette réforme consisterait à profiter de l’allégement des charges sur le travail pour les compenser de deux manières : d’une part, par des économies budgétaires structurelles ; d’autre part, par la fiscalisation du financement de la protection sociale.

Nous ne pouvons donc qu’approuver les allégements, que nous appelons de nos vœux de longue date. En effet, ce n’est un secret pour personne, le financement de la protection sociale pèse aujourd’hui bien trop lourdement sur la production.

Le dernier rapport annuel de la Commission sur l’évolution de la fiscalité dans l’Union européenne l’a encore rappelé.

Il faut donc décharger le travail, ce que font les deux premiers articles du PLFRSS, qui, même s’ils le font encore, selon nous, de manière insuffisante, vont dans le bon sens.

À terme, nous pensons que la totalité des cotisations famille a vocation à disparaître, et certains d’entre nous s’interrogent même sur le devenir des cotisations maladie dans les décennies à venir.

Toutefois, cela suppose de réaliser des économies budgétaires structurelles. Où sont-elles ? Pour l’heure, la seule qui nous a été proposée est la réforme territoriale, avec la suppression de l’assemblée départementale. Or, quand on sait que ce qui coûte cher, ce ne sont pas les structures du conseil général, mais les missions dont il est investi, on s’interroge sur le gain budgétaire. Pendant ce temps, sur le terrain, on s’étonne d’apprendre qu’un sous-préfet est peut-être plus important qu’un président de conseil général ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Pour financer structurellement la baisse des charges, il faut également fiscaliser le financement de la protection sociale, tout en évitant des impôts de production qui ne feraient que reproduire le problème posé par les charges sociales. C'est la raison pour laquelle nous soutenons aussi la suppression de la C3S. Cependant, sur la masse des besoins de financement, la suppression de cette contribution demeure anecdotique.

Alors, madame le ministre, le Gouvernement va-t-il mener à bien cette réforme fiscale ? Sans doute au moins en partie, mais il faut nous le dire, parce que, pour l’heure, la seule mesure de financement figurant dans le présent texte est le gel des pensions de retraite de l’article 9.

Heureusement, vous avez renoncé au gel des aides au logement ; cela aurait été très choquant. Heureusement encore, vous semblez avoir renoncé au gel des pensions d’invalidité et des rentes AT-MP. D’ailleurs, madame le ministre, y avez-vous vraiment renoncé ? Notre Haute Assemblée attend d’être éclairée et rassurée sur ce point très important. Mais, malheureusement, vous n’avez pas renoncé au gel des pensions de retraite, puis, en 2015, au gel des allocations familiales.

Ces mesures sont en totale disproportion financière par rapport aux besoins, je n’y reviens pas ; elles sont également inacceptables sur le plan de l’équité et sur le plan humain.

Vous nous dites qu’il est juste de ne pas revaloriser des pensions de 1 200 euros bruts et plus. Madame le ministre, je vous connais un peu. Vous ne pouvez dire qu’il est juste de ne pas revaloriser les pensions à partir de 1 200 euros bruts. Comme nous, vous savez bien que 1 200 euros bruts ne permettent pas de faire vivre décemment une famille ou des gens qui sont dans la peine. §

Pourtant, le Gouvernement avait donné des exemples. On peut approuver la réduction dégressive des cotisations salariales pour des revenus inférieurs ou égaux à 1, 3 SMIC dans le privé. Nous avions cependant été quelque peu choqués de constater une certaine disparité avec la fonction publique puisque ce dégrèvement touchait les revenus inférieurs ou égaux à 1, 5 SMIC. Depuis, j’ai lu attentivement le rapport de la commission des finances et j’ai eu la réponse.

Des mesures fiscales courageuses et de bon sens sont envisageables. Ainsi, 1, 5 point de TVA ou trois quarts de point de CSG couvriraient les 9 milliards d’euros de dépenses du pacte de responsabilité et de solidarité pour 2014 et 2015.

La CSG présente l’avantage d’être un impôt au taux bas et à l’assiette large.

La TVA offre l’avantage de taxer les importations, qui représentent tout de même 30 % du PIB. Elle ferait donc participer l’étranger au financement de la protection sociale française. De plus, traditionnellement présentée comme un impôt injuste, elle l’est aujourd’hui beaucoup moins dans la mesure où les produits de première nécessité – dont on sait qu’ils représentent une part bien plus importante du panier de consommation des ménages pauvres que des ménages aisés – sont assujettis au taux réduit.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Pour l’heure, le Gouvernement y semble pourtant toujours réfractaire.

Le second volet du chèque en blanc que j’évoquais, c’est celui que le Gouvernement signe au bénéfice des entreprises. En effet, les baisses de charges patronales, qui représentent l’essentiel du dispositif, ne sont conditionnées à rien, alors qu’au départ la parole présidentielle semblait indiquer le contraire. C’est pourquoi nous nous posons la question, qui est sans doute la plus importante : les baisses de charges auraient-elles dû être conditionnées à des embauches ? Historiquement, elles ne l’ont jamais été. Fallait-il le faire aujourd’hui ? Peut-être. À vrai dire, nous sommes assez réservés sur ce point, car l’aspect « chèque en blanc » est inévitable.

Attention, il ne s’agit pas d’un problème technique. L’octroi des allégements serait conditionné à l’évolution de l’effectif des entreprises, ce qui est facile à déterminer. Sur le fond, il serait toutefois impossible, dans ces conditions, de distinguer les effets d’aubaine des véritables embauches liées au bénéfice des allégements, un effet d’autant plus probable que les entreprises françaises sont aujourd’hui en surcapacité d’emploi.

Le système ne résoudrait donc rien puisque les entreprises renonceraient aux allégements de charge ou créeraient des emplois non productifs, ce qui n’améliorerait en rien leur compétitivité.

M. le rapporteur pour avis s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Au contraire, le véritable objet des allégements de charges est de créer une dynamique vertueuse véritablement économique.

Il s’agit de restaurer les marges des entreprises pour qu’elles développent leur activité et créent de l’emploi directement ou indirectement par leur consommation.

Mais alors, ne mentons pas aux Français : il ne peut s’agir d’emplois immédiats, il s’agit d’emplois futurs !

Pour que cet effet l’emporte, il faut que les gains engendrés par les allégements aillent principalement à la rémunération du facteur travail, c’est-à-dire à la masse salariale, soit sous forme d’augmentations de salaire…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

… soit sous forme d’embauches, ou à l’investissement de l’entreprise pour améliorer son outil de production.

Ils ne doivent pas être destinés à la rémunération du capital, c’est-à-dire des actionnaires, sauf dans les cas spécifiques d’ouverture du capital. En effet, dans ces derniers cas, les perspectives d’amélioration de la rémunération du capital peuvent avoir un effet de levier vertueux pour faciliter les levées de fonds et permettre ainsi à l’entreprise d’investir.

Dans ces conditions, plutôt qu’un mécanisme de sanction consistant à lier les baisses de charges à de l’embauche, ne pourrait-on imaginer et mettre en place un mécanisme consistant à supprimer les allégements de charges ou à créer des amendes correspondantes pour les entreprises qui n’auront pas joué le jeu, c’est-à-dire celles qui auront principalement employé le gain des allégements à rémunérer les actionnaires ? Madame le ministre, que pensez-vous d’une telle piste ? Est-elle à l’étude ?

