La réunion

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La commission examine, en commun avec la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois, le rapport d'information sur l'application de la loi n° 2012-77 du 24 janvier 2012 relative à Voies Navigables de France.

La réunion est ouverte à 14 h 30.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Nous sommes réunis cet après-midi pour examiner le rapport d'information de MM. Yves Rome et Francis Grignon, sur la mise en application de la loi du 24 janvier 2012 relative à l'établissement public Voies navigables de France (VNF). Nous avions retenu ce thème en liaison avec la commission du développement durable, que je remercie pour son concours.

L'exercice de cet après-midi est un peu particulier, puisque la loi de janvier 2012 n'est entrée en vigueur que le 1er janvier 2013, avec une période transitoire qui continue actuellement à courir pour plusieurs de ses dispositions. Nous évaluons donc un dispositif qui, pour partie, n'est pas encore totalement opérationnel.

Le sujet est pourtant au coeur d'enjeux majeurs, qui justifient pleinement notre intervention : la politique des transports, la politique de l'environnement, l'aménagement du territoire... Sans oublier, bien entendu, la vocation fluviale particulière de la France entre, d'un côté, les grands bassins économiques de l'Europe du nord, de l'autre, des pays à forte tradition fluviale à l'est et, au sud, les ports ouvrant sur la Méditerranée.

Dans ce secteur, notre compétitivité est handicapée par des infrastructures anciennes, dont beaucoup ne sont plus aux normes du transport fluvial du 21ème siècle. Voies navigables de France a fait la une de l'actualité sociale au printemps, avec une grève lancée par une intersyndicale CGT - CFDT -FO - UNSA. Je pense que nos rapporteurs vont pouvoir nous en dire plus à ce sujet.

Sur le plan de l'application des lois, j'ai noté que l'article 11 de la loi du 24 janvier 2012 avait prévu la remise au Parlement au 31 décembre 2012 d'un rapport du Gouvernement sur la formation des prix et des marges dans le transport fluvial. Or, en septembre 2013, ce rapport n'était toujours pas publié. La situation a-t-elle évolué depuis lors ?

Voies navigables de France n'est pas le seul intervenant du transport fluvial français, mais il y occupe une position de premier plan, que la loi de 2012 entendait affirmer et consolider. Comme l'indiquait l'étude d'impact du projet de loi, il s'agissait alors d'ériger cet établissement public en maître d'oeuvre de la politique fluviale de l'État, et d'en faire un « acteur complet, cohérent et responsable de la voie d'eau, maîtrisant l'ensemble des leviers de son action »... Les rapporteurs vont nous dire si cette ambition a été concrétisée.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

président de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. - Les deux rapporteurs sont membres de la commission du développement durable, et nous savons l'intérêt du travail qu'ils nous présentent aujourd'hui. Leur communication va être l'occasion de faire notamment le point sur le grand projet de canal Seine-Nord Europe. Je rappelle que nous avons déjà entendu sur ce sujet nos collègues députés Rémi Pauvros, dans le cadre de la mission qui lui avait été confiée par le ministre des transports Frédéric Cuvillier, et Stéphane Saint-André, avant sa nomination en tant que président du conseil d'administration de l'établissement Voies navigables de France.

Je cède la parole à nos collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Grignon

Nous allons vous présenter les résultats de notre mission de contrôle de l'application de la loi du 24 janvier 2012 sur Voies navigables de France, dont j'ai moi-même été rapporteur lors de sa discussion au Sénat.

Des doutes avaient pu être exprimés sur le choix de ce contrôle au vu du faible historique de la loi. De fait, celle-ci n'est entrée en vigueur pour l'essentiel que le 1er janvier 2013 tandis que la période transitoire prévue pour nombre de ses dispositions n'est pas encore achevée à cette date. Par ailleurs, à première vue, la loi avait un objet limité consistant à procéder au transfert de services ministériels sous l'égide de VNF. Sur ce point, elle a peut-être déçu ceux qui auraient souhaité un texte plus ambitieux. En réalité d'autres dispositions de la loi, relatives à l'objet social de VNF, témoignaient qu'il s'agissait plus largement d'apporter des solutions à un problème d'adaptation de VNF à ses missions. De fait, celles-ci ont connu un regain d'actualité et d'exigences dans la période entourant l'examen du texte, dans la foulée du Grenelle de l'environnement qui avait prévu le doublement du volume de fret fluvial.

Par ailleurs, il faut rappeler que le processus législatif avait été précédé d'une négociation sociale conclue par un accord du 21 juin 2011, signé par la quasi-totalité des organisations syndicales et qui formalisait une série d'engagements incluant les principes d'action pour une ambition fluviale renouvelée. J'en rappelle ici les principaux : caractère public de l'établissement administratif VNF, maintien de la propriété de l'État, garantie pour les agents de droit public et de droit privé que leurs avantages individuels et collectifs seront préservés, maintien de toutes les voies d'eau et engagement que la relance de la voie d'eau concernera tout le réseau, enfin, engagement qu'aucun agent ne se verra imposé une mobilité géographique.

Au moment de la signature de l'accord, le climat était à l'euphorie. VNF avait prévu de mobiliser 840 millions sur quatre ans, de 2010 à 2013, mais quelques années après, on a vu que les moyens n'étaient pas au rendez-vous.

Notre approche a consisté à apprécier si VNF se trouvait en mesure d'appliquer la loi en ses divers dispositifs et en son esprit gouverné par les objectifs ambitieux d'une restauration du fluvial en pleine cohérence avec les engagements ayant entouré l'adoption de la loi.

Nous avons rencontré les différents acteurs du secteur et toutes les organisations syndicales. Celles-ci ont manifesté leur insatisfaction qui s'est traduite par divers mouvements sociaux au printemps conduite par une intersyndicale. La grève alors décidée a été fortement suivie, la dernière réunion du conseil d'administration de VNF a été envahie. Même si des revendications ont été énoncées, ces mouvements semblent trahir un malaise diffus face à des incertitudes sur l'avenir de VNF dans le contexte de l'application de la loi.

A l'expérience donc, notre mission s'est d'emblée située dans une actualité sociale. Mais l'actualité du secteur fluvial concerne encore d'autres dimensions de sorte qu'il n'est pas prématuré de consacrer nos travaux à un sujet qui appelle incontestablement des clarifications.

Nos conclusions s'ordonnent autour de trois idées simples qui forment autant de chapitres du rapport que nous vous soumettons. Nous allons les développer à deux voix, si j'ose dire !

Première idée : alors que l'économie des transports justifie que la France comble son déficit fluvial, engagement fort du processus ayant abouti à la loi de 2012, des hésitations intervenues depuis doivent être levées.

Deuxième idée : alors que la loi avait entendu conforter VNF dans son rôle d'acteur unifié et leader de la politique fluviale, il est à craindre que celui-ci ne reste qu'un agent parmi d'autres soumis à un état de minorité et peinant à faire émerger une communauté de la voie d'eau souhaitée par la loi.

Troisième idée : sans réponses apportées aux nombreux points de vulnérabilité financière de VNF, la condition principale de son devenir et de celui de l'offre fluviale, l'investissement, ne sera pas satisfaite.

L'économie des transports appelle à combler le déficit fluvial du pays, engagement au coeur de la loi. À cet égard, certaines hésitations sur les prolongements donnés à cette ambition conduisent à nourrir des doutes qu'il convient de lever.

La France connaît un déficit fluvial qui se manifeste par quelques données éloquentes. La part du transport fluvial de marchandises s'élève entre 2 et 4 % du total selon les chiffrages quand elle atteint 31 % aux Pays-Bas, 14 % en Belgique et 12 % en Allemagne. Ce retard français apparaît paradoxal puisque la France dispose de 24 % du réseau fluvial européen tout en ne pesant que 8 % du fret fluvial. Mais notre réseau fluvial n'a pas les facilités de celui du Plat pays ! Il souffre de quelques handicaps naturels pour le développement de son potentiel.

Le grand gabarit qui est nécessaire à la massification des transports, elle-même critère important de la compétitivité, est sous-développé ; seules 30 % des voies navigables atteignent cette norme, le petit gabarit « Freycinet » étant de règle sur l'essentiel du domaine.

Le petit gabarit est intéressant pour une desserte locale et pour le tourisme, mais il ne répond pas aux enjeux d'avenir. Par ailleurs, le réseau est segmenté ce qui réduit la fluidité des solutions logistiques accessibles dès qu'il faut emprunter différents bassins. Enfin, le réseau est en mauvais état, des années de sous-investissement ayant fragilisé son architecture et les ouvrages particulièrement nombreux qui le ponctuent.

