Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au travers de l’examen de ce projet de loi, nous poursuivons notre tâche, ingrate mais nécessaire, consistant à solder quinze ans d’erreurs et de dérives dans le domaine du crédit au secteur public local. D’autres étapes suivront ; j’y reviendrai dans un instant.
Beaucoup de choses ont été dites ces derniers jours sur le texte que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture, et je voudrais revenir sur plusieurs points afin de clarifier notre débat et de dissiper les malentendus.
Non, ce projet de loi n’a strictement rien à voir avec la baisse des dotations aux collectivités locales, prévue afin d’associer celles-ci au nécessaire effort de redressement des comptes publics. Ne mélangeons pas tout : le sujet des emprunts toxiques est suffisamment complexe pour que nous fassions preuve de discernement et d’esprit de responsabilité.
Lors de l’examen du texte en première lecture, le groupe socialiste avait eu l’occasion de rappeler le constat qui faisait apparaître les origines du mal. Ce constat fut dressé en 2011 par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, au travers du rapport Bartolone-Gorges sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux. Les conclusions et les analyses de cette commission d’enquête, qui a entendu tous les acteurs et toutes les parties prenantes, ont fait l’unanimité. Elle a conclu à une responsabilité partagée entre les banques, bien entendu, dont la « politique commerciale agressive » a largement contribué à la diffusion des produits financiers en cause, les collectivités locales, dont certaines ont pu manquer de vigilance, et l’État, qui a tardé à sonner l’alerte.
Cibler un acteur du dossier comme l’unique responsable serait faire preuve, au mieux, d’une méconnaissance des tenants et des aboutissants du développement de la souscription d’emprunts toxiques par le secteur public local, et, au pire, d’une certaine malhonnêteté intellectuelle…
En regard de ces responsabilités enchevêtrées, il y a aujourd’hui un risque financier de 17 milliards d’euros. De ce fait, la critique selon laquelle le présent texte constituerait une loi d’amnistie pour les banques n’est pas acceptable. L’objectif est, bien au contraire, de protéger l’État et, par conséquent, les contribuables.
Pour rappel, en octobre 2011, au moment où le groupe Dexia, l’un des principaux établissements bancaires à l’origine de la commercialisation des produits structurés en cause, a rencontré les difficultés que l’on sait, l’État lui a accordé sa garantie financière. Dès cet instant, le devenir de Dexia est devenu un problème d’ordre collectif, et non plus seulement celui d’une société de droit privé.
Le Gouvernement a précisé l’importance du risque financier que l’absence d’un dispositif de validation ferait peser sur les finances publiques : il l’a estimé à 17 milliards d’euros, soit près d’un point de PIB.
Ce risque, dont une grande partie se concrétiserait dès 2014, se décompose comme suit : 10 milliards d’euros de coûts directs, du fait des pertes qui seraient alors subies par Dexia et la SFIL et qui imposeraient une recapitalisation par l’État, auxquels s’ajoutent près de 7 milliards d’euros, en raison de la mise en extinction inévitable de la SFIL. En l’état actuel de nos finances publiques, nous considérons qu’un risque évalué à un point de PIB constitue un motif impérieux d’intérêt général.
Lors de la première lecture du projet de loi au Sénat, M. le secrétaire d’État avait affirmé que « le Gouvernement [avait] tout fait pour s’assurer de la constitutionnalité du nouveau dispositif ». Je rappelle que deux rectifications ont été apportées au texte par rapport à la version censurée en 2013 par le Conseil constitutionnel : seules les personnes morales de droit public seront concernées ; seuls les emprunts dits « structurés » seront visés.
En résumé, la solution proposée nous semble être la moins mauvaise de toutes. Certes, elle est imparfaite et il est légitime que certains la discutent, mais il est aujourd’hui trop tard pour prendre un autre chemin, sauf à accepter le risque d’une perte de 17 milliards d’euros.
Par ailleurs, le dispositif de validation rétroactive ne constitue qu’un élément de la solution équilibrée mise en œuvre par le Gouvernement. Le pendant de cette loi de validation est en effet la création du fonds de soutien inscrite dans la loi de finances pour 2014, à l’issue, je le rappelle, d’une concertation exemplaire menée durant plusieurs mois entre l’État, les élus locaux et les parlementaires. Ce fonds de soutien aux collectivités locales ayant souscrit des emprunts « toxiques » représente un total de 1, 5 milliard d’euros, réparti sur quinze ans. Il devrait faciliter, pour les collectivités concernées, la sortie des emprunts à risque. Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez récemment confirmé que les premières aides seraient bien débloquées d’ici à la fin de 2014. Nous tenons au respect de ce calendrier.
Le caractère équilibré de la solution proposée tient également au fait que l’adoption du projet de loi de validation n’empêchera pas que les contentieux en cours se poursuivent sur d’autres motifs que ceux de défaut ou d’erreur de taux effectif global, comme, par exemple, ceux de défaut d’information ou de conseil.
Parallèlement, le Gouvernement a fait part, ces dernières semaines, de deux avancées qui vont également dans le bon sens. En premier lieu, alors que, initialement, le financement du fonds de soutien devait être assuré à parité par l’État et les banques, la part de ces dernières a été renforcée pour atteindre finalement les deux tiers, soit 1 milliard d’euros sur un total de 1, 5 milliard d’euros. En second lieu, pour les hôpitaux, un dispositif d’aide spécifique va être mis en œuvre, pour un montant total de 100 millions d’euros, dont 25 millions seront financés par les banques.
En outre, la responsabilité, ce n’est pas seulement faire face au passé et au passif complexe qui en découle, c’est également préparer l’avenir, afin de s’assurer que nous ne nous retrouvions plus confrontés à cette problématique douloureuse. Dans cette perspective, de nombreuses mesures ont été prises depuis plus d’un an ; j’en évoquerai quelques-unes.
J’ai parlé à l’instant du fonds de soutien, dont la vocation est d’aider financièrement les collectivités locales dans leurs démarches de sortie des emprunts toxiques. L’enjeu pour l’avenir est de s’assurer, au cas par cas, que les conditions des transactions entre banques et acteurs publics locaux seront équitables. Le comité national d’orientation et de suivi, au sein duquel la commission des finances du Sénat est représentée, jouera à ce titre un rôle essentiel.
Un ensemble de mesures est également entré en vigueur, au cours de ces deux dernières années, afin de renforcer l’environnement réglementaire des relations entre banques et collectivités locales et de sécuriser au mieux leurs rapports, dans les trois directions suivantes.
D’abord, les formules d’emprunt seront désormais limitées, non pas pour brider l’autonomie des collectivités locales, mais pour s’assurer que des formules purement spéculatives telles que celles qui fondaient les contrats de prêts toxiques ne soient plus possibles à l’avenir. Le décret d’application, en cours d’examen au Conseil d’État, énumère strictement les indices et les structures auxquels les collectivités locales devront dorénavant être adossées.
Ensuite, le provisionnement des contrats complexes sera obligatoire, tandis que la communication de la stratégie d’endettement aux assemblées délibérantes sera améliorée.
Enfin, le Gouvernement remettra chaque année au Parlement un rapport faisant état du volume des emprunts structurés à risque supportés par les collectivités territoriales.