Intervention de Pierre Mongin

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 16 juillet 2014 : 1ère réunion
Audition de M. Pierre Mongin candidat proposé aux fonctions de président-directeur général de la régie autonome des transports parisiens ratp en application de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la constitution

Pierre Mongin, président-directeur général de la RATP :

C'est un grand honneur pour le serviteur de l'État que je suis, d'être devant vous, sur la proposition du président de la République, pour solliciter votre accord sur la poursuite de ma mission à la tête de la RATP.

La RATP est une entreprise en bonne santé, concentrée sur la qualité du service qu'elle offre aux voyageurs. Elle est placée sur une trajectoire économique, fixée en accord avec l'État, dans notre plan d'entreprise « Vision 2020 ». Nous allons atteindre nos objectifs grâce à un effort continu et régulier de productivité qui a permis, en cinq ans, de réduire de 10 % le coût du transport ; cet effort de productivité se traduit dans nos résultats : un chiffre d'affaires en hausse de 22 % depuis 2006 et un bénéfice net multiplié par 6,5, pour atteindre 300 millions d'euros. Nous y sommes parvenus en baissant nos coûts - 300 millions d'économie de dépenses de fonctionnement en base annuelle depuis 2008 -, grâce à des transformations de nos modes d'organisation et une comparaison systématique de nos prix de revient avec les autres entreprises du secteur. Nous partageons les fruits de cet effort avec le STIF, notre autorité organisatrice, à qui nous restituons 100 millions chaque année ; le solde abonde notre capacité d'autofinancement et nos investissements, qui atteignent un niveau sans précédent, à plus de 1,5 milliard par an.

Le bilan de la RATP s'est nettement amélioré, la dette est maîtrisée et les capitaux propres de l'État actionnaire ont doublé depuis 2006. Notre rentabilité est la meilleure en Europe dans notre secteur, à 10,3 %.

Nous allons continuer sur cette trajectoire vertueuse d'ici 2020, grâce à la mobilisation de nos salariés autour d'objectifs clairs, grâce à un engagement du management qui a toujours été associé à notre stratégie, et grâce à un dialogue social permanent.

C'est sur ces bases solides que nous pouvons concentrer tous nos efforts sur notre priorité absolue, la satisfaction du client.

La RATP, grande entreprise publique, s'est profondément transformée ces dernières années. Ce qui a le plus changé, c'est que, désormais, toutes les actions de l'entreprise visent la satisfaction de nos voyageurs.

La qualité de service perçue par le client, mesurée par le STIF grâce à une enquête auprès de 60 000 clients conduite tout au long de l'année, nous place aux tout premiers rangs européens, avec un taux de satisfaction de 80,4 % ; désormais, notre management décline les objectifs de qualité de service jusqu'à chacun des opérateurs, y compris en faisant varier leurs primes en fonction de ces résultats. Nous nous efforçons d'agir au plus tôt contre les motifs d'insatisfaction, par exemple la propreté : elle est complexe à maintenir sur un réseau qui accueille, au total, sept millions de passagers par jour, nous avons lancé l'an passé un plan propreté, il commence à porter ses fruits.

Nos clients attendent une offre supplémentaire, c'est-à-dire plus de places dans les RER, les métros et les bus. Nous leur répondons par des matériels plus capacitaires et plus confortables, en accélérant le renouvellement des trains : matériels sur pneus sur les lignes 1 et 14, trains à deux niveaux sur le RER A, qui augmentent la capacité de 40 % ; l'an passé, nous avons ainsi consacré 587 millions à la rénovation et à l'achat de matériels roulants. Nous améliorons aussi les capacités en diminuant, grâce à des systèmes de contrôle commande modernisés, l'intervalle entre les trains : c'est devenu l'une de nos spécialités, largement reconnue, et sommes parvenus à 85 secondes entre chaque rame de la ligne 14 aux heures de pointe, c'est proche de la limite physique.

Le résultat, c'est une progression de 10% des kilomètres produits par la RATP en huit ans, l'équivalent d'un million de places supplémentaires par jour en Ile-de-France tous modes de transport confondus.

L'investissement permet aussi un service plus attentionné, avec une plus grande régularité et une information des voyageurs fiable et personnalisée ; ainsi, nous déployons 3 000 écrans numériques pour donner les temps d'attente des bus à la sortie des stations de métro.

Nos clients attendent également que nous desservions de nouveaux territoires. Nous étendons trois lignes de métro - les 4, 12 et 14 - nous avons prolongé trois lignes de tramway en 2012, ouvert deux lignes l'an passé et deux nouvelles lignes de tramway seront encore ouvertes cette année. Nous renforçons également l'offre de bus, conformément au voeu du STIF : elle a augmenté de 16 % depuis 2006. Le réseau s'étend donc en banlieue, requalifiant des territoires souvent enclavés, par exemple avec la ligne 12 à Aubervilliers.

Mais le service public, c'est aussi la continuité du service, ce qui implique un volet social pour limiter les impacts de la conflictualité mais aussi un bon entretien des réseaux, ce qui coïncide avec notre toute première priorité, la sécurité ferroviaire. Régénérer constamment le réseau, en construisant par exemple un nouveau viaduc pour la ligne 6, c'est éviter des ruptures, donc assurer la continuité du service.

Tous ces investissements ont été rendu possibles par la relation de confiance établie avec notre autorité organisatrice, le STIF, qui nous confie la réalisation de ces projets en sachant qu'ils seront livrés à temps et dans le budget prévisionnel.

De la même manière, la Société du Grand Paris nous apporte un financement pour le prolongement de la ligne 14 au Nord, de Saint-Lazare à Mairie de Saint-Ouen. Elle va nous confier très prochainement un mandat pour réaliser le prolongement au sud vers Orly. Ainsi, c'est bien la RATP qui réalise le premier maillon de ce vaste projet du Grand Paris, dont le Premier ministre a indiqué la semaine dernière qu'il ferait l'objet d'une accélération.

Ma conviction, c'est qu'on ne doit pas opposer performance économique et performance sociale. A la RATP, nous avons consolidé notre modèle social, qui repose sur la confiance, grâce à un dialogue permanent et constructif avec les partenaires sociaux, que j'associe aux décisions stratégiques.

Un dernier aspect de notre transformation que je voudrais souligner, c'est la constitution d'un groupe international. Passer d'une régie régionale à un groupe international ne s'est pas opéré sans une mise en valeur de nos savoir-faire, permettant d'étendre notre présence dans le monde. Nous sommes désormais actifs comme opérateur de transport dans douze pays.

Quels sont les grands défis que devront relever les 55 000 collaborateurs du Groupe RATP ?

Il y a, d'abord, la satisfaction de nos clients. Cela passe par une offre supplémentaire, c'est-à-dire plus de places dans les RER, métros et bus, des fréquences accrues : en huit ans, nous avons fait 20 % de mieux. Mais cela passe aussi par un service plus attentionné, avec une plus grande régularité et une information des voyageurs fiable et personnalisée.

Ces éléments seront au coeur de la négociation que nous allons ouvrir prochainement avec le STIF pour un nouveau contrat quadriennal. Nous savons que des contraintes financières plus importantes pèsent sur les collectivités locales qui financent le STIF, ce qui exige plus de sélectivité et de vigilance pour l'opérateur mainteneur que nous sommes, d'autant qu'il reste beaucoup à faire pour mieux desservir les territoires de la périphérie de l'Ile-de-France, le parent pauvre du transport public.

Ce contrat devra refléter les arbitrages des élus, en s'appuyant sur notre expertise et notre savoir-faire pour trouver des solutions gagnant-gagnant : je suis persuadé que nous y parviendrons. Nous concilierons cette exigence croissante et des conditions de mise en oeuvre réellement motivantes pour nos salariés. Ma priorité en tant que chef d'entreprise, c'est de veiller constamment à la qualité de la vie au travail des salariés, surtout dans une entreprise qui évolue aussi vite.

Malgré un contexte financier plus difficile, je resterai inflexible sur la question de la sécurité ferroviaire. C'est le socle de la culture de la RATP, qui se traduit par un très haut niveau de maintenance et de suivi, assuré notamment par notre gestionnaire d'infrastructures interne.

Dans le contrat qui s'achève, nous sommes parvenus, avec le STIF, à mobiliser 6,5 milliards d'euros pour accroître l'offre et moderniser le réseau ; j'estime que les besoins sont comparables d'ici 2019, j'espère que nous y parviendrons sans aggraver la dette de la RATP.

La modernisation du métro inscrite dans notre programme « Métro 2030 » doit se poursuivre, avec l'automatisation de la ligne 4, le remplacement des trains de la ligne 14 - avec des rames à huit wagons, contre six actuellement -, les prolongements de la ligne 12 et des lignes 11 et 4, qui seront, elles, reliées au métro Grand Paris Express.

Je voudrais mentionner également deux autres priorités : l'amélioration de la ligne 13, qui est saturée et qui sera, heureusement, soulagée par le prolongement de la ligne 14 ; la modernisation des RER A et B dans le cadre de schémas directeurs d'investissement qui viennent d'être lancés, qui unifieront en particulier l'information voyageur et le pilotage entre les trois opérateurs que sont la RATP, la SNCF et RFF.

Deuxième grand défi, le développement durable. Même si le transport collectif est par lui-même vertueux du point de vue environnemental, il nous faut aller plus loin et accompagner la transition énergétique. Nous avons une obligation d'exemplarité, c'est le sens de notre projet de transformer l'intégralité de notre flotte de bus pour, à l'horizon 2025, un réseau avec « zéro émission, zéro particule, zéro bruit ». Pour ce réseau de bus propres, j'envisage 20 % de véhicules au bio-méthane et 80 % de véhicules électriques. J'ai signé une convention de coopération avec GDF-Suez sur les bus à gaz, et une autre avec EDF, pour expérimenter les meilleurs systèmes de batteries et de recharges.

Cette question de l'environnement est essentielle car elle concerne la santé, c'est bien à l'échelle de la ville tout entière qu'il faut la traiter. Nous suivons en permanence la qualité de l'air dans nos espaces, pour l'améliorer : la généralisation du freinage électrique fait baisser de 60 % les taux de particules et la ventilation assure un renouvellement de l'air jusqu'à 40 fois par heure. En 2005, nous avons réalisé notre bilan carbone et nous nous sommes fixés pour objectif de réduire de 15 % nos émissions de gaz à effet de serre et notre consommation énergétique à horizon 2020 ; nous dépasserons cet objectif, et grâce au plan bus 2025, le recul sera de 50 %.

La responsabilité sociale de l'entreprise, c'est aussi l'accessibilité pour tous, et favoriser la mobilité des personnes handicapées : 94 % de nos bus sont munis d'une rampe qui les rendent accessibles aux fauteuils roulants, et 61 gares du RER sont déjà accessibles. Notre responsabilité sociale, c'est aussi l'ouverture de la RATP à des personnes éloignées de l'emploi : avec un flux de 3 000 recrutements annuels, nous sommes l'un des tout premiers recruteurs d'Ile-de-France et nous offrons, en coopération avec les collectivités locales, un millier d'emplois aidés, dont la moitié d'emplois d'avenir à des jeunes en difficulté d'insertion. La RATP consacre 7 % de sa masse salariale à la formation, dont la moitié pour faciliter l'accueil de nouveaux salariés et à la formation initiale, c'est considérable.

Troisième défi, nous devons nous préparer à la concurrence, telle que prévue par la loi relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires (ORTF) de 2009 et accélérer le développement du groupe RATP.

La concurrence est déjà une réalité, pour les nouveaux réseaux créés par le STIF depuis 2010, pour l'ingénierie, en particulier sur le projet du Grand Paris Express ; avec notre filiale Systra, nous avons remporté la moitié des contrats attribués par la Société du Grand Paris. En 2024, la totalité des lignes de bus franciliennes seront soumises à appel d'offres : nous devons nous y préparer de manière offensive et dynamique en nous appuyant sur nos progrès permanents de compétitivité. Nous allons prochainement avoir à répondre à l'appel d'offres pour l'exploitation de la grande rocade du Grand Paris Express, la ligne 15 ; c'est pour nous un enjeu technique, économique et d'image, je crois en nos capacités de le gagner, nous nous y préparons dès maintenant, il est très important que nous démontrions notre force sur notre territoire historique.

La conquête internationale est également une réalité, RATP Dev réalise un chiffre d'affaires d'un milliard d'euros, avec l'objectif d'atteindre 30 % du chiffre d'affaires du groupe en 2020. Nous sommes déjà présents dans douze pays. En région, nous proposons une offre alternative aux collectivités locales, aux côtés de celles de Keolis et Transdev. Nous avons l'ambition d'être le leader mondial de l'exploitation de tramway : l'an passé, nous avons commencé à exploiter celui de Shenyang, en Chine, et cette année, nous avons remporté le contrat pour Washington, la capitale américaine.

Mais ce qui nous distingue le plus de nos concurrents, c'est notre modèle multimodal, à la pointe des technologies du transport à haute densité. Notre point fort, c'est bien le métro automatique, dont les lignes 1 et 14 sont les meilleurs exemples - nous avons automatisé la ligne 1 sans interrompre la circulation et ceci a été possible après un accord avec la CGT.

Nous venons d'être choisis pour créer et exploiter un réseau d'un millier de bus à Riyad, nous espérons que nous remporterons également l'appel d'offres pour son métro.

Ces contrats hors d'Ile-de-France et à l'étranger nous permettent d'apprendre la concurrence, et par retour d'expériences, de progresser pour nous préparer mieux encore à l'ouverture du marché en Ile-de-France.

Ces trois défis que nous avons à relever viennent compléter la feuille de route que m'avait donnée M. Cuvillier il y a deux ans et qui s'est traduite dans notre plan stratégique « Vision 2020 ». Ce plan nous fera atteindre nos objectifs de croissance en améliorant encore notre efficacité. Pour réussir, il nous reste un chemin à faire avec les salariés, les organisations syndicales, les collectivités territoriales et le STIF. Je le ferai, si je suis reconduit, avec constance, cohérence et dans le dialogue permanent.

Aujourd'hui, la RATP est une entreprise apaisée grâce au dialogue social ; je continuerai, comme je l'ai fait depuis 2006, à associer les partenaires sociaux aux décisions stratégiques ; le conseil d'administration tripartite jouera son rôle pour fixer les lignes directrices ; la concertation avec tous les salariés va se poursuivre.

Je n'oublie jamais dans mes fonctions que la RATP est aussi un outil au service de la politique économique et industrielle de l'Etat, nous avons des responsabilités sur le plan de l'emploi, de la recherche et développement, nous avons un devoir vis-à-vis de nos fournisseurs, pour nouer des partenariats propres à conquérir des marchés, grâce au développement de produits innovants ; nous sommes également un relai pour des politiques aussi diverses que l'accueil des touristes dans la capitale ou la sécurité publique.

Sur un plan personnel, je ressens une très grande motivation dans l'accomplissement quotidien de ma tâche, dans une entreprise dont l'activité est sanctionnée par des résultats mesurables, mais aussi dans une entreprise fondamentalement inspirée par l'esprit du service public, une haute conscience de l'intérêt général et un sens profond de la solidarité.

C'est donc avec beaucoup de modestie, un peu d'expérience et beaucoup d'ambition pour servir ma mission que je soumets aujourd'hui ma candidature à votre approbation.

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