Par ailleurs, même dans l’hypothèse où le gain des allégements de charges serait correctement employé à la rémunération du facteur travail ou à de l’investissement, il ne produira le maximum de ses effets de relance que si cela se traduit par une baisse de l’importation. C’est là que je veux en venir pour terminer mon intervention, à savoir à la TVA sociale, qui seule peut limiter cet effet. La boucle est alors bouclée. Le binôme allégements de charges et TVA sociale est donc bien, à nos yeux, un tout indissociable. Sincèrement, je crois, madame le ministre, que c’est une erreur de persister à les dissocier. Je n’ai bien sûr pas la prétention de vous avoir convaincue…

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général Yves Daudigny, monsieur le rapporteur pour avis Jean-Pierre Caffet, mes chers collègues, le ton va changer ! Les membres du groupe socialiste vont effet soutenir ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.

Il est vrai que la situation dans laquelle s’inscrit ce texte est difficile, nous le savons tous et nous le constatons tous chaque jour.

Ce projet de loi s’inscrit dans la logique de redressement dans la justice de notre pays initiée depuis 2012. Joint à la loi de finances rectificative, il constitue la première étape de mise en œuvre du « pacte de responsabilité et de solidarité », lequel répond à l’engagement pris par le Président de la République le 14 janvier dernier, à l’exigence de trouver de nouveaux moyens dédiés à l’emploi, à l’investissement, au renforcement de la compétitivité de nos entreprises et, bien sûr, à la croissance.

Ce texte revêt donc une importance toute particulière. Rationnel, il prend le possible en considération, notamment au regard de la situation de nos comptes publics ainsi que du déficit structurel de compétitivité dont souffre notre économie, depuis de nombreuses années, d’ailleurs, et bien avant 2012. Il est l’expression de ce pacte de responsabilité et de solidarité qui repose sur un triptyque alliant compétitivité, avec la politique de la fiscalité sur les entreprises qui abaissera le coût du travail, responsabilité, avec un plan d’économies de 50 milliards d’euros sur trois ans, ce qui nous permettra de respecter la trajectoire budgétaire des finances publiques, et solidarité, avec les dispositions soutenant le pouvoir d’achat de nos concitoyens.

Sur la forme, vous l’avez d’ailleurs souligné, madame la ministre, j’observe que le 24 juin dernier la Cour des comptes a certifié la sincérité et l’exactitude des comptes de chacune des branches du régime général de sécurité sociale et de chacune des caisses nationales qui les pilotent, ce qui, mes chers collègues, est sans précédent.

C’est l’illustration du fait que la politique engagée depuis 2012 donne des résultats positifs. Cette politique a engendré la baisse des déficits sociaux. Je vous rappelle, mes chers collègues, vous qui siégez à droite de l’hémicycle, que ces déficits s’élevaient à 17, 4 milliards d’euros en 2011. Ils sont de 12, 5 milliards d’euros en 2013. En 2010, alors que la croissance atteignait 1, 6 %, le déficit des comptes sociaux avait progressé de 4, 5 milliards d’euros, pour atteindre 28 milliards. En 2013, avec une croissance d’à peine 0, 1 %, le déficit recule de 2 milliards d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

En outre, ce sérieux budgétaire s’est accompagné d’un souci de justice, car il n’y a pas eu de remise en cause de la protection sociale de nos concitoyens : aucun nouveau déremboursement n’est intervenu depuis 2012, aucune création de forfait supplémentaire...

À titre de comparaison, en 2010, la dette de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, était étalée alors que l’autorisation de découvert de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, passait, comme vous vous en souvenez, mes chers collègues, de 70 milliards à 130 milliards d’euros. Le système de retraites est pérennisé et des avancées notables ont été réalisées. J’en rappellerai trois. La première c’est les carrières longues – mesure de justice s’il en est ! Nous avons rencontré il y a quelques semaines, sur l’invitation de Mme la ministre, des retraités de soixante ans ayant commencé à travailler à l’âge de quinze, seize ou dix-sept ans. Il était bien normal que ces personnes puissent prendre leur retraite avec toutes leurs années de cotisation ! §

Les deux autres avancées notables sont la reconnaissance de la pénibilité – qui l’avait fait avant nous ? – et la prise en compte des durées de maternité pour les femmes. Cette dernière mesure est extrêmement importante, car en matière de retraite l’inégalité entre les hommes et les femmes est toujours réelle.

De même, des progrès ont été faits et ils étaient attendus : ainsi, pour de nombreuses familles modestes, la revalorisation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, celle du complément familial et de l’allocation de soutien familial, l’extension de la CMU-C et de l’aide à la complémentaire santé. Je rappelle que 750 000 personnes auront une complémentaire gratuite ou aidée.

Ce sérieux budgétaire, ce sens des responsabilités nous permettra de donner naissance à une véritable politique de santé publique, telle que vous nous l’avez annoncé, madame la ministre.

Sur le fond, ce texte financier entend renforcer la compétitivité de nos entreprises et, par extension, l’emploi, première des priorités. Pour ce faire, et alors que nous assistons à la montée en charge du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, une série de dispositions sont prises. Il s’agit de l’augmentation des allégements généraux, pour 4, 5 milliards d’euros en 2015. La mesure prévue à l’article 2 inscrit l’exonération de cotisations pour les salariés entre 1 SMIC et 1, 6 SMIC, et bénéficiera avant tout aux PME, qui sont les moteurs de l’emploi et de la croissance.

Ainsi, dès le 1er janvier 2015, au niveau du SMIC, le « zéro cotisation patronale URSAFF » sera effectif. À cela s’ajoute la baisse du taux des cotisations familiales de 5 % à 2, 25 % en faveur des travailleurs indépendants pour près de 1 milliard d’euros. Enfin, est actée la première étape de suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, sous la forme d’un abattement exonérant nombre de PME.

Le second pan de ce texte consacre la volonté de conforter la justice sociale et le pouvoir d’achat. Ainsi, dès janvier prochain sera mis en œuvre un allégement dégressif des cotisations salariales pour les salaires inférieurs à 1, 3 SMIC. Je suis très étonnée d’entendre aujourd’hui que certains sur ces travées

L’orateur regarde la droite de l’hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Cette mesure de l’article 1er concerne 5, 2 millions de salariés du privé qui verront leur pouvoir d’achat augmenter de plus de 500 euros par an. S’ajoute une disposition identique qui sera prise pour les différentes fonctions publiques sur la base du traitement indiciaire brut, et ce jusqu’à 1, 5 SMIC. Ce seront ainsi 2, 2 millions de fonctionnaires civils et militaires qui seront concernés pour un coût évalué à 1, 5 milliard d’euros. Ces mesures complètent la disposition de la loi de finances rectificative visant à réduire l’impôt sur le revenu pour 3, 7 millions de nos concitoyens, pour un montant de plus de 1 milliard d’euros, soit une baisse de 350 euros pour un célibataire.

Dans cette logique de soutien au pouvoir d’achat, et en cohérence avec les revalorisations de l’aide personnalisée au logement, l’APL, et de l’allocation de logement social, l’ALS, votées dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, l’allocation de logement familiale, l’ALF, est aussi revalorisée. Par ailleurs, les retraites d’un montant inférieur à 1 200 euros bénéficieront, elles aussi, de cette réévaluation alors que les autres seront bloquées pendant un an. La mesure concerne 50 % des retraités de notre pays.

Ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale contient aussi les premières mesures du plan d’économies. Ces dispositions viennent compléter les efforts réalisés par nos administrations afin d’offrir le meilleur service tout en en contrôlant le coût. Le volume d’économies visé est important et le concours des prestations sociales y participe. Néanmoins, l’effort demandé est progressif et l’absence exceptionnelle de revalorisation des prestations ne concernera ni les ménages modestes ni, comme nous l’avons vu, la moitié des retraités.

Avant de conclure, madame la ministre, je souhaite vous faire part de mes craintes, mais je sais que vous les partagez.

La première d’entre elles concerne la branche vieillesse, plus particulièrement l’évolution du Fonds de solidarité vieillesse. Ce fonds est le miroir de la pauvreté et de la précarité de celles et de ceux qui sont définitivement sortis du marché de l’emploi. Ils sont effectivement nombreux. Par conséquent, le volume financier du Fonds de solidarité vieillesse progresse, ce qui doit mobiliser toute notre vigilance.

La deuxième crainte que j’évoquerai est liée à la politique de baisse de cotisations sociales sur les bas salaires pour favoriser l’accès à l’emploi et le recrutement par les entreprises. Nous savons bien qu’il existe un risque de création d’une trappe à bas salaires. Il nous faudra, sur ce point également, être vigilants. Il est donc heureux que l’alinéa 48 de l’article 2 prévoie la mise en place, au sein de la négociation annuelle de branche sur les salaires, d’une évaluation de l’effet du pacte de responsabilité, en particulier des exonérations de cotisations patronales, mais également du CICE, sur l’emploi et les salaires.

Pour conclure, les membres du groupe socialiste considèrent que ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale est un texte responsable économiquement, socialement et politiquement. Marqué du sceau de la justice, il s’inscrit dans la logique et l’exigence du redressement de notre pays, et apporte des réponses complémentaires et appropriées à la question centrale de l’emploi. Madame la ministre, je l’ai signalé au début de mon intervention, le groupe socialiste votera ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014, et le votera avec fierté.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale est la première étape de la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité, qui était l’une des priorités voulue par le Président François Hollande et confirmée par le Premier ministre.

La vocation de ce pacte est de proposer des mesures ciblées comme des baisses de prélèvements, des exonérations en faveur des plus modestes, mais également en faveur des entreprises. À ce sujet, je tiens à saluer les premiers résultats de la politique de réduction des déficits sociaux menée depuis maintenant deux ans par votre gouvernement.

Néanmoins, la réduction du déficit public ne doit nullement nous faire revoir à la baisse notre politique de protection sociale. Nous devons offrir à l’ensemble de la population, tout en prenant en compte les contraintes économiques du moment, une politique ambitieuse, solidaire et responsable, ainsi que vient de le souligner Christiane Demontès.

Cette politique est plus que nécessaire, car les personnes touchées par la pauvreté sont de plus en plus nombreuses et, surtout, de plus en plus pauvres. Or les prestations sociales constituent une protection irremplaçable.

L’emploi, nous le savons tous ici, est la priorité des Français. Aussi, la première étape du pacte est dirigée vers les entreprises au travers des articles 2 et 3 du présent projet de loi. L’ambition est de redonner aux entreprises la capacité de faire face à la concurrence grâce à l’allégement du coût du travail, mais aussi par la simplification des procédures administratives.

L’allégement des cotisations et la baisse du coût du travail devraient effectivement inciter à la création d’emplois, mais je reste intimement convaincu que ces mesures importantes prises en faveur des entreprises doivent être accompagnées de garanties confirmant la création d’emplois !

Le second engagement est, bien entendu, le plan d’économies de 50 milliards d’euros, qui s’appliquera aux finances de l’État, aux collectivités et à la sécurité sociale. Ainsi, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale prévoit des mesures destinées à corriger l’équilibre des comptes sociaux.

Je tiens d’ailleurs à saluer l’initiative de nos collègues de l’Assemblée nationale concernant l’article 9, qui prévoyait le gel des aides au logement. En effet, aujourd’hui, ce sont les dépenses de logement qui pèsent le plus sur le budget des ménages. C’est pourquoi, au regard des conditions de vie précaires des bénéficiaires de ces aides, nos collègues députés ont décidé de supprimer le gel de l’allocation logement, ce dont je me félicite.

Les inégalités s’accroissent, ce qui entraîne parfois des conséquences sociales dramatiques. Il est donc de notre devoir de promouvoir une politique solidaire, garante de notre système de protection sociale.

Les Français consentent depuis des années à de très lourds efforts, aussi devons-nous, mes chers collègues, trouver un juste équilibre entre la réduction des déficits et le maintien d’un haut niveau de protection.

François Mitterrand le disait, l’égalité n’est jamais acquise, c’est toujours un combat. Et ce combat, madame la ministre, nous savons que vous le menez.

Les dispositifs respectifs du projet de loi de finances rectificative et du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale doivent être analysés de façon simultanée et cohérente, ainsi que Jean-Pierre Caffet l’a excellemment dit tout à l’heure à cette tribune.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

J’aimerais à cet égard évoquer, même si cela peut apparaître hors sujet, l’amendement que j’avais déjà défendu, mais sans succès, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative et qui avait pour objet l’exonération de versement transport. Je le présenterai à nouveau ici sous la forme d’un amendement tendant à insérer un article additionnel.

Le système d’exonérations de versement transport fait actuellement l’objet d’amendements dans deux projets de loi distincts, le projet de loi de finances rectificative et le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire. Ces modifications sont source de risques financiers et juridiques pour les autorités organisatrices de transport, les AOT, risques qui pourraient être évités si le contenu des amendements était clarifié.

En effet, pour bénéficier d’une exonération, une association ou une fondation doit en faire la demande à l’AOT : celle-ci contrôle que l’organisme remplit bien trois conditions – être un organisme reconnu d’utilité publique, à but non lucratif et ayant une activité à caractère social – et, si tel est le cas, elle accorde obligatoirement l’exonération au terme d’une délibération.

Deux amendements ont été adoptés, mais dans le cadre de projets de loi distincts. Leur adoption a eu pour effet de supprimer la phrase figurant à l’article L. 2333-64 du code général des collectivités territoriales, qui est à l’origine du régime actuel, et de la remplacer par deux dispositions qui se contredisent.

L’amendement adopté lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, j’insiste sur ce point, est d’un impact financier très aléatoire, voire risqué. En effet, du fait des multiples conditions prévues, il pourrait s’appliquer à un grand nombre d’organismes, étant donné que les conditions de fonctionnement des structures ne sont pas cumulatives.

Pour prendre un exemple, mes chers collègues, il est possible que les hôpitaux ou cliniques privés entrent dans le champ d’application de cet amendement, ce qui représenterait un coût énorme pour les AOT, ainsi qu’une distorsion de traitement au détriment des hôpitaux publics.

Pour vous donner une idée plus précise, sur le territoire de Saint-Brieuc Agglomération, l’impact de cette mesure est estimé à 1, 4 million d’euros, soit 10, 4 % du produit du versement transport !

Afin d’assurer la cohérence de la loi, la contradiction entre les deux amendements adoptés nous oblige à choisir : l’un tend à réserver l’exonération aux entreprises solidaires d’utilité sociale, tandis que l’autre vise à élargir l’exonération actuelle. Dans ce dernier cas, une sécurisation des conditions d’application est indispensable pour limiter le nombre de recours.

Aussi, l’amendement que je présente se fonde sur la proposition formulée dans le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, qui vise à exonérer les associations et fondations lorsque celles-ci bénéficient de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » actualisé à l’article 7 du même projet de loi.

Il s’applique également aux centres de lutte contre le cancer, qui ne sont pas couverts par les dispositions du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire.

Cette solution permettrait d’éteindre les risques de contentieux entre associations et AOT, puisque seule l’existence de l’agrément donnerait à l’association le droit de se prévaloir d’une exonération.

Par ailleurs, grâce aux conditions à réunir pour obtenir l’agrément, cette solution permettrait de concilier le soutien au secteur de l’économie sociale et solidaire et la préservation de la situation financière des AOT, dans un contexte financier très tendu pour une grande partie de ces autorités organisatrices.

En conclusion, ce projet de loi marque le point de départ du pacte de responsabilité et de solidarité, en étant fondé sur la compétitivité, sur la responsabilité et, surtout, sur la solidarité. L’équilibre est délicat, car il nous faut veiller à soutenir autant que possible les personnes les plus précaires. Mais nous savons, au sein du groupe socialiste, que tel est votre objectif, madame la ministre !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste . – M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Madame la ministre, je vous le dis d’emblée : le groupe écologiste partage votre volonté de diminuer la dette de la sécurité sociale afin d’assurer la pérennité de notre système de solidarité nationale.

Pour autant, nous nous séparons sur la méthode à suivre pour parvenir à réduire ces dépenses publiques. Selon nous, cette réduction devrait passer par d’autres priorités de santé publique.

Nous craignons en effet que les mesures proposées dans ce texte n’hypothèquent l’avenir de la sécurité sociale et voudrions relayer auprès de vous, madame la ministre, l’inquiétude des professionnels de la santé publique et des travailleurs sociaux, qui se demandent où les coupes seront opérées.

Les allégements de cotisations salariales proposés dans ce projet de loi diminueront les recettes de la sécurité sociale de 2, 5 milliards d’euros, les allégements des cotisations patronales et celles des travailleurs indépendants les réduiront de 5, 5 milliards d’euros et le rétrécissement de l’assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés privera la sécurité sociale de 1 milliard d’euros, soit, au total, 9 milliards d’euros !

Or toutes ces mesures constituent autant de diminutions pérennes des recettes de la sécurité sociale, sans que nous soient donnés clairement les moyens pérennes qui seront parallèlement mis en œuvre.

Car, madame la ministre, je n’ose imaginer que le gel de certaines prestations sociales que vous proposez cette année - il ne compense d’ailleurs que très partiellement les réductions de recettes en jeu – soit reconduit d’année en année aux fins d’équilibrer nos comptes publics !

Je crains donc que les mesures proposées ici ne soient de mauvaises solutions qui mettent en péril l’équilibre financier de notre système de solidarité nationale.

Oui, nous pensons qu’une autre vision des questions de santé publique pourrait conduire à des économies de même ampleur, et à des économies durables.

Pour réaliser des économies, nous, écologistes, proposons de dépenser autrement, en augmentant beaucoup plus les dépenses d’investissement visant à permettre l’accès du plus grand nombre à la santé, donc des dépenses qui à court, à moyen et à long terme, permettent ces économies.

Forte de cette logique, je ne comprends pas, par exemple, pourquoi l’adoption de mesures durables pour lutter contre la pollution de l’air prend tant de temps, alors que, chaque année, cette pollution coûte à la sécurité sociale entre 30 milliards d’euros et 50 milliards d’euros, selon les chiffres fournis en 2012 par le Commissariat général au développement durable.

Je ne comprends pas non plus pourquoi, bientôt un an après la remise du rapport que j’ai signé sur l’accès aux soins des plus démunis, la mise en œuvre des mesures de simplification de l’accès aux droits est si lente, alors même que, selon le Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, le SGMAP, conçu pour tenir le rôle de conseil auprès du Gouvernement dans l’élaboration, la conduite et le suivi du programme global de réforme, en s’attaquant aux obstacles qui font de l’accès aux soins un véritable parcours du combattant, on améliorerait l’état de santé global de la population et on dégagerait un gisement d’économies – que le SGMAP appelle d’ailleurs « le gisement moins de maladies ».

Pour mémoire, un certain nombre de propositions ont été formulées. J’en citerai deux : attribuer automatiquement la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, aux bénéficiaires du revenu de solidarité active, le RSA ; fonder l’attribution de la CMU-C et de l’assurance complémentaire santé, l’ACS, sur le dernier revenu fiscal de référence, ce qui reviendrait à simplifier considérablement l’accès à ces droits.

Du coup, en permettant un accès plus facile à la santé, on réaliserait un investissement qui déboucherait sur des économies très importantes. Beaucoup le disent !

Je ne comprends pas plus pourquoi vous continuez à refuser les mesures de santé environnementales que nous vous proposons, à chaque projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, surtout lorsque l’on sait le poids sur le budget de la sécurité sociale d’un certain nombre d’épidémies qui, comme le cancer, sont dues en partie à des facteurs environnementaux.

Pourquoi, par ailleurs, a-t-on perdu autant de temps sur la question épineuse des refus de soins, qui éloignent durablement de notre système de santé des personnes précaires ou gravement malades que l’on finit par retrouver, plus tard, dans un état très aggravé, au sein de nos services d’urgences encombrés et dont la prise en charge coûtera en conséquence, au final, beaucoup plus cher ?

Pourquoi prévoir, dans l’axe 13.1 du plan cancer, de dépenser dès maintenant des centaines de millions d’euros supplémentaires pour le Gardasil, alors que ce vaccin est de plus en plus contesté ? Ne faudrait-il pas au minimum un moratoire sur toute mesure nouvelle d’incitation à l’utilisation de ce vaccin, au moins le temps de mener une étude indépendante sur le sujet ?

En lieu et place de tout cela, comme Jean Desessard le relevait tout à l’heure, vous proposez des mesures qui, en l’état, apparaissent comme un véritable chèque en blanc signé aux entreprises, parce qu’elles ne sont pas assorties des garanties nécessaires en matière de créations d’emplois.

Faute d’une telle conditionnalité, ces mesures sont donc tout à fait déséquilibrées, raison pour laquelle nous défendrons un certain nombre d’amendements sur ce texte. En l’état actuel, nous ne pourrions pas le voter !

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC . – Mme la présidente de la commission des affaires sociales et Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon propos sera bref, puisque je souhaite simplement compléter l’intervention de mon collègue Ronan Kerdraon, en adoptant un angle plus « médico-social ».

Ronan Kerdraon nous l’a rappelé à l’instant, lorsque nous avons examiné le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, nous avons, avec l’Assemblée nationale, adopté une mesure permettant de préserver l’exonération de versement transport dont les associations et fondations bénéficiaient depuis plus de cinquante ans.

Le projet de loi de finances rectificative a supprimé cette exonération, ce qui aura de lourdes conséquences pour le secteur médico-social. C’est pourquoi je me permets de soulever le problème à l’occasion de l’examen de ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.

En effet, si la suppression était maintenue, les associations et autres fondations du secteur sanitaire, social et médico-social qui accompagnent au quotidien les citoyens les plus vulnérables – personnes handicapées, exclues ou âgées – devraient payer à présent cette taxe. Cela représente plusieurs dizaines de millions d’euros, soit l’équivalent de milliers d’emplois…

Je rappelle que ces mêmes associations ont déjà été exclues du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.

Venir alourdir leurs charges à l’heure actuelle, et qui plus est sans concertation aucune, c’est tout simplement dramatique !

