La séance est ouverte à neuf heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
J’informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, actuellement en cours d’examen.
Cette liste a été publiée conformément à l’article 12, alinéa 4, du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme (projet n° 807 [2013-2014], texte de la commission n° 10, rapport n° 9).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre III, à l’article 5.
Chapitre III
Renforcement des dispositions de nature répressive
I. – Après l’article 421-2-4 du code pénal, il est inséré un article 421-2-6 ainsi rédigé :
« Art. 421 -2 -6 . – Constitue un acte de terrorisme le fait de préparer la commission :
« 1° Soit d’un des actes de terrorisme mentionnés au 1° de l’article 421-1 ;
« 2° Soit d’un des actes de terrorisme mentionnés au 2° du même article, lorsque l’acte préparé consiste en des destructions, dégradations ou détériorations par substances explosives ou incendiaires devant être réalisées dans des circonstances de temps ou de lieu susceptibles d’entraîner des atteintes à l’intégrité physique d’une ou plusieurs personnes ;
« 3° Soit d’un des actes de terrorisme mentionnés à l’article 421-2, lorsque l’acte préparé est susceptible d’entraîner des atteintes à l’intégrité physique d’une ou plusieurs personnes,
« lorsque la préparation des faits prévus aux 1° à 3° est intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur et qu’elle est caractérisée par :
« a) Le fait de détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui ;
« b) Et l’un des autres éléments matériels suivants :
« – recueillir des renseignements sur des lieux ou des personnes permettant de mener une action dans ce lieu ou de porter atteinte à ces personnes ou exercer une surveillance sur ces lieux ou ces personnes ;
« – s’entraîner ou se former au maniement des armes ou à toute forme de combat, à la fabrication ou à l’utilisation de substances explosives, incendiaires, nucléaires, radiologiques, biologiques ou chimiques ou au pilotage d’aéronefs ou à la conduite de navires ;
« – effectuer des préparatifs logistiques permettant de mettre en œuvre les moyens de destruction mentionnés au a) ;
« – consulter habituellement un ou plusieurs services de communication au public en ligne ou détenir des documents provoquant directement à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie ;
« – avoir séjourné à l’étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes. »
II. –
Non modifié
« L’acte de terrorisme défini à l’article 421-2-6 est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende. »
L'amendement n° 62, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement vise à supprimer l’article 5 du projet de loi.
Dans ce texte, il semble que la réaction au terrorisme ne serait qu’affaire d’incrimination. Il s’agit finalement de saisir une « réalité » qui semble à ce jour encore peu étayée – nous en avons débattu hier soir – et de lui apporter une traduction juridique par une qualification qui se veut adaptée.
Cet article 5 vise à créer l’incrimination d’entreprise terroriste individuelle, alors que notre arsenal répressif, au travers du délit d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, répondait par extension, à notre avis, à cette situation.
Cet article nous semble construit sur une logique se traduisant inévitablement par la pénalisation effective des intentions éventuelles, sans qu’existe même le commencement d’exécution juridiquement requis permettant d’établir que la loi a effectivement été enfreinte. C’est à nos yeux un danger, d’ailleurs souligné par un certain nombre d’associations.
Dès lors, la pénalisation d’intentions, exprimées parfois dans la solitude, sans même attendre le commencement d’exécution juridiquement requis pour caractériser une tentative, nous paraît une évolution dangereuse.
Cela ne suffirait ni à exclure les risques de dérive ni à convaincre de l’efficacité de telles dispositions, face à des individus difficilement identifiables et dont les faits et gestes – au moins, nous sommes tous d’accord sur ce point – ne sont pas faciles à anticiper.
À nos yeux, le droit pénal doit rester limité par les bornes clairement identifiées que sont la légalité, la proportionnalité, l’égale dignité et la présomption d’innocence.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons, mes chers collègues, la suppression de l’article 5.
L’article 5 est l’un des plus importants de ce projet de loi. En effet, contrairement à ce que vous venez de dire, madame Cukierman, on ne peut actuellement recourir à l’incrimination d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste pour ce qui concerne les entreprises individuelles terroristes. Or, justement, le problème tient à l’autoradicalisation d’un certain nombre de personnes.
Vous prétendez que ces mesures n’entrent pas dans le cadre de la légalité. Or le dispositif est parfaitement encadré, puisqu’il implique non seulement une intention mais aussi des préparatifs et des éléments matériels.
Par conséquent, cet article, tel qu’il a été amélioré par l’Assemblée nationale puis par la commission des lois du Sénat, apporte toutes les garanties de droit. La commission ne peut donc être favorable à sa suppression.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite profiter de l’examen de cet amendement pour apporter quelques précisions sur la volonté du Gouvernement de mettre en place une nouvelle incrimination pénale.
Nous avons souhaité, avec la création du délit d’entreprise individuelle terroriste, adapter le droit à l’évolution du phénomène terroriste, qui s’est considérablement atomisé au cours des dernières années. En effet, il repose à présent sur des cellules, parfois réduites à leur plus simple expression, puisqu’il peut s’agir d’un individu seul. Ce dernier peut avoir suivi un entraînement sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes et être ensuite renvoyé sur notre sol avec pour mission de passer à l’acte, sans entretenir de relation continue avec ses commanditaires. Il peut également suivre des mots d’ordre généraux, des appels au meurtre, relayés sur les sites internet radicaux, et agir de lui-même.
Ces individus représentent un danger incontestable. Au niveau opérationnel, leur isolement les rend difficilement détectables. Au niveau juridique, le projet criminel ne peut résulter d’un échange matérialisant une association.
Il existe par conséquent des cas qui n’entrent pas dans la catégorie de l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste.
Il nous faut donc – et les juges antiterroristes eux-mêmes ont souligné cette nécessité – définir l’entreprise individuelle terroriste de manière suffisamment précise pour éviter de pénaliser un comportement quelconque, et suffisamment souple pour lui permettre d’embrasser un champ suffisamment large.
Il est reproché au délit d’entreprise individuelle terroriste – c’est d’ailleurs un peu l’esprit de votre amendement, madame la sénatrice – de laisser au juge la possibilité de condamner une simple intention, de confier aux magistrats une « mission de neutralisation préventive », pour reprendre l’expression imagée du Syndicat de la magistrature.
Le délit d’association de malfaiteurs, je le rappelle, existe en droit commun depuis 1810. Le législateur a donc compris depuis longtemps l’intérêt qu’il y a d’intervenir en amont pour ne pas laisser se perpétrer les faits les plus graves.
En matière de terrorisme, l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste constitue la pierre angulaire de notre dispositif. Ce délit est utilisé quotidiennement par les magistrats et enquêteurs spécialisés. C’est cette incrimination qui permet les condamnations des terroristes avant le passage à l’acte et rend possible, nous l’assumons, une neutralisation préventive de leurs projets criminels.
L’infraction obstacle d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, si elle n’a pas été validée en tant que telle par le Conseil constitutionnel, a été indirectement examinée et reconnue à au moins trois reprises par cette juridiction, en 1996, en 2004 et en 2010.
La pénalisation des actes préparatoires n’est donc pas par principe contraire à la Constitution, et la définition de l’entreprise terroriste individuelle est conforme au principe de légalité des délits et des peines, dès lors que le champ de l’incrimination est précisément déterminé et que les éléments matériels sont précisément définis.
L’entreprise individuelle terroriste visera à pénaliser non pas une simple intention, contrairement à ce que j’ai pu souvent entendre ou lire, mais bien un projet terroriste, une ferme résolution, objectivée par des faits matériels, dont la possession de moyens dangereux – j’insiste sur ce point – associée à d’autres comportements.
Dans le cas du jeune militaire d’extrême droite sur le point de commettre un attentat contre une mosquée, la possession légale de moyens dangereux et le suivi d’entraînements étaient caractérisés, de même que la détermination, matérialisée par un courrier adressé à un camarade, dans lequel il faisait part de son projet funeste. Dès lors, fallait-il laisser faire ?
Le délit d’entreprise individuelle terroriste repose sur deux éléments : d’une part, un élément moral, puisqu’il est nécessaire de démontrer l’existence chez la personne poursuivie d’un projet criminel, celui de commettre un ou des actes terroristes parmi les plus graves : atteinte à la vie, enlèvement, séquestration, détournement d’aéronef, destruction par explosif, empoisonnement ; d’autre part, un élément matériel, qui peut consister dans des repérages, des entraînements, un séjour sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes, l’apprentissage du pilotage ou de la conduite de certains types de véhicules, la consultation habituelle de sites apologétiques ou provoquant à la commission d’actes de terrorisme, la recherche ou l’acquisition de moyens logistiques en vue de commettre un attentat. Le Gouvernement a d’ailleurs déposé, sur ce dernier sujet, un amendement permettant d’améliorer encore la rédaction de la commission.
À ces deux éléments doivent obligatoirement s’ajouter la recherche, l’acquisition, la fabrication ou la détention d’armes ou de substances dangereuses.
Madame la sénatrice, vous voyez bien que la réalisation d’une seule ou même de deux de ces conditions ne suffit pas à caractériser le délit. Prétendre le contraire, c’est dire une contrevérité. La consultation habituelle des sites les plus odieux n’est pas pénalisée en elle-même ; il s’agit d’un élément matériel parmi d’autres – dont l’acquisition ou la détention d’un moyen dangereux –, nécessaire pour caractériser le délit d’entreprise individuelle terroriste.
À l’inverse, si l’on devait exiger le cumul de la totalité de ces éléments pour ouvrir les poursuites pénales et diligenter une enquête, comme le propose Mme Assassi, l’action de la police et de la justice serait totalement paralysée. C’est bien la méthode du faisceau qui est retenue, laquelle permettra au juge judiciaire – on nous a expliqué hier qu’il était le garant de toutes les libertés – de se forger une conviction au vu des éléments de preuve qui lui seront soumis et de motiver sa décision. En effet, la mise en œuvre de l’action publique, l’instruction et le jugement de cette infraction seront l’œuvre de magistrats de l’ordre judiciaire du siège et du parquet, dans le cadre de la procédure pénale et avec les garanties du procès équitable.
Nous avons pris soin, mesdames, messieurs les sénateurs, d’aboutir à une rédaction précise, pour respecter le principe de légalité des délits et des peines, et suffisamment large pour garantir l’adaptation du texte aux nouvelles formes de terrorisme.
C’est la raison pour laquelle, après ces explications très détaillées que je viens de vous fournir et qui, très honnêtement, me paraissent assez imparables en droit
Mme Cécile Cukierman s’exclame.
Très naturellement, je ne voterai pas l’amendement de suppression qui vient d’être défendu.
Je remercie M. le ministre de l’intérieur, qui vient de définir de façon très précise une incrimination pénale. Il appartient désormais au Parlement de décider ou non de créer cette nouvelle incrimination, de la préciser davantage et de donner à l’État et à la justice les moyens d’agir.
Je me pose cependant une petite question : et le ministère de la justice dans cette affaire ?
Mme Cécile Cukierman s’exclame.
Je ne sais pas ce qu’il y a derrière la question de M. Mercier, qui connaît bien le ministère de la justice pour l’avoir dirigé, mais que les choses soient bien claires : ce texte est porté par le ministère de l’intérieur ; il contient des dispositions qui ont été validées en réunion interministérielle et qui ont fait l’objet de discussions extrêmement approfondies entre Mme la garde des sceaux et moi-même. Bien entendu, toutes ces dispositions qui ont vocation à être appliquées par l’administration de la justice, laquelle dépend de Mme la garde des sceaux, le seront conformément à l’esprit de la loi. Entre la Chancellerie et le ministère de l’intérieur, non seulement l’accord est complet, mais encore l’osmose est parfaite.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 46, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 7
1° Supprimer les mots :
de rechercher,
2° Après le mot :
danger
insérer le mot :
grave
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Dans sa rédaction actuelle, l’article 5 prévoit que constitue un acte de terrorisme le fait de préparer la commission d'un acte de terrorisme, notamment lorsque cette préparation est caractérisée par le fait « de détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui ».
L’objet de cet amendement est, d’une part, de supprimer l’action de « rechercher » des comportements dont l’incrimination est prévue par l’article 5. En effet, comme le souligne la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, ce terme « évoque une conduite fort imprécise car située trop en amont du commencement d’exécution de l’infraction ».
Au contraire, l’action de détenir, de se procurer ou de fabriquer implique une vraie matérialité dont le lien avec le projet terroriste peut être établi.
Cet amendement vise, d’autre part, à préciser que les objets ou substances doivent être de nature à présenter un danger grave pour autrui. La notion de danger simple est en effet trop vague et peut s'appliquer à un nombre trop important d'objets et de substances.
