Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour la seconde fois depuis l’adoption de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, Assemblée nationale et Sénat sont appelés à examiner un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale.
L’exercice est singulier, chacun en conviendra, puisqu’il ne s’agit pas uniquement de modifier des tableaux adoptés en loi de financement initiale afin de tenir compte d’évolutions économiques et budgétaires ; il s’agit en réalité d’acter dans la loi une évolution politique, un renversement de doctrine.
Si l’on peut débattre du bien-fondé des mesures proposées dans ce PLFRSS pour 2014, personne ne peut raisonnablement soutenir que le prétendu pacte de responsabilité est conforme aux engagements pris devant le peuple de France par le candidat socialiste à la présidence de la République.
Singulier, ce PLFRSS l’est également pour une autre raison : quoique présenté par le Gouvernement, il puise selon nous son inspiration dans les dogmes libéraux défendus depuis plus de vingt ans par la partie du patronat français la plus hostile aux notions de « mutualisation » et de « partage des richesses », pourtant au cœur de notre pacte social depuis 1945.
Incontestablement, si le Gouvernement a fourni le papier, c’est bien l’encre du MEDEF qui est imprimée sur ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale !
La genèse du « pacte de responsabilité », imaginé par Pierre Gattaz et appelé par lui « pacte de confiance », suffit à confirmer mes propos. Cela à tel point, mes chers collègues, que le Premier ministre lui-même, en visite à Berlin, a assuré que « la France a engagé des réformes importantes, des réformes de structure », parlant à cet égard du « pacte de confiance et de solidarité [pour] soutenir la croissance ». Il n’a même pas pris la précaution oratoire imaginée par les communicants du Gouvernement, qui pensaient qu’en rebaptisant le « pacte de confiance » du MEDEF « pacte de responsabilité » du Gouvernement, l’assimilation entre les deux projets ne serait plus possible.
Malheureusement pour le Premier ministre, les efforts du Gouvernement pour dissimuler la paternité de ce projet sont gâchés par son initiateur. Le « patron des patrons », à la suite de cet incident, a en effet immédiatement déclaré à la presse : « Nous avons salué le pacte de responsabilité que nous a servi le Président de la République le 31 décembre et qui était inspiré, je ne le dis pas trop fort, du pacte de confiance que nous lui avons apporté sur un plateau ».
Tout est dit, du moins sur le processus de co-élaboration législative entre le Gouvernement et le MEDEF. Même les organisations syndicales qui soutiennent le pacte ont publiquement regretté de n’avoir pas été associées à la construction du projet et de l’avoir appris, comme nous tous, par voie de presse. C'est là une curieuse conception du dialogue social !
Pour autant, cette méthodologie très contestable n’est pas la seule raison qui justifie notre opposition au pacte de responsabilité et à ce PLFRSS pour 2014.
Ce sont bien le contenu de ce texte et les régressions qu’il comporte, l’appauvrissement et l’affaiblissement programmés de la sécurité sociale, qui nous conduisent, notamment, à considérer que l’adoption de ce PLFRSS serait un nouveau coup porté à notre modèle social, sans que soit pour autant garantie la sortie de crise économique et sociale que nos concitoyens attendent impatiemment.
Si j’insiste sur la notion de « crise sociale », c’est que les observateurs, les journalistes, les économistes et, d’une certaine manière, le Gouvernement lui-même ont tendance à ne parler que de la crise économique, oubliant trop vite combien celle-ci pénalise et frappe les plus modestes, les précaires, les retraités, les jeunes et les malades.
En effet, le dernier rapport de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale fait apparaître un accroissement spectaculaire de ces inégalités depuis le tournant du siècle. Au point que, sous l’impulsion d’une crise économique sans précédent – elle s’apparente à un épisode nouveau dans la crise du capitalisme financiarisé –, le revenu moyen des 20 % des Français les plus riches, qui équivalait à 4, 1 fois celui des 20 % les plus pauvres en 2000, représentait 4, 6 fois ce revenu en 2011. En dix ans, l’écart s’est donc creusé de 12 %.
Ce mouvement d’accroissement extraordinaire des richesses de certains et d’appauvrissement radical pour d’autres est la conséquence des mesures prises en faveur des plus riches par Nicolas Sarkozy…