Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 15 octobre 2014 à 21h30
Lutte contre le terrorisme — Article 1er, amendements 16 59

Bernard Cazeneuve, ministre :

Ce cas concret illustre parfaitement cette réalité.

Si nous avions dit à cette personne que nous allions organiser un débat contradictoire avant la notification de l’interdiction de sortie du territoire, elle aurait profité du temps qui nous séparait de l’organisation de ce débat et de l’édiction de la mesure pour partir.

Par conséquent, le débat contradictoire est bien entendu possible dès lors que la mesure est prise. Le délai est très bref, vingt-quatre heures, puisque le recours devant le juge se fait en référé, entre l’édiction de l’interdiction de sortie du territoire et la possibilité d’engager le débat contradictoire. Si nous l’organisons avant, nous prenons le risque de rendre la mesure inopérante.

Pour cette raison, je ne puis donner un avis favorable sur les amendements n° 16 rectifié et 59.

Je ne suis pas favorable non plus à l'amendement n° 38 de Mme Benbassa, qui prévoit un réexamen de la situation tous les quatre mois. La mesure, pour être retenue, doit être opératoire. Or, compte tenu du nombre de dossiers qui sont susceptibles d’être traités, un délai de quatre mois entre chaque interdiction risquerait de nous conduire à ne pas pouvoir traiter au fond chacun des dossiers soumis à notre examen. Par conséquent, nous adopterions une mesure insatisfaisante parce que trop difficile à mettre en pratique.

L’amendement n° 31 de M. Sueur reçoit un avis favorable du Gouvernement. Je l’ai dit tout à l’heure, l’expression « raisons sérieuses de penser » ne nous pose pas de problème. Elle n’est nullement dérogatoire et ne relève pas d’un droit d’exception ; elle a été employée à plusieurs reprises, dans un certain nombre de textes. J’ajoute que la précision rédactionnelle proposée par M. Sueur n’enlève à notre texte rien de sa force, de sa cohérence, de son efficacité. Par conséquent, nous n’avons pas de raison de la refuser.

Je voudrais maintenant approfondir la discussion avec le rapporteur Alain Richard, qui, manifestant l’esprit d’extrême rigueur et de précision que nous lui connaissons, apporte des arguments méritant une réponse précise et circonstanciée.

D’abord, nous considérons que l’amendement que nous proposons institue une procédure plus conforme à la loi DCRA du 12 avril 2000 en ce qu’il permet à la personne concernée de présenter des observations écrites ou orales en étant assistée, le cas échéant, de la personne de son choix.

Ensuite, il augmente le délai utile permettant à la personne concernée de préparer sa défense en le portant de huit à dix jours à compter de la notification de la mesure d’interdiction de sortie du territoire, qui est le délai communément admis par le juge administratif.

Enfin, en précisant que cette procédure doit être menée à bien dans un délai maximal de dix jours à compter de la notification de la décision, il permet au ministre de revenir rapidement, le cas échéant, sur une décision, dès lors que les éléments apportés par l’intéressé le justifieraient.

Cette nouvelle rédaction permet donc une meilleure conciliation - et vous savez que c’est mon obsession - entre les droits de la défense et la préservation de l’ordre public. Monsieur le rapporteur, la réponse que je fais à votre intervention, comme à l’accoutumée très pertinente, apporte la démonstration de la volonté absolue du Gouvernement de préserver l’équilibre entre sécurité et liberté, entre mesure de police administrative et reconnaissance des droits de la défense.

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