Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 22 juillet 2014 à 14h30
Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 — Rejet d'un projet de loi en nouvelle lecture

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, nous sommes donc saisis en nouvelle lecture du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014.

Après son passage à l’Assemblée nationale en première lecture, le projet de loi comportait vingt et un articles, cinq articles additionnels étant venus compléter les seize articles du texte initial. Pour l’essentiel, et c’était prévisible, l’Assemblée nationale a repris le texte issu de ses travaux de première lecture après le rejet par notre assemblée, le 16 juillet dernier, et l’échec de la commission mixte paritaire, le 17 juillet.

Ainsi que nous y invite l’article liminaire, qui retrace les soldes de l’ensemble de nos comptes publics, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale doit être replacé, avec le projet de loi de finances rectificative, dans le contexte plus global dans lequel il s’inscrit, celui d’une croissance économique atone, d’un chômage dramatiquement élevé et de comptes publics structurellement déséquilibrés.

Pour y apporter une réponse, le projet de loi traduit les engagements pris par le Président de la République dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité, déclinés dans différents textes financiers présents et à venir.

Le mot d’ordre du pacte de responsabilité est la confiance. C’est au nom de cette confiance que nous devons refuser l’idée, par exemple, de conditionnalités strictes.

C’est l’idée de travailler ensemble, de conjuguer les efforts de l’État, des ménages et des entreprises pour trouver un nouvel élan, et redonner des perspectives à notre économie, voire, au-delà, à notre société, gagnée par la morosité et, parfois, par le fatalisme, alors qu’elle dispose, nous le savons, de vrais atouts.

Pour ce faire, comme je le soulignais déjà en première lecture, le projet de loi se décline dans un triptyque qui forme un tout cohérent : le soutien à la consommation des ménages modestes, le soutien à la compétitivité des entreprises et une trajectoire de redressement des comptes publics.

Le soutien aux ménages, tout d’abord.

C’est l’engagement pris, après les efforts récents, de ne plus augmenter les prélèvements des classes moyennes, de soutenir le pouvoir d’achat des bas salaires et d’accroître la solidarité envers les plus fragiles. Je rappelle, ainsi, que les minima sociaux ne sont pas concernés par le gel de prestations, bien au contraire. Dans un contexte difficile, l’effort envers les plus fragiles n’est pas seulement préservé, il est accru.

L’article 1er du projet de loi, via la baisse des cotisations salariales, introduit une progressivité des prélèvements salariaux et redonnera du salaire net aux salariés, mais aussi aux fonctionnaires dont le revenu se situe à proximité du SMIC. Cet effort, qui représente 2, 5 milliards d’euros injectés dans le pouvoir d’achat des ménages, se combine avec l’aménagement du barème de l’impôt sur le revenu porté par le collectif budgétaire.

Le soutien à la compétitivité des entreprises, ensuite.

Dans un climat économique difficile, le pacte vise à soutenir l’investissement des entreprises, à améliorer leur compétitivité à l’export, au moment précis où nous attendons la reprise de la croissance, portée par la demande mondiale.

Ce volet central du pacte repose sur une amplification du mécanisme de la réduction dégressive des cotisations patronales sur les bas salaires afin de parvenir à un niveau de « zéro charges URSSAF » pour le SMIC, et ce à compter du 1er janvier 2015. Il instaure également un taux réduit de cotisations d’allocations familiales sur les bas salaires. Il prévoit, enfin, de réduire les cotisations d’allocations familiales des travailleurs indépendants, agricoles et non agricoles, pour les bas revenus. L’allégement des charges des entreprises passe aussi par la suppression progressive, d’ici à 2017, de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S.

Au total, les articles 2 et 3 du projet de loi représentent un effort de 6, 5 milliards d’euros en 2015.

La trajectoire globale de redressement des finances publiques, enfin.

Dans le cadre fixé par le programme de stabilité 2014-2017, le pacte prévoit une réduction ambitieuse de notre déficit, avec un plan d’économies de 50 milliards d’euros sur toute la période. Notre système de protection sociale devra prendre sa part, soit 21 milliards d’euros, c'est-à-dire 42 %, à hauteur de son poids dans les dépenses publiques.

Pour garantir l’avenir de ce système, qui a bien joué son rôle dans la crise, il faut en redresser les équilibres financiers, j’en dirai un mot.