Je vous rappelle également, mes chers collègues, que l’engagement associatif a été déclaré « grande cause nationale » pour 2014.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

C’est pourquoi, madame la ministre, je vous demande de permettre aux associations agréées « entreprises solidaires d’utilité sociale », ou ESUS, de continuer à bénéficier de l’exonération de la taxe versement transport.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Labazée

Comme nombre de collègues, j’ai souhaité signer l’amendement déposé par Ronan Kerdraon, qui, comme il l’a précédemment exposé, reprend la proposition formulée dans le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire visant à exonérer les associations et fondations lorsque celles-ci bénéficient de cet agrément actualisé à l’article 7 du même projet de loi

Revenir sur cette exonération mettrait en péril non seulement ce qui constitue le dernier filet de protection pour les personnes les plus fragiles, mais aussi la survie de milliers d’emplois dans le secteur associatif.

Je sais bien, madame la ministre, que ce n’est pas forcément dans ce texte que nous pourrons trouver la solution, mais il nous reste encore quelques mois, puisque le Parlement examinera à l’automne le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.

Je souhaite donc que nous profitions de l’examen du présent texte pour revenir sur la suppression de cette exonération.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine

Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord vous remercier de la qualité de vos interventions. Vous êtes face à un texte extrêmement important, important pour l’action du Gouvernement, important en raison des engagements qui sont pris, important pour l’avenir de notre pays.

À cette occasion, je veux rebondir sur un certain nombre de points que vous avez développés.

M. Caffet a bien mis en perspective les engagements qui sont les nôtres et les choix faits par le Gouvernement en montrant que nous cherchons à relever les trois grands défis qui se posent à notre pays : la réduction de la dette et des déficits publics, la restauration des marges et de la compétitivité de nos entreprises, le soutien au pouvoir d’achat des salariés et des ménages modestes.

Or ces trois défis ont trop souvent tendance à être présentés comme contradictoires, comme si nous ne pouvions pas à la fois assumer une politique de compétitivité en direction des entreprises, une politique de réduction des déficits, lesquels minent la crédibilité de nos systèmes sociaux, et une politique en faveur de l’emploi et des ménages.

C’est cette cohérence d’ensemble que Mme Demontès a particulièrement mise en évidence en rappelant notre engagement depuis deux ans en faveur de notre modèle social, de notre système de protection sociale, sans oublier les droits nouveaux. Elle a particulièrement insisté – je la remercie – sur les droits nouveaux en faveur des femmes, s’agissant, par exemple, de la prise en compte de façon plus globale et plus cohérente des congés de maternité pour la détermination de l’âge de départ à la retraite.

C’est un choix qu’a fait le Gouvernement et il ne s’agit pas là, comme je l’entends parfois dire, d’une pétition de principe : c’est une réalité, puisque ces droits sont mis en œuvre et que, dans notre pays, des femmes et des hommes bénéficient désormais de droits dont ils ne bénéficiaient pas voilà deux ans.

Je le dis à toutes celles et à tous ceux qui prétendent que, au fond, nous n’aurions que pour seule perspective le soutien aux entreprises ou, comme le dit M. Watrin, au MEDEF. Mesdames, messieurs les sénateurs, ce n’est pas le MEDEF qui me préoccupe, ce n’est pas le MEDEF qui dicte sa politique au Gouvernement, c’est la volonté de faire en sorte que, dans notre pays, les droits progressent, que la situation des salariés progresse.

Monsieur Watrin, le principal droit auquel les Français peuvent prétendre, c’est le droit au travail et à l’emploi. Aujourd’hui, notre pays connaît un déficit d’emplois. J’ai le regret de vous le dire – nous avons là une divergence –, mais ce n’est pas en claquant des doigts et en appelant à plus de dépenses et à l’alourdissement des déficits que l’on va, comme par miracle, comme par prestidigitation, créer des emplois dans notre pays !

Ce sont les entreprises qui créent les emplois

Très bien ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine

Nous sommes donc dans une logique d’équilibre, mesdames, messieurs les sénateurs.

Mais je me tourne vers M. Roche : monsieur le sénateur, vous me donnez du « madame le ministre » à longueur d’intervention. Nous nous connaissons bien, nous travaillons ensemble, en toute amitié et avec plaisir : que diriez-vous si je vous appelais « monsieur la sénateur » ? Alors, de grâce, concédez-moi un petit « madame la ministre » ! Cela me fera plaisir et vous en serez content.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine

J’en reviens au point fort de votre propos, M. Cardoux étant intervenu dans le même sens : pourquoi donc attendre pour mettre en œuvre les réductions de cotisations dont doivent s’acquitter les entreprises ?

Notre pays est confronté à un enjeu, celui de la confiance, non seulement des entreprises françaises, mais également des acteurs économiques de façon plus large. La France dispose d’atouts, et tous les ingrédients de la croissance sont là. Ce qu’il faut, c’est offrir un cadre stable, visible, lisible. Ce qui compte pour les entreprises, ce n’est pas que, dans quinze jours ou trois mois interviennent enfin les baisses de cotisations, c’est que les engagements soient pris, votés et tenus !

L’enjeu de ce texte de loi, c’est de donner une perspective et une lisibilité aux entreprises. En échange de quoi, il appartiendra à ces mêmes entreprises, sachant ce à quoi elles peuvent s’attendre, de s’engager à leur tour, de s’impliquer : comme tout pacte, le pacte de responsabilité engage les deux parties !

Monsieur Desessard, vous disiez que tout cela ne se décrète pas et qu’il faut pouvoir mesurer les contreparties. Voilà quelques jours – cela a été rendu public aujourd’hui même –, une grande fédération professionnelle, celle de la chimie, s’est engagée, dans le cadre du pacte de responsabilité, à créer plusieurs dizaines de milliers d’emplois – 47 000, selon ses évaluations – au cours des années à venir.

Ces engagements pris par les entreprises, il nous appartiendra évidemment d’en vérifier le respect. Dans d’autres secteurs, ce seront peut-être d’autres types d’engagements qui seront pris outre ceux qui portent sur le nombre des créations d’emplois : la qualité des emplois, la formation, l’accueil d’apprentis et de futurs salariés sont autant d’enjeux qui comptent. Comme l’a dit Mme Demontès, il est important que la négociation collective se saisisse de ces questions et permette d’évaluer les engagements pris.

L’exigence de compétitivité nous amène aujourd’hui à proposer un plan de contribution à l’effort collectif, mais dans un souci de justice. Je remercie M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales d’avoir indiqué – je ne l’ai sans doute pas suffisamment souligné – que nous avons fait le choix assumé de ne pas mettre à contribution les Français les plus modestes, et non pas simplement ceux qui sont en situation de précarité : non seulement le plan pauvreté sera maintenu, mais les Français modestes ne seront pas concernés par les efforts demandés.

Même si je ne conteste pas que les retraités de notre pays seront mis à contribution, je me dois d’insister sur le fait que les plus modestes d’entre eux ne sont pas concernés. Comme l’a dit Mme Demontès, notre pays compte des retraités en situation de fragilité – en particulier les bénéficiaires du Fonds de solidarité vieillesse – et nous y sommes attentifs. M. Daudigny a, lui aussi, mis l’accent sur les mesures qui ont été prises dans cette direction.

Si nous demandons des efforts à l’ensemble des Français, y compris aux retraités, même si les plus modestes d’entre eux ne sont pas concernés, c’est parce qu’il est normal de demander à l’ensemble de la communauté nationale, à l’ensemble des Français de participer à ce nécessaire effort en direction des plus jeunes, en faveur de l’emploi des catégories actives.

On ne peut pas tout à la fois s’accorder à voir dans l’emploi, notamment l’emploi des jeunes, la priorité numéro 1 et souhaiter que les personnes retraitées soient exonérées de l’effort demandé au pays !

