Intervention de Jean-Pierre Michel

Réunion du 17 juillet 2014 à 10h30
Renforcement de l'efficacité des sanctions pénales — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire, amendement 2

Photo de Jean-Pierre MichelJean-Pierre Michel, rapporteur :

Le projet de loi relatif à l’individualisation des peines et à la prévention de la récidive que nous avons voté en première lecture s’inscrit dans le prolongement de la loi pénitentiaire de 2009, qui définissait pour la première fois la prison comme l’exception.

À ce titre, l’article 3 du projet de loi oblige le juge à motiver spécialement la peine de prison ferme, non aménagée, y compris pour les récidivistes.

Par ailleurs, certaines des dispositions que vous avez votées donnaient plus de cohérence au texte, notamment celles portant sur la peine de contrainte pénale. En effet, elles tendaient à ce que cette dernière soit une peine autonome pour un certain nombre de délits – les délits routiers, par exemple – et elles la distinguaient beaucoup mieux du sursis avec mise à l’épreuve.

Enfin, d’autres dispositions que vous aviez votées, mes chers collègues, visaient à abroger des mesures contre lesquelles nous nous étions élevés fortement alors que nous étions encore dans l’opposition. Je me souviens des interventions de Robert Badinter, alors sénateur, de Jacques Mézard et d’Alain Anziani, notamment sur la rétention de sûreté et les tribunaux correctionnels pour mineurs.

En cet instant, je ne vais pas revenir sur toutes les dispositions qui restaient en discussion, mais vais simplement faire le point sur un certain nombre de désaccords importants qui étaient sur la table de la commission mixte paritaire et qui ont été résolus.

Le premier concernait le champ de la contrainte pénale. Un membre de la commission mixte paritaire qui n’est ni de mes amis politiques ni de mes amis tout court m’a dit, en forme de compliment, que ma proposition avait une certaine cohérence : il y avait en effet une certaine cohérence, mes chers collègues, à déclarer que la peine de contrainte pénale était une peine totalement détachée de la peine d’emprisonnement.

Suivant ainsi ce qui nous avait été indiqué lors de certaines auditions, notamment par Robert Badinter, trois types de peine auraient existé en matière délictuelle : la peine de prison, d’abord, le sursis simple, le sursis avec mise à l’épreuve, ou SME, et la contrainte pénale, ensuite, et les peines pécuniaires ou de confiscation, enfin.

Ce n’est pas ce qui a été retenu. La raison pour laquelle nous nous sommes finalement ralliés à la version issue des travaux de l’Assemblée nationale tient à ce que la peine de contrainte pénale, prononcée pour quelques délits uniquement et détachée de la peine d’emprisonnement, aurait été applicable immédiatement, ce qui aurait, semble-t-il, surchargé de travail les juges d’application des peines et les personnels de probation.

Cet argument était un peu fallacieux, madame la garde des sceaux, puisque le Gouvernement a déposé l’amendement n° 2 – amendement qui pose, d’ailleurs, des problèmes de coordination importants, que nous ne pourrons malheureusement pas régler ce matin –, lequel prévoit l’application immédiate des dispositions relatives à la contrainte pénale. Si l’application est immédiate pour tous les délits prévus par ces dispositions, elle aurait pu l’être également pour les quelques délits que je proposais. La commission mixte paritaire en a décidé autrement.

Le deuxième désaccord avait trait au seuil des aménagements de peine. Vous connaissez, mes chers collègues, les allées et venues auxquelles ce sujet a donné lieu. Pour notre part, nous nous sommes battus pour maintenir le seuil défini par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, dont le rapporteur pour le Sénat était Jean-René Lecerf. Ce seuil, adopté par le Sénat à une large majorité, avait été conservé grâce au président de la commission des lois de l’époque, Jean-Jacques Hyest. Et c’était cohérent avec l’ensemble du projet de loi. La commission mixte paritaire a donc maintenu la version adoptée par le Sénat, ce dont je me félicite.

Le troisième désaccord opposait non pas le Gouvernement et le Parlement, mais l’Assemblée nationale et le Sénat. Il portait sur certaines dispositions introduites par l’Assemblée nationale, sur l’initiative du rapporteur Dominique Raimbourg, notamment, qui visaient à accroître de façon importante les prérogatives de la police et de la gendarmerie.

J’avais proposé au Sénat de supprimer trois des quatre articles portant sur ce thème, et de largement modifier le dernier.

En commission mixte paritaire, pour arriver à un accord global, nous avons dû négocier sur ces articles.

L’article 15, qui prévoit de permettre la géolocalisation et l’interception des communications pour les personnes soupçonnées d’avoir violé une interdiction ou une obligation leur ayant été faite, avait été supprimé par le Sénat. Nous avons présenté un amendement commun, qui tend à rétablir le système prévu, mais en l’encadrant mieux, grâce à la fixation d’un seuil de gravité et d’une finalité à la mesure, cela afin de respecter notamment les décisions du Conseil constitutionnel.

Le Sénat avait également supprimé les articles 15 bis et 15 ter. Le premier a vu sa suppression maintenue ; le second a fait l’objet d’une nouvelle rédaction afin de soumettre au juge la transaction proposée par les officiers de police judiciaire.

Enfin, l’article 15 quater a été maintenu dans la rédaction du Sénat, qui en a restreint le champ. Cela nous paraît plus conforme à ce qu’il est possible de faire.

L’Assemblée nationale, qui examinait hier soir les conclusions de la commission mixte paritaire, a conservé ces mesures en l’état.

Le quatrième point de désaccord concernait la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, introduite dans le texte par la commission des lois du Sénat. Cette question, en effet, a fait l’objet d’un désaccord profond entre le Gouvernement et le Parlement, même si, sur ce point, les députés ont été plus faibles que vous, chers collègues de la majorité sénatoriale. §

Finalement, je me suis rallié au raisonnement selon lequel il convenait de conserver au présent projet de loi sa cohérence, en n’introduisant pas de réforme dans la réforme. La suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, lesquels, sans vouloir revenir sur ce sujet, n’ont pas donné les résultats escomptés, au point que tous les magistrats veulent leur suppression, doit donc figurer dans un autre texte.

Cet autre texte est prêt, d’ailleurs. J’en ai eu connaissance au cours du dernier trimestre de l’année dernière, lorsque j’effectuais, à la demande de Mme la garde des sceaux et du Premier ministre, une mission sur la protection judiciaire de la jeunesse. Ce texte, qui avait fait l’objet d’un arbitrage favorable, au moins par le ministère de la justice, avait par la suite été soumis à embargo.

Or, la veille de la commission mixte paritaire, le ministère de la justice a publié un communiqué – vous en avez tous eu connaissance, mes chers collègues –, selon lequel, « s’agissant du débat sur les tribunaux correctionnels pour mineurs […], le Gouvernement prend l’engagement de proposer la suppression de ces tribunaux correctionnels pour mineurs dans un texte sur la justice des mineurs qui sera présenté au premier semestre 2015 ».

J’espère, chers collègues qui serez encore sénateurs à cette date, que vous vous en souviendrez, afin d’inviter éventuellement le Gouvernement à tenir ses engagements !

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