Intervention de Jean-Yves Leconte

Réunion du 16 octobre 2014 à 9h30
Lutte contre le terrorisme — Article 9

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

Or ce n’est pas aussi simple.

D'abord, je ne voterai pas ces amendements de suppression, car l’article 9 ne traite pas uniquement du blocage, il apporte aussi, dans ses deux premiers alinéas, un complément à la loi sur l’économie numérique, qui procède justement de ce dialogue avec les opérateurs internet, dialogue absolument nécessaire. Ces deux alinéas, qui réparent opportunément un oubli, doivent donc être maintenus.

En revanche, le blocage administratif me semble dangereux à plusieurs égards. Bien entendu, il existe plusieurs niveaux de blocage – M. le ministre l’a dit.

On peut mettre en place un blocage technique, de même nature que celui que nous avons sur le réseau du Sénat, qui est totalement sécurisé. Mais il se trouve qu’un certain nombre d’opérations y sont impossibles. Et je constate que dans les pays totalitaires dont l’économie se développe, les réseaux ne sont pas sécurisés de cette manière afin de ne pas bloquer l’activité.

Sur le plan administratif, le blocage a déjà été prévu par la loi, mais les décrets ne sont pas sortis, ce qui prouve que des difficultés ont été rencontrées.

Sur le plan technique, dès lors que l’on ne choisit pas des modes de sécurisation des réseaux qui soient intrusifs ou rigoureux au point de bloquer in fine un certain nombre d'activités, il devient possible de contourner ces dispositifs avec des applications très simples.

Et il ne faut pas forcément voir de la malice dans de tels comportements car pour effectuer certaines opérations, d’aucuns n’auront pas d’autres choix, sans qu’on puisse le leur reprocher et sans qu’ils soient des apprentis terroristes. Les motivations pour se connecter en VPN, le blocage étant alors inopérant, sont très diverses.

Sur le plan éducatif, si une loi est votée sans qu’elle soit opérationnelle, on marque un décalage entre, d’une part, le monde politique et le monde législatif et, d’autre part, la réalité. La loi ne peut pas s'opposer à la technique, elle doit la prendre en compte si elle veut être crédible. Par conséquent, si nous votons des dispositions contraires à la réalité technique, nous dévalorisons la loi en portant atteinte à sa crédibilité. C'est mauvais sur le plan éducatif, et cela ne contribuera pas à faire des internautes des consommateurs et des citoyens de l’internet. Or, compte tenu de la nature d’internet, cette évolution est indispensable.

Enfin, sur le plan de la sécurité, il me semble plus important de pouvoir suivre ceux qui consultent des sites terroristes, plutôt que de les inviter à emprunter des tunnels cryptés pour y accéder.

Et s'il s'avère qu’un site présente un danger absolu, il ne convient pas, selon moi, d’agir par le blocage, mais plutôt de demander aux services concernés d’attaquer le site pour qu’il n’existe plus.

Internet, d’une manière générale, est une remise en cause de la souveraineté des États. Dans beaucoup de pays totalitaires, il a permis aux citoyens d’accéder à l’information.

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