Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, l’accord soumis ce soir à votre vote est particulièrement novateur. En effet, il s’agit du premier texte signé par la France avec un autre État en vue de permettre la mise en œuvre d’un échange automatique d’informations à des fins fiscales, sur un très large éventail de données bancaires. Cet accord est d’abord le fruit des négociations menées par la France et ses partenaires européens en vue de promouvoir un échange automatique sur une base bilatérale et réciproque avec les États-Unis.
À l’origine, la loi FATCA – Foreign Account Tax Compliance Act – du 18 mars 2010 est une décision du Congrès américain, qui impose à toutes les banques étrangères l’obligation de transmettre aux États-Unis des informations sur les comptes des citoyens américains, quelle que soit la localisation de ces comptes. Le non-respect de cette obligation est sanctionné par une retenue à la source de 30 %, appliquée aux revenus financiers versés depuis les États-Unis vers les comptes tenus par l’établissement concerné.
Dès 2010, les institutions financières ont ainsi sollicité l’aide du gouvernement français, en lui demandant d’intervenir auprès des autorités américaines. La France a été à l’origine d’une solution alternative, avec quatre de ses partenaires, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni ; l’ensemble de ces États est appelé « groupe des cinq », ou G5. Il est résulté de leurs travaux l’adoption d’un modèle intergouvernemental permettant d’obtenir divers avantages.
Tout d’abord, les échanges d’informations se feront d’administration à administration, ce qui offre des garanties en termes de confidentialité, ainsi que des formats et des procédures d’échange calqués sur les formats existants.
Ensuite, la signature d’un accord bilatéral permet de réputer que l’ensemble des institutions financières du pays signataire se conforment à la convention FATCA et sont dispensées de la retenue à la source, si l’accord est respecté.
De surcroît, les États européens ont pu négocier avec les États-Unis, tant sur les modalités pratiques que sur le champ des établissements visés.
Enfin, la France et ses partenaires ont obtenu que, par ce modèle d’accord, les États-Unis acceptent d’entrer dans une démarche de réciprocité : ils fourniront également des informations à notre administration fiscale sur des comptes bancaires détenus aux États-Unis.
C’est donc ce modèle, proposé par la France et repris depuis lors par la très grande majorité des États avec lesquels les États-Unis négocient la mise en œuvre de FATCA, qui a servi de cadre de référence à l’accord franco-américain, signé en novembre dernier et aujourd’hui soumis à votre approbation.
Concrètement, l’accord entre la France et les États-Unis fixe le cadre de l’échange automatique d’informations et précise l’ensemble des procédures que les deux pays devront mettre en œuvre pour y satisfaire.
Ainsi, les autorités françaises collecteront des informations sur les citoyens et résidents des États-Unis : identification, soldes des comptes, valeurs de rachat des contrats d’assurance vie, revenus financiers.
En adoptant il y a un an les dispositions codifiées depuis lors à l’article 1649 AC du code général des impôts, le Parlement a par ailleurs adapté notre droit interne pour créer l’obligation nécessaire et la capacité de l’administration française à collecter les informations. La première transmission est fixée au 30 septembre 2015. Elle sera ensuite annuelle.
En réponse à la demande de la France, les États-Unis ont accepté un principe général de réciprocité et sa mise en œuvre dans les domaines, très majoritaires, où leur législation le permet. De plus, les États-Unis se sont expressément engagés à promouvoir des réformes pour parvenir à une réciprocité complète. Ils devront ainsi nous transmettre dès 2015 le numéro de compte, ainsi que le montant des intérêts, dividendes et des autres revenus versés ou crédités sur ce compte, pour des résidents français ayant un compte dans un établissement américain.
Pour les autres informations, l’identification des comptes permettra ensuite à la France de demander des informations, au cas par cas, dans le cadre de la convention fiscale bilatérale existante.
L’accord confère enfin à la France le droit de disposer de toute clause plus favorable signée par les États-Unis dans un accord de nature identique. Toutefois, pour le moment, il n’en existe pas de plus favorable.
Cet accord se situe également dans un cadre encore plus large et prometteur. Grâce aux efforts menés par la France et ses partenaires au G20, nous pourrons bientôt instituer un système multilatéral d’échange automatique, copié sur FATCA, qui représente une chance historique de faire enfin reculer le secret bancaire.
FATCA a permis de développer l’échange automatique au niveau international en impliquant de nombreux États, dont des centres financiers, désormais privés d’arguments pour ne pas le mettre en œuvre.
Dans une lettre commune du 9 avril 2013, envoyée à la Commission européenne, la France, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni ont signifié leur volonté de développer un projet pilote multilatéral reposant sur un format d’échange inspiré de celui qui est prévu dans le cadre des accords FATCA américains.
Parallèlement, ces cinq États ont convaincu le G20, lors du sommet de Saint-Pétersbourg de septembre 2013, de confier à l’OCDE la réalisation d’un standard mondial, qui aurait vocation à s’appliquer aussi bien en Europe que dans le reste du monde. Ce standard est désormais adopté par l’OCDE et sera présenté au prochain G20 en septembre 2014 en Australie. Il reprend, lui aussi, le champ et les procédures de FATCA.
La France et ses partenaires ont parallèlement rassemblé une masse critique de quarante-cinq États et territoires qui s’engagent à mettre en œuvre ce standard le plus tôt possible entre 2015 et 2017. Ils signeront des accords d’échange automatique d’informations entre eux et avec les quarante autres partenaires du projet en octobre prochain.
Enfin, l’initiative du G5 a été soutenue par le Conseil européen pour un calendrier de mise en œuvre rapide de l’échange automatique d’informations au sein de l’Union européenne, grâce à la révision de la directive relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal, qui permettra d’intégrer le standard d’échange de l’OCDE dans la législation communautaire.
Ce mouvement, que la France soutient depuis longtemps et par tous les moyens, est désormais en marche et il est irrémédiable, comme en témoigne le ralliement de plusieurs centres financiers importants. Un tel progrès, au profit de tous, était encore impensable il y a deux ou trois ans.
FATCA y a contribué, reconnaissons-le, mais aussi, et peut-être surtout, ce que nous, Européens, sommes parvenus à en faire. Et la France y a joué un rôle important.