L'amendement n° 63, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer les mots :
de rechercher,
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Cet amendement, qui va dans le même sens que celui qui vient d’être défendu, ainsi que le suivant ont le même objectif, même s’ils ne font pas tous trois l’objet d’une discussion commune : introduire des garanties à l’article 5 en en formulant mieux la rédaction, dans la logique que celle que j’ai évoquée précédemment.
Pardonnez-moi de vous le dire, monsieur le ministre, mais vos arguments ne me semblent pas totalement imparables, et nous éprouvons une réelle inquiétude.
Comme cela a été dit en discussion générale, si tout le monde s’accorde sur la dangerosité d’un certain nombre d’actes commis de par le monde, y compris pour le devenir d’un certain nombre de nos jeunes, nous n’y apportons pas les mêmes réponses et avons des objectifs différents. Partant, même si chacun, ici, tente de préserver un équilibre, nous ne nous retrouvons pas dans vos arguments, monsieur le ministre.
Je le répète, la nouvelle incrimination prévue à cet article 5 ne nous semble pas répondre aux entreprises terroristes individuelles qui se développent aujourd’hui et dont tout le monde convient qu’elles suivent un mode de fonctionnement entièrement neuf et qu’elles peuvent être difficilement anticipées, même en recourant aux différents critères que vous avez évoqués. Dès lors, nous nous demandons si une interprétation extensible de cet article 5 à d’autres actes ne pourrait pas attenter à certaines libertés.
L’amendement n° 46 tend à opérer deux modifications à l’article 5 : supprimer la mention du fait de « rechercher » des substances dangereuses et prévoir que le danger causé par ces substances doit être « grave ».
Concernant le premier point, l’acte de rechercher est bien un fait concret et matériel qui sera apprécié par les juges.
Concernant le second point, la notion de « grave » danger n’ajoute sans doute pas beaucoup à celle de danger. Je rappelle que cette condition se cumule avec d’autres.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 46, ainsi que, pour les mêmes raisons, sur l’amendement n° 63.
L’avis du Gouvernement étant strictement identique à celui de la commission, je n’ajouterai rien.
Je voudrais juste poser une question à Mme Cukierman.
Madame la sénatrice, puisque vous avez défendu un amendement de suppression de l’article 5, ma question est simple : quel dispositif préconisez-vous en droit pour faire face au comportement de ceux qui, s’étant autoradicalisés, se proposent de commettre un crime ou un attentat sur le territoire national, sachant que l’incrimination d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, dixit les juges antiterroristes, ne permet pas de traiter la situation de ces personnes ? Concrètement, quel dispositif proposez-vous en substitution de celui que prévoit le Gouvernement ?
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote sur l'amendement n° 46.
Je voterai l’amendement n° 46 de Mme Benbassa, car je ne partage pas l’avis du Gouvernement.
Monsieur le ministre, nous avons déjà eu un débat hier et cela a été dit par un certain nombre d’orateurs : la réponse n’est pas simplement pénale. C’est bien pour cela que nous avons des appréciations divergentes.
Pour ma part, je reste intimement convaincue – peut-être l’avenir nous donnera-t-il tort, et tant mieux, serais-je tenté de dire – que nous sommes face à des comportements qui, dès la promulgation de cette loi – je n’irai pas jusqu’à dire « avant même » –, s’adapteront et contourneront les dispositions qui y sont prévues. Si ce texte pouvait tout simplement apporter une réponse à la barbarie et au terrorisme tels qu’ils s’expriment aujourd’hui dans une partie du monde, permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, sans minorer le travail qui a été fait, que ce serait un peu trop simple et trop facile.
Nous sommes à un carrefour. Personnellement, je pense que ce texte ne résoudra pas tout. Disant cela, je ne prétends pas – et personne, en tout cas dans mon groupe, ne le prétend – que vous n’apportez pas les bonnes réponses et que vous cautionnez ce qui se passe dans certaines parties du monde. La procédure accélérée ayant été engagée, nous ne disposerons sans doute pas de suffisamment de temps. Si nous avions pu échanger davantage, peut-être aurions-nous pu aboutir à autre chose.
Cela étant, la question n’est pas de trouver un aboutissement puisque nous n’appréhendons pas nécessairement ce problème non plus que nous n’y répondons avec la même logique. Nous ne sommes pas d’accord sur un certain nombre d’articles et d’amendements. Je vous propose d’acter nos positions, sauf à rouvrir le débat sur chaque article, