Madame la présidente, monsieur le ministre – avec qui j’ai la Bourgogne en commun –, madame la rapporteur, mes chers collègues, le premier texte que nous examinons est donc un texte qui a trait à la question sociale. On peut le voir de façon positive comme une priorité de l’agenda législatif, mais on peut également le voir comme la volonté de faire passer en catimini un texte important au regard de l’histoire des conseils de prud’hommes dans notre pays.
Effectivement, nous ne devrions légiférer que la main tremblante sur ce sujet si l’on se réfère à son histoire. Cette institution a été créée en tant que telle par Napoléon en 1806 pour l’industrieuse ville de Lyon. À l’époque, les métiers demandaient le rétablissement d’institutions de même nature, telle la Grande Fabrique, dont la Révolution française avait fait table rase un peu vite.
Monsieur le ministre, vous nous proposez donc rien de moins que la suppression d’une élection très ancienne et qui, vous l’avez rappelé, avait de surcroît donné le droit de vote aux femmes dès 1907.
Ce dispositif avait été perfectionné par des législations ultérieures, en 1848, autre date symbolique, puis en 1907, au cœur de cette IIIe République où la question sociale était au cœur des débats et réunissait à la fois le radical Léon Bourgeois, penseur du solidarisme, et les chrétiens-sociaux comme Albert de Mun.
Toutefois, vous l’avez rappelé, nous devons aussi tenir compte de la législation plus récente de 2008 et de 2010 relative à la représentativité des organisations syndicales et patronales.
Pour éviter la concurrence des mesures d’audience, puisque les élections prud’homales faisaient figure de test à cet égard depuis la loi Boulin de 1979, le mode de désignation des conseillers prud'hommaux devait évoluer. Ce chantier avait été ouvert dès 2010 avec le dépôt du rapport de Jacky Richard.
La suppression d’élections fait débat, mais je vous concède, monsieur le ministre, que la représentativité qui fondera le nouveau système est bel et bien également le fruit d’élections. Si le groupe UMP partage le constat de la nécessité d’agir, il ne peut que relever quelques errements dans la méthode.
Dans un premier temps, les mesures prévues avaient été disjointes de l’avant-projet de loi sur la formation professionnelle. Le compte rendu de la séance du 16 janvier dernier – à l’époque, je ne siégeais pas dans cet hémicycle et c’est donc à ce document que je me réfère – témoigne d’ailleurs de la réticence d’un certain nombre de groupes face à cette méthode, manifestée à l’occasion d’une question crible posée par un membre du groupe CRC.
Un projet de loi a ensuite été déposé le 22 janvier sur le bureau de l’Assemblée nationale, puis il a été retiré et enregistré sur le bureau du Sénat en mars, avant de faire l’objet d’une demande de procédure accélérée, suivie le 16 juillet d’une lettre rectificative. Le Sénat, dans sa précédente composition, a procédé à des auditions, et c’est maintenant le nouveau Sénat qui débat en séance publique. C’est à se demander s’il n’y avait pas, au ministère des relations avec le Parlement, un stagiaire un peu facétieux et désireux d’explorer tous les méandres de la Constitution et du règlement des assemblées ! §Si tel est le cas, c’est réussi, car nombre de dispositions existantes ont été utilisées.
À cela s’ajoute le recours aux ordonnances et à la procédure accélérée. Personnellement, je ne fais pas partie de ceux que le recours aux ordonnances effraie systématiquement. Il est possible, probable même, qu’en cas d’alternance, en 2017, nous ayons nous-mêmes recours à ce procédé qui permet d’agir vite et fort.