Je rappelle, tout d’abord, que, d’après la loi de programmation en cours, votée à la fin de l’année 2012, le retour à l’équilibre des comptes sociaux, toutes administrations de sécurité sociale confondues, était prévu en 2014. Nous avons consenti pour cela un effort de maîtrise des dépenses et de remise à niveau des recettes. Or, si les objectifs de dépenses ont été tenus, notamment en ce qui concerne l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, pour la quatrième année consécutive, les recettes, en raison d’une croissance faible, n’ont pas été au rendez-vous, les déficits sociaux s’élevant à 12, 5 milliards d’euros pour 2014.

Le projet de loi dégrade, par conséquent, la prévision de solde des régimes obligatoires de base à moins 10, 1 milliards d’euros, contre moins 9, 8 milliards prévus en loi de financement pour 2014. Pour sa part, le solde du régime général, avec moins 9, 8 milliards d’euros, passe sous la barre symbolique des 10 milliards. Ce solde est la conséquence d’un double phénomène : 1, 7 milliard de moins en volume sur les recettes et 1, 4 milliard de moins en volume sur les dépenses. Cette révision de l’objectif de dépenses est due, pour l’essentiel, au rebasage de l’ONDAM

L’article 9 prévoit le gel du montant des pensions de retraite de base, qui doivent normalement faire l’objet d’une revalorisation au 1er octobre prochain.

Les économies réalisées représenteraient, en année pleine, près de 1 milliard d’euros, soit en moyenne 11 euros par mois et par retraité.

Je rappelle que près de la moitié des retraités, soit 6, 5 millions de personnes, ne seront pas concernés par ce gel, dans la mesure où leur pension est inférieure à 1 200 euros bruts par mois.

Le gel des prestations peut être discuté, mais il est la moins mauvaise des solutions par rapport à des coupes dans les prestations. Dans une période de faible inflation, il constitue, certes, un effort aux bénéficiaires, mais ne porte que sur la moitié de la population concernée.

En ce qui concerne le périmètre des ménages et pour le seul projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, les 935 millions d’euros de gel des pensions en 2015 sont à comparer aux 2, 5 milliards d’euros de pouvoir d’achat rendus aux actifs les plus modestes, sans prise en compte des mesures fiscales inscrites dans le collectif budgétaire en faveur des ménages également les plus modestes.

En première lecture, l’Assemblée nationale avait adopté cinq articles additionnels.

Inséré à la suite d’un amendement du Gouvernement, l’article 9 bis prévoit d’élargir le champ de la recommandation temporaire d’utilisation, la RTU, en autorisant l’usage de médicaments hors de leur autorisation de mise sur le marché, dès lors qu’il n’existe pas de spécialité possédant la même substance active, le même dosage et la même forme pharmaceutique.

Les articles 9 ter à 9 sexies comportent diverses mesures relatives aux complémentaires santé. Je ne les reprendrai pas.

En nouvelle lecture, l’Assemblée nationale a adopté, pour l’essentiel, des amendements rédactionnels ou de coordination.

À l’article 2, elle a adopté un amendement relatif à la réduction forfaitaire de cotisations applicable aux particuliers employeurs. Elle a porté cette réduction à 1, 50 euro pour les services de garde d’enfants, les services aux personnes âgées dépendantes et aux personnes handicapées.

Cette disposition est voisine, pour ne pas dire qu’elle s’en est inspirée, de celle que la commission des affaires sociales du Sénat avait proposée lors de l’examen du texte, sans lui être non plus tout à fait comparable.

Je me félicite, tout d’abord, de cette évolution, qui a été rendue possible à l’Assemblée nationale après le blocage, ici, au Sénat.

Dans ce dossier des particuliers employeurs, deux logiques sont à l’œuvre : une logique de soutien aux publics fragiles, d’une part, qui est largement satisfaite par l’amendement adopté par l’Assemblée nationale, dans l’attente des précisions que le Gouvernement apportera par décret ; une logique de reconquête de l’emploi déclaré et de développement de l’emploi à domicile, d’autre part.

Sur ce point, l’amendement ne répond que partiellement aux objectifs et met en place un dispositif qui paraît complexe. Comment contrôler en effet l’écart de réduction de cotisations entre la garde d’enfants et le soutien scolaire à ces mêmes enfants ou encore l’entretien du domicile de cette même famille ? Il faudra faire entrer dans l’outil de déclaration de cotisations des éléments du contrat de travail qui n’y figuraient pas jusqu’à présent.

Je suis cependant favorable – je le dis très clairement – à l’exclusion de la niche sociale, mais aussi de la niche fiscale des emplois cités par Christian Eckert à l’appui de son argumentation contre l’amendement du Sénat, la semaine dernière, même si nous ne pensons pas que les professeurs de claquettes – exemple qui avait été cité – soient légion parmi les emplois à domicile.

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