Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui une nouvelle fois traduit dans le budget de la sécurité sociale le pacte de responsabilité qui définit le cap économique voulu par le Gouvernement : alléger le coût du travail pour relancer l’activité.
Si nous partageons, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, votre volonté de diminuer la dette de la sécurité sociale afin d’assurer la pérennité de notre système de solidarité nationale – enjeu essentiel pour les générations futures, comme nous l’avons déjà souligné la semaine dernière –, il n’en va pas de même de la méthode que vous avez choisie. Nous craignons de surcroît que les mesures proposées dans PLFRSS n’hypothèquent l’avenir de la sécurité sociale, même si quelques mesures plus rassurantes viennent de nous être annoncées.
En effet, rien ne garantit que les 41 milliards d’euros accordés au total aux entreprises seront utilisés pour créer de nouveaux emplois, car ces allégements de charge ne sont assortis d’aucune conditionnalité.
J’ai bien entendu que vous espériez des contreparties et qu’il y aurait des contrôles dans quelques années, mais il nous semble qu’il faudrait prévoir et organiser cette conditionnalité dès le début.
Pour financer ces allégements de charge, le Gouvernement fait le choix de réduire la dépense publique de 50 milliards d’euros à l’horizon 2017.
Il y a là un paradoxe : comment reconnaître que la santé, la justice et l’action sociale ont besoin de moyens et de postes supplémentaires et, en même temps, annoncer un plan d’économies de la dépense publique d’une telle ampleur ?
Comment justifier, en outre, que les efforts demandés aux plus modestes soient plus importants que ceux qui sont demandés aux entreprises, et ce, comme je le disais, sans contreparties claires ?
Nous ne sommes pas les seuls à faire cette analyse : selon la Direction générale du Trésor, les mesures du pacte devraient générer 190 000 emplois et 0, 6 point de croissance cumulé à l’horizon 2017, mais les 50 milliards d’euros d’économies devraient entraîner, à la même échéance, la suppression de 250 000 emplois et une baisse de croissance de 1, 4 point cumulé !
Nous, écologistes, considérons donc que la logique à l’œuvre dans ce projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale n’est ni équitable, ni équilibrée.
Dans les amendements que nous avons défendus, nous proposions d’autres pistes : soutenir les secteurs porteurs d’avenir, comme celui de la transition énergétique et écologique ou certains services et filières industrielles, et encourager les comportements vertueux et innovants des entreprises par des incitations ciblées et responsables tout en garantissant la justice sociale par des contributions progressives.
Dans ses communications, le Gouvernement a annoncé vouloir soutenir nos concitoyens les plus modestes. Pour vraiment agir en leur faveur, nous avons proposé une solution plus juste et plus efficace : l’instauration d’une contribution sociale généralisée progressive.
Pour réduire l’impact négatif des allégements de charges sur les bas salaires, nous avons proposé des critères de conditionnalité comme le contrat à durée déterminée ou le contrat à temps complet.
Pour lutter plus efficacement contre le chômage, nous avons proposé la réduction de cotisations sociales de 500 euros par mois par apprenti ainsi qu’une réflexion sur des dispositifs similaires aux emplois d’avenir, mais pour les chômeurs de longue durée.
Concernant l’exonération de la C3S, nous avons proposé que l’allégement bénéficie aux entreprises qui communiquent sur leur politique de salaires, de dividendes et d’optimisation fiscale.
Pour réaliser des économies durables et sociales, nous avons également proposé d’augmenter les dépenses d’investissement dans l’accès à la santé, car celles-ci permettraient de dégager des économies à court, moyen et long terme.
Je pense, en particulier, à la mise en œuvre rapide des mesures de simplification de l’accès aux droits : la suppression des obstacles qui jonchent ce véritable parcours du combattant, notamment pour les plus modestes, aurait pour effet d’améliorer l’état de santé global de la population, ce qui dégagerait un gisement d’économies en diminuant les dépenses de santé.
De surcroît, on allégerait la charge de travail des agents chargés d’instruire les dossiers dans les caisses primaires d’assurance maladie, par exemple, permettant ainsi de réaliser des économies de gestion.
Vous en conviendrez donc, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, les écologistes n’ont pas manqué de propositions constructives au cours de l’examen de ce budget rectificatif de la sécurité sociale, autant pour rendre efficaces les aides aux entreprises que pour diminuer les dépenses de l’assurance maladie.
Nous regrettons qu’aucune de ces propositions n’ait été retenue et que les échanges sur nos amendements aient été aussi brefs. Nous regrettons, par exemple, que notre amendement sur le tabac, que le Sénat avait adopté avec l’avis favorable du rapporteur général, n’ait pas survécu à la seconde délibération et au vote bloqué. Le procédé, à nos yeux, ne se justifiait pas.
Cet amendement, je le rappelle, avait un triple objet : améliorer les finances publiques en augmentant les ressources fiscales, favoriser la politique de santé publique de lutte contre le tabagisme en diminuant les trafics illicites qui lui font obstacle et favoriser les petits commerces de vente de tabac, qui, de toute manière, bénéficient déjà de l’aide publique, puisqu’ils sont en difficulté.
Enfin, je dirai un mot d’un amendement que nous n’avons pu ni proposer, ni défendre : l’amendement relatif au Gardasil.
Soyons clairs, les porteurs de cet amendement ne sont pas hostiles à la vaccination en général et ne mélangent pas tout - nous ne tenons pas des propos et des raisonnements moyenâgeux ou obscurantistes ! Simplement, ils estiment que dépenser 926 millions d’euros supplémentaires pour intensifier l’utilisation d’un vaccin au sujet duquel les alertes sanitaires se multiplient, en France comme à l’étranger, dont l’efficacité n’est à ce jour pas démontrée, et qui pourrait donc avoir un effet contraire au but recherché n’est pas une mesure de bon sens, surtout quand on décide concomitamment de geler plusieurs prestations sociales pour économiser un montant équivalent.
Il nous semble toujours qu’un moratoire, même de durée limitée, serait souhaitable, au moins pour prendre le temps de vérifier si ces craintes sont fondées. J’ajoute que ce serait autant d’économies réalisées pour les finances publiques…
Pour toutes ses raisons, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, si le texte reste en l’état, notre groupe maintiendra sa position d’abstention.