Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 15 octobre 2014 à 14h30
Lutte contre le terrorisme — Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

ou faut-il prendre le temps de la réflexion afin de déterminer quel type d’actions il est nécessaire d’engager ?

Pour notre part, nous pensons que la réflexion doit être de mise.

Si nous regrettons le recours à la procédure accélérée sur un sujet aussi complexe et, vous l’avez dit, monsieur le ministre, aussi sensible, c’est parce qu’il s’agit d’adopter des mesures par définition attentatoires aux libertés individuelles et souvent dérogatoires au droit commun.

N’oublions pas que l’appréhension étatique de la question terroriste met toujours en danger les fondements mêmes de notre démocratie.

À ce titre, l’auteure Colombe Camus, que je citais déjà en 2012, résume parfaitement toute la problématique qui se pose à nous aujourd’hui et qui, par le passé, a rassemblé la gauche et divisé la droite : « Le terrorisme interpelle les capacités de résistance politique et sociétale des démocraties, c’est-à-dire la capacité d’une société dans son ensemble à dépasser les conséquences d’une agression et les effets psychologiques induits par un incident majeur, sans trahir sa liberté et ses droits et sans répercuter politiquement sa détresse. » Elle ajoute : « Le respect des droits humains et des libertés fondamentales n’est pas un luxe réservé aux époques de prospérité ».

Les débats relatifs à la lutte contre le terrorisme ont toujours été l’occasion de soulever la question de l’amplitude des atteintes aux libertés fondamentales acceptables dans une démocratie au nom de la préservation de celle-ci contre la menace terroriste. Déjà en 1978, la Cour européenne des droits de l’homme précisait que « consciente du danger, inhérent à pareille loi de surveillance, de saper, voire de détruire la démocratie au motif de la défendre, les États ne sauraient prendre, au nom de la lutte contre l’espionnage et le terrorisme, n’importe quelle mesure jugée appropriée ».

Non, la démocratie n’est pas un acquis : elle se cultive ! La faire vivre demande une vigilance permanente et un travail constant. Les libertés aussi fondamentales que la liberté d’aller et venir ou le respect de la vie privée sont des principes durement acquis et doivent être défendus en toutes circonstances, quelle que soit la conjoncture politique.

La démocratie est un ensemble de libertés et de droits que l’on ne peut démanteler, même dans les moments difficiles, car cet ensemble est le fondement d’une sécurité humaine durable et non un obstacle à celle-ci.

Je ne verse pas dans l’angélisme. Au contraire, c’est bien parce que je ne sous-estime pas les enjeux de ce sujet que je me refuse à céder au « tout sécuritaire ».

Si nous admettons que des circonstances exceptionnelles appellent des mesures exceptionnelles, il faut également admettre que le développement de procédures dérogatoires et d’exception appelle à une vigilance toute particulière.

Les moyens mis en place pour lutter efficacement et avec détermination contre le terrorisme doivent toujours préserver l’équilibre entre les mesures prises et le respect des libertés fondamentales et de l’État de droit.

De manière générale, toute la législation antiterroriste a-t-elle permis de réduire le phénomène ?

La législation antiterroriste a connu un renforcement graduel depuis vingt-cinq ans, et nombre d’experts et de hauts magistrats considèrent aujourd’hui qu’elle est suffisante, ce qui est clairement ressorti, en octobre 2012, des travaux de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.

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