Intervention de François-Noël Buffet

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 23 juillet 2014 : 1ère réunion
Centres de rétention administrative — Examen du rapport d'information

Photo de François-Noël BuffetFrançois-Noël Buffet, rapporteur :

Notre travail commun nous a en effet permis d'avancer. Nos préoccupations sont également allées aux conditions de vie dans les centres. Sur le territoire métropolitain, les bâtiments, tout d'abord, sont de qualité très diverse. À Marseille, où nous nous sommes rendus, le remplacement des locaux vétustes situés sur le port par un centre nouveau, en 2006, a apporté d'incontestables améliorations, mais de fortes tensions demeurent dans ces lieux qui s'apparentent plus au milieu carcéral qu'à l'idéal de ce que devrait être un centre de rétention.

À cet égard, nous avons pu visiter en Belgique un centre qui comporte des éléments intéressants. Il est fait de bâtiments récents, dont les accès sont certes sécurisés, mais à l'intérieur desquels les personnes retenues circulent librement. Il comporte un grand espace sportif et de nombreux lieux de vie. Les personnes retenues ont librement accès aux consultations médicales et aux permanences des associations. L'organisation du centre et la qualité des bâtiments font que la tension est beaucoup moins forte que dans certains centres en France. C'est, au total, une expérience intéressante. Mme Lipiez, dans son rapport budgétaire, ayant souligné que les centres de rétention existants sont loin d'être remplis, il vaudrait mieux en avoir moins, mais de meilleure qualité.

L'organisation des centres de rétention devrait être fixée par voie réglementaire, et faciliter la visite des familles.

Autre question majeure, celle des anciens détenus en fin de peine, qui ne sont souvent avertis qu'au terme de leur peine, à la dernière minute, qu'ils vont être transférés dans un centre de rétention, lequel n'est, de même, prévenu que tardivement. Or, la cohabitation entre des personnes qui ont exécuté une peine de prison et d'autres qui sont retenues pour des raisons administratives crée des conditions qui ne contribuent pas à l'apaisement.

Il conviendrait enfin, sans la proscrire, de mieux encadrer l'utilisation de la vidéosurveillance.

J'en viens à l'accès aux droits et aux soins. Les associations sont certes présentes, les avocats et les interprètes aussi, mais insuffisamment. La venue des avocats dans les centres de rétention devrait être encouragée. Les associations le souhaitent, car elles estiment qu'elles ne sont pas en capacité d'apporter un conseil juridique solide.

La question des audiences délocalisées - sur laquelle nous avons, avec Éliane Assassi, qui voudrait les voir supprimer, une divergence de vues - reste posée. Certains avocats au barreau ont décidé de ne pas plaider sur place, d'autres le font. J'estime que la représentation physique de l'institution judiciaire est importante dans le contentieux mais qu'en certaines circonstances, ne serait-ce que pour éviter la lourdeur des transports avec escorte, il faut, tout en respectant les principes, trouver des solutions sur place.

La question des demandes d'asile en rétention est un vrai sujet. Les associations préfèreraient que les dossiers soient transférés à l'OFRA par elles-mêmes, plutôt que par le greffe.

L'accès aux soins, très peu satisfaisant, en particulier pour les personnes affectées de troubles mentaux, mérite d'être largement amélioré. J'ajoute que la vie collective ne s'en porterait que mieux. Même chose pour les personnes atteintes de maladies graves.

La plupart des centres disposent de chambres d'isolement sous vidéosurveillance, faites pour confiner les personnes jugées dangereuses pour elles-mêmes et pour les autres. Les conditions de leur usage devraient être définies par décret.

Les activités sportives ou ludiques, qui contribuent à l'apaisement, mériteraient d'être développées. L'oisiveté n'est jamais bonne conseillère.

Si l'on constate une certaine cohésion entre les acteurs, bien que les uns aient mission de surveiller et d'éloigner, quand celle des autres est d'aider à former des recours, il ne serait pas inutile de mettre en place un référentiel de bonnes pratiques, comme cela se fait déjà dans certains centres. J'ajoute que les fonctionnaires de la police aux frontières présents dans les centres sont souvent en début de carrière. Il serait préférable d'y affecter des personnels disposant d'une certaine expérience, sans doute plus aptes à désamorcer les tensions.

Le décret de 2014 améliore ce qui devait l'être pour l'accès des associations humanitaires aux centres. Même chose pour l'accueil des familles et la présence de ministres des cultes. L'OFII, qui joue un rôle important, mériterait davantage de moyens, notamment en personnel.

Un mot sur le délai de rétention. J'ai été rapporteur du texte qui l'a fait passer de 32 à 45 jours, disposition que j'avais soutenue, estimant qu'elle était propre à faciliter l'obtention des laissez-passer consulaires. Objectivement, tel n'a pas été le cas. La discussion reste donc ouverte.

Sur la question de l'intervention du juge, enfin, il y a matière à travailler. Il n'y a pas de système parfait sauf à instaurer une juridiction unique. Au cours des auditions, nous avons pu constater que si cette proposition n'emporte pas l'enthousiasme, elle ne suscite pas non plus l'hostilité ni des avocats ni des magistrats.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion