Intervention de Francis Delattre

Réunion du 22 juillet 2014 à 21h30
Accord avec les états-unis sur la loi américaine dite « fatca » — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Francis DelattreFrancis Delattre :

On se plaint de subir l’hégémonie des États-Unis, mais on s’aperçoit que leur action provoque des effets en cascade qui permettent à l’Europe, première puissance économique, de se constituer en tant qu’entité financière, budgétaire et fiscale et d’avoir enfin une monnaie à la hauteur de la place économique qu’elle occupe dans le monde.

En réalité, les accords de Bretton Woods nous sont utiles aujourd’hui : les États-Unis font marcher à fond la planche à billets depuis deux ou trois ans pour soutenir l’activité économique mondiale et les pays émergents, qui ne cherchent qu’à devenir submergents. En outre, cette abondance de liquidités dans le monde permet à l’État français d’emprunter dans des conditions extraordinairement favorables. C’est encore l’un des effets de « l’impérialisme » de nos amis et alliés américains, monsieur le président de la commission.

Les Européens vont devoir se pencher avec attention sur le système américain. En effet, les Américains résidant à l’étranger doivent faire une déclaration au fisc américain en déduisant tous les impôts ou taxes qu’ils ont payés dans le pays où ils travaillent. Ce dispositif correspond à leur système, qui est largement mondialisé, alors que, pour notre part, nous sommes toujours attachés au système dit « des territoires ».

Mes chers collègues, la mondialisation nous oblige à imaginer un équivalent du FATCA, qui corresponde à la réalité du monde économique, c'est-à-dire un système où les Français travaillant à l’étranger établiront une double déclaration fiscale. C’est ce qui nous attend et cela nous demandera bien dix ans ! C’est la seule voie possible à partir du moment où nous signons cet accord avec les États-Unis. Notre système fiscal devra être profondément modifié, si, à l’instar de tout État développé, nous ne voulons pas assister à une évasion de nos bases fiscales alarmante pour l’ensemble des finances publiques.

Plus de 77 000 banques dans le monde se sont engagées à collaborer avec les États-Unis. Pour notre part, l’implication de l’OCDE nous rassure. La commission des finances a reçu les représentants de l’OCDE en France : ils sont prêts à nous apporter une aide technique pour parvenir à ce que l’on appelle un standard, à savoir un ensemble de règles simples et compréhensibles, auxquelles on peut donc difficilement se soustraire. De ce point de vue, madame la rapporteur, nous sommes tout à fait d’accord avec l’analyse technique que vous avez développée devant nous.

La loi FATCA constituera dans les prochaines années un outil majeur de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. On connaît les problèmes auxquels sont confrontés les États-Unis avec leurs grandes multinationales : les réflexions qu’ils nourrissent, nous devrons les avoir aussi. En effet, notre économie est différente de celui de l’Allemagne, qui compte beaucoup de PME-PMI ; en Europe, nous sommes le seul pays à avoir de grandes entreprises internationales, cotées au CAC 40, ce qui est une chance.

Ensuite, relevons que l’ébauche d’une gouvernance mondiale sur ces sujets donne du relief aux réunions du G20, qui sont souvent perçues par nos concitoyens comme un aréopage de dignitaires, fort peu préoccupés et intéressés par la régulation. Là, au moins, il y a un contenu.

Saluons aussi la technicité de l’OCDE, qui est la cheville ouvrière d’un projet qui va progressivement s’installer comme un standard mondial des échanges automatiques d’informations bancaires. Madame la rapporteur, vous avez indiqué que 45 pays étaient déjà impliqués ; selon l’OCDE, 60 pays travailleraient déjà autour du projet. Au regard d’un nombre aussi important, on peut supposer que, rapidement, 80 % des échanges mondiaux seront concernés.

Enfin, monsieur le président de la commission des finances, saluons aussi – surprise, ô surprise ! – les décisions du Conseil Ecofin du 14 mai 2013 : la France et ses principaux partenaires – Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni – ont convaincu la Commission européenne d’engager un projet multilatéral équivalent au dispositif FATCA, avec le standard de l’OCDE. Cette articulation avec le droit de l’Union européenne permettra un élargissement souhaitable de nos propres échanges entre États membres.

Je ne relèverai qu’un petit bémol à ce dispositif, le transfert de données à caractère personnel à un pays tiers, qui pose toujours des problèmes divers. Il revient au législateur d’y faire attention. La France a été à l’origine de la première loi informatique et libertés en 1978, reprise par une directive européenne et améliorée depuis. Il faut que l’ensemble des documents techniques qui seront utilisés dans le cadre de ces échanges obtienne le label de la CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés. C’est la seule recommandation que je formulerai.

Monsieur le secrétaire d’État, nous voterons ce texte. Nous achèverons donc cette journée en vous donnant enfin un motif de satisfaction !

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