Je vous remercie de m'avoir conviée, pour échanger sur la politique que le Gouvernement mène en faveur des territoires. Comme vous, je suis une élue locale, qui connait les atouts des territoires ruraux et péri-urbains. Ceux-ci ont parfois le sentiment d'être les grands oubliés des politiques publiques de développement. Je connais le dynamisme des gens qui y vivent, qui y travaillent, des élus qui s'y investissent ; et ces territoires sont fondamentaux pour l'avenir de notre pays. L'objectif d'égalité concerne tant les bassins industriels que les petites et moyennes villes, les zones périurbaines et rurales : tous connaissent des difficultés, mais possèdent aussi d'innombrables ressources.
Promouvoir l'égalité des territoires c'est accepter de mener, compte tenu de la grande diversité des réalités, une action positive, collective et spécifique à chaque territoire. C'est pourquoi j'ai défini trois priorités. La première concerne l'égalité d'accès à l'ensemble des services et équipements essentiels à la qualité de vie. C'est à dessein que je n'utilise pas le terme de services publics, car je vise aussi la culture, les commerces de proximité - domaine que je connais particulièrement bien - le logement, l'emploi, la formation ou encore les équipements sportifs.
Ma deuxième priorité consiste à donner aux territoires les moyens de renforcer leur attractivité selon leurs caractéristiques propres et leurs atouts. Chaque parcelle de notre territoire contribue au développement de notre pays. Pour cela, il faut créer des coopérations et de la complémentarité entre les territoires, non exacerber une concurrence qui accentue les inégalités.
Ma troisième priorité est de parvenir à inscrire cet objectif transversal dans toutes les politiques publiques. Chaque politique sectorielle a un impact sur l'aménagement du territoire. L'égalité des territoires doit être au coeur des décisions prises dans tous les secteurs de l'action publique : nous devons donc susciter l'adhésion de tous les ministères et des collectivités.
Certains s'inquiètent des conséquences de la réforme territoriale. Le Gouvernement a lancé un plan stratégique ambitieux qui s'appuie sur des dispositions législatives, des moyens financiers et un réseau performant et professionnel. Le projet de loi portant « nouvelle organisation territoriale de la République » (Notr), examiné au Parlement cet automne, prévoit des schémas de renforcement de l'accessibilité des services au public. Mme Escoffier, dont je salue l'action à la tête de son ministère, connait bien la question. Ces schémas permettront d'élaborer avec les acteurs locaux, les élus, les services de l'État, les usagers, les opérateurs et les acteurs économiques, un plan d'action pour résorber les difficultés d'accès ou améliorer la qualité des services. Des maisons de services au public seront ainsi créées, elles ont vocation à regrouper en un même lieu les services nécessaires à la vie quotidienne : la poste, une aide pour des démarches sur Internet auprès de la CAF, etc... D'ici 2017, 1 000 maisons de ce type seront créées. L'État accompagnera financièrement ce déploiement. Des crédits du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) financeront jusqu'à 17 500 euros par an le fonctionnement des maisons, ce qui allègera d'autant la charge pour les collectivités. À partir de 2015, les opérateurs nationaux de services contribueront aussi au financement, grâce à un fonds de développement doté de 17,5 millions d'euros. Enfin, pour faire vivre ces maisons de services au public, nous devons accompagner leur mise en place en formant les agents, en informant les usagers, en mettant en place de nouveaux services numériques. C'est un rôle qui a été dévolu à la Caisse des Dépôts.
En ce qui concerne l'accès aux services de santé, les avancées sont importantes depuis 2012. Ainsi, depuis le lancement du plan territoire santé, le nombre d'étudiants boursiers prenant l'engagement de s'installer dans un désert médical a augmenté de 65 %. De même, 129 maisons de santé financées en partie par mon ministère ont été ouvertes entre 2010 et 2013, et 170 autres, financées par le FNADT, sont en cours de réalisation, soit 30 millions pour les 300 maisons. Les volets territoriaux des prochains contrats de projets État-région devront cofinancer ces structures là où les besoins se font sentir, notamment en zones de montagne.
Le développement de tous les territoires passe par une action pour redynamiser le tissu économique, en s'appuyant sur les forces vives ; mon ministère a ainsi soutenu les pôles territoriaux de coopération économique qui favorisent les collaborations entre des entreprises de l'économie sociale et solidaire, des entreprises traditionnelles, des associations et des collectivités locales, afin de créer des emplois locaux. Avec mes collègues Najat Vallaud-Belkacem et Carole Delga, nous avons récemment lancé une mission d'évaluation sur l'appel à projets de 2013, afin de procéder si nécessaire à des ajustements. J'ai aussi fait évoluer la prime à l'aménagement du territoire (PAT) qui est un des derniers outils nationaux pour subventionner les entreprises locales. Malgré certaines critiques sur cette prime, l'intervention de l'État est indispensable dans de nombreux territoires. C'est du reste ce que souhaitent les entreprises. En 2013, la PAT a maintenu ou créé près de 7 300 emplois. Elle doit être ouverte plus largement aux PME car ce sont elles qui créent l'emploi local et qui structurent nos territoires. Le nouveau décret abaissera les seuils d'éligibilité.
