La commission examine tout d'abord le rapport d'information de Mme Jacqueline Gourault et M. Philippe Kaltenbach sur « la mise en oeuvre du volet de la loi du 12 mars 2012 relatif à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique », en commun avec la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois.
Je souhaite la bienvenue aux membres de la commission pour le contrôle de l'application des lois et au président Assouline, auquel je cède la parole.
Notre dernier rapport de la session fait l'objet d'un examen conjoint avec votre commission des lois. La précarité est une réalité dans la fonction publique. Alors que le principe veut que tous les emplois publics soient occupés par des titulaires, sauf exception ponctuelle, 900 000 agents non titulaires - vacataires, CDD, CDI - sont employés dans les trois fonctions publiques. C'est là un paradoxe. Le législateur intervient régulièrement pour y remédier, mais nos efforts butent sur la reconstitution d'emplois précaires qui visent à ajuster l'emploi public aux besoins réels des administrations.
La loi du 12 mars 2012 dont nous contrôlons l'application, votée sur le fondement d'un protocole de sécurisation professionnelle signé entre l'État et les organisations syndicales, fixe un objectif de réduction de l'emploi précaire. Jouant à la fois sur les stocks et sur les flux, elle autorise la régularisation des situations anormales et stabilise, pour l'avenir, les règles relatives au recrutement de non titulaires et à leur protection. La loi renvoyait à de nombreux décrets d'application, dont certains ne sont pas encore publiés. Nous avons voulu jeter un éclairage sur la situation. Quel bilan tirer de la loi, en tenant compte du fait que les mesures de titularisation prévues ne sont pas encore toutes effectives ?
Il s'agit là, en effet, d'un premier bilan d'étape de la loi du 12 mars 2012, qui faisait entrer dans l'ordre législatif l'accord entre l'État et les organisations syndicales relatif à l'emploi contractuel dans les trois fonctions publiques, signé en mars 2011.
La loi comporte trois volets principaux. Elle ouvre tout d'abord, durant quatre ans à compter de sa publication, soit jusqu'au 13 mars 2016, des voies professionnalisées d'accès aux corps et cadres d'emplois. Elle prévoit, ensuite, qu'à la date de sa publication, seront transformés en contrat à durée indéterminée (CDI) les contrats à durée déterminée (CDD) des agents justifiant d'une durée de service d'au moins six ans auprès de leur employeur à cette même date - trois ans pour les agents âgés de plus de cinquante-cinq ans. Elle clarifie et harmonise, enfin, les cas de recours aux non titulaires et redéfinit les conditions de durée et de renouvellement des contrats.
Les constats que nous avons pu faire restent encore très partiels. Outre que deux décrets d'ouverture des recrutements réservés ne sont pas encore parus, nous avons eu des difficultés, dans certains cas, comme celui de la fonction publique hospitalière particulièrement, à obtenir des chiffres fiables en raison de la transmission très partielle, par les établissements, de leurs données à l'administration centrale du ministère de la santé.
Cette loi, qui fait suite à la loi Sapin de 2001, entre dans le cortège des quelques quinze textes de loi qui prévoyaient un plan de titularisation.
Le fait est que, même s'il convient d'en diminuer le nombre, on ne pourra jamais, à mon sens, se passer de contractuels.
L'éligibilité aux dispositifs temporaires de titularisation prévus par la loi de 2012 s'inscrit dans un cadre fixé par les deux principes statutaires majeurs : l'affectation de fonctionnaires sur les emplois civils permanents et le recrutement par concours. Elle obéit en conséquence à des conditions tenant à la nature du contrat et à une ancienneté de service.
Le contrat, qui peut être à durée déterminée ou indéterminée, doit répondre à un besoin permanent. L'agent doit, au 31 mars 2011, date de signature du protocole d'accord, avoir été en fonction ou bénéficier d'un des congés légaux ou avoir été titulaire d'un contrat ayant cessé entre le 1er janvier et le 31 mars 2011. Lorsque l'agent est titulaire d'un contrat à durée déterminée, il doit justifier d'une ancienneté de services publics effectifs au moins égale à quatre ans sur une période de six ans. L'ancienneté requise est calculée selon des principes favorables aux non titulaires et qui, pour préserver l'équité, tiennent compte de la diversité des situations et de leurs aléas.
La loi prévoyant des modalités de sélection en fonction des grades des corps et cadres d'emplois ouverts aux recrutements réservés, il revenait au pouvoir réglementaire de fixer, par décret, pour chacune des trois fonctions publiques, les modalités de classement des agents déclarés éligibles.
Le champ des corps et cadres d'emplois accessibles à chaque agent est délimité par référence aux fonctions exercées dans le cadre du contrat : celles-ci doivent relever d'une catégorie hiérarchique équivalente à celle des missions définies par leur statut particulier.
Parallèlement à ce dispositif de titularisation, les agents en CDD devaient voir leur contrat transformé en CDI à la date de publication de la loi, soit le 13 mars 2012, sous réserve qu'ils remplissent certaines conditions tenant, d'une part, au fondement de leur contrat et, d'autre part, à la durée des services correspondants.
Ce principe de sécurité minimale n'est pas sans effet sur le succès des voies d'accès réservées à l'emploi titulaire. Il constitue un moteur efficace de stabilisation de la situation des agents qui bénéficieront, au quotidien, des garanties découlant du CDI.
Reprenant les avancées de l'accord du 31 mars 2011, la loi du 12 mars 2012 améliore la lisibilité du cadre législatif de chacun des trois statuts. Elle redéfinit les conditions de durée et de renouvellement des contrats, en les harmonisant lorsqu'elles ne l'étaient pas.
Comment les administrations ont-elles mis en place ces dispositions, qui, bien qu'il s'agisse là du quinzième plan de titularisation, ne concernent pas moins de 900 000 agents, dans les trois fonctions publiques ?
Le Parlement a fixé le cadre, le pouvoir réglementaire a indiqué la méthode. Il est vrai que certains décrets ont tardé à être pris. C'est le cas pour le ministère de l'Intérieur, qui vient de le publier, deux ans après la publication de la loi. Il ne manquerait plus désormais que ceux qui concernent Météo France et la direction générale de l'aviation civile.
À chaque employeur, ensuite, de mettre en oeuvre le plan de titularisation. Les schémas ont été très divers, non seulement à raison de la taille de l'organisme public considéré, mais aussi de la volonté plus ou moins marquée dont chacune a fait preuve, en particulier pour intégrer ces dispositions dans une véritable politique des ressources humaines, gage de la réussite du plan.
Les administrations et les collectivités nous disent avoir apporté un soin particulier dans l'information délivrée aux agents concernés, mais tous les syndicats ne l'ont pas perçu ainsi et certains regrettent le manque d'information dans certains secteurs.
Le système repose sur un inventaire préalable des personnes éligibles. Nous manquons, malheureusement, d'une information complète sur ces états des lieux, que chaque administration et établissement a été invité à produire, en particulier pour les collectivités locales pour lesquelles l'information est parcellaire. Quant aux établissements hospitaliers, certains, considérant la demande de la direction générale de l'offre de soins (DGOS) comme une ingérence, ont même refusé de la fournir.
Pour la fonction publique d'État, l'information est plus précise. Sur 2,4 millions d'agents, 14 % ne sont pas titulaires. Les décrets d'ouverture ont fixé le nombre d'agents éligibles entre 38 000 et 39 000, dont 62 % de catégorie A, 17 % de catégorie B et 21 % de catégorie C. C'est un total proche de l'estimation de 40 000 effectuée lors de la conclusion de l'accord du 31 mars 2011.
Pour la fonction publique territoriale, les données sont incomplètes, mais on estime de même le nombre d'agents éligibles à 40 000, avec une proportion plus importante d'agents de catégorie C, parce qu'ils sont plus nombreux dans cette fonction publique.
Pour la fonction publique hospitalière, on estime, par extrapolation des données parcellaires, que les titularisations devraient également être de l'ordre de 40 000.
Au regard des règles fixées par la loi, l'ensemble représente un total non négligeable.
Pour ce qui concerne le passage de droit au CDI, 19 000 agents devraient être concernés dans la fonction publique territoriale, près de 9 000 dans la fonction publique hospitalière et nous aurons bientôt connaissance du nombre d'agents de l'État concernés.
Les dispositifs ont été plus ou moins ouverts, selon les employeurs. Globalement, les ministères ont joué le jeu. Près de 8 000 postes ont été ouverts - dont 4 000 pour l'Éducation nationale et 2 000 pour l'enseignement supérieur et la recherche - et 4 000 lauréats ont été admis, à ce jour, sur concours réservé.
Pour la fonction publique territoriale, il ressort de nos auditions que la plupart des éligibles devraient être titularisés d'ici à la fin du plan quadriennal. Certaines difficultés de mise en oeuvre ont été relevées. Ainsi, certains des jurys constitués pour ces recrutements réservés se comportent comme des chambres d'enregistrement, quand d'autres se montrent plus sélectifs. Beaucoup de collectivités ont confié leurs sélections professionnelles à leur centre de gestion, par lesquels sont passés la moitié des recrutements. Le taux de réussite des candidats est, au total, de 88 %.
C'est la fonction publique hospitalière qui a connu le plus de difficultés. Elles tiennent, tout d'abord, au manque d'attractivité de certaines professions. L'exercice libéral de la kinésithérapie ou de l'orthophonie, par exemple, est plus rémunérateur que la fonction publique, que peu de praticiens souhaitent intégrer. Il faut donc bien distinguer entre les agents, souvent de catégorie A, qui préfèrent n'être pas titularisés et ceux, souvent de catégorie C, qui subissent la précarité. Bien que l'on ne dispose que de données partielles, provenant de quelque 500 établissements seulement, il est clair que la fonction publique hospitalière est celle qui se heurte au plus grand nombre de difficultés pour aboutir à des titularisations.
Au terme de deux années, on peut estimer, d'une manière générale, que la contrainte financière peut être un obstacle. Certains agents préfèrent rester non titulaires, pour ne pas perdre 20 % à 25 % de rémunération, tandis que d'autres, souvent en catégorie A, apprécient la souplesse qu'offre le contrat.
Malgré les freins relevés, on peut espérer atteindre, au terme du plan quadriennal, l'objectif fixé par la loi, mais quelques inquiétudes demeurent pour la fonction publique hospitalière.
La réforme du régime des contrats territoriaux soulève trois interrogations. En premier lieu, la limitation de la durée des contrats sur vacance temporaire à deux ans au plus a créé une gêne. Il s'agit, en cette matière, de concilier deux exigences : la légitime préoccupation des collectivités territoriales, qui font état de difficultés de recrutement, et le souci de ne pas alimenter, par ce biais, la précarité, sachant que ces contrats ne sont pas éligibles au passage au CDI prévu par la loi.
Le Sénat, lors de l'examen de la loi du 12 mars 2012, avait, à l'initiative de notre collègue Jacques Mézard, souhaité élargir, dans ce cas, la période de reconduction du contrat à une durée maximale de quatre ans. Le gouvernement s'y était opposé, soucieux notamment de respecter l'accord signé avec les organisations syndicales. L'Assemblée nationale, à son initiative, avait rétabli le délai de deux ans.
Aujourd'hui, les associations d'élus souhaiteraient que la durée maximale soit portée de deux à trois ans. Vos rapporteurs considèrent qu'une telle modification, sans bouleverser le nouvel équilibre du régime des contractuels, permettrait de répondre aux attentes des collectivités sans fragiliser la situation des personnels.
Se pose, en deuxième lieu, le problème des commissions consultatives paritaires. Outre que la loi restreint leur compétence à certains contrats, leur organisation par catégorie se révèle lourde et complexe en raison de la répartition des non titulaires.
Vos rapporteurs plaident pour une résolution rapide de ces difficultés alors que les prochaines élections professionnelles dans la fonction publique sont fixées au mois de décembre prochain : il serait bon d'élargir leur champ de compétences à l'ensemble des non-titulaires recrutés sur un emploi permanent et de mettre fin à leur organisation par catégorie.
La troisième difficulté tient aux conséquences, pour les collectivités territoriales, de l'ouverture du CDI aux collaborateurs de groupes d'élus dont le contrat serait reconduit au terme de six années. Cette transformation implique la création d'un emploi permanent pour des postes par nature précaires et d'essence politique. Cette contradiction n'avait pas échappé à votre commission des lois qui s'était opposée, en vain, à l'adoption de cette mesure. Peut-être conviendra-t-il d'encadrer les conditions de recrutement de ces personnels.
Ce sont là les trois points sur lesquels nous pourrions faire évoluer le texte de 2012.
Un mot pour conclure. Globalement, les employeurs publics ont respecté l'esprit de la loi de 2012. Les milliers de titularisation ou de passage au CDI engagés vont sortir des agents de la précarité. Ces titularisations n'en ont pas moins suscité quelques tensions, notamment chez les lauréats des concours de droit commun, qui voient ces nouveaux arrivants par concours réservés d'un oeil un peu critique, d'autant que cela n'est pas sans effet sur le système de l'avancement de grade.
Il ne serait pas bon, au demeurant, de renouveler trop fréquemment ce type de plan. C'est pourquoi la loi prévoyait des dispositions pour éviter que le stock d'emplois précaires ne se reconstitue. Mais les résultats ne sont pas encore au rendez-vous, ainsi qu'il ressort de nos investigations. Il faudrait des mesures fortement incitatives pour que les employeurs ne recourent au contrat qu'avec discernement.
Pour certains métiers, enfin, comme ceux de la filière médico-sociale, il nous semble problématique de demander à des personnes qui ont déjà passé un concours difficile d'en passer encore un autre pour accéder à la fonction publique territoriale. Les intéressés le vivent mal. La solution serait peut-être de recruter par concours sur titres certains agents et de mieux valoriser leur métier.
Si donc le plan de titularisation devrait remplir ses objectifs, il conviendra d'être vigilants pour éviter de voir se reconstituer un stock de non-titulaires.
Je remercie les rapporteurs pour cet intéressant travail. Qu'il soit bien clair que nous sommes contre l'emploi précaire, mais il faut avoir conscience qu'il n'est pas toujours défavorable aux agents concernés. Dans les collectivités, il permet souvent de recruter dans la commune, sans concours.
Il y a des vérités qu'il faut dire. On recrute souvent dans la commune quelqu'un que l'on connaît et qui remplit bien ses fonctions. Ce n'est qu'ensuite que se pose le problème de la titularisation.
S'il est désormais plus facile de recruter des contractuels, nous le devons aux lois européennes, qui ont apporté des assouplissements.
Une question sur les délais. Dans mon souvenir, il était, dans le temps, de trois ans, renouvelables une fois. Il y a eu, semble-t-il, régression. Nos rapporteurs peuvent-ils m'éclairer sur ce point ?
Je remercie à mon tour les rapporteurs.
