Au terme de cette discussion générale, je voudrais tout d’abord remercier chaleureusement les rapporteurs de ce texte, ainsi que M. le président de la commission des lois, d'avoir su créer les conditions d’un débat de grande qualité au sein de la commission. Cela a permis, sur chaque article du projet de loi, d’aller au fond des choses. Alain Richard et Jean-Jacques Hyest ont réalisé un travail extrêmement rigoureux et utile pour améliorer le texte, dans un souci d’équilibre, en établissant une relation de travail de qualité avec les membres de mon cabinet.
Je voudrais également remercier les orateurs de tous les groupes de leur contribution au débat.
Quelles que soient les divergences qui peuvent exister entre nous à propos de ce projet de loi, nous sommes tous soucieux de lutter contre le terrorisme, dans le respect rigoureux des libertés publiques auquel nous tenons. Il n’y a donc pas d’un côté ceux qui lutteraient contre le terrorisme en remettant en cause des libertés publiques, parce qu’animés d’un état d’esprit liberticide et sécuritaire, et de l’autre ceux qui se proposeraient de lutter contre ce fléau en prévoyant des mesures garantissant le complet respect des libertés, d’autant que le texte que je soumets à la représentation nationale ne remet nullement en cause les libertés publiques.
Je voudrais donc, avant toute chose, répondre à un certain nombre d’orateurs qui se sont exprimés sur ce thème.
J’ai écouté avec intérêt les interventions de Mmes Assassi et Benbassa.
Je comprends, au travers de leur discours, qu’elles sont aussi déterminées que le Gouvernement à lutter contre le terrorisme, mais qu’aucune des mesures de ce projet de loi, à quelques exceptions près, ne leur agrée.
Je comprends qu’elles considèrent comme attentatoire à la liberté d’aller et venir l’interdiction administrative de sortie du territoire, destinée à empêcher certains de nos ressortissants d’aller se faire tuer sur des théâtres d’opérations ou de commettre des crimes sur notre sol à leur retour.
Je comprends que l’article 9, qui prévoit le blocage des sites internet, non pas a priori, mais après que les hébergeurs et éditeurs ont été alertés sur les risques que présente la diffusion d’un certain nombre de vidéos ou d’images, ne leur convient pas non plus et qu’il leur semble attentatoire à la liberté d’expression.
Je comprends qu’extraire les incriminations d’apologie du terrorisme et de provocation au terrorisme sur internet du champ de la loi de 1881 sur la liberté de la presse pour les intégrer dans le code pénal ne leur agrée pas non plus, car c’est à leurs yeux une atteinte à la liberté de la presse et, par conséquent, à la liberté d’expression.
Je comprends enfin que l’entreprise terroriste individuelle est, à leur avis, une incrimination pénale qui, en dépit de ce qui nous a été indiqué par les juges antiterroristes, ne présente ni intérêt ni utilité et que, par conséquent, elle devrait disparaître du projet de loi.
Dès lors, j’aimerais que vous m’indiquiez, mesdames les sénatrices, ce qui subsisterait du texte si nous vous suivions. Étant donné qu’il n’en resterait rien, je voudrais que vous m’indiquiez, puisque vous êtes aussi déterminées que le Gouvernement à lutter contre le terrorisme, quelles mesures il faudrait lui substituer. Cela m’intéresse au plus haut point, je suis à l’écoute ! Si tout le monde est d’accord pour lutter contre le terrorisme et si les mesures que je propose ne conviennent pas, j’attends que l’on m’indique celles qui doivent leur être substituées. N’étant aucunement psychorigide, je les reprendrai volontiers à mon compte…
Tout cela pose un problème de fond, d’ordre politique, presque philosophique. Mme la sénatrice Benbassa a affirmé que si des gens s’engagent dans des opérations terroristes, c’est parce que la République les a relégués et que l’école s’est montrée incapable de les garder en son sein. C’est d’ailleurs là une curieuse manière de remercier l’école de la République et les enseignants, qui consacrent une grande partie de leur temps à transmettre des connaissances, à promouvoir les valeurs de la République et à lutter contre l’obscurantisme. Pour le travail qu’ils accomplissent, nous leur devons considération et respect.
Au-delà de cet aspect, qui n’est pas négligeable et a suscité certaines réactions de la part de M. Alain Richard, auxquelles je m’associe, une telle approche pose un problème politique de fond. En effet, elle repose sur l’idée que des formes de relégation concerneraient spécifiquement certaines communautés, ce qui pourrait justifier qu’un certain nombre de leurs membres s’engagent dans des opérations terroristes. Si l’on voulait stigmatiser ces communautés, on ne tiendrait pas un autre discours !