La fragilité du fluvial n'est pas limitée à son infrastructure. Elle atteint la profession batelière, trop centrée sur des petites exploitations familiales, et provient aussi d'une forme de clivage entre le transport fluvial et le transport maritime. Comparativement aux pays où le premier est bien développé, les solutions de continuité n'existent pas en France. On peut citer à cet égard l'exemple de la « Chatière du Havre » où aujourd'hui le chargement des bateaux arrivant au port maritime est transféré sur un train et accomplit un trajet de trois kilomètres avant de pouvoir être confié au transport fluvial. En clair, notre réseau n'est pas performant et ne nous permet pas de répondre aux objectifs du Grenelle de l'environnement.

Le lien entre maritime et fluvial doit être renforcé. Cela suppose de poursuivre les efforts de soutien à la flotte fluviale en les amplifiant, notamment pour lutter contre les distorsions de concurrence nées de de la diversité des statuts fiscaux, sociaux et environnementaux existant en Europe. Une Europe du fluvial reste à construire. Cela suppose aussi de renforcer la coordination entre VNF et les grands ports maritimes français. À cet égard, il faudrait sans doute considérer avec une complète attention les opportunités qui s'offrent suite aux phénomènes de congestion auxquels est confronté le système fluviomaritime de la « Rangée du Nord ».

Mais, depuis l'adoption de la loi des hésitations sont apparues qu'il convient de dissiper.

Avant d'y revenir, il faut bien parler d'une longue tradition de « pas de deux » dans le domaine de la politique fluviale du pays. Elle peut s'expliquer par la taille du secteur qui pâtit du syndrome du « trop petit pour compter ». Mais elle est aussi en quelque sorte inhérente aux investissements dont la rentabilité marchande est faible quoique leur utilité collective soit considérable. C'est bien sûr tout particulièrement le cas de l'infrastructure fluviale qui, selon une étude publiée dans les comptes des transports pour 2011, est de loin le mode de transport le plus économe en termes environnementaux. On estime par exemple que les coûts non pris en compte par le marché s'élèvent à 33,7 milliards d'euros pour le routier, à 1,71 milliard pour le ferroviaire mais à seulement 199 millions pour le fluvial. Une péniche Freycinet peut équivaloir à environ 14 camions tandis qu'un équipage plus moderne empruntant le grand gabarit peut transporter l'équivalent de 110 camions de 40 tonnes, un convoi de 300 mètres, à quatre niveaux, avec pousseur arrimé peut transporter jusqu'à l'équivalent de 700 camions ! On comprend l'intérêt des voies navigables pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre sans compter différentes externalités très préoccupantes.

En résumé, cette loi a certes permis d'établir des règles sociales claires qui conviennent à tout le monde, mais elle pâtit de l'absence d'objectifs précis pour l'établissement VNF, ce qui suscite une grande déception chez les acteurs concernés.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Rome

J'ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec Francis Grignon dont l'expertise en la matière est très grande, eu égard au premier rapport qu'il a rédigé lors de l'examen de la loi qui nous occupe aujourd'hui.

Les motifs qu'il vient d'évoquer ont conduit aux engagements que vous connaissez mais certaines hésitations tendent à les fragiliser suscitant des doutes qu'il faut dissiper sur les grandes orientations de la stratégie fluviale du pays.

Il faut souhaiter que le projet « Voies d'eau 2018 » soit sécurisé et que le canal Seine-Nord Europe soit enfin lancé. Or, force est de reconnaître que l'ambition fluviale est sortie affaiblie des travaux de la commission « Mobilité 21 », réunie pour définir le schéma national des infrastructures de transport, alors que le projet « Voies d'eau 2018 » reste en suspens, les quelques 2,5 milliards d'euros d'investissement qu'il prévoyait paraissant remis en cause selon des informations transmises en toute fin de mission à vos rapporteurs. Une fois encore les choix stratégiques pourraient être affectés remettant en cause les décisions adoptées par le Parlement et entraînant la déception voire l'attrition du secteur. Ces valses hésitations ont d'ailleurs un coût puisqu'une partie des dépenses réalisées dans le cadre des projets abandonnés après avoir été lancés s'apparente à des dépenses à fonds perdus.

Ce serait bien sûr le cas pour le canal Seine-Nord Europe pour lequel VNF a déjà dépensé 258 millions d'euros. Les péripéties rencontrées par ce projet vous sont connues. Ses coûts prévisionnels ont subi une très forte inflation si bien qu'il a dû être suspendu. Une mission de reconfiguration a permis de les ramener à un niveau de l'ordre de 4,4 milliards d'euros, démontrant que quelques modifications techniques et, surtout, la substitution d'une autre formule au contrat de partenariat public-privé envisagé, aux coûts financiers pléthoriques, permettaient de se doter d'une infrastructure structurante pour le développement du fluvial. Il faut insister sur l'urgence de s'engager dans cette démarche puisque la Commission européenne est prête à le financer à hauteur de 40 % si l'on en croit la déclaration faite en ce sens à Tallinn le 17 octobre 2013. Compte tenu des délibérations adoptées par les collectivités locales traversées par ces infrastructures et de la possibilité d'accéder à un endettement limité et préférentiel, il faut saisir cette opportunité. Laissez-moi observer incidemment que les projets de réorganisation territoriale en cours exposent le pays à subir des retards d'investissement désastreux dès lors que les collectivités territoriales qui sont les premiers investisseurs publics et des investisseurs de proximité seront démunies de leurs compétences, notamment la clause de compétence générale. Compte tenu du calendrier européen, une réelle urgence s'impose puisque les soumissions au Mécanisme pour l'interconnexion en Europe doivent être bouclées avant la fin de l'année. Ce projet permettrait sans doute à VNF de devenir l'acteur leader du transport fluvial qu'en dépit de la loi de 2012, il n'est pas encore et il contribuerait sans doute à l'unification des personnels de la voie d'eau souhaitée par la loi mais qui peine à émerger. Ce sont les questions que nous examinons dans le deuxième chapitre du rapport.

La loi de 2012 a souhaité amplifier les logiques de l'histoire de l'organisation administrative de la gestion des voies navigables en consolidant l'autonomie de VNF, en procédant à l'unification de ses effectifs pour qu'ils forment une communauté des personnels de la voie d'eau et en consacrant VNF comme l'acteur majeur du transport fluvial en France. Ces différentes orientations sont confrontées à des résistances qui conduisent à douter de l'effectivité des impacts attendus de la loi de 2012.

Le choix fait de conserver à VNF un statut d'établissement public autonome tout en le faisant passer de l'habit industriel et commercial au costume administratif n'est pas en cause. Il est bon qu'une entité puisse incarner le destin fluvial du pays et le défendre. La composition de ses effectifs à 90 % publics après les transferts des services réalisés par la loi et l'insignifiance de ses ressources commerciales étaient peu compatibles avec le maintien sous statut d'EPIC qui n'était porteur que de peu d'avantages pour VNF.

L'autonomie de VNF est factice, c'est préoccupant. L'établissement est corseté par une tutelle foisonnante qui la rend illusoire. Les conditions de fonctionnement du conseil d'administration de VNF en deviennent un peu irréelles ce qui n'est pas satisfaisant. Chaque acte significatif de gestion est contrôlé et VNF est maintenu dans un état de minorité financière. Il lui est interdit de s'endetter ce qui, étant donné sa vocation d'investisseur, peut être source de reports de programmes qui peuvent être coûteux.

Les contraintes subies du fait d'une tutelle qui sait empêcher mais a des difficultés à concevoir et à conduire une stratégie fluviale créent des risques de contournement et de ruptures d'engagements. Ruptures avec les engagements sociaux pris à l'occasion de la loi mais aussi avec les engagements commerciaux de VNF. Contournements divers pouvant se traduire par le recours à des externalisations non optimales mais permettant de sanctuariser des moyens constamment remis en cause ou d'échapper aux contrôles de gestion subis par VNF. Contournement aussi pour accéder à des financements fermés par la prohibition faite à VNF d'emprunter au prix d'un renchérissement des projets et d'engagements pesant sur les marges de manoeuvre de l'établissement et finalement sur les finances publiques.

C'est dans ce contexte limitant qu'il faut apprécier la portée de l'unification des personnels de la voie d'eau sous la direction de VNF qui, en plus de recevoir des prolongements quelque peu réducteurs dans les nombreux textes réglementaires prévus pour l'application de la loi, se heurte à des difficultés pratiques qu'il faut surmonter si l'on veut faire émerger cette communauté des personnels de la voie d'eau qui était l'une des cibles fondamentales de la loi.