Le bilan de la loi, pour le ministère des Affaires étrangères, est préoccupant. Elle conduit à mettre en cause les contrats avant la date butoir. Des personnels qui remplissent parfaitement leurs fonctions mais qui ne sont pas considérés comme polyvalents sont ainsi précarisés : on ne renouvelle pas leur contrat au terme de quatre années pour éviter d'avoir à les passer en CDI. Que le ministère soit ainsi conduit à bafouer la loi est d'autant plus étonnant que les affectations dérogatoires y sont considérables : 85 % pour les titulaires. Il n'est donc pas juste d'affirmer, dans le cas présent, que le recours au contrat vise à éviter des contraintes.
J'émets, enfin, des réserves sur l'accès à la titularisation sans concours qu'évoquait Philippe Kaltenbach comme une piste pour certains métiers.
Chaque fois que l'on fait une loi sur la précarité, on n'en voit pas moins les emplois précaires refleurir. Il est vrai que cela est lié, dans certains cas, au fait qu'il s'agit d'emplois très spécialisés. Et que la possibilité de recourir au CDI dans la fonction publique, que nous avons votée naguère, ouvre à ces agents une carrière et la possibilité de voir évoluer leur rémunération.
Les situations varient beaucoup selon la fonction publique concernée. Dans la fonction publique d'État, c'est le concours qui prévaut. Le tout est de l'organiser. Dans la fonction publique territoriale, il en va un peu autrement, si j'en crois ce que vient de dire notre collègue du Gard - il est vrai que les pratiques qu'il décrit sont plus développées au sud, quand les départements du nord, qui manquent souvent de candidats aux concours, comme cela est le cas de la grande couronne parisienne, s'emploient à importer des fonctionnaires.
Si la titularisation ne passe plus que par un simple examen d'aptitude, il n'y a plus de concours que fictif. Que les collectivités territoriales permettent à leurs agents de passer les concours me paraît une bonne chose, mais si elles ne jouent pas le jeu, c'est un problème.
En ce qui concerne le recrutement sur titres, j'appelle à la prudence. À l'heure actuelle, pour un certain nombre de métiers de la santé, il n'y a certes pas concours, mais on organise un entretien destiné à vérifier les qualités psychologiques et l'adaptation à l'emploi des personnes à recruter. On ne s'improvise pas médecin de PMI ou infirmier psychiatrique.
Je rends hommage à nos rapporteurs, tout en rappelant que réduire la précarité ne saurait être le seul objectif. Plusieurs principes d'intérêt général doivent aussi être recherchés. Premier principe : l'égal accès à l'emploi public, qui fonde le système du concours. Passer par un autre type de recrutement, c'est y déroger. Le deuxième principe cependant, de mutabilité du service public, fait que dans de multiples domaines, on ne recrute pas de titulaires. Je pense aux chargés de TD des universités, mais aussi aux personnels des centres de loisirs : n'y mettre que des titulaires n'aurait pas le sens commun. Le terme de précarité a été imposé par les syndicats, mais c'est oublier qu'il est logique de rencontrer, dans les trois fonctions publiques, des agents durablement non titulaires. Troisième principe, enfin : l'accès à la promotion après vérification des capacités professionnelles. Il s'agit de vérifier, souvent sous forme d'examen, que l'agent a acquis les compétences requises. J'ajoute qu'un organisme public ne peut recruter un titulaire que s'il a la certitude qu'il pourra durablement l'assumer.
Sous quelles conditions peut-on recourir au contrat ? Pour assurer un remplacement non pourvu par un titulaire, ou un remplacement pour maladie. Des limites de durée s'imposent pour éviter le risque de titularisation d'un agent recruté sans aucune sélection pour combler une vacance. Pour les cas où il n'existe pas de cadre d'emplois, ou ceux où l'on n'a pas pu trouver un titulaire, j'admets le contrat de trois ans, mais pour les autres cas, je trouve légitime que l'on reste à deux ans.
Dans la fonction publique territoriale, on a tendance à considérer, sous l'influence de certains parlementaires, que le président de la commission d'évaluation professionnelle doit être le président de l'exécutif local, flanqué d'un cadre de la collectivité, soumis au pouvoir hiérarchique, et d'un troisième larron. Voilà qui conduit à un certain clientélisme, alors qu'il devrait être fait appel aux centres de gestion, qui sont là pour cela.
Il est bon de se pencher sur les effets des lois que nous votons. Cela dit, c'est une tâche sans fin que ces plans de résorption de l'emploi précaire. Faudra-t-il un seizième plan ? Plus les contraintes budgétaires seront lourdes, moins on arrivera à régler le problème. Il est aussi des exigences à prendre en compte, comme la mobilité, ou le simple remplacement des absents.
Le problème, c'est que le recours au contrat est aussi une manière de détourner la règle du concours. Je laisse toutefois à Jean-Jacques Hyest la responsabilité de ses propos sur les départements du sud ! Le recrutement hors contrat peut apporter une certaine souplesse. Certains départements ont beaucoup de mal à recruter des titulaires. Je l'ai, comme maire, expérimenté. Moyennant quoi l'on prend qui l'on trouve, sous réserve de ses capacités.
Si donc il est bon de veiller au respect des règles de la République, je crois que pour toutes ces raisons, on aura du mal à éviter les entorses, inévitables, à la règle du concours.
La grande diversité des situations rend l'analyse complexe. Mais il reste que le traitement n'est pas égal selon les ministères. Au ministère de l'Agriculture, les agents de catégorie B et C perdent leur temps plein en cas de titularisation : ils ne sont plus qu'à 70 %, quand les cadres de catégorie A conservent leur temps plein. Un amendement à la loi relative à l'agriculture a tenté d'y remédier, mais il faudra veiller, d'une manière générale, au respect du principe d'égalité.
Quant au domaine de la recherche, il reste largement soumis à la précarité. On peut d'ailleurs s'interroger sur les dernières mesures touchant l'enseignement supérieur.
Je remercie nos rapporteurs pour ce bilan d'étape sur un sujet important. Je veux rappeler ici notre attachement à la fonction publique territoriale, où le principe d'égalité, donc le concours, doit primer. Or, le glissement vers le contrat est de plus en plus fréquent. Et le taux de non-titulaires peut varier dans des proportions considérables selon les collectivités. Dans mon conseil général, il n'est que de 5 %, quand la moyenne dans la fonction publique est plutôt à 20 %. Preuve que l'on peut faire des efforts.
J'ajoute que recruter un contractuel sur un poste spécifique qu'il occupera toute sa carrière peut être bloquant. La mobilité professionnelle devrait être favorisée. Je pense, par exemple, au personnel des crèches, nombreux dans ma collectivité, que l'on ne peut pas maintenir indéfiniment dans ces fonctions difficiles. Un fonctionnaire doit pouvoir évoluer et exercer des métiers différents. Cela suppose certes des moyens, mais on peut faire des progrès en ce sens.
Le rapporteur a évoqué le cas de la fonction publique hospitalière, où certains agents de la filière sanitaire et sociale qui ont déjà passé un concours difficile doivent en repasser encore un pour être titularisés. Cette obligation, à ma connaissance, n'existe pas à Paris. Il faut faire évoluer les choses, et remédier du même coup à cette inégalité. Cela mérite débat avec les organisations syndicales.
Je souscris à ce qui a été dit. J'ai été rapporteur de la loi, que j'ai chaudement défendue. Le seul problème n'est pas seulement du passage du contrat au statut. Le droit public du travail est ainsi fait qu'il est quasiment impossible, dans la fonction publique territoriale, de sanctionner un agent. Il faut constituer un dossier, puis plaider devant les instances disciplinaires. C'est une véritable épreuve, qui se transforme souvent en procès de l'élu. Autant il faut défendre le statut et les droits des agents, autant il faut aussi défendre le droit de l'administration à faire respecter les règles du jeu.
Simon Sutour s'interroge sur la durée légale des contrats à durée déterminée. En cas de vacance temporaire, elle peut être de deux fois un an. Nous proposons de passer la durée maximale, renouvellements compris, à trois ans, pour laisser le temps d'organiser un concours. Pour les recrutements sur emploi permanent, la durée est de trois ans renouvelables une fois. Il peut s'agir de recrutements sur des postes spécialisés - informaticien, chargé de communication, spécialiste de la gestion de la dette - où l'on ne trouve pas de titulaires.
Le ministère des affaires étrangères, qu'a évoqué Jean-Yves Leconte, est un milieu particulier. Les missions qu'il a à remplir sont très spécifiques.
Les concours sur titres sont possibles dans la fonction publique hospitalière, mais pas dans la fonction publique territoriale.
Nous préconisons des concours sur titres. Je pense, par exemple, aux auxiliaires puériculteurs. L'obligation d'organiser un concours peut être un facteur bloquant, qui crée des pénuries.
Sans compter que les concours présentent aussi des risques. Il y a de terribles longueurs entre deux concours, qui peuvent être extrêmement gênantes.
Sur 900 000 non-titulaires, le plan ne conduira qu'à la titularisation de 100 000. Les 800 000 restants laisseront bien de la souplesse pour faire fonctionner les cantines ou les sorties d'école. Voilà qui devrait rassurer Alain Richard.
User du terme de précarité est un beau coup psychologique des organisations syndicales. Le contrat n'est pas un mal en soi.
Nous avons encore reçu les organisations syndicales hier. Je leur ai fait observer que le terme de précarité englobe tous les contractuels, alors que certains préfèrent le rester, parce que cela est plus rémunérateur. J'ai aussi fait valoir qu'il y avait quelque contradiction à défendre mordicus le concours tout en réclamant des titularisations sur concours réservé. J'ajoute qu'il y a aussi de la précarité chez les fonctionnaires. Cela valait d'être dit.
Les syndicats ont insisté, pour leur part, sur la faiblesse de certains salaires.
Il y aurait, selon Jean-Jacques Hyest, une particularité du sud... Il y en a certes sur l'île de la Réunion, mais reconnaissons qu'elle est située très au sud...
Le service public assure des missions indispensables. La noblesse de la fonction, au service des autres, dans les hôpitaux, les écoles, les universités, exige certaines garanties, si l'on veut un service public de qualité.
Enfin, il faudra mesurer les effets à long terme du passage au CDI automatique après deux contrats de trois ans. Cela aura inévitablement des conséquences sur la composition de la fonction publique et entrainera une double gestion. Il faudra y réfléchir.
L'intitulé de la loi prête à confusion. L'objectif est d'éviter la précarité, mais tout en conservant un volant de souplesse.
Je m'interroge, pour ma part, sur la nature des concours. Au ministère de l'Éducation nationale, on voit cohabiter des contractuels qui ont une expérience considérable, et des jeunes frais émoulus du concours qui ne savent pas tenir une classe. Et l'on voit pourtant certains s'insurger contre la titularisation de maîtres auxiliaires chevronnés. Ceci pour dire que le concours ne remplace pas l'expérience professionnelle.
Il faut faire en sorte que la loi soit crédible, mais on ne peut pas exclure que la précarité se reconstitue, exigeant une nouvelle loi.
Un mot, pour finir, sur les travaux de contrôle de l'application des lois. Menés selon le principe du binôme, ils ont été une réussite. Mais le combat pour le contrôle de l'exécutif reste à mener. Le taux d'applicabilité des textes, de 65 %, tombe à 40 % quand sont concernés des propositions de loi ou amendements à l'initiative de l'Assemblée nationale, à 25 % quand il s'agit de proposition de loi ou d'amendements à l'initiative du Sénat. Ce qui signifie que même quand l'initiative parlementaire aboutit, des empêchements demeurent. Nous devons être vigilants.
Permettez-moi une courte remarque : attention à ne pas tomber dans le populisme anticoncours. Le concours est la seule voie égalitaire d'accès à la fonction publique.
La commission autorise la publication du rapport d'information.
Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, président
Puis la commission procède à la nomination de co-rapporteurs sur le projet de loi n° 2110 (A.N., XIVème lég.) renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme (sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission).
Il est très probable que le projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, que l'Assemblée nationale examinera en séance publique le 15 septembre, soit examiné au Sénat en octobre, peu après la reconstitution de notre commission. Il m'est donc apparu sage, pour ne rien préempter de ses choix, de vous proposer de désigner deux co-rapporteurs, l'un appartenant à la majorité, l'autre à l'opposition. Ce texte a été adopté hier, à l'unanimité, par la commission des lois de l'Assemblée nationale - la lutte contre le terrorisme est de nature à susciter une telle convergence.
La commission nomme MM. Jean-Jacques Hyest et Alain Richard co-rapporteurs du projet de loi.
Le 4 décembre 2013, lorsque j'ai présenté devant vous mon rapport sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises, devenu la loi du 2 janvier 2014 après un vote conforme de l'Assemblée nationale en deuxième lecture, j'ai indiqué que mes auditions m'avaient fourni de nombreuses suggestions complémentaires.
Compte tenu des délais d'examen du projet de loi et de sa composition à base d'habilitations pour l'essentiel, j'avais préféré renvoyer l'examen de ces suggestions à un travail complémentaire, sous forme d'un droit de suite.
Je viens de tenir une série d'auditions à cette fin et déposerai une proposition de loi dans les prochains jours.
Je souhaite mener cette démarche dans un esprit consensuel, pragmatique et constructif. Il ne s'agit évidemment pas d'intervenir sur des dispositions du code de commerce qui viennent d'être modifiées ou qui devraient l'être prochainement, dans le cadre d'une réforme en cours ou déjà adoptée, comme c'est le cas par exemple pour les baux commerciaux, l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, le droit des entreprises en difficulté, la féminisation des conseils d'administration ou encore les tribunaux de commerce. Il s'agit plutôt d'examiner des dispositions laissées de côté jusqu'à présent, pour formuler dans un texte à l'objet clair et circonscrit des simplifications, des clarifications et des mises à jour objectivement utiles pour nos entreprises, largement axées sur le droit des sociétés mais pas exclusivement, sans procéder à des réformes d'ampleur comme on en a souvent fait le reproche à certaines propositions de loi de simplification votées avant 2012.
Cette démarche se veut ainsi complémentaire, et non concurrente, des projets de loi élaborés par le Gouvernement, qu'il s'agisse de la loi du 2 janvier 2014 ou du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises, déposé le 25 juin 2014 et examiné cette semaine à l'Assemblée nationale, lui aussi constitué, pour l'essentiel, d'une longue suite d'habilitations. Peut-être certaines habilitations figurant dans ce projet pourront-elles être reprises dans la proposition de loi sous forme de modifications directes du code de commerce.
Il restera à voir, au mois d'octobre, comment cette proposition de loi pourrait être examinée, sachant que le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises devrait être inscrit à l'ordre du jour du Sénat à l'automne.
La commission examine ensuite le rapport d'information de Mme Eliane Assassi et M. François-Noël Buffet sur « les centres de rétention administrative ».
Avec François-Noël Buffet, que je veux ici remercier, nous avons travaillé en bonne intelligence. Nous avons pris le temps d'entendre les associations, de nous rendre au centre de rétention administrative de Marseille ainsi que de visiter un lieu de rétention ouvert, en Belgique. Merci également aux administrateurs qui nous ont utilement épaulés.
Les centres de rétention administrative ont donné lieu à plusieurs rapports importants, parmi lesquels, en 2009, celui de Thierry Mariani, pour l'Assemblée nationale, et celui de Pierre Bernard-Reymond, pour le Sénat.
Si notre commission des lois a décidé de se pencher à nouveau sur le sujet, c'est que la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité a apporté d'importantes modifications au droit en vigueur. On se souvient aussi du décret relatif à la mise en concurrence des associations habilitées à apporter leur assistance aux personnes retenues, qui avait fait débat au sein de notre assemblée. D'une manière générale, les centres de rétention administrative font l'objet de débats récurrents, ne serait-ce que lors de l'examen du budget.
Nous n'avons travaillé que sur les centres de rétention administrative métropolitains, en excluant les zones d'attente et les locaux de rétention administrative, régis par des dispositions différentes, ainsi que les centres de rétention d'outre-mer, dont le cadre juridique est dérogatoire au droit commun et qui font l'objet de travaux spécifiques de notre commission.
La rétention administrative est le dispositif permettant à l'administration de maintenir pour une durée limitée et dans des locaux spécifiques les étrangers en instance d'éloignement du territoire français. Bien que privative de liberté, elle se distingue de la détention : c'est une mesure administrative et non une sanction judiciaire ; elle est exécutée dans des locaux dépendant non pas de l'administration pénitentiaire mais des services placés sous l'autorité du ministre de l'intérieur - les centres de rétention administrative.
La loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité a substantiellement modifié le régime juridique du placement en rétention. C'est ainsi qu'elle a allongé la durée maximale de rétention à 45 jours après une première puis une seconde prolongation de 20 jours maximum chacune, modifié les conditions du recours devant le juge administratif et, afin de favoriser le contrôle de légalité exercé par le juge administratif, décalé au cinquième jour l'intervention du juge judiciaire qui autorise la prolongation de la rétention décidée par le préfet.
En outre, à la suite de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme dans son arrêt Popov de 2012 et d'une circulaire du ministre de l'intérieur en date du 6 juillet 2012, la rétention des familles avec enfants mineurs a été fortement limitée. La direction générale des étrangers en France nous a indiqué qu'en métropole, le placement des mineurs en rétention a été divisé par quatorze entre 2011 et 2013, passant de plusieurs centaines à quelques dizaines. C'est encore trop, mais cela témoigne d'un effort certain.
Enfin, un décret de 2008 a conduit à multiplier le nombre d'associations habilitées à assurer l'assistance juridique des personnes placées en centre de rétention : cinq associations interviennent désormais à ce titre dans les différents centres, la Cimade, l'ASSFAM, Forum Réfugiés, France terre d'asile et l'Ordre de Malte.
Trois ans après la loi de 2011 et à la suite de ces modifications réglementaires, il nous a semblé opportun de dresser un bilan et d'envisager des pistes d'amélioration du dispositif juridique.
Les modifications introduites par la loi du 16 juin 2011 visent à rendre plus efficace la politique de l'éloignement des étrangers en situation irrégulière. Pourtant, en 2012, 23,3 % seulement des mesures d'éloignement prononcées ont été exécutées, taux qui ne s'élève qu'à 47 %, cette même année, pour l'éloignement des personnes placées en centre de rétention. Dans la plupart des cas, ce sont des difficultés persistantes dans l'obtention de laissez-passer consulaires qui constituent la pierre d'achoppement. En dépit de l'allongement de la durée maximale de rétention, le taux d'obtention des laissez-passer dans les délais utiles n'était que de 36,9 % en 2012. Ainsi, selon le rapport du député Matthias Fekl, si les éloignements sont plus nombreux durant les cinq premiers jours de rétention, seuls 4 % ont lieu entre le 32ème et le 45ème jour.
Au 1er août 2013, la France métropolitaine disposait d'un parc de vingt-trois centres de rétention d'une capacité totale de 1 633 places. Leur sous-occupation est chronique : le taux moyen d'occupation était de 48,3 % en 2013, avec toutefois de fortes disparités selon les centres. Au plan budgétaire, des efforts de rationalisation de la gestion de ces centres de rétention ont été entrepris depuis plusieurs années et semblent commencer à porter leurs fruits en 2013.
Le bilan mitigé de la loi du 16 juin 2011 appelle à repenser le cadre juridique de l'éloignement pour réaffirmer que la rétention est l'ultime modalité d'éloignement forcé.
Il s'agit, tout d'abord, de rendre à la rétention sa vocation première de préalable à un éloignement certain. La persistance de placements en rétention illégaux ou inutiles - les associations font état de 47,6 % de personnes libérées en 2012 - et des problèmes d'identification des personnes retenues conduisent à douter de la pertinence de l'allongement de la durée de la rétention.
L'étude des cas en amont de la rétention devrait être approfondie, le cas échéant par un dialogue avec les associations, afin d'éviter les placements en rétention illégaux de personnes bénéficiant d'un droit au séjour ou susceptibles d'en bénéficier. Telle est notre première préconisation.
Nous recommandons également de mettre effectivement en mesure l'étranger retenu pour vérification de son droit au séjour de fournir les pièces justifiant ce droit, afin d'éviter le placement en rétention d'étranger en séjour régulier.
Pour mettre le droit français en conformité avec le droit européen, il conviendrait, ensuite, de mettre fin à l'automaticité de l'examen en procédure prioritaire des demandes d'asile en rétention et de limiter le maintien en rétention des demandeurs d'asile aux cas où la demande d'asile est manifestement dilatoire. On sait que deux textes, l'un relatif à l'immigration, l'autre à l'asile, sont présentés ce matin en conseil des ministres, qui nous donneront l'occasion de revenir sur ce point.
Enfin, la coopération avec les autorités judiciaires et pénitentiaires, ainsi qu'avec les autorités consulaires, mériterait d'être améliorée, afin d'éviter le placement en rétention de sortants de prison.
En second lieu, afin de mieux transposer l'esprit de la directive « retour » de 2008, nous vous proposons de repenser les mesures d'éloignement afin de replacer la rétention dans une échelle progressive et de développer les alternatives à la rétention, laquelle devrait n'intervenir qu'en ultime recours, après l'échec de mesures incitatives puis coercitives.
Tout d'abord, les départs volontaires devraient être encouragés. Il conviendrait de généraliser les obligations de quitter le territoire français (OQTF) avec délai de départ volontaire et de les assortir de mesures permettant aux autorités de suivre les préparatifs au départ - dépôt de documents en garantie, pointage, visite de travailleurs sociaux, etc. En outre, les critères d'attribution de l'aide à la réinsertion dans le pays d'origine de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) gagneraient à être révisés, pour plus d'efficacité.
Ensuite, il s'agit de développer les alternatives à la rétention. Afin de favoriser l'assignation à résidence, il serait bon d'élargir l'acception des « garanties de représentation » en introduisant dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) une présomption de détention de telles garanties pour les personnes vulnérables et les parents d'enfants scolarisés, ainsi que la notion de « tiers garant ». Il conviendrait également de mettre en place un dispositif d'assistance juridique pour les personnes assignées à résidence.
Enfin, les centres ouverts sur le modèle des « maisons de retour » belges, nous paraissent un modèle à suivre. Ces maisons accueillent, depuis 2008, des familles avec enfants mineurs pour une durée de deux mois renouvelable une fois. L'hébergement se fait dans des maisons, anciens logements de fonction de policiers ou de gendarmes, réparties sur cinq sites. Nous avons pu visiter celui de Beauvechain : pas de présence policière, aucun dispositif de surveillance, aucun agent de l'administration sur site la nuit ou le week-end, d'où un coût moins élevé que pour les centres fermés. En journée, seuls sont présents des « agents de soutien » du ministère de l'intérieur, dont la tâche est avant tout de convaincre les familles de retourner d'elles-mêmes dans leur pays d'origine, ainsi que de les assister au quotidien et dans la préparation de leur départ. C'est là une expérience intéressante. Elle permet de laisser circuler librement les personnes retenues, qui ne sont pas des criminels.
Après presque six ans, le bilan de ces centres ouverts est plutôt satisfaisant. Sur 617 familles ayant quitté les « maisons de retour », 43,6 % ont été effectivement éloignées soit volontairement, soit contraintes, 26,9 % se sont évadées et 29,3 % ont été libérées - obtention d'une protection internationale au titre de l'asile pour près de 40 %, défaut de laissez-passer pour 12,2 % et expiration du délai pour 9,9 %.
Enfin, dans le schéma que nous vous soumettons, la rétention n'interviendrait qu'en cas d'échec d'une mesure coercitive préalable.
J'ajouterai quelques remarques à titre personnel - car j'ai bien conscience que tout ne fait pas consensus et que des débats approfondis sont encore nécessaires. J'ai ainsi l'ambition partagée avec plusieurs associations, de voir disparaître, à terme, les centres de rétention administrative : je suis opposée à l'existence de lieux d'enfermement spécifiques pour les étrangers. Je suis également favorable à l'abaissement à trente jours de la durée de rétention, idée partagée par notre collègue député Matthias Fekl mais également par Thierry Mariani, qui préconise 32 jours, par les associations qui interviennent dans les centres et par le précédent Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Avoir porté la durée à 45 jours n'a rien résolu puisque demeure le problème des laissez-passer consulaires, et puisque cette durée prive de liberté des gens qui ne seront pas reconduits. Je partage également le sentiment de Matthias Fekl, qui préconise, puisque l'intervention du juge judiciaire en amont se révèle difficile à mettre en oeuvre, de revenir à la saisine du juge des libertés et de la détention après 48 heures de rétention, pour éviter les expulsions sans décision de justice.
Notre travail commun nous a en effet permis d'avancer. Nos préoccupations sont également allées aux conditions de vie dans les centres. Sur le territoire métropolitain, les bâtiments, tout d'abord, sont de qualité très diverse. À Marseille, où nous nous sommes rendus, le remplacement des locaux vétustes situés sur le port par un centre nouveau, en 2006, a apporté d'incontestables améliorations, mais de fortes tensions demeurent dans ces lieux qui s'apparentent plus au milieu carcéral qu'à l'idéal de ce que devrait être un centre de rétention.
À cet égard, nous avons pu visiter en Belgique un centre qui comporte des éléments intéressants. Il est fait de bâtiments récents, dont les accès sont certes sécurisés, mais à l'intérieur desquels les personnes retenues circulent librement. Il comporte un grand espace sportif et de nombreux lieux de vie. Les personnes retenues ont librement accès aux consultations médicales et aux permanences des associations. L'organisation du centre et la qualité des bâtiments font que la tension est beaucoup moins forte que dans certains centres en France. C'est, au total, une expérience intéressante. Mme Lipiez, dans son rapport budgétaire, ayant souligné que les centres de rétention existants sont loin d'être remplis, il vaudrait mieux en avoir moins, mais de meilleure qualité.
L'organisation des centres de rétention devrait être fixée par voie réglementaire, et faciliter la visite des familles.
Autre question majeure, celle des anciens détenus en fin de peine, qui ne sont souvent avertis qu'au terme de leur peine, à la dernière minute, qu'ils vont être transférés dans un centre de rétention, lequel n'est, de même, prévenu que tardivement. Or, la cohabitation entre des personnes qui ont exécuté une peine de prison et d'autres qui sont retenues pour des raisons administratives crée des conditions qui ne contribuent pas à l'apaisement.
Il conviendrait enfin, sans la proscrire, de mieux encadrer l'utilisation de la vidéosurveillance.
J'en viens à l'accès aux droits et aux soins. Les associations sont certes présentes, les avocats et les interprètes aussi, mais insuffisamment. La venue des avocats dans les centres de rétention devrait être encouragée. Les associations le souhaitent, car elles estiment qu'elles ne sont pas en capacité d'apporter un conseil juridique solide.
La question des audiences délocalisées - sur laquelle nous avons, avec Éliane Assassi, qui voudrait les voir supprimer, une divergence de vues - reste posée. Certains avocats au barreau ont décidé de ne pas plaider sur place, d'autres le font. J'estime que la représentation physique de l'institution judiciaire est importante dans le contentieux mais qu'en certaines circonstances, ne serait-ce que pour éviter la lourdeur des transports avec escorte, il faut, tout en respectant les principes, trouver des solutions sur place.
La question des demandes d'asile en rétention est un vrai sujet. Les associations préfèreraient que les dossiers soient transférés à l'OFRA par elles-mêmes, plutôt que par le greffe.
L'accès aux soins, très peu satisfaisant, en particulier pour les personnes affectées de troubles mentaux, mérite d'être largement amélioré. J'ajoute que la vie collective ne s'en porterait que mieux. Même chose pour les personnes atteintes de maladies graves.
La plupart des centres disposent de chambres d'isolement sous vidéosurveillance, faites pour confiner les personnes jugées dangereuses pour elles-mêmes et pour les autres. Les conditions de leur usage devraient être définies par décret.
Les activités sportives ou ludiques, qui contribuent à l'apaisement, mériteraient d'être développées. L'oisiveté n'est jamais bonne conseillère.
Si l'on constate une certaine cohésion entre les acteurs, bien que les uns aient mission de surveiller et d'éloigner, quand celle des autres est d'aider à former des recours, il ne serait pas inutile de mettre en place un référentiel de bonnes pratiques, comme cela se fait déjà dans certains centres. J'ajoute que les fonctionnaires de la police aux frontières présents dans les centres sont souvent en début de carrière. Il serait préférable d'y affecter des personnels disposant d'une certaine expérience, sans doute plus aptes à désamorcer les tensions.
Le décret de 2014 améliore ce qui devait l'être pour l'accès des associations humanitaires aux centres. Même chose pour l'accueil des familles et la présence de ministres des cultes. L'OFII, qui joue un rôle important, mériterait davantage de moyens, notamment en personnel.
Un mot sur le délai de rétention. J'ai été rapporteur du texte qui l'a fait passer de 32 à 45 jours, disposition que j'avais soutenue, estimant qu'elle était propre à faciliter l'obtention des laissez-passer consulaires. Objectivement, tel n'a pas été le cas. La discussion reste donc ouverte.
Sur la question de l'intervention du juge, enfin, il y a matière à travailler. Il n'y a pas de système parfait sauf à instaurer une juridiction unique. Au cours des auditions, nous avons pu constater que si cette proposition n'emporte pas l'enthousiasme, elle ne suscite pas non plus l'hostilité ni des avocats ni des magistrats.
Je remercie nos rapporteurs pour le travail très concret qu'ils ont mené. J'ai visité le centre de rétention administrative de Vincennes et fait les mêmes constats qu'eux. Les personnes retenues sont désoeuvrées, moroses. Les centres seraient sous occupés ? J'ai vu à Vincennes des chambres de quatre lits surpeuplées, dans lesquelles cohabitaient avec d'autres des personnes atteintes de troubles mentaux. Chacun vit dans la crainte.
Un épisode, en particulier, m'a choquée. Deux personnes qui devaient être reconduites en Italie, par où elles étaient entrées, n'avaient pas même été prévenues qu'on allait incessamment les mettre dans l'avion. J'ai dû insister auprès de l'administration pour qu'elles le soient.
Les personnes qui ne sont pas renvoyées ne reçoivent pas d'information exacte sur les modalités de régularisation. J'ai écrit à M. Cazeneuve à ce sujet. Dans chaque chambre, une note en plusieurs langues expliquant comment se conduire dans les centres est placardée, mais rien sur les demandes de régularisation. Informer serait pourtant une exigence minime.
J'espère que l'on s'acheminera un jour vers un système plus humaniste. D'autant que nos centres de rétention n'étant pas mixtes, les familles se trouvent séparées.
Je remercie à mon tour nos rapporteurs. Il me semble que la durée de rétention est à l'origine de bien des problèmes. Il faut y travailler, ne serait-ce que pour éviter les cas de demande d'asile manifestement dilatoires ou la rétention de personnes dont on ne peut pas raisonnablement attendre qu'une mesure d'éloignement pourra être prononcée à leur encontre.
Vous faites des centres ouverts un exemple. Il est certain que plus la rétention est longue, plus la question des conditions de détention se pose avec acuité. On ne peut maintenir trop longtemps des personnes en centre fermé. Vous proposez de limiter la rétention aux cas d'échec d'une mesure coercitive préalable. Or, vous avez indiqué qu'en Belgique, le taux d'évasion des centres de rétention est d'une personne sur quatre. Comment les retrouver pour les placer en centre fermé ?
Vous recommandez d'assurer une meilleure garantie d'accès aux droits et aux soins. Le fait est que lorsque la durée de rétention est longue, il faut mettre en place des dispositifs qui s'apparentent à ceux des établissements pénitentiaires. Qu'un régime d'isolement existe dans les centres de rétention me stupéfie. Le rapporteur nous a indiqué qu'y sont placées les personnes jugées dangereuses pour elles-mêmes et pour les autres. Qu'est-ce que cela signifie ?
S'agit-il de personnes dont la dangerosité supposerait qu'elles ne se trouvent pas dans ces centres, mais ailleurs ? De personnes gravement malades qui relèvent de soins psychiatriques ?
Je remercie nos rapporteurs, dont les propos sont utilement complémentaires.
Combien de déboutés du droit d'asile compte-t-on dans ces centres ? S'ils sont nombreux, ramener la procédure de demande d'asile de deux ans à neuf mois, comme le prévoit le projet de loi en cours de préparation, se justifie. Cela dit, j'ai été rapporteur, sous la présidence de Jacques Chirac, Dominique de Villepin étant ministre des affaires étrangères, d'un texte qui visait le même objectif... dont on est encore loin.
S'agissant de l'assistance juridique, quel bilan tirez-vous de la suppression du monopole associatif ? Alors que l'ouverture à de nouvelles associations a été beaucoup critiquée, au motif que cela battait en brèche leur spécialisation, donc leur compétence, j'aimerais connaître votre avis.
Je suis dubitatif sur la question des avocats. L'avant-projet de loi prévoit que le ministère d'avocat sera obligatoire dès le stade de la procédure devant l'OFPRA. Vu ce qu'il en est aujourd'hui de l'aide juridictionnelle, on peut douter du résultat...
Il est clair qu'il faut prendre des décisions sur l'aide juridictionnelle.
Je remercie les rapporteurs, qui ont fait la preuve qu'avec des sensibilités différentes, on n'en peut pas moins faire des propositions communes. Je suis frappé par le défaut de normalisation des règles qui de surcroît, quand elles sont normées, sont souvent plus sévères qu'en prison. Dans certains centres, même les livres sont interdits, au motif d'éviter les incendies. L'accès des familles laisse souvent à désirer, de même que l'accès au culte.
Les taux d'expulsion sont très variables selon les départements. Sans doute conviendrait-il de mieux former, en amont, les personnels qui décident de l'envoi en rétention.
Les demandes d'asile en centre de rétention sont souvent dilatoires, mais pas toujours. Or, l'intervention de l'OFPRA, en procédure prioritaire, se solde le plus souvent par un refus, et l'appel n'est pas suspensif. J'ai aussi constaté que les personnes expulsées dans les cinq jours étaient souvent des ressortissants de l'Union européenne...
Les centres de petite taille, enfin, ont certes un coût important, mais ils assurent la proximité aux familles.
Plus la sévérité des critères de régularisation est aggravée, plus le nombre de personnes en situation irrégulière augmente, ce qui n'est pas sans effet sur les centres de rétention. En l'attente de la suppression de ces centres, que nous appelons de nos voeux, nous plaidons en faveur d'une réduction du délai de rétention.
Les droits fondamentaux des personnes retenues doivent être respectés et des conditions de vie dignes doivent leur être assurées. Il est important, également, de séparer les personnes retenues en fin de peine des autres, dont une bonne part n'est pas renvoyée, in fine.
Les deux textes à venir à l'automne seront l'occasion de revenir sur tous ces points.
Si l'on estime légitime qu'un État démocratique définisse la portée du droit de séjour sur son territoire - et toutes les juridictions internationales le reconnaissent -, cela se traduit nécessairement par des refus de séjour, légaux, et des procédures de contrainte destinées à les rendre applicables. Or, certaines associations et certains politiques sont hostiles à tout refus de séjour. Si bien que les moyens de contrainte sont, les uns après les autres, contestés. Pourtant, le Conseil constitutionnel et les juridictions internationales ont constaté que les conditions dans lesquelles la France procède à ces mesures de contrainte sont régulières et conformes aux droits de la personne.
Autant chercher à être plus respectueux des droits de la personne pour rendre effectif le droit au séjour est souhaitable, autant c'est tout autre chose que de tirer argument du fait que les deux tiers des refus de séjour ne sont pas appliqués pour préconiser la suppression des mesures de contrainte, aussi respectable qu'en soit l'inspiration.
Notre pays a le droit et le devoir d'organiser les conditions d'accès à son territoire et d'assurer le respect des conventions internationales. En revanche, on ne peut détourner le regard de ce qui se passe dans certains centres, où les conditions de vie posent problème.
L'allotissement des associations tel qu'organisé par le décret de 2008, Monsieur Lecerf, fonctionne plutôt bien. Même si certaines n'ont pas le même niveau de compétences juridiques que d'autres, l'expérience viendra. Les associations se réunissent régulièrement pour échanger, et les conflits de 2008 sont derrière nous.
Sans mettre en cause le régime de l'isolement, Monsieur Reichardt, je constate que les chambres d'isolement sont aussi utilisées à des fins disciplinaires. Il faut régler ce problème, en précisant quel doit être leur usage.
Il est vrai, Madame Benbassa, que le circuit administratif entre les centres et les préfectures laisse à désirer. Les personnes atteintes de maladies graves ne restent pas en centre de rétention administrative, mais il est difficile d'obtenir de la préfecture des titres de séjour, fussent-ils provisoires. Il faudra y remédier.
Les personnes retenues ont cinq jours pour formuler une demande d'asile, et l'OFPRA 96 heures pour y répondre. En cas de rejet, le recours devant la Cour nationale du droit d'asile n'est pas suspensif. Les demandes, dans la majorité des cas, ne prospèrent pas. Selon les associations, neuf cas seulement, en 2012, ont fait l'objet d'un accord.
Le taux d'occupation est variable. Il est, sur l'année, supérieur à 80 % à Vincennes, de 70 % à Nice, de 60 % à Marseille, Lyon, Coquelles ou Geispolsheim ; mais il n'est que de 15 % à Nîmes, de 26 % à Bordeaux, de quelque 30 % à Metz, Rouen et Rennes.
Le taux d'éloignement effectif à partir des centres de rétention français a été de 47 % en 2012, de 41,39 % en 2013. Celui des centres ouverts de Belgique a été, sur six ans, de 43,6 % en moyenne. Il faut toutefois savoir que ces centres choisissent leurs pensionnaires, souvent des familles, qui font l'objet d'un suivi quotidien.
Il ne faut pas se tromper de débat, Monsieur Richard. Nous ne contestons pas le fait que des personnes illégalement présentes sur le territoire soient expulsées...
mais nous nous interrogeons sur les conditions de rétention. Nos propositions sont largement inspirées des remarques formulées par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, dont les recommandations, en particulier quant au régime de l'isolement, sont très claires. Ce régime n'est nullement réglementé à ce jour. On ne sait pas qui décide du placement en chambre d'isolement et il n'existe, de surcroît, aucun registre. J'ajoute que les mesures les plus coercitives ne sont pas les mesures les plus efficaces. L'assignation à résidence, par exemple, fonctionne bien.
La fin du monopole associatif, contre lequel il est vrai que j'avais milité, semble donner satisfaction. Se pose néanmoins le problème de la formation des intervenants. C'est là un vrai sujet, auquel il convient de travailler pour éviter une déperdition des compétences.
La commission autorise la publication du rapport d'information.
Après ce dixième rapport d'information, en viendront deux autres, sur les cours d'appel et sur la discrimination. Douze rapports sur l'année, donc, auxquels auront travaillé, en binôme, vingt-quatre rapporteurs. C'est là une manière intéressante de faire autrement de la politique.
Puis la commission entend une communication de M. Jean-Pierre Sueur sur les propositions de loi d'origine sénatoriale examinées par la commission des lois au cours des cinq dernières sessions.
En cinq ans, 78 propositions de loi ont été examinées par notre commission, qui, en général, les a adoptées, hors quelques cas de décision de renvoi en commission. Sur ces 78 propositions, 18 seulement ont donné lieu à l'adoption d'un texte définitif. Ce qui signifie que l'examen de près d'une soixantaine de ces textes n'est pas allé à son terme. Il est vrai que certains d'entre eux ont été repris dans d'autres propositions ou projets de loi, mais il reste que des propositions de loi importantes sont restées en suspens, comme le texte relatif à la législation sur les sondages, laquelle n'a pas évolué depuis 1977, ou bien encore ceux qui concernent des sujets tels que le numérique et la vie privée, l'article 68 de la Constitution, les centres de gestion, la simplification du fonctionnement des collectivités locales, la facilitation de l'exercice des mandats locaux, à laquelle il manque l'examen en deuxième lecture par l'Assemblée nationale, la Cour pénale internationale, et bien d'autres encore.
Nous devons en tirer les conséquences. Une part de la responsabilité peut certes être imputée aux groupes respectifs de l'Assemblée nationale et du Sénat, qui savent organiser de concert leur ordre du jour réservé dans certains cas, mais pas dans d'autres, où l'on a le sentiment qu'ils s'ingénient à présenter des textes différents, ce qui n'a d'autre effet que d'affichage. Dans certains cas enfin, des textes importants, auxquels nous avons beaucoup travaillé, sont purement et simplement bloqués à l'Assemblée nationale.
Il me semble bon que chacun se penche sur le tableau qui vous a été distribué, en vue de la suite de nos travaux.
Au regard de ces 78 propositions de loi, combien avons-nous examiné de projets de loi ? Quinze à vingt fois plus, j'imagine, puisque les propositions de loi représentent en moyenne 5 % des textes examinés.
Entre les deux dernières mandatures, le nombre de propositions de loi a doublé.
Mais il reste modeste au regard du nombre de textes examinés. Si l'on excepte les textes que nous avons écartés ou dont les dispositions ont été intégrées dans des projets de loi, on peut considérer que 50% de nos propositions de loi n'ont pas prospéré, alors qu'elles étaient nombreuses à faire consensus. Je pense notamment a celle qui donnait une définition nouvelle à la prise illégale d'intérêt, restée au frigidaire... Cela pose un vrai problème constitutionnel. J'ai également cru comprendre, au travers des propos de M. Assouline, que les amendements dont nous sommes à l'origine font l'objet d'un traitement différencié.
Les amendements adoptés s'intègrent au texte au fil des lectures. Il me semble difficile d'établir une différence dans leur application.
En tout état de cause, j'ai jugé utile de vous saisir de ce dossier. Le travail parlementaire perd en substance, que ce soit en commission ou en séance publique. Quelque cinquante-cinq textes, auxquels nous tenons, n'ont pas abouti. Dans le cas du texte relatif aux collectivités locales que j'ai cité, il est aberrant, alors qu'il a fait l'objet de trois lectures, que l'Assemblée nationale n'ait pas trouvé le moyen de le mettre, pour ultime examen, à son ordre du jour - d'autant qu'il s'agit de dispositions reprises des états généraux des collectivités territoriales. Sans parler de la loi organique relative aux normes, qui prévoyait très simplement que l'avis du Conseil national d'évaluation des normes applicables aux collectivités locales et à leurs établissements publics soit, comme l'étude d'impact, indexé au projet de loi. Sur quoi nos collègues de l'Assemblée nationale, en commission, ont décidé qu'il fallait prévoir d'autres annexes de toutes sortes. Les perspectives d'aboutir à une adoption de ce texte s'en sont trouvées compromises.
Quoi qu'il en soit, il faut trouver des solutions à cette déperdition de notre travail.
Dans le cas de la réforme pénale, cependant, notre proposition de loi relative à l'atténuation de la responsabilité pénale pour les malades mentaux a été, grâce à M. Michel, intégrée au texte de la commission mixte paritaire.
Il existe en effet des cas, je l'ai dit, où nos propositions ont été reprises ailleurs
La capacité d'initiative du Parlement est en cause. Moyennant quoi, nous essayons de jouer au maximum de notre droit d'amendement. Et cela fonctionne parfois, même si l'on est à la limite du cavalier, je l'ai expérimenté.
Vous n'avez fait qu'utiliser habilement les procédures existantes, pour une juste cause, celle des victimes d'inondation.
La commission examine enfin les pétitions adressées au Président du Sénat depuis le 6 février 2014, en application des articles 87 et suivants du Règlement.
Nous sommes saisis d'une pétition de 153 signataires demandant le maintien de la semaine de quatre jours, l'abrogation du décret du 24 janvier sur les rythmes scolaires et l'élaboration d'une réforme concertée et réfléchie avec les enseignants. Considérant qu'il s'agit d'un domaine relevant de la compétence delà commission de la culture, je vous propose de la lui renvoyer.
Cette pétition ne comportant que des noms et prénoms, il est impossible de vérifier l'authenticité des signatures. Je suggère que le règlement du Sénat précise mieux les règles en la matière.
La réunion est levée à 12 h 25