Dès le début de 2013, nous avons lancé un plan volontariste pour couvrir la France en très haut débit d'ici dix ans. C'est une composante de l'égalité territoriale et les tarifs appliqués assurent une péréquation très marquée, au profit des territoires ruraux et enclavés. Le très haut débit abolit les distances et pallie en partie l'enclavement. 900 millions d'euros sont mobilisés dans le cadre du programme des investissements d'avenir (PIA) pour soutenir le déploiement des réseaux d'initiative publique (RIP), lorsque les collectivités interviennent pour compenser une carence de l'initiative privée. Ces crédits sont à ce jour entièrement affectés et un abondement de 700 millions supplémentaire est en cours. La mise en oeuvre du plan est rapide. Toute la France sera couverte d'ici 2022 : au 30 juin, 55 projets, couvrant 67 départements ont ainsi été déposés au guichet de financement national.
L'exigence de transversalité est ma troisième priorité. Le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) a été créé pour dépasser les actions cloisonnées, les réflexions en silo. Nous devrons enrichir le dialogue entre l'État, les collectivités et toutes les forces vives de la nation : telle est la mission du Conseil national à l'égalité des territoires. Mais cette exigence de transversalité vaut partout, y compris au sein même de mon ministère, je songe au logement et à la construction. Dans nombre de territoires y compris ruraux, on constate non seulement une insuffisance de logements, mais encore une inadéquation de l'offre aux besoins. J'ai présenté le 25 juin dernier 50 mesures concrètes de simplification, visant à lever les freins à la construction et à encourager une offre variée. Elles sont le fruit d'un travail mené en concertation avec les professionnels et concernent diverses règlementations portant sur l'accessibilité, les ascenseurs, les normes sismiques ou électriques. Souvent, les normes renchérissent et compliquent les opérations, et toutes les collectivités n'ont pas les moyens techniques et humains des grandes villes. Les décrets et arrêtés correspondants seront rapidement publiés.
En outre, le Gouvernement veut revoir et moderniser les procédures juridiques, pour accélérer le déroulement des projets d'aménagement et d'urbanisme. Nous reverrons les modalités de consultation du public pour réduire le délai sans écarter la participation du public à la décision. Les obligations de stationnement que les PLU imposent seront revues pour certaines catégories de logement ou d'hébergement. J'ai également décidé d'ouvrir le prêt à taux zéro (PTZ) à l'immobilier ancien dans certains centres-bourgs, pour favoriser le réinvestissement et faire vivre ces centres tout en limitant l'urbanisation à la périphérie. La liste des communes éligibles sera publiée cet automne pour une entrée en vigueur dès janvier 2015.
J'ai annoncé récemment un dispositif expérimental en faveur des centres-bourgs, qui remplissent des missions essentielles d'organisation et d'animation de nos territoires ruraux et périurbains : ils accueillent des services, des commerces, des activités indispensables aux habitants. Leur dégradation a un impact sur la vie quotidienne de nos concitoyens et sur la cohésion sociale de notre pays. Le maître-mot est, une fois encore, la transversalité. Dans les 50 territoires retenus, avec le soutien financier de l'État, une stratégie globale et transversale de redynamisation sera mise en place. Un suivi étroit - auquel participeront les associations d'élus - servira à établir les améliorations souhaitables, avant une généralisation possible dans les contrats de projets Etat régions (CPER). En outre, l'État s'engagera aux côtés des territoires afin que ces contrats soient mis en oeuvre d'ici la fin de l'année : je présenterai demain en conseil des ministres une communication plus détaillée sur ce sujet. Les CPER constituent des instruments essentiels et transversaux de développement des territoires, des catalyseurs de l'investissement et le principal vecteur de la politique nationale d'égalité des territoires. L'objectif est de signer les CPER avant la fin de l'année pour que les crédits soient mobilisés dès le début 2015. Ces contrats intégreront un volet territorial pour coordonner les actions en faveur des territoires les moins développés et des zones rurales. J'ai assoupli la circulaire de 2013 qui assignait à ce volet un cadre contraignant. Beaucoup d'élus regrettaient de ne pouvoir choisir les thématiques et les enjeux. Désormais, les réalités locales seront prises en compte : ici la question littorale, là l'accès aux services, ailleurs la revitalisation d'un bassin d'emploi...
D'autres chantiers nous attendent. J'aurais pu vous parler des zones de revitalisation rurale, qui font actuellement l'objet de travaux parlementaires et d'une mission d'inspection dont les conclusions devraient être connues d'ici la fin d'été. Je pense aussi à la mission sur l'hyper-ruralité que j'ai confiée au sénateur Alain Bertrand, qui me rendra prochainement son rapport.
Tous les sénateurs seront étroitement associés à notre politique car je crois à la valeur du dialogue avec les élus. Je souhaite que vous puissiez nourrir la réflexion et l'action de mon ministère au service de l'égalité des territoires.