Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 22 juillet 2014 à 21h30
Accord avec les états-unis sur la loi américaine dite « fatca » — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

Incontestablement, le dispositif FATCA marque une avancée importante dans cette direction.

Cette convention en tant que telle ne pose pas de problème majeur et participe de l’effort accompli depuis plusieurs années pour tenter de lutter contre la fraude, l’évasion et l’optimisation fiscales.

La méthode américaine fait évidemment débat aux États-Unis, un pays souvent présenté comme un paradis libéral, mais qui, en l’occurrence, nous montre que libéralisme et laisser-faire absolu sont deux notions qui diffèrent quelque peu !

La crise des subprimes explique en partie ce besoin qu’avaient les États Unis de tenter de récupérer la matière fiscale qui était nécessaire pour faire face à leurs propres difficultés économiques et aussi à la réalité des inégalités sociales croissantes dans ce pays.

On pourrait qualifier cette démarche de pragmatique, car elle ne dédouane en rien une certaine schizophrénie dont l’administration américaine fait preuve en tolérant des régimes fiscaux très favorables de certains États américains, comme le Delaware, le Wyoming et le Nevada, ou encore la présence de très grands groupes industriels américains aux îles Caïmans ou aux Bermudes, qui ne figurent plus, soit dit en passant, sur les listes françaises des paradis fiscaux depuis le début de cette année.

Tous ces éléments de contexte côté américain ne peuvent que nous engager à soutenir l’appel à la vigilance exprimé par notre rapporteur, Michèle André, qui a notamment attiré l’attention du Gouvernement sur la question de la compatibilité des normes entre elles.

Cela me permet d’évoquer à cet instant la passionnante audition de M. Jérôme Haas, président de l’Autorité des normes comptables, malheureusement décédé récemment, qui avait démontré en face de la commission, avec beaucoup de clarté, à quel point, aujourd’hui, ce sont les normes comptables anglo-saxonnes qui s’imposent dans la finance mondialisée ; oui, il y a bien là un point de vigilance qu’il était important de souligner.

Cet accord FATCA constitue donc un point d’appui pour la France, mais il doit aussi permettre d’avancer vers ce fameux standard international que tous les États semblent appeler de leurs vœux aujourd’hui, c’est-à-dire l’échange automatique d’informations entre tous les États. Toutefois, pragmatisme et volontarisme ne suffiront pas, chacun le sait pertinemment. Depuis septembre 2009, date à laquelle l’ancien Président de la République décréta avec fracas la fin des paradis fiscaux, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, mais beaucoup d’argent liquide s’est aussi déversé dans les coffres des banques des paradis fiscaux !

Ainsi, entre 2007 et 2012, le montant des avoirs privés placés hors des frontières est passé de 7 300 milliards de dollars à 8 500 milliards de dollars. La Suisse reste championne du monde, elle passe de 1 971 à 2 200 milliards de dollars, pour représenter 26 % du total. Le Royaume-Uni, avec Jersey, Guernesey, l’île de Man, entités auxquelles nous ajouterons la capitale irlandaise, Dublin, passe de 1 752 milliards à 2 000 milliards, représentant 24 % du total. Quant aux Caraïbes et Panama, cette zone passe de 1 022 milliards à 1 200, soit 14 % du total des avoirs expatriés.

Nous le voyons bien, mes chers collègues, les craintes parfois exprimées ici sur le risque de surcoût que générerait la mise en œuvre de FATCA ne pèsent pas bien lourd au regard des trésors accumulés dans les paradis fiscaux mondiaux.

Si le dispositif FATCA semble avoir le soutien unanime de notre assemblée, il n’en est pas de même pour les citoyens américains concernés ; cela vient d’être rappelé.

En effet, FATCA a déjà envoyé une certaine onde de choc parmi les 7 millions d’Américains vivant à l’étranger. Nathalie Goulet l’a rappelé, de nombreuses banques leur ont déjà fait savoir qu’elles préfèreraient ne pas les avoir comme clients, car cela demanderait trop de travail pour remplir les formulaires de l’administration fiscale américaine, l’IRS. Cette conception me laisse quelque peu pantois, à l’époque où un simple clic de souris suffit pour transférer des millions d’euros à l’autre bout de la planète… Visiblement, pour certaines banques, la règle, c’est travailler moins pour gagner plus !

Du côté des réticences ou résistances à cette nouvelle règle de transparence, nous noterons également la décision de 3 000 expatriés américains qui ont renoncé en 2013 à leur citoyenneté américaine ou à leur carte verte, et plus de 1 000 au seul premier trimestre 2014, contre une centaine par an avant l’adoption de FATCA. Un Américain ayant la double nationalité, hollandaise et américaine, a même gagné son procès contre une banque qui avait fermé son compte d’autorité.

Il faut néanmoins enclencher la mise en œuvre du dispositif FATCA, s’en servir comme point d’appui pour promouvoir un FATCA européen en ne perdant pas de vue l’objectif ultime prôné par l’OCDE de l’échange multilatéral d’informations et d’imposition basée sur le territoire et non sur la nationalité.

Gageons que sur ce sujet, le soutien de M. Jean Claude Juncker, ancien dirigeant d’un paradis fiscal notoire au cœur de l’Europe, nous sera acquis dans le cadre des nouvelles responsabilités qui viennent de lui être confiées !

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