La solidarité intergénérationnelle à laquelle nous faisons en permanence référence lorsque nous discutons des textes sur l’avenir de notre système de protection sociale ne doit pas simplement être un slogan pour ceux qui défendent notre protection sociale, ce doit être une réalité. La solidarité entre les générations suppose que les unes et les autres se mettent ensemble pour favoriser le retour de l’emploi, le retour de la croissance et offrir des perspectives à nos concitoyens les plus modestes.

Madame Archimbaud, sans doute aurons-nous l’occasion de discuter des perspectives de long terme en matière de santé. Ces perspectives de long terme, je les défends et j’aurai l’occasion d’en débattre avec vous lors de l’examen de la future loi de santé. Mais, par définition, des réformes de long terme ne débouchent pas sur des économies immédiates. Nous devons donc réfléchir à la manière d’organiser notre système de santé différemment pour obtenir des résultats assez rapidement. Vous serez d’accord, je le sais, pour considérer avec moi que certaines des mesures qui seront proposées dans les textes à venir ces prochaines années – l’évaluation des actes médicaux, par exemple – doivent être défendues.

Alors, madame la sénatrice, autant je souscris à ce que vous dites sur l’accès aux droits, sur la lutte contre les refus de soins, autant je ne peux pas approuver vos propos sur la vaccination. Il existe énormément d’études sur les vaccins et tenir des propos de défiance à l’égard de la vaccination peut être risqué – j’y insiste –, alors que trop d’hommes et trop de femmes aujourd’hui renoncent à se faire vacciner au nom de considérations générales, par parti pris. Ce faisant, ils mettent en danger non seulement leur santé, mais aussi celle de leur entourage.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du RDSE, de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine

Enfin, je veux indiquer à MM. Kerdraon et Labazée que j’entends leur préoccupation s’agissant de l’économie sociale et solidaire en général et des établissements de santé relevant du secteur privé à but non lucratif en particulier. Je suis extrêmement attentive à la situation de ces établissements de santé, au rôle qu’ils jouent dans notre système de soins. Mais vous avez vous-mêmes reconnu que certains des amendements que vous défendrez sont des cavaliers par rapport au présent texte : nous serons donc obligés de les considérer comme tels…

Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un texte de mobilisation qui vous est proposé. Vient un moment où il est nécessaire de faire appel à l’ensemble des forces du pays pour aller de l’avant. Il nous faut faire preuve de cohérence et de constance. Il n’est pas temps de reculer ; il est temps au contraire d’aller de l’avant et d’offrir une perspective, en particulier aux plus jeunes générations. C’est la responsabilité à laquelle je vous appelle.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi, par Mme Pasquet, M. Watrin, Mmes David et Cohen, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n°66.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 (689, 2013-2014).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour la seconde fois depuis l’adoption de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, Assemblée nationale et Sénat sont appelés à examiner un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.

L’exercice est singulier, chacun en conviendra, puisqu’il ne s’agit pas uniquement de modifier des tableaux adoptés en loi de financement initiale afin de tenir compte d’évolutions économiques et budgétaires ; il s’agit en réalité d’acter dans la loi une évolution politique, un renversement de doctrine.

Si l’on peut débattre du bien-fondé des mesures proposées dans ce PLFRSS pour 2014, personne ne peut raisonnablement soutenir que le prétendu pacte de responsabilité est conforme aux engagements pris devant le peuple de France par le candidat socialiste à la présidence de la République.

Singulier, ce PLFRSS l’est également pour une autre raison : quoique présenté par le Gouvernement, il puise selon nous son inspiration dans les dogmes libéraux défendus depuis plus de vingt ans par la partie du patronat français la plus hostile aux notions de « mutualisation » et de « partage des richesses », pourtant au cœur de notre pacte social depuis 1945.

Incontestablement, si le Gouvernement a fourni le papier, c’est bien l’encre du MEDEF qui est imprimée sur ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale !

La genèse du « pacte de responsabilité », imaginé par Pierre Gattaz et appelé par lui « pacte de confiance », suffit à confirmer mes propos. Cela à tel point, mes chers collègues, que le Premier ministre lui-même, en visite à Berlin, a assuré que « la France a engagé des réformes importantes, des réformes de structure », parlant à cet égard du « pacte de confiance et de solidarité [pour] soutenir la croissance ». Il n’a même pas pris la précaution oratoire imaginée par les communicants du Gouvernement, qui pensaient qu’en rebaptisant le « pacte de confiance » du MEDEF « pacte de responsabilité » du Gouvernement, l’assimilation entre les deux projets ne serait plus possible.

Malheureusement pour le Premier ministre, les efforts du Gouvernement pour dissimuler la paternité de ce projet sont gâchés par son initiateur. Le « patron des patrons », à la suite de cet incident, a en effet immédiatement déclaré à la presse : « Nous avons salué le pacte de responsabilité que nous a servi le Président de la République le 31 décembre et qui était inspiré, je ne le dis pas trop fort, du pacte de confiance que nous lui avons apporté sur un plateau ».

Tout est dit, du moins sur le processus de co-élaboration législative entre le Gouvernement et le MEDEF. Même les organisations syndicales qui soutiennent le pacte ont publiquement regretté de n’avoir pas été associées à la construction du projet et de l’avoir appris, comme nous tous, par voie de presse. C'est là une curieuse conception du dialogue social !

Pour autant, cette méthodologie très contestable n’est pas la seule raison qui justifie notre opposition au pacte de responsabilité et à ce PLFRSS pour 2014.

Ce sont bien le contenu de ce texte et les régressions qu’il comporte, l’appauvrissement et l’affaiblissement programmés de la sécurité sociale, qui nous conduisent, notamment, à considérer que l’adoption de ce PLFRSS serait un nouveau coup porté à notre modèle social, sans que soit pour autant garantie la sortie de crise économique et sociale que nos concitoyens attendent impatiemment.

Si j’insiste sur la notion de « crise sociale », c’est que les observateurs, les journalistes, les économistes et, d’une certaine manière, le Gouvernement lui-même ont tendance à ne parler que de la crise économique, oubliant trop vite combien celle-ci pénalise et frappe les plus modestes, les précaires, les retraités, les jeunes et les malades.

En effet, le dernier rapport de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale fait apparaître un accroissement spectaculaire de ces inégalités depuis le tournant du siècle. Au point que, sous l’impulsion d’une crise économique sans précédent – elle s’apparente à un épisode nouveau dans la crise du capitalisme financiarisé –, le revenu moyen des 20 % des Français les plus riches, qui équivalait à 4, 1 fois celui des 20 % les plus pauvres en 2000, représentait 4, 6 fois ce revenu en 2011. En dix ans, l’écart s’est donc creusé de 12 %.

Ce mouvement d’accroissement extraordinaire des richesses de certains et d’appauvrissement radical pour d’autres est la conséquence des mesures prises en faveur des plus riches par Nicolas Sarkozy…

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

… et de l’absence de décisions courageuses contre le capital et la finance depuis l’élection de François Hollande. Ces mesures, nous les avions ensemble – socialistes, écologistes, radicaux et communistes – condamnées au Sénat, lorsque la Haute Assemblée était majoritairement à gauche et que le Gouvernement et l’Assemblée nationale étaient encore à droite.

Depuis, si les aspirations de nos concitoyennes et de nos concitoyens n’ont pas changé, conduisant à l’élection de François Hollande à la présidence de la République, les réponses que le Gouvernement leur apporte, elles, ont bien changé.

Plutôt que de sécuriser l’emploi en interdisant les licenciements boursiers, le Gouvernement a transposé l’ANI – l’accord national interprofessionnel – qui autorise les employeurs à licencier pour motifs économiques, même en l’absence de réelles difficultés économiques.

Quant à la formation professionnelle, levier indispensable pour permettre aux salariés d’anticiper les évolutions technologiques, vous avez permis aux entreprises les plus grandes de réduire leur part de financement aux plans de formation, et vous avez supprimé une partie de la mutualisation du financement, qui profitait aux salariés des petites entreprises.

Plutôt que d’assurer une réforme solidaire de l’impôt en instaurant une plus grande progressivité, vous avez maintenu durant un an le gel du barème de l’impôt sur le revenu.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Vous avez imposé une taxe aux retraités, censée financer la perte d’autonomie, mais dont les fruits sont en réalité détournés de sa mission première depuis sa création.

Vous avez augmenté la TVA et soumis à l’impôt sur le revenu des salariés la participation des employeurs au financement des contrats d’assurance santé complémentaire.

Plutôt que de garantir le droit à la retraite pour toutes et tous dès soixante ans, vous avez allongé la durée de cotisation en repoussant l’âge effectif de départ à la retraite à taux plein, tandis que vous réduisiez dans le même temps – déjà, serais-je tentée de dire ! – les cotisations patronales.

Vous avez repoussé une première fois – d’avril à octobre – la date de la revalorisation des retraites pour décider finalement, aujourd'hui, de les geler.

Chacune des mesures que vous avez consenties aux employeurs, chacun de vos renoncements au profit du monde de la finance, les salariés, les familles et les retraités en ont supporté les conséquences.

Et vous voudriez aujourd’hui, à travers ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, que soit amplifié ce mouvement ! Mais dans quelle voie, si ce n’est l’impasse libérale dans laquelle la droite, le baron Seillière, Laurence Parisot et les Gattaz père et fils ont conduit notre pays depuis plus de vingt ans ?

Le pacte de responsabilité dont il est question ici s’inscrit dans la lignée des mesures d’allégement de cotisations sociales consenties aux employeurs sur les bas salaires, que la loi Fillon a étendues. Et, comme il y a vingt ans, patronat et Gouvernement promettent que ces mesures, censées répondre à la question de la nécessaire réduction du coût du travail, seront accompagnées de contreparties. Là encore, la technique est rodée.

Souvenez-vous, dans les années quatre-vingt, Philippe Séguin – alors ministre de l’emploi – et Yvon Gattaz décidaient ensemble de supprimer l’autorisation administrative de licenciement. L’ancien président du CNPF affirmait alors, en échange : « Je m’engage à échéance de trois ans à créer 540 000 emplois. » Trois ans plus tard, la France comptait 200 000 chômeurs de plus…

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Pour se justifier, le patronat se réfugiait alors derrière la crise économique et une demande atone.

L’histoire se répète et, comme dans les années quatre-vingt, les victimes sont du côté des travailleurs.

La technique proposée ici, à savoir la réduction d’une partie des cotisations patronales, n’est pas nouvelle et, au regard de la courbe du chômage depuis vingt ans, force est de constater qu’elle n’a pas fait la preuve de son utilité –, tout du moins pour ce qui est de favoriser l’emploi et donc de relancer l’économie, objectifs dont se recommandent gouvernements et patrons. Cette politique a toutefois réussi à réduire considérablement la part du financement des employeurs à la sécurité sociale !

Contrairement au discours erroné du MEDEF en la matière, le coût du travail, et notamment du financement de la sécurité sociale, ne tend pas à croître. Le poids des cotisations sociales des employeurs dans la valeur ajoutée a en effet baissé : il s'établissait à 18, 2 % en 1992, mais à 16 % en 2006. Sans compter les 22 milliards d’euros d’exonérations de cotisations employeurs consenties chaque année, les 6 milliards d’euros du crédit impôt-recherche, les 6 milliards d’euros de baisse de la taxe professionnelle, les 20 milliards d’euros accordés au titre du CICE...

Et pour quels résultats, si ce n’est un tassement généralisé des salaires, une paupérisation grandissante des salariés et un chômage record, jamais atteint, même au plus fort de la crise économique ?

Parce qu’il reprend les dogmes du passé, critiqués par tous les observateurs sérieux, y compris la Cour des comptes, le pacte de responsabilité produira mécaniquement les mêmes effets.

Il conduira probablement les employeurs à continuer à verser aux travailleurs des salaires de misère afin de conserver le bénéfice des exonérations de cotisations sociales, et participera même à détruire des emplois qualifiés et rémunérateurs.

À l’occasion de la discussion du projet de loi de finances rectificative, la rapporteure générale à l’Assemblée nationale explique même, ce que confirme une étude des services de Bercy, que le pacte de responsabilité aura un effet récessif qui se traduira par la suppression de 60 000 emplois, ni plus ni moins ! Or, 60 000 emplois en moins, ce sont autant de salariés privés d’emplois à indemniser et de prestations sociales à servir, en échange d’une réduction des recettes sociales de l’ordre de 8 milliards d’euros, rien que pour l’année 2015.

Là encore, nous disposons en la matière d’un recul suffisant pour bien voir que les mesures d’allégement, d’exonération ou de suppression de cotisations sociales sont, dans les faits, inefficaces pour réduire le chômage. Les Économistes atterrés ont récemment rendu public une analyse du pacte de responsabilité évaluant le rapport entre l’efficacité et le coût des allégements Fillon, qui inspirent le pacte de responsabilité.

Pour eux, « en rapportant ces dépenses au volume d’emplois créés ou sauvegardés, on peut estimer le coût annuel pour les finances publiques de chacun de ces emplois à près de 75 000 euros, un coût exorbitant pour des emplois souvent à bas salaire, de qualité incertaine, et mis à la disposition des entreprises privées ». Cette somme astronomique est à rapprocher du budget consacré aux contrats aidés. En 2010, ils ont coûté 5 milliards d’euros pour 520 000 contrats conclus, ce qui porte le coût du contrat pour la collectivité publique et les comptes sociaux à tout juste 10 000 euros.

On peut faire la même démonstration avec le CICE. L’Observatoire français des conjonctures économiques a estimé l’effet de ce dispositif sur cinq ans à 150 000 emplois créés pour un coût annuel estimé à 20 milliards d’euros à partir de 2014.

Alors que notre pays connaît une situation économique douloureuse et que chaque dépense est comptée au point même d’imposer des dispositions injustes et antisociales comme le gel des retraites, il nous semble, au groupe CRC, qu’aucune mesure ne doit être prise dès lors qu’elle fragilise la sécurité sociale, le seul outil qui sert encore d’amortisseur social.

À moins que l’emploi et la baisse du coût du travail ne servent en réalité à dissimuler le projet réel du MEDEF, validé par le Gouvernement, d’une suppression totale du financement de la branche famille par les cotisations sociales…

La satisfaction de cette exigence ancienne du patronat, qui voit dans la suppression de la branche famille de la sécurité sociale une première étape de l’explosion du système tout entier, est déjà en bonne voie. Les gouvernements de Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls y auront contribué en réduisant par deux fois le taux des cotisations alimentant cette branche – une première fois à l’occasion de la réforme des retraites de 2013 et une seconde fois dans ce PLFRSS pour 2014.

Pour justifier cette rupture majeure avec les avancées contenues dans le programme du Conseil national de la Résistance, qui constitue notre pacte social, le patronat avance l’idée que les prestations familiales seraient sans lien avec le travail.

Cet argument a été entendu et même assimilé par Michel Sapin, puisque ce dernier affirmait, lorsqu’il était ministre du travail : « Le fait que vous ayez des enfants n’est pas en lien avec votre travail, donc il n’y a pas de raison que ce soit financé par les entreprises. Tout le monde bénéficie de la politique familiale […] le seul critère est d’avoir des enfants. Il n’y a pas de raison qu’elle soit financée principalement par le travail ».

Et pourtant, lorsque l’on se penche sur les mécanismes de compensations des allégements consentis aux employeurs sur la branche famille, on s’aperçoit qu’ils pèsent majoritairement sur les salariés et reposent sur des ressources qui sont précisément en lien avec le travail et les salaires. On y trouve la CSG – elle représente 18 % de ces ressources – tandis que, parmi les autres impôts et taxes affectés, la plus grosse ressource – pour près d’un tiers en 2010 – se trouve provenir de la taxe sur les salaires, c’est-à-dire une taxe qui porte sur le travail, mais qui est acquittée par les salariés !

Comme le soulignent les Économistes atterrés, avec cette taxe sur les salaires, « une taxe qui porte sur le travail se [substitue] donc à des cotisations sociales employeurs au motif affiché que les prestations familiales ne devraient pas être financées par des prélèvements portant sur le travail ».

Cette politique de substitution du financement des salariés au financement des employeurs s’accompagne, dans le même temps, d’une remise en cause des prestations servies par la branche famille. Je pense naturellement aux modifications que vous avez apportées au quotient familial et aux tentations de certains de remettre en cause l’universalité des prestations familiales, pilier de notre politique familiale.

Et ce qui se joue aujourd’hui avec la branche famille n’est que le préambule de ce qui se passera demain !

L’application totale du pacte de responsabilité, qui permettra aux employeurs de réduire leur participation au financement de la sécurité sociale, s’accompagne d’un corollaire : la réduction des dépenses sociales de plus de 11 milliards d’euros.

Cette réduction conduira de fait à des mécanismes d’exclusion et de renoncement aux soins. Nos concitoyens seront poussés à opter pour des mécanismes de type assurantiel et commercial venant se substituer à la sécurité sociale, tant sur la santé ou l’assurance chômage que les retraites. Enfin, cette réduction accroîtra les inégalités sociales, alors même que les mesures d’exonération de cotisations sociales conduiront à la généralisation des « trappes à bas salaires », donc de la précarité.

La voie dans laquelle le Gouvernement et le MEDEF veulent nous conduire avec l’adoption de ce PLFRSS pour 2014 pourrait bien être irréversible : elle acte la priorité donnée au capital sur l’humain et contre l’humain ; elle substitue à notre pacte social un pacte d’irresponsabilité.

C’est pour toutes ces raisons, et non pour couper court au débat ou pour l’éviter, que nous avons choisi, mes chers collègues, de déposer cette motion tendant à opposer la question préalable, que je vous invite à adopter.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Jacqueline Alquier, contre la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Alquier

Je veux dès l’abord annoncer que nous ne voterons pas cette motion, mais cela ne vous étonnera pas, chers collègues du groupe CRC : vous ne nous avez pas convaincus. À l’avalanche d’arguments contraires et critiques, nous aurions préféré des propositions soutenables.

Le texte que nous présente le Gouvernement est, de notre point de vue, un texte responsable. Car la responsabilité, c’est d’engager notre pays sur la voie de l’avenir et de préserver notre modèle social ; la responsabilité, c’est de l’engager sur la voie du redressement économique tout en privilégiant l’emploi et la cohésion sociale.

Nous connaissons les faits : en dépit des efforts déjà consentis, nous sommes confrontés à une situation très difficile de nos finances publiques et à une perte de compétitivité de nos entreprises qui pénalise l’emploi ainsi que notre redressement économique et budgétaire. Depuis 2002, le creusement des déficits budgétaires a entraîné une croissance ininterrompue de la dette. Nous héritons aujourd’hui de cette situation et l’Europe impose ses critères. Alors, nous n’avons pas le choix !

La stratégie économique courageuse du Gouvernement vise à inverser cette tendance. Un pacte de stabilité, assorti de la mise en œuvre d’un pacte de responsabilité et de solidarité et doublé d’un plan d’économies, s’impose à nous si nous voulons notamment assurer l’avenir de notre jeunesse et redonner confiance à nos concitoyens.

Baisse du coût du travail, baisse des impôts, justice dans les économies, tels sont les trois piliers de ce texte. Je n’y reviendrai pas, ils ont été développés par notre rapporteur général, mais permettez-moi de réaffirmer que la reprise économique et le retour de la croissance sont, en effet, la clé d’une baisse durable du chômage.

Afin de renouer avec la croissance, ce projet ambitionne de redonner à notre tissu économique la capacité de mieux affronter la concurrence grâce à l’allégement du coût du travail et à la relance de la consommation populaire. Ne nous en privons pas ! Cette démarche marque une véritable rupture avec la période précédente, qui a vu l’accroissement des déficits tout au long du quinquennat, des déremboursements massifs pour les assurés ainsi que le démembrement et la fragilisation de notre système de santé en général et de l’hôpital public en particulier.

Pour toutes ces raisons, nous rejetons cette motion tendant à opposer la question préalable. Nous voulons débattre de ce texte qui engage notre avenir. Ces échanges nécessaires nous permettront de préciser certains points et d’améliorer les dispositifs. Je pense notamment à l’amendement déposé par notre rapporteur général sur le régime de cotisations applicable aux particuliers employeurs.

En conclusion, face à une crise qui perdure et à un chômage de masse qui s’ancre, il nous faut soutenir le Gouvernement, qui se veut combatif et, comme Mme la ministre l’a dit en introduction, tenace et têtu. Pour réussir, nous avons besoin que l’ensemble des forces vives se mette en mouvement. Nul ne détient la vérité, mais notre jeunesse n’attend qu’une seule chose, qu’on lui fasse confiance pour créer, innover et faire avancer la France !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Alquier

Mme Jacqueline Alquier. Aussi, en conformité avec la position de la commission des affaires sociales, nous ne pouvons que nous prononcer contre votre motion.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a, bien entendu, émis un avis défavorable à l’adoption de cette motion tendant à opposer la question préalable. Je dis « bien entendu », parce que la commission des affaires sociales avait approuvé le rapport présenté sur le projet de loi.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre

La position du Gouvernement est identique, cela ne vous étonnera pas. J’ai indiqué, en répondant aux orateurs à l’issue de la discussion générale, qu’il ne s’agissait pas pour le Gouvernement d’opposer le progrès social, le soutien aux salariés et la prise en compte des enjeux de pouvoir d’achat à la compétitivité et au dynamisme de notre économie. Nous sommes là, je pense, face à un choix majeur pour l’avenir de notre pays.

Pour toutes les raisons que j’ai déjà évoquées, j’appelle à ne pas voter la motion présentée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix la motion n° 66, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.

J’indique que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Voici le résultat du scrutin n°224 :

Le Sénat n’a pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 16 juillet 2014, à quatorze heures trente et le soir :

Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 (689, 2013-2014) ;

Rapport de M. Yves Daudigny, fait au nom de la commission des affaires sociales (703, 2013-2014) ;

Avis de M. Jean-Pierre Caffet, fait au nom de la commission des finances (701, 2013-2014).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-trois heures vingt-cinq.