Il faut d'abord convenir que les opérations nécessaires à la gestion des personnels placés sous l'autorité du directeur général de VNF se sont bien déroulées. C'est une satisfaction puisque le niveau des effectifs concernés était assez élevé, autour de 4 300 unités. Cependant, la déclinaison du transfert n'aboutit pas à considérer que les pouvoirs de gestion des personnels aient réellement été confiés à VNF. D'abord et avant tout, il ne s'agit pas à proprement parler d'un transfert mais d'un élargissement des compétences de direction de VNF sur les agents de la voie d'eau. Chacun conserve son statut si bien que l'empilement des textes réglementaires pris dans le cadre des délégations de gestion consenties par le ministre aboutit à des nuances infinies selon le corps d'appartenance. Le directeur général de VNF n'a que peu de prise sur les promotions et aucune sur les régimes indemnitaires, ce qui n'est pas rien.

Mais ce sont surtout des considérations pratiques qu'il faut faire valoir. Si des pouvoirs de recrutement ont été accordés, c'est dans la limite des procédures de recrutement de la fonction publique que VNF ne décide pas, excepté dans certains cas limités. Par ailleurs, les engagements sociaux pris au cours du processus de réforme, soit avant la loi, dans l'accord de juin 2011, soit après la loi dans le protocole portant « cartographie des emplois », limitent considérablement les compétences de direction. Aucune mobilité ne peut être exigée des agents, ce qui est crucial étant donné les besoins d'adaptation géographique que nous avons identifiés. Par ailleurs, la répartition des agents de VNF entre ceux relevant de la fonction publique et ceux sous statut privé est figée, ce qui n'est pas tout à fait conforme à l'esprit de la loi.

Ce dernier arrangement est une illustration des difficultés persistantes à unifier les personnels de la voie d'eau. Je serai bref sur ce point. On s'était beaucoup focalisé au moment de la loi sur l'architecture des institutions représentatives du personnel (IRP) et nous avions abouti à une solution transitoire dont il semble difficile de sortir. Mais, d'autres composantes de la réforme avaient moins retenu l'attention. Des différences substantielles existent dans les statuts des agents. Elles doivent être aplanies ce qui pourrait entraîner quelques coûts en lien avec les écarts de régimes indemnitaires et de dotations des IRP.

Je passe rapidement sur le dernier objectif de la loi qui était de consacrer VNF comme un leader incontestable du domaine fluvial français. Il faut constater que VNF est un parmi plusieurs. Outre sa soumission aux tutelles, déjà envisagée, plusieurs éléments peuvent être évoqués. VNF n'est pas maître de la totalité du domaine fluvial et certains segments particulièrement dynamiques lui échappent ce qui réduit les possibilités de mutualisation des ressources. VNF n'a même pas la propriété du domaine qui lui est confié et il doit composer avec les exigences de France Domaine. Quant aux dispositions de la loi visant à recentrer VNF sur le domaine navigable à forts enjeux de transport, en transférant une partie du réseau aux collectivités territoriales, elles n'ont pas connu le succès. Cette remarque n'équivaut évidemment pas à minorer l'importance de la contribution des collectivités territoriales à la voie d'eau. Dans ce domaine comme dans bien d'autres, en effet, il est difficile de se passer des collectivités territoriales !

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Grignon

Le troisième chapitre du rapport en appelle à une sécurisation de la situation financière de VNF qui est entourée de lourdes incertitudes.

On doit prendre en considération trois éléments : les péages, les gains de productivité et les recettes domaniales.

Sur le Rhin, les péages sont nuls, en raison d'un accord international, ce qui donne beaucoup d'attractivité au système. Mais les péages ne représentent que 2,5 % des recettes, qui s'élèvent au total à 548 millions d'euros. Tout le reste, c'est, pour l'essentiel, des subventions et des taxes affectées, donc de l'argent public...

Le modèle économique de l'infrastructure fluviale et donc de VNF ne pourrait évoluer significativement que moyennant une reconfiguration en profondeur de la tarification des transports. En l'état, quelques modifications du régime des péages appliqué par VNF comme sa modulation à raison des capacités contributives ou de la valeur de la marchandise transportée peuvent être envisagées. Toutefois, tant que la réforme générale de la tarification des transports restera une perspective, VNF devra compter sur un soutien public suffisant pour imposer l'infrastructure fluviale comme une voie alternative crédible susceptible d'accueillir le report intermodal.

Sauf à modifier le système de prix des transports, ce que les considérations écologiques pourraient justifier, il est exclu que les péages deviennent une source de financement significative. Les transferts publics qui financent VNF sont en crise. Les économies budgétaires en cours, la révision à la baisse des ressources de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) sur fond de situation financière fragile après l'abandon de l'écotaxe, les contentieux portant sur la taxe hydraulique qui pourraient priver VNF d'une ressource majeure de 148 millions d'euros dessinent un devenir catastrophique qu'il faut prévenir. Il faut non seulement éviter ce scénario mais encore sécuriser les ressources d'investissement de VNF sur la base des besoins de restauration et de développement du réseau dans le cadre de la stratégie définie par l'établissement d'une modulation de l'offre de service privilégiant les voies d'eau à forts enjeux mais sans laisser péricliter les tronçons du réseau secondaire. Cela implique un engagement public déterminé.

L'investissement est nécessaire aux gains d'efficience de la combinaison productive de VNF qui peuvent permettre de dégager des économies de coûts salariaux. En bref, l'élévation de la capacité d'autofinancement de VNF pour être structurelle suppose un détour par un plan d'investissement résolu.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Rome

Il existe une seconde piste, toutefois, qui consisterait à élever le niveau des recettes extraites par VNF de la gestion de son domaine. La loi de 2012 a consacré cet objectif en permettant à VNF une diversification de son activité vers l'hydroélectricité et la valorisation de son foncier. Sur ce plan, je citerai l'exemple du quartier de la Confluence à Lyon, qui est de mon point de vue un modèle architectural.

Mais, à l'examen, ces facultés ont un potentiel limité. VNF n'est pas hydroélectricien et ne le deviendra pas du fait de la distribution des responsabilités en ce domaine. Il conviendrait cependant que l'établissement puisse mieux profiter de sa contribution à une rente à laquelle il contribue mais qui ne lui fait pas suffisamment retour. Quant aux produits de son domaine, les conditions de gestion actuelle sous forme de concessions ne sont pas idéales, VNF étant tributaire de contrats conclus dans un passé assez lointain parfois à des conditions financières médiocres. Quant aux formules nouvelles de valorisation que la loi a offertes à VNF, le rapport formule à leur sujet des recommandations visant à leur maîtrise.

Sous ces deux angles, VNF est particulièrement limité par l'interdiction de recourir à l'emprunt, posée par l'État et par son absence de propriété sur son domaine. Ces deux limites devraient être reconsidérées ce qui d'ailleurs ne serait que logique au vu des responsabilités générales d'investisseur de VNF suspendu à des conditions financières qui le retiennent en un état de minorité et sur un domaine qu'il ne possède pas.

En conclusion, je crois que ce rapport permet de donner un éclairage très large sur les difficultés de la politique fluviale en France, à laquelle les pouvoirs publics devraient être plus attentifs. Cette remarque vaut d'ailleurs également d'un point de vue européen car VNF subit des distorsions de concurrence de la part d'autres États membres, qui appellent la mise en place d'une harmonisation des règles nationales. On peut nourrir des regrets dans la mesure où la France dispose du plus grand réseau fluvial d'Europe et n'en utilise qu'une très faible partie par rapport aux flux que l'on constate dans les autres pays européens.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Grignon

En complément et en clair : VNF n'est maître ni de ses ressources, ni de son personnel, ni de ses propriétés ! Pour redonner un élan au fluvial en France, j'estime qu'il est désormais impératif de lancer le projet de canal Seine-Nord Europe. Si ce n'est pas le cas, VNF périclitera ! Quant aux projets « Saône-Rhin » ou « Saône-Moselle », déjà anciens et chers à mon coeur d'Alsacien, ils pourraient voir le jour à une échéance plus lointaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Rome

Je veux souligner aussi nos inquiétudes au sujet de la taxe hydraulique qui représente 148 millions de ressources pour VNF et qui fait l'objet de contestations très poussées.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

À chaque rapport de contrôle de l'application des lois, son cas de figure : parfois, la loi s'applique, parfois elle ne s'applique pas ; parfois, il y a les moyens réglementaires, mais les moyens financiers ou humains font défaut ; parfois, elle s'applique mais manque sa cible.

Dans le cas présent, à vous écouter, on constate que la loi est insuffisante, dans un contexte où l'impulsion politique est trop faible. Des handicaps majeurs auraient pu être contournés. Votre présentation a bien montré l'efficacité évidente de ce mode de transport en termes de développement durable et j'espère que ce que vous dites sera entendu...

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Lors de mon rapport sur les ports décentralisés j'avais à peine abordé la question du transport fluvial. Mais lorsqu'on parle de collaboration, de complémentarité, de coopération horizontale et verticale avec les ports, on constate que le fluvial est indissociable de tout ce qu'on peut envisager. Je me retrouve donc pleinement dans vos travaux.

Vous avez évoqué le port du Havre. On voit bien que dès qu'il y a rupture de charge, il y a perte de compétitivité des ports décentralisés. Or, il y a un besoin criant de relier les arrière-pays avec les grands ports par l'intermédiaire des canaux ! En outre, on constate que certaines régions françaises ne sont desservies que par les grands ports européens de la mer du Nord.

Nous avons un très gros retard de développement, comme vous l'avez bien montré. Par rapport au Grenelle de l'environnement nous avions l'espoir de voir les canaux mieux traités et ce n'a pas été le cas.

Concernant la propriété du domaine, un point mérite d'être précisé : le fait que VNF ne soit pas propriétaire est-il un handicap ou un avantage ?

Enfin, sur l'autonomie de VNF, Charles Revet comme moi-même avons été souvent saisis par des associations des difficultés de VNF pour récupérer les subventions de l'État, durant les dernières années. Qu'en est-il ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Ma question concerne les liens entre le transport ferroviaire et le transport fluvial. Dans votre rapport, avez-vous pu mesurer l'impact des interconnexions entre ces deux modes de transport ? Il y a certainement des opportunités à saisir et je ne pense pas que nous soyons particulièrement performants en ce domaine.

Je voulais par ailleurs attirer votre attention sur l'initiative des collectivités locales de la vallée du Rhône appelée « Plan Rhône ». Elle traite de la qualité de l'eau, de la prévention des inondations, mais aussi du développement touristique et énergétique. Une structure commune, « Territoire Rhône », est chargée de remplir ces missions pour valoriser un peu plus le Rhône. Selon vous, la généralisation de telles structures est-elle souhaitable pour favoriser le développement de voies navigables ?

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Vous avez évoqué les résistances administratives, les contrôles tatillons, la tutelle qui empêche. Pouvez-vous être plus précis sur ce sujet ?

Par ailleurs, à côté de VNF, quels sont les autres opérateurs du secteur ?

Enfin, nous discutons actuellement du texte sur le transport ferroviaire, où l'on constate un défaut d'investissement, l'appauvrissement du réseau et la dégradation des infrastructures. Ce sont des facteurs qu'on retrouve dans le fluvial.

Au fond, concernant la voie d'eau, quelle différence cela ferait-il que VNF soit propriétaire du domaine fluvial ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Filleul

Je suis élu d'une région, la Loire, qui n'est malheureusement plus aujourd'hui navigable, alors qu'elle l'était au XVIIIe siècle.

J'ai été frappé par le nombre de kilomètres de canaux en France, l'un des réseaux les plus importants d'Europe, par rapport au nombre limité de canaux navigables. En comparaison, la Belgique dispose d'un nombre de canaux navigables important par rapport à la taille du pays. Combien faudrait-il investir pour atteindre le même niveau en France ?

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Vous avez raison, sans Freycinet, il n'y aurait pas eu de révolution industrielle en France. Son plan a permis un maillage économique du territoire tout à fait fondamental. Par comparaison, on revient aujourd'hui aux tramways dans les villes, il faudrait aussi revenir aux canaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Il y a beaucoup de recettes à tirer du développement du transport fluvial, qui ne sont pas valorisées financièrement car il n'y a pas de modèle commercial. Cela justifierait un financement public et une écotaxe à la hauteur des ambitions.

Sur l'effet bloquant du rôle des personnels, ne faudrait-il pas revoir la question de leur statut ?

Il en va de même du statut général de VNF. Le statut d''établissement public empêche tout développement, notamment en raison de la tutelle exercée par Bercy. Avec ce statut, si vos recettes commerciales augmentent, vos subventions baissent. Et comme les opérateurs de l'État sont soumis à un plafond d'emplois, vous ne pouvez même pas embaucher de nouveaux personnels pour augmenter l'activité commerciale. Une tutelle intelligente pourrait autoriser, hors plafond, l'embauche de nouveaux personnels pour développer davantage ces services commerciaux. Ce serait une préconisation intéressante.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Grignon

Madame Jouanno, difficile de faire du commercial avec des fonctionnaires, je suis d'accord avec vous !

Sur la connexion avec le ferroviaire, l'archétype c'est la ville de Duisbourg en Allemagne. Il y a un hub où tous les navires de la mer du Nord déchargent leurs marchandises et elles partent ensuite en Europe à travers 50 lignes de chemin de fer. C'est une organisation incroyable, d'une grande efficacité ! Nous avons développé quelque chose de similaire mais à une échelle nettement plus modeste à Strasbourg, où des containers sont débarqués des péniches et déposés sur des trains. Mais il faut souligner que certains containers ne passent pas dans plusieurs tunnels de Franche-Comté...

La Belgique, c'est « le plat pays » ! Il est facile d'y développer des canaux. Il n'y a pas d'écluses. En France, c'est plus difficile. Il y a quelques années, j'avais suivi le projet de développement de transport fluvial sur le Rhône. Nous avions même un financement avec la rente sur le Rhône, mais le projet n'a jamais été porté politiquement. C'est le cas, en général, du transport fluvial. Quel que soit le Gouvernement ou la majorité, on n'a jamais rien fait de satisfaisant sur le fluvial !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Rome

J'ajouterai que le lien avec les ports maritimes est essentiel pour le fluvial et que toute rupture de charge, comme l'a rappelé Odette Herviaux, est un gros handicap. Et pourtant, il serait bon d'anticiper sur la possible et probable saturation des ports de l'Europe du Nord et d'envisager des artères fluviales pour irriguer les ports de la façade atlantique et de la Méditerranée, notamment celui de Marseille.

Concernant l'autonomie, comment l'envisager lorsque vous dépendez à 90 % de dotations ? Et de surcroit, comment l'envisager lorsque ces dotations font chaque année l'objet d'une remise en cause ?

Parmi les autres opérateurs, on peut citer des ports intérieurs, la Compagnie nationale du Rhône ou encore EDF qui intervient sur le domaine fluvial.

Pour ce qui est du développement de la voie d'eau, on pourrait rêver qu'elle vienne décharger d'autres modes de transport, notamment le secteur routier. Les impacts environnementaux de ce dernier se font déjà lourdement sentir et auront des effets néfastes durables sur la collectivité nationale. Or, c'est une donnée trop peu prise en compte la dette environnementale intéressant moins que la dette publique l'Europe et les tutelles financières de VNF.

Quant aux personnels, nous ne souhaitons ni les stigmatiser ni remettre en cause leur nombre et leur statut. Bien au contraire ! En revanche, nous constatons que l'accord obtenu en 2011, qui interdit toute mobilité au sein de VNF, est un frein important à son évolution et à l'exploitation de la voie d'eau. On maintient des agents en poste là où il n'y a pas de trafic. Où est l'intérêt ?

Si VNF était propriétaire, l'établissement pourrait tirer plus sûrement des ressources plus conséquentes sous la condition d'aménagements fiscaux adaptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Grignon

Pour conclure, je dirais que le choix du fluvial est un choix de très long terme, non rentable financièrement au début et en apparence, qu'aucun gouvernement n'a fait depuis plusieurs années. Comme nous le montre l'exemple d'autres pays, il faut être prêt à un investissement qui ne rapportera pas immédiatement. Tant qu'on ne fait pas ce choix, il ne se passera rien !

J'insiste sur le fait que les 40 % de fonds européens, actuellement proposés sur le projet Seine-Nord, représentent une opportunité à saisir mais ils ne seront pas toujours sur la table !

La publication du rapport est autorisée à l'unanimité.

La réunion est levée à 15 heures 30.

La commission procède à l'audition de Mme Sylvia Pinel, ministre du logement et de l'égalité des territoires.

La réunion est ouverte à 16 h 30.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Nous avons le plaisir de recevoir Mme Sylvia Pinel, ministre du logement et de l'égalité des territoires. Madame la ministre, vous savez combien le sujet de l'aménagement du territoire est cher aux sénateurs. Quelles sont vos priorités en cette matière ? Le Commissariat général à l'égalité des territoires, nouvellement créé, est-il en ordre de marche ? Les sénateurs, comme tous les élus locaux - vous en êtes une aussi - sont très soucieux de maintenir des services publics ainsi qu'une présence médicale, notamment en milieu rural ; ils réclament des infrastructures et une couverture numérique. L'examen du projet de loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République, qui n'est pas directement de votre ressort, nous mobilisera sur tous ces thèmes à l'automne.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre du logement et de l'égalité des territoires

Je vous remercie de m'avoir conviée, pour échanger sur la politique que le Gouvernement mène en faveur des territoires. Comme vous, je suis une élue locale, qui connait les atouts des territoires ruraux et péri-urbains. Ceux-ci ont parfois le sentiment d'être les grands oubliés des politiques publiques de développement. Je connais le dynamisme des gens qui y vivent, qui y travaillent, des élus qui s'y investissent ; et ces territoires sont fondamentaux pour l'avenir de notre pays. L'objectif d'égalité concerne tant les bassins industriels que les petites et moyennes villes, les zones périurbaines et rurales : tous connaissent des difficultés, mais possèdent aussi d'innombrables ressources.

Promouvoir l'égalité des territoires c'est accepter de mener, compte tenu de la grande diversité des réalités, une action positive, collective et spécifique à chaque territoire. C'est pourquoi j'ai défini trois priorités. La première concerne l'égalité d'accès à l'ensemble des services et équipements essentiels à la qualité de vie. C'est à dessein que je n'utilise pas le terme de services publics, car je vise aussi la culture, les commerces de proximité - domaine que je connais particulièrement bien - le logement, l'emploi, la formation ou encore les équipements sportifs.

Ma deuxième priorité consiste à donner aux territoires les moyens de renforcer leur attractivité selon leurs caractéristiques propres et leurs atouts. Chaque parcelle de notre territoire contribue au développement de notre pays. Pour cela, il faut créer des coopérations et de la complémentarité entre les territoires, non exacerber une concurrence qui accentue les inégalités.

Ma troisième priorité est de parvenir à inscrire cet objectif transversal dans toutes les politiques publiques. Chaque politique sectorielle a un impact sur l'aménagement du territoire. L'égalité des territoires doit être au coeur des décisions prises dans tous les secteurs de l'action publique : nous devons donc susciter l'adhésion de tous les ministères et des collectivités.

Certains s'inquiètent des conséquences de la réforme territoriale. Le Gouvernement a lancé un plan stratégique ambitieux qui s'appuie sur des dispositions législatives, des moyens financiers et un réseau performant et professionnel. Le projet de loi portant « nouvelle organisation territoriale de la République » (Notr), examiné au Parlement cet automne, prévoit des schémas de renforcement de l'accessibilité des services au public. Mme Escoffier, dont je salue l'action à la tête de son ministère, connait bien la question. Ces schémas permettront d'élaborer avec les acteurs locaux, les élus, les services de l'État, les usagers, les opérateurs et les acteurs économiques, un plan d'action pour résorber les difficultés d'accès ou améliorer la qualité des services. Des maisons de services au public seront ainsi créées, elles ont vocation à regrouper en un même lieu les services nécessaires à la vie quotidienne : la poste, une aide pour des démarches sur Internet auprès de la CAF, etc... D'ici 2017, 1 000 maisons de ce type seront créées. L'État accompagnera financièrement ce déploiement. Des crédits du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) financeront jusqu'à 17 500 euros par an le fonctionnement des maisons, ce qui allègera d'autant la charge pour les collectivités. À partir de 2015, les opérateurs nationaux de services contribueront aussi au financement, grâce à un fonds de développement doté de 17,5 millions d'euros. Enfin, pour faire vivre ces maisons de services au public, nous devons accompagner leur mise en place en formant les agents, en informant les usagers, en mettant en place de nouveaux services numériques. C'est un rôle qui a été dévolu à la Caisse des Dépôts.

En ce qui concerne l'accès aux services de santé, les avancées sont importantes depuis 2012. Ainsi, depuis le lancement du plan territoire santé, le nombre d'étudiants boursiers prenant l'engagement de s'installer dans un désert médical a augmenté de 65 %. De même, 129 maisons de santé financées en partie par mon ministère ont été ouvertes entre 2010 et 2013, et 170 autres, financées par le FNADT, sont en cours de réalisation, soit 30 millions pour les 300 maisons. Les volets territoriaux des prochains contrats de projets État-région devront cofinancer ces structures là où les besoins se font sentir, notamment en zones de montagne.

Le développement de tous les territoires passe par une action pour redynamiser le tissu économique, en s'appuyant sur les forces vives ; mon ministère a ainsi soutenu les pôles territoriaux de coopération économique qui favorisent les collaborations entre des entreprises de l'économie sociale et solidaire, des entreprises traditionnelles, des associations et des collectivités locales, afin de créer des emplois locaux. Avec mes collègues Najat Vallaud-Belkacem et Carole Delga, nous avons récemment lancé une mission d'évaluation sur l'appel à projets de 2013, afin de procéder si nécessaire à des ajustements. J'ai aussi fait évoluer la prime à l'aménagement du territoire (PAT) qui est un des derniers outils nationaux pour subventionner les entreprises locales. Malgré certaines critiques sur cette prime, l'intervention de l'État est indispensable dans de nombreux territoires. C'est du reste ce que souhaitent les entreprises. En 2013, la PAT a maintenu ou créé près de 7 300 emplois. Elle doit être ouverte plus largement aux PME car ce sont elles qui créent l'emploi local et qui structurent nos territoires. Le nouveau décret abaissera les seuils d'éligibilité.

Dès le début de 2013, nous avons lancé un plan volontariste pour couvrir la France en très haut débit d'ici dix ans. C'est une composante de l'égalité territoriale et les tarifs appliqués assurent une péréquation très marquée, au profit des territoires ruraux et enclavés. Le très haut débit abolit les distances et pallie en partie l'enclavement. 900 millions d'euros sont mobilisés dans le cadre du programme des investissements d'avenir (PIA) pour soutenir le déploiement des réseaux d'initiative publique (RIP), lorsque les collectivités interviennent pour compenser une carence de l'initiative privée. Ces crédits sont à ce jour entièrement affectés et un abondement de 700 millions supplémentaire est en cours. La mise en oeuvre du plan est rapide. Toute la France sera couverte d'ici 2022 : au 30 juin, 55 projets, couvrant 67 départements ont ainsi été déposés au guichet de financement national.

L'exigence de transversalité est ma troisième priorité. Le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) a été créé pour dépasser les actions cloisonnées, les réflexions en silo. Nous devrons enrichir le dialogue entre l'État, les collectivités et toutes les forces vives de la nation : telle est la mission du Conseil national à l'égalité des territoires. Mais cette exigence de transversalité vaut partout, y compris au sein même de mon ministère, je songe au logement et à la construction. Dans nombre de territoires y compris ruraux, on constate non seulement une insuffisance de logements, mais encore une inadéquation de l'offre aux besoins. J'ai présenté le 25 juin dernier 50 mesures concrètes de simplification, visant à lever les freins à la construction et à encourager une offre variée. Elles sont le fruit d'un travail mené en concertation avec les professionnels et concernent diverses règlementations portant sur l'accessibilité, les ascenseurs, les normes sismiques ou électriques. Souvent, les normes renchérissent et compliquent les opérations, et toutes les collectivités n'ont pas les moyens techniques et humains des grandes villes. Les décrets et arrêtés correspondants seront rapidement publiés.

En outre, le Gouvernement veut revoir et moderniser les procédures juridiques, pour accélérer le déroulement des projets d'aménagement et d'urbanisme. Nous reverrons les modalités de consultation du public pour réduire le délai sans écarter la participation du public à la décision. Les obligations de stationnement que les PLU imposent seront revues pour certaines catégories de logement ou d'hébergement. J'ai également décidé d'ouvrir le prêt à taux zéro (PTZ) à l'immobilier ancien dans certains centres-bourgs, pour favoriser le réinvestissement et faire vivre ces centres tout en limitant l'urbanisation à la périphérie. La liste des communes éligibles sera publiée cet automne pour une entrée en vigueur dès janvier 2015.

J'ai annoncé récemment un dispositif expérimental en faveur des centres-bourgs, qui remplissent des missions essentielles d'organisation et d'animation de nos territoires ruraux et périurbains : ils accueillent des services, des commerces, des activités indispensables aux habitants. Leur dégradation a un impact sur la vie quotidienne de nos concitoyens et sur la cohésion sociale de notre pays. Le maître-mot est, une fois encore, la transversalité. Dans les 50 territoires retenus, avec le soutien financier de l'État, une stratégie globale et transversale de redynamisation sera mise en place. Un suivi étroit - auquel participeront les associations d'élus - servira à établir les améliorations souhaitables, avant une généralisation possible dans les contrats de projets Etat régions (CPER). En outre, l'État s'engagera aux côtés des territoires afin que ces contrats soient mis en oeuvre d'ici la fin de l'année : je présenterai demain en conseil des ministres une communication plus détaillée sur ce sujet. Les CPER constituent des instruments essentiels et transversaux de développement des territoires, des catalyseurs de l'investissement et le principal vecteur de la politique nationale d'égalité des territoires. L'objectif est de signer les CPER avant la fin de l'année pour que les crédits soient mobilisés dès le début 2015. Ces contrats intégreront un volet territorial pour coordonner les actions en faveur des territoires les moins développés et des zones rurales. J'ai assoupli la circulaire de 2013 qui assignait à ce volet un cadre contraignant. Beaucoup d'élus regrettaient de ne pouvoir choisir les thématiques et les enjeux. Désormais, les réalités locales seront prises en compte : ici la question littorale, là l'accès aux services, ailleurs la revitalisation d'un bassin d'emploi...

D'autres chantiers nous attendent. J'aurais pu vous parler des zones de revitalisation rurale, qui font actuellement l'objet de travaux parlementaires et d'une mission d'inspection dont les conclusions devraient être connues d'ici la fin d'été. Je pense aussi à la mission sur l'hyper-ruralité que j'ai confiée au sénateur Alain Bertrand, qui me rendra prochainement son rapport.

Tous les sénateurs seront étroitement associés à notre politique car je crois à la valeur du dialogue avec les élus. Je souhaite que vous puissiez nourrir la réflexion et l'action de mon ministère au service de l'égalité des territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Nous partageons vos priorités mais il faut à présent que les actes suivent. Je ne vous en rends pas responsable, madame la ministre, puisque vous venez d'arriver, mais le nombre de logements neufs mis en construction diminue. Tout n'est pas dû à la politique du Gouvernement ; cependant la loi Alur a accentué l'atonie du marché : même si tous les décrets n'ont pas encore été publiés, l'effet psychologique de cette loi a été catastrophique, sans compter l'impôt « paperasse », puisque le coût et le nombre des documents exigés ont encore augmenté. Tous les professionnels de l'immobilier estiment que cette loi ralentit les transactions dans le neuf comme dans l'ancien : cela me semble très préoccupant.

Les documents d'urbanisme ont été « grenellisés » ; les effets en sont terribles sur le terrain, du fait de l'excès de zèle de certains agents de la direction départementale des territoires (DDT), comme de la Commission de consommation des terres agricoles. Les permis de construire accordés par les communes rurales sont refusés par l'administration au motif qu'ils concernent des terres agricoles : la rareté des terrains va, de façon catastrophique ces prochaines années, renchérir le coût des constructions. Les maires ruraux qui entreprennent d'élaborer des documents d'urbanisme se découragent.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

J'approuve la création des maisons de services au public. Dans mon département, j'en ai mis une en place, principalement dédiée à l'emploi, mais je n'ai reçu aucune aide de l'État.

Il existe deux sortes d'offices HLM, ceux qui travaillent dans les villes et ceux qui sont implantés dans les zones rurales. La contribution à la mutualisation des fonds propres des organismes HLM va accentuer les difficultés financières, car ce sont les offices ruraux qui vont payer pour les offices urbains : il y a là une véritable spoliation.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Merci, madame la ministre, de vous démarquer de votre prédécesseure, qui prétendait qu'avant elle, on avait abandonné les territoires. Vous conservez les actions qui ont fait leurs preuves, à savoir les maisons de services publics, que vous rebaptisez les maisons de services au public afin d'inclure les services privés. Je m'en réjouis. Les maisons de santé pluridisciplinaires ont été elles aussi conservées : sur 300 maisons prévues, 129 sont construites à ce jour. Enfin, pour le très haut débit, nous aimerions que les choses aillent encore plus vite. Où en sont les pôles de compétitivité ? Pas de compétition entre les territoires, soit, cependant l'émulation n'est pas une mauvaise chose. Les pôles d'excellence rurale me semblent un bon outil de ce point de vue. Pourquoi ne pas les reprendre ?

En juillet 2013, un décret a été publié, qui écartait un certain nombre de communes du dispositif ZRR. Heureusement, la liste a été revue. La commission compétente n'avait même pas été réunie !

Il faut que la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) soit maintenue, d'autant que les conseils généraux pourront de moins en moins accorder des aides aux communes.

Comment avez-vous sélectionné les centres-bourgs qui bénéficieront des mesures de revitalisation que vous avez annoncées ? J'ai appris incidemment que dans mon département, trois communes avaient été sélectionnées, mais sans savoir sur quels critères. Les parlementaires n'ont même pas été prévenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Quinze jours après l'annonce !

Enfin, quels sont les moyens de la Datar aujourd'hui ? Ses crédits sont-ils suffisants ? La réforme territoriale éloignant encore un peu plus les citoyens des élus, nous aurons besoin d'une instance forte pour travailler sur les territoires en difficulté comme le Cher, la Creuse...

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Merci, madame la ministre, pour cette présentation claire et exhaustive. Que voulez-vous dire lorsque vous affirmez qu'il faut accepter que la ruralité soit diverse et qu'il convient de fournir une offre adaptée aux territoires ? Concrètement, quelles seront les possibilités d'obtenir des aides ? Ne nous dira-t-on pas, lorsque nous les demanderons pour faire face à des problèmes spécifiques, que nous n'entrons pas dans le cadre ?

Dans certains villages ou hameaux, il y a des dents creuses, mieux vaut construire là, préserver des terres agricoles et limiter la gêne causée par l'épandage. Mais en Bretagne, la déshérence en centre-ville est telle que les ménages préfèrent construire à la périphérie. Nous devons donc repenser les normes afin de re-densifier les bourgs. Sinon, comment accueillir dans notre région les 20 à 30 % de population supplémentaire que l'on nous annonce pour les prochaines décennies ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Filleul

Votre projet politique nous convient, mais nous voulons plus de précisions. Je vous ai demandé si vous pouviez recevoir les professionnels du bâtiment d'Indre-et-Loire, vous avez accepté, je vous en remercie. Alors que la population de ce département augmente, les mises en chantier ont diminué de 46 % en un an. Le nombre de permis de construire ne cesse de diminuer, les entreprises du bâtiment ferment, le taux de chômage monte en flèche.

Les entrepreneurs se sont beaucoup plaints de la suppression du PTZ. Vous le réactivez, tant mieux, mais pas partout, cela me semble trop restrictif.

J'ai du mal à concevoir que des maires ne puissent accorder des permis de construire pour une, deux ou trois maisons ! C'est catastrophique. Avec le recul, je crois que si j'avais été parlementaire à l'époque, je n'aurais pas voté le Grenelle II, car les contraintes normatives sont trop dures. Les logements passifs, dont le coût est supérieur de 15 %, ne laissent plus passer l'air : leurs habitants ont forcément la tentation d'ouvrir les fenêtres. Bien des idées théoriquement séduisantes sont disqualifiées lorsque l'on passe au réel. J'ai voté avec enthousiasme la loi Alur, mais elle a créé de la désespérance parmi les professionnels. La réviser pose des difficultés, notamment politiques, mais me paraît inévitable. Comment ouvrir plus largement la PAT aux PME et aux PMI ? Ce sont elles qui ont besoin d'aide. Il y a douze ans, j'ai, comme député, voté en faveur des maisons de services publics, hélas les décrets d'application n'ont jamais été publiés. Je suis heureux que vous repreniez ce dossier.

Vous n'avez pas parlé des pôles ruraux prévus dans la loi Mapam, qui sont pourtant des outils très importants pour le développement des territoires ruraux. Quid des décrets d'application ?

Les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) publics pourront-ils bénéficier des aides financières des CPER ? Dans nos départements, il y a un vrai besoin social ; construire des Ehpad serait utile également sur le plan économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Le précédent gouvernement a lancé le plan national très haut débit en s'appuyant sur des financements renforcés. Ce plan reconnaît pour la première fois la place des collectivités locales et prévoit des moyens accrus pour les RIP. Le Premier ministre italien, actuel président de l'Union européenne, a annoncé que l'économie numérique serait sa priorité : il veut favoriser les investissements dans les infrastructures à haut et très haut débit. Vous avez fixé des objectifs que je salue, l'égal accès à l'ensemble des services, la transversalité. Comment comptez-vous harmoniser les interventions des ministères, le vôtre, celui du redressement productif, et d'autres ?

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Dans les territoires ruraux et péri-urbains, des centres-bourgs périclitent et votre prédécesseure avait évoqué, à juste titre, leur « nécrose ». Comment les communes expérimentales ont-elles été choisies ? Au plus haut niveau de la préfecture, on ne semble pas le savoir. Nous avions pourtant travaillé avec le ministère avant de déposer un dossier. D'autres projets seront-ils éligibles dans l'avenir ?

Dans un entretien dans la presse, vous avez évoqué la réforme de l'attribution des logements sociaux : pouvez-vous donner des précisions ?

Les décrets encadrant les loyers vont-ils être prochainement publiés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

La superposition d'administrations et d'agences complique la situation. Quels sont les rôles de chacun, secrétariat d'État confié à Thierry Mandon, Commissariat au plan, Observatoire des territoires - qui travaille bien même si personne ne le connaît vraiment - ministère de l'égalité des territoires, collectivités territoriales et organismes divers ? Tous doivent conjuguer leurs efforts.

