Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, et l’actualité se charge de nous le rappeler depuis quelques temps de la manière la plus abominable qui soit, prendre le terrorisme à la légère relèverait de l’inconscience.
Il est donc de notre devoir de réagir de la manière la plus ferme possible au développement du terrorisme. C’est l’objet du texte que vous nous présentez, et en particulier de son article 1er.
Parce que l’embrigadement de jeunes n’est plus un fantasme – c’est une réalité et un danger –, parce que certains n’hésitent pas à se rendre sur le théâtre d’opérations de groupements terroristes, il nous incombe de prendre toutes les mesures susceptibles d’enrayer ce phénomène.
Après une longue réflexion et des hésitations, je le reconnais, l’interdiction de sortie du territoire mise en place de manière rigoureuse et encadrée par cet article me semble être une mesure adaptée à l’urgence de la situation.
Certes, il est toujours délicat d’entraver la liberté d’aller et de venir d’un citoyen. Certains ont, à ce titre, parlé de mesure liberticide. Mais comment accepter que des jeunes gens vivant sur notre sol, parce qu’ils n’ont plus de repères, éprouvent le besoin de partir dans certains pays afin de rallier des groupes extrémistes ? Comment accepter que ces jeunes partent pour apprendre à tuer ?
Faut-il rappeler que ces groupes se sont donné pour but de détruire notre société et nos valeurs, en menaçant la population, en exécutant nos ressortissants, afin d’imposer un régime de terreur inégalitaire et barbare ?
Je note que cette interdiction de sortie du territoire sera bien entendu motivée et surtout limitée dans le temps puisque sa durée maximale ne pourra excéder six mois, sauf à être renouvelée, si les conditions sont réunies, jusqu’à un maximum de deux ans.
Mes chers collègues, le terrorisme n’est plus le fait de quelques individus isolés et fanatisés ; il est désormais le fait d’entreprises organisées, ayant des relais tout autour de la planète et disposant de moyens numériques et financiers considérables, qui n’ont de cesse de recruter parmi les plus faibles.
La vérité, c’est que ces organisations créent des assassins et promeuvent la barbarie pour asseoir le pouvoir d’une poignée d’hommes qui se cachent derrière des préceptes religieux qu’ils ont pervertis.
Force est de le constater, environ un millier de nos concitoyens seraient impliqués de près ou de loin dans des activités terroristes en Irak et en Syrie, un nombre qui a connu une augmentation de 50 % en quelques mois.
Alors, oui, après réflexion, je considère que cette interdiction de sortie du territoire se justifie, parce que nous avons le devoir de protéger nos concitoyens, mais aussi de protéger ces hommes d’eux-mêmes. Cette mesure n’éradiquera pas le terrorisme, j’en suis conscient, mais, si elle met un frein à son développement, un grand pas sera déjà accompli.
J’insiste sur ce point, mes chers collègues : j’ai tenu à vérifier que l’interdiction de sortie du territoire serait bien encadrée. Ainsi, la personne concernée, qui pourra être assistée d’un avocat ou d’un conseil, sera également entendue par le ministre de l’intérieur ou par l’un de ses représentants. Elle pourra contester la décision par référé-liberté en cas d’urgence et si l’atteinte à la liberté d’aller et venir est grave, et manifestement illégale. Je rappelle que cette mesure prise avant que tout acte terroriste soit commis existe dans des pays voisins tels que la Grande-Bretagne ou la Belgique, dont les gouvernements ne peuvent être taxés de liberticides.
Je terminerai par une question soulevée lors de l’étude du texte par la commission des lois, à laquelle, hélas ! je n’appartiens pas. Cette dernière s’est interrogée sur la capacité de sortie du territoire d’un ressortissant français possédant une autre nationalité, et donc d’autres papiers d’identité valables. Il conviendra de réfléchir aussi à cette difficulté, à moins que ce ne soit déjà fait. §