Madame Aïchi, pour ce qui concerne les amendements n° 67 et 68, je veux tout d'abord vous remercier du fond du cœur pour l’esprit de nuance et de pondération ayant présidé à la présentation que, loin de tout manichéisme, vous avez bien voulu en faire et qui m’autorise à vous répondre avec le même sens de la nuance…
Pardonnez-moi de vous dire que les arguments de droit que vous avez invoqués sont absolument erronés.
Vous indiquez que cet article est dérogatoire aux habitudes juridiques et comporte des expressions qui seraient quasiment exceptionnelles. En réalité, l’expression « raisons sérieuses de penser » est inspirée de différents textes de droit international et de droit français, dont certains sont anciens. Il ne s’agit donc pas du tout de dispositions dérogatoires. Bien au contraire, ce texte ne fait que reprendre des dispositions très souvent utilisées, à la fois en droit français et en droit international.
Pour vous montrer que votre raisonnement n’est pas juste, je ne citerai que quelques alinéas d’autres textes.
L’article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, entrée en vigueur le 22 avril 1954, exclut du bénéfice de la protection les personnes « dont on aura des raisons sérieuses de penser […] qu’elles ont commis un crime contre la paix ».
L’expression est donc utilisée dans des textes très anciens dont personne n’a considéré qu’ils étaient liberticides ou attentatoires aux droits de l’homme !
De même, cette notion est reprise dans l’article L. 712-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à l’exclusion du bénéfice de la protection subsidiaire. Il s’agit donc d’une notion communément admise par le juge administratif, qui doit contrôler des décisions prises sur le fondement de cette notion.
Votre argumentaire en droit ne tenant pas, ainsi que je viens d’en faire la démonstration, et vous sachant de bonne foi, en même temps qu’animée par un grand souci de modération, je vous propose de bien vouloir retirer vos deux amendements.
Madame Assassi, je comprends bien l’inspiration de l’amendement que vous avez présenté, mais M. Sueur défendra dans un instant un amendement qui repose sur la même préoccupation que la vôtre et dont la rédaction me paraît mieux correspondre à ce que nous devons faire. Je vous propose donc, si vous en êtes d’accord, de vous rallier à l’amendement de Jean-Pierre Sueur.