Concernant la distribution de la PAT, n'oublions pas les entreprises de taille intermédiaire. Elles en ont besoin ! Comment mettre en oeuvre des mesures imaginées avant l'annonce de la réforme territoriale ? Je vois dans ces 50 mesures un chapelet ; la cohérence d'ensemble avec les autres actions du Gouvernement m'échappe. Nous avons reçu la nouvelle carte où sont portées les modifications de zonage des aides à finalité régionale. Comment ont été choisies les communes bénéficiaires ? Les Scot doivent être coordonnés aux pôles d'équilibre territoriaux et ruraux. Que deviennent ces derniers ?

Il y a quelques mois, le Gouvernement avait envisagé de définir des « zones fragilisées » afin de cibler les territoires cumulant divers handicaps : cette idée m'avait plu. Où en est-on ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Chastan

La loi Alur suscite des inquiétudes, certes, mais l'objectif, encourager la construction de logements sociaux et la mixité sociale, est louable ! Faire accepter des logements sociaux est un long combat, car ceux-ci souffrent d'une mauvaise image en dépit de leur qualité. L'objectif de mixité et d'équilibre sur tout le territoire a été affirmé dans plusieurs lois, dont la loi Alur. Pourtant les déséquilibres territoriaux perdurent, comme dans mon département. Je ne suis pas partisan a priori des sanctions, mais il faut se donner les moyens de construire. Je connais des cas où le POS couvre plusieurs centaines d'hectares et où seules 20 % des surfaces identifiées comme constructibles ont été construites... Il n'est pas aberrant de les réduire et je ne vois pas qui est pénalisé, alors que le mitage est un problème.

Comment s'articule votre politique de revitalisation des centres-bourgs avec les nouveaux objectifs de la politique de la ville ? Quid enfin des sites de services de proximité ? Avec la baisse des crédits ils sont en difficulté, à l'image, en Ardèche, du site du bassin des Boutières, regroupant des organismes fournissant un appui au développement économique de proximité, financé à la fois par la région et l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Vous n'avez aucun a priori dans vos pistes de réforme et vous avez raison. Vous travaillez dans la dentelle : la mission confiée à Alain Bertrand sur les territoires ruraux en est une illustration. C'est positif. Il faut cibler les dispositifs sur les territoires qui en ont le plus besoin. Il est bon aussi que la cartographie s'adapte et évolue, comme celle des zones de revitalisation rurale (ZRR). Si elle n'évoluait pas cela signifierait que les politiques de l'État n'ont pas donné de résultat ! Certaines lois, comme le Grenelle ou Alur, ne doivent pas faire l'objet d'un excès d'indignité. Le temps montrera leur pertinence. Le texte du Gouvernement ne comprenait pas certaines mesures adoptées par amendement. Je me suis battu pour la suppression des commissions départementales de consommation des espaces agricoles (CDCEA). Les Scot doivent déjà être élaborés en lien avec les chambres de l'agriculture. Je ne voyais pas l'utilité de créer une commission supplémentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

À vouloir trop préserver les intérêts locaux, on bloque les aménagements et les activités dont le pays a besoin. Je m'associe au plaidoyer en faveur de la revitalisation des centres-bourgs. Le budget de l'Anah doit être préservé. M. Chastan a raison de le souligner, les logements sociaux sont des logements de qualité : la consommation d'énergie y est inférieure de 30 % à la moyenne, la consommation d'eau de 50 %.

Merci d'avoir remis le prêt à taux zéro sur le métier. Le nombre de Français éligibles sera-t-il élargi ? La quotité sera-t-elle augmentée afin d'accroître son effet de levier ?

La loi Alur a prévu le transfert des PLU aux intercommunalités. Les élus acceptent cette évolution dès lors qu'ils conservent la délivrance des permis de construire. Mais pourquoi ne pas transférer aussi les cartes communales ? Deux communes voisines se trouvent n'avoir pas les mêmes obligations !

On investit moins dans la pierre en période de crise. Beaucoup d'acteurs publics se retirent de la construction, ce qui a des effets sur l'activité économique. La rétention foncière est une réalité française : les propriétaires de terrains constructibles ont compris qu'il suffisait d'attendre pour s'enrichir. Créons un dispositif beaucoup plus incitatif ! Il faut que, lorsqu'un terrain est inscrit constructible dans un PLU, il soit effectivement construit. Il ne s'agirait pas d'une remise en cause du droit de propriété mais d'une incitation pour surmonter la crise du logement.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Gaouyer

Construire des Ehpad participe du soutien à la construction, pour toutes les générations du reste, car des logements sont libérés pour les plus jeunes quand on construit pour les plus âgés... Un rapport de Béatrice Majnoni d'Intignano montrait la nécessité d'ouvrir à brève échéance de nouveaux sites pour accueillir les générations vieillissantes.

Il faut parfois deux ans aux notaires pour rédiger les actes nécessaires à la construction de logements sociaux. C'est trop. L'indemnité qu'ils perçoivent est inférieure à celle qu'ils touchent lorsqu'ils rédigent des actes privés. L'attitude des banques constitue un autre frein à la construction. Elles contestent l'opportunité des projets, le lieu choisi, quand bien même le modèle financier est équilibré. Trouver un crédit relève du parcours du combattant, ce qui entraîne une chute de l'activité du secteur de la construction. Or la demande de logements sociaux ne fait que croître. De plus il est parfois préférable de rester locataire plutôt que de devenir propriétaire, pour continuer à percevoir les allocations logement.

Lors de la dernière campagne municipale, certains partis n'ont pas hésité à faire du porte-à-porte pour convaincre les propriétaires que la construction de logements sociaux à proximité de leur résidence diminuerait le prix de revente de leur bien. Il est urgent de réaliser des études pour montrer le caractère non-fondé de ces affirmations péremptoires qui rencontrent un écho d'autant plus profond qu'elles visent le patrimoine et instillent, dans le silence des foyers, une opposition silencieuse à la mixité sociale.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

La relance de la construction représente une priorité pour le Gouvernement. Les annonces du 25 juin vont dans ce sens. Vendredi nous avons réuni, sous l'égide du Premier ministre, tous les acteurs de la filière afin de les mobiliser. Rassurez-vous monsieur Filleul, je rencontre un très grand nombre de professionnels et je les connais bien. La simplification des normes et l'accélération des procédures constituent l'une de nos quatre priorités. L'empilement normatif a eu pour effet de renchérir le coût des constructions depuis dix ans. Nos 50 mesures visent à préserver la qualité des logements tout en en diminuant le coût. Elles répondent en grande partie à vos préoccupations...

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Sont-elles consultables sur le site du ministère ?

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

Oui. Et je vous les transmettrai. Le degré de rareté des terrains varie selon les territoires. Nous voulons mobiliser le foncier public. M. Thierry Repentin, à la tête de la Commission nationale de l'urbanisme et du foncier, aura la lourde tâche de travailler avec les bailleurs sociaux, d'assurer le suivi des projets de mobilisation du foncier public établis par les préfets de région, et de faire des propositions pour améliorer le dispositif. La pénurie concerne aussi le foncier privé. Certains propriétaires font de la rétention de terrains à cause du régime des plus-values. Nous travaillons sur ce point, pour présenter un dispositif juridique sans faille.

Quant aux PLU, ce sont les élus qui n'ont pas su développer une vision stratégique qui ont aujourd'hui des problèmes. Les PLUI reflètent une vision plus large, dans un périmètre qui correspond au territoire pertinent de solidarité. Il y a quelques semaines, lorsque j'ai ouvert un club de réflexion de collectivités territoriales qui avaient anticipé les PLUI, tous saluaient les avantages, en termes de programmation, de planification, de stratégie. Rareté du foncier ou mitage, toutes les questions sont traitées dans les PLUI. J'ai demandé aux services de l'État d'apporter aux élus leurs conseils sur ce qu'il est possible de faire ou non, concernant la révision en cours des documents d'urbanisme, la densification prévue par les ordonnances, l'entretien du bâti existant, l'extension des bâtiments agricoles, etc. Sur ces sujets nous devons faire évoluer notre réglementation avec pragmatisme, en tenant compte des réalités du terrain. Nous écoutons vos remarques et tenons compte de vos questions. Nous réfléchissons, dans le même esprit, à l'articulation des POS et des PLU. Le débat est ouvert.

Des crédits du FNADT seront consacrés au financement des maisons de services publics sur la période 2015-2017 à hauteur de 25 % des coûts de fonctionnement dans un plafond de 17 500 euros. Les préfets nous font remonter les besoins de financement. Ceux-ci seront examinés. J'espère monsieur Fouché que votre maison en fera partie.

La mutualisation entre les organismes HLM est l'un des éléments du pacte conclu entre l'État et les organismes HLM en juillet 2013. En contrepartie de la TVA à taux réduit sur la rénovation et la construction de logement social, les organismes de HLM ont signé récemment une convention de mutualisation, qu'il reste à entériner par un arrêté. Il ne s'agit pas de spolier certains organismes mais de concentrer les investissements là où ils sont le plus nécessaires. Élue moi-même d'un département rural, je veillerai à ce que cette mutualisation ne se fasse pas au détriment des territoires ruraux. Il y va de l'égalité des territoires et de l'aménagement du pays.

Les pôles d'excellence rurale ont été labellisés et les investissements prévus seront financés jusqu'en 2016. Une évaluation sera lancée à la fin du programme. Il n'est pas prévu de lancer une nouvelle vague de labellisation dans l'immédiat.

Nous sommes tous, élus locaux, attachés à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), outil précieux de financement, qui représente une enveloppe de 600 millions d'euros. Son utilité n'est plus à démontrer même si, dans certains départements, elle donne lieu à du saupoudrage. Il faut la concentrer sur les équipements structurants.

Deux missions sont en cours sur les ZRR, pour déterminer les critères de classement et les mesures qui en dépendent. Il ne s'agit pas de remettre en cause cet outil qui contribue à l'égalité des territoires. En revanche le zonage doit évoluer pour tenir compte des évolutions sur le terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Sans doute, mais il faut une période transitoire.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

Absolument. Ces rapports permettront d'évaluer l'efficacité du dispositif.

Le programme de revitalisation des centres-bourgs est une expérimentation. Il touchera quelques communes avant d'être étendu, sans doute, à l'ensemble du territoire. Pour éviter les déceptions que n'aurait pas manqué de susciter un appel à projet national, il a été demandé aux préfets de région de dresser une liste des communes éligibles, soit dans des zones péri-urbaines, confrontées à une hausse rapide de la démographie et à des besoins d'équipement importants, et risquant de devenir des zones dortoirs, soit dans des territoires ruraux en voie de désertification. Mais les préfets de département n'ont pas tous utilisé la même méthode et les élus locaux ont été inégalement associés, ce qui explique vos différences de perception. J'ai demandé aux services de veiller à mieux informer les élus locaux à l'avenir. Étape suivante, 300 communes ont été invitées à manifester leur intérêt. Nous en retiendrons 50 pour mener l'expérimentation. Une piste serait de les introduire dans le volet territorial des CPER, d'autant qu'une clause de revoyure a été prévue dans les contrats, en raison des réformes annoncées.

Madame Herviaux, la circulaire de 2013 a été revue après une discussion en interministériel. J'ai souhaité que le volet territorial des CPER comporte de la souplesse pour s'adapter aux spécificités des territoires.

L'ouverture du prêt à taux zéro (PTZ) à l'ancien est complémentaire du programme de revitalisation des centres-bourgs. Nous dresserons à l'automne une liste de 2 000 communes avec un patrimoine bâti existant à réhabiliter. Le PTZ y sera accordé à la condition de procéder à des travaux de rénovation.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

Nous souhaitons augmenter de plus de 60 % le nombre de PTZ distribués. Le montant de l'achat pris en compte sera relevé, ainsi que le plafond de revenu afin que le mécanisme bénéficie davantage aux classes moyennes. Le délai de remboursement sera allongé, la durée du différé également. Ces propositions seront applicables dès le 1er octobre, sans attendre l'expiration des PTZ en cours en décembre, et ce, afin de favoriser l'accession à la propriété. Pour l'ancien, en raison du temps nécessaire pour dresser la liste des 2 000 communes, le dispositif sera ouvert le 1er janvier 2015.

La législation européenne limite les aides aux grandes entreprises. Les PME seront les premières bénéficiaires de la PAT. Les seuils de création d'emplois et d'investissement seront abaissés.

Le Gouvernement a mobilisé 900 millions d'euros pour soutenir le déploiement des réseaux publics numériques. Ce programme est interministériel. Outre l'aspect économique, nous faisons valoir les enjeux liés à l'aménagement du territoire et au désenclavement ou au développement culturel.

Le Commissariat général à l'égalité des territoires, qui a remplacé la Datar, joue un rôle de coordination interministérielle. Il constitue le lieu de l'articulation avec la politique de la ville.

La réforme de l'attribution des logements sociaux vise à améliorer le service rendu et la transparence. Les bailleurs devront s'adapter. Pour appliquer l'encadrement des loyers, nous devons créer des observatoires chargés de fixer le loyer médian en fonction du type de logement et du quartier. Ceux-ci devront recueillir l'agrément de comités scientifiques indépendants. Or le seul observatoire à avoir obtenu cet agrément est l'Observatoire les loyers parisiens (Olap). La région parisienne sera ainsi la première région où l'encadrement des loyers sera mis en place.

Madame Escoffier, vous connaissez très bien la fonction et les responsabilités de tous les acteurs. Je suis d'accord avec vous sur la nécessité de clarifier les rôles. Je vous transmettrai des documents plus précis et chiffrés sur la PAT. Les CPER seront le cadre d'articulation de la réforme territoriale et de nos propositions, comme par exemple le volet numérique ou le volet sur l'égalité et l'accessibilité des territoires, directement inspiré de votre travail, qui est intégré dans le projet de réforme de l'organisation territoriale de la République.

Il faut en effet réfléchir aux zones fragilisées en lien avec la revitalisation des centres-bourgs. Le Gouvernement appliquera avec fermeté des pénalités à l'égard des communes qui, par égoïsme ou idéologie, sont récalcitrantes à respecter les objectifs de mixité sociale prévus par la loi SRU. En revanche, nous examinerons attentivement les situations, en cas de difficulté sur le terrain, pour accompagner les élus. Différents outils peuvent être mobilisés, comme la DETR ou des mesures d'incitation pour les communes qui bâtissent. Nous soutenons, en outre, le développement du logement intermédiaire, notamment dans les zones tendues, pour favoriser les parcours résidentiels des personnes aux revenus trop élevés pour avoir droit à un logement social mais trop faibles pour devenir propriétaire. Ce point fera l'objet d'une communication demain en Conseil des ministres et le zonage concernant le logement intermédiaire sera modifié. Monsieur Chastan, nous examinerons le cas du site de services que vous évoquez...

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Chastan

Vous avez répondu. Il figure dans le contrat de plan qui s'achève. Il bénéficie de crédits de l'État, mais je ne sais de quel ministère ils proviennent. On compte certains services similaires en Rhône-Alpes et en Ardèche.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

Il s'agit du contrat de site prévu dans le volet territorial de certains CPER. Le budget de l'Anah doit être préservé. Des négociations sont en cours ; j'ai bon espoir, son action est reconnue. Nous souhaitons porter le nombre de PTZ conclus de 44 000 à 80 000 et élargir la couverture géographique pour moins cibler les zones tendues où les populations modestes et certaines classes moyennes ont du mal à accéder à la propriété.

Nous réfléchissons à simplifier le nombre de documents à produire en cas de transaction immobilière, en particulier dans une copropriété. Avec le ministre des finances, nous avons rencontré les banques pour les inciter à financer les travaux de rénovation énergétique et à se mobiliser pour relancer la construction, indispensable. Vendredi, avec le Premier ministre, nous avons réuni les banquiers et les acteurs de la construction. Pour favoriser la politique de mixité, j'ai demandé aux préfets de réaliser une revue de projets de construction de logements sociaux afin d'identifier les projets susceptibles de rencontrer des retards dans chaque département et de trouver des solutions. Je souhaite créer un statut de logement intermédiaire pour développer une offre diversifiée.

Les Ehpad ne figurent pas dans les CPER.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Françoise Gaouyer

Pourtant, il y a quelques années, il était possible de créer des établissements pour accueillir des personnes âgées handicapées dans le cadre des CPER. Mais la durée d'un CPER est trop courte, comparée aux délais de réalisation de tels projets, pour avoir produit beaucoup de résultats.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

Les crédits du ministère de la santé ne font pas l'objet d'une contractualisation dans les CPER.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Les pôles d'équilibre territorial et rural (PETR) n'ont pas leur décret d'application. Or ils constituent le bon échelon pour élaborer un Scot, présenter un dossier dans le cadre du programme européen Leader ou contracter avec la région. Leur absence de reconnaissance risque de retarder la contractualisation et l'investissement des collectivités territoriales. Les PETR sont pourtant les embryons de futures intercommunalités, au périmètre adéquat.

Debut de section - Permalien
Sylvia Pinel, ministre

Je demanderai au CGET de se rapprocher du ministère de la décentralisation pour vérifier les textes d'application. Ce secteur est à la limite de nos compétences respectives. Je prendrai toutes les mesures qui relèvent de mon ministère.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Merci d'avoir répondu avec passion et compétence à toutes nos questions.

La séance est levée à 18 h 30.