J’en conviens, monsieur le président de la commission. C’était sous une autre majorité.
Des interrogations et des réticences subsistent encore. J’en ai retenu quelques-unes.
Serait-ce la lex americana qui s’impose au monde ? Il est vrai que ce sont les États-Unis, dont la puissance ne fait pas de doute, qui ont introduit cette législation dès 2010, un an à peine après le G20 de Londres. Il est donc légitime de s’interroger sur cette puissance américaine.
On peut s’interroger, également, sur le principe d’extraterritorialité de la loi américaine, qui a été mis en évidence par la lourde sanction qui frappe l’un de nos fleurons bancaires. Ne contrevient-il pas à notre principe de la nationalité ?
Mais enfin, la belle affaire... Nous ne découvrons pas aujourd’hui que les États-Unis mettent le droit et à la fiscalité au service de la compétitivité de leurs entreprises. Que ne le faisons-nous de ce côté-ci de l’Atlantique ! L’Union européenne est encore la première puissance commerciale du monde et elle aurait des atouts à faire valoir §; elle a la capacité de produire des normes et du droit, et elle ne s’en prive d’ailleurs pas. Encore faudrait-il qu’elle le fasse sur ce qui est essentiel, en le mettant à la portée des entreprises européennes !
On peut observer aussi, comme c’est mon cas, les réticences des milieux bancaires, lesquels doivent s’adapter à cet accord. Or toute adaptation est quelque peu onéreuse, car elle entraîne des frais.
Pourtant, comme en atteste le rappel historique que je viens de faire, les banques, notamment la Fédération bancaire française, la FBF française, ont eu l’occasion et le temps de s’adapter. Je note, du reste, que l’industrie bancaire américaine a longtemps été vent debout contre la législation FATCA, et il a fallu toute l’opiniâtreté du Congrès et du président Obama pour la faire adopter. Spontanément, les banques américaines étaient loin d’être toutes « emballées » par cette réforme...
Des résistances subsistent donc. Elles sont très légitimes lorsqu’elles concernent la portée de la réciprocité, car celle-ci n’est pas totale dans la convention fiscale. D’aucuns craignent aussi, là encore à juste titre, que l’on ne dépende désormais du bon vouloir du Sénat américain.
Je tiens cependant à rappeler que, hier, 21 juillet 2014, l’OCDE a publié sa norme : la réciprocité y est totale. Elle sera officiellement présentée au prochain G20 de Cairns, qui se tiendra les 20 et 21 septembre prochains, sous présidence australienne.
Ce sont soixante-cinq pays et territoires qui se sont publiquement engagés à mettre en œuvre cette norme mondiale. D’autres pourraient suivre à l’occasion du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements fiscaux, qui sera organisé à Berlin à la fin du mois d’octobre prochain, sur l’initiative du ministre des finances allemand. Nous disposerons donc bientôt, je le pense, d’un standard international qui fera référence.
Il faut faire confiance à la volonté politique et à la force des pressions convergentes pour aboutir à une application pleine et entière de ce standard. Je ne doute pas de la mobilisation des associations engagées de longue date dans le combat en faveur de la transparence fiscale, auxquelles Michèle André a fait référence – ce qu’on appelle bien improprement « la société civile » –, sera au rendez-vous. Je ne puis imaginer qu’elles abandonnent ce combat qu’elles mènent depuis des années alors que nous touchons au but !
Il n’a pas manqué d’épithètes, et ici même à cette tribune, pour qualifier cet acronyme FATCA. On a entendu les mots « tremblement de terre », « séisme », « bombe »... Sans aller jusqu’à ces extrêmes, il faut bien constater que la vague venue de ce côté-là de l’Atlantique a fait bouger les choses de ce côté-ci.
Combien de fois ne nous sommes-nous pas lamentés de l’absence de révision de la directive Épargne de 2003, de la pleine application de laquelle deux États membres de l’Union européenne – l’Autriche et le Luxembourg pour ne pas les citer – avaient obtenu de s’exonérer ? C’est bien FATCA qui a fait tomber les murs du secret bancaire encore en vigueur à l’intérieur même de la zone euro !
Lorsque j’étais rapporteur général de la commission des finances du Sénat, nous nous étions rendus en Autriche, et je me souviens encore du plaidoyer fait à cette occasion par les parlementaires de gauche comme de droite de ce pays : c’était l’identité nationale même qui reposait dans ce secret bancaire ! Ces faits ne sont pas anciens, ils remontent au début de l’année 2012. On voit bien que les choses ont bougé, même dans ce pays très attaché au secret bancaire.
En conclusion, la concrétisation de ce projet tant espéré et attendu, pour reprendre l’expression utilisée par Mme Goulet, doit l’emporter sur les réticences, fussent-elles légitimes. Le groupe socialiste suivra d’autant plus volontiers Mme la rapporteur qu’il l’a précédée de longue date dans sa volonté de prendre appui sur FATCA pour lutter contre l’évasion fiscale. Et comme Mme André est non seulement notre rapporteur, mais également membre du groupe socialiste, nos volontés ne peuvent que se rejoindre.
C’est donc de très bon cœur que nous ratifierons ce traité au nom du groupe socialiste.