Cela étant, il faut ménager des garanties pour le Parlement et pour les parlementaires.
Si l’on veut aller vite, c’est que l’on sait où l’on veut aller. De la même façon que le Gouvernement fournit pour chaque projet de loi une étude d’impact, il ne serait pas absurde qu’il puisse fournir, dans le cas d’un projet de loi d’habilitation, les grandes lignes de son ordonnance, voire certains éléments plus détaillés. En effet, j’imagine que les choses sont d’ores et déjà assez claires dans votre esprit, monsieur le ministre, même si le débat va encore avoir lieu avec les organisations syndicales, comme vous l’avez signalé.
J’en viens au fond du texte.
J’ai pris soin de consulter ce week-end un certain nombre d’organisations au niveau national comme de praticiens sur le terrain – dans l’Yonne, mon département –, des conseillers prud’homaux, élus par les salariés comme élus par les employeurs, tant il est vrai que le terrain, le réel, doit inspirer nos travaux. Je peux dire qu’ils sont nombreux à partager la conviction selon laquelle il faut protéger la légitimité des conseillers prud’hommes en adaptant leur mode de désignation. Pour certains, nous en sommes presque à un système de cooptation. Nous constatons donc une évolution en la matière.
Les limites du système existant ont été rappelées.
C’est d’abord un taux d’abstention croissant, qui a atteint 75 % en 2008. Mais ce n’est pas une nouveauté : dès après le vote de la loi de 1806, le taux de participation s’élevait à 22 %. Ce fut donc une grande déception de constater une participation aussi faible. Il semble que l’histoire bégaie ou se répète !
Autre limite du système : la complexité de l’organisation du scrutin: Ce sont 9 500 mairies qui ont été réquisitionnées en 2008, et l’Association des maires de France a d’ailleurs souhaité que les mairies soient déchargées de cette tâche.
Le coût financier a été évoqué, et même si là n’est pas le véritable sujet, il faut savoir que ce coût est identique à celui des élections municipales de 2008. Cela mérite donc qu’on se penche aussi sur cet aspect.
D’autres points ont été soulevés, comme la lenteur de certaines décisions et un taux de conciliation trop faible. On m’a rapporté une récente évolution vers des prises de position qui s’apparentent plutôt à des postures, ce que regrettent certains conseillers prud’homaux, qu’ils soient élus par les salariés ou par les employeurs, car ils ont en tête l’enjeu important que représente, pour la crédibilité et le maintien de cette institution, un travail apaisé, mené dans un cadre serein.
Les différentes versions du texte n’ont d’ailleurs pas aidé à la pédagogie, car nombre de conseillers prud’homaux m’ont confié ce week-end être dans le flou, ne sachant pas vraiment de quoi l’avenir allait être fait, et craignant même l’arrivée de juges de carrière et d’un système totalement nouveau. Ce n’est pas l’objet du texte, mais je vous fais part de ce que j’entends et de la crainte qui est exprimée.
D’autres dispositifs auraient été possibles. Madame le rapporteur, vous avez évoqué les différentes pistes. Le suffrage indirect qui était envisagé aurait pu convenir ; ce n’est pas nous qui dirons l’inverse, car nous sommes bien placés, ici, pour constater que ce mode de scrutin peut faire émerger des élus engagés et compétents.
Les partenaires sociaux ont globalement approuvé le dispositif présenté. Encore faudrait-il examiner certains détails, car le diable se situe souvent dans les détails...
Sur la représentativité, l’encadrement s’interroge, craignant peut-être une répétition de ce qui s’était produit pour les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux.
La période transitoire soulève aussi un certain nombre de questions, puisque le mandat se trouve quasiment doublé : des personnes qui ont été élues en 2008 pour cinq ans vont être amenées à siéger pendant neuf ans ! Or elles peuvent avoir pris des engagements, publics ou privés, dont le respect peut s’avérer difficilement compatible avec un tel délai.
Certains suggèrent de compléter éventuellement certaines sections compte tenu des départs et des changements de vie des uns ou des autres.
En tout cas, il y a là un grand sujet de préoccupation sur le terrain.
Par ailleurs, il faut naturellement prendre en compte les spécificités locales. En effet, l’audience prise en considération sera-t-elle mesurée au niveau national ou au plus près de chaque circonscription prud’homale ? Même si cette option est techniquement plus compliquée à réaliser, elle me semble préférable.
Vous aviez évoqué lors de votre audition, monsieur le ministre, une concertation à venir. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Sur l’aspect territorial, je veux aussi évoquer la crainte, parfois émise, du regroupement de sections ayant moins d’affaires – je pense notamment à celles de l’agriculture. Si tel devait être le cas, cela pourrait conduire à éloigner les salariés ou les employeurs de la juridiction.
Quelles sont les perspectives d’avenir ?
D’importantes économies vont être trouvées avec le nouveau mode de désignation. Bien sûr, il faudra en recycler une partie en économies nettes, mais il conviendrait également d’en consacrer une partie pour améliorer la visibilité de la démocratie sociale et la vivifier.
Au-delà de ces mesures, on doit s’interroger sur les mesures à prendre pour réduire les délais de traitement des recours et, à partir du bilan de la prud’homie qui avait été promis – peut-être nous direz-vous où l’on en est à cet égard, monsieur le ministre –, repenser le système pour le rendre encore plus efficient.
Le Gouvernement ne s’attaque pas à l’ensemble des problèmes que je viens d’évoquer. C’est, outre notre protestation contre la méthode un peu à la hussarde qui a été employée, ce qui conduira le groupe UMP à s’abstenir lors du vote de ce projet de loi. §