Intervention de Leila Aïchi

Réunion du 15 octobre 2014 à 21h30
Lutte contre le terrorisme — Article 1er

Photo de Leila AïchiLeila Aïchi :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous convenons tous ici que le risque terroriste existe. La France doit s’engager à protéger ses citoyens en appliquant des mesures préventives efficaces et ciblées.

Monsieur le ministre, je ne souscris ni à l’angélisme ni à une quelconque idéologie. Je me pose simplement en légaliste. Confier des pouvoirs démesurés à l’administration sur la vie des citoyens ne saurait en aucun cas constituer une réponse au terrorisme. C’est dans l’urgence, l’émotion et la peur - pourtant mauvaise conseillère, vous le savez – que se déroule ce débat. Je regrette donc vivement cette procédure accélérée.

En créant une interdiction de sortie du territoire pour les ressortissants français sans procès équitable, ce pilier de notre démocratie, vous innovez, certes, mais pas totalement : il faut remonter à la Constitution de 1793 et au régime de la Terreur pour trouver une sanction d’une telle sévérité.

En effet, votre texte attentatoire aux libertés publiques ne repose que sur des bases hasardeuses : une intention, à savoir celle de commettre « une infraction pénale à venir », et celadans un pays étranger, avec un trouble à l’ordre public potentiel qui interviendrait ultérieurement, au moment du retour sur le sol français.

Monsieur le ministre, vous prétendez garantir le respect des droits de la défense, mais vous prévoyez de pouvoir prononcer des mesures de sûreté en vous contentant, pour établir l’intention, d’un fondement bien fragile : « les raisons sérieuses de croire », quand notre droit s’est construit en réservant cette prérogative au juge pénal qui, lui, doit réunir des « indices graves ou concordants » pour fonder une décision attentatoire aux libertés publiques.

Pourquoi avoir écarté le juge judiciaire, seul garant des libertés publiques, un argument auquel vous étiez pourtant sensible lors du débat sur la LOPPSI 2 ?

Cet article 1er représente une atteinte à la liberté d’aller et venir comme au droit à un procès équitable. Il est donc, à ce titre, clairement disproportionné et incompatible avec les principes d’un État démocratique.

De plus, votre dispositif ne permet pas de répondre véritablement aux risques qu’il est censé combattre. Que ferez-vous au-delà des six mois, renouvelés ou non, d’interdiction de sortie de territoire, c'est-à-dire à moyen et long terme ? Ce dispositif n’a aucun sens ! Pensez-vous vraiment que la politique que vous menez empêchera les Français les plus déterminés de partir et de revenir, notamment par la voie terrestre ?

Monsieur le ministre, pour un homme de gauche, avoir George Bush junior pour inspirateur, avec son Patriot Act, Éric Zemmour pour curseur et les thèses de Marine Le Pen pour référence ne vous mènera nulle part !

Politiquement, vous n’y gagnerez rien, sauf à donner davantage de gages aux extrémistes. Mais, à coup sûr, vous y perdrez la France en faisant reculer ses idéaux de justice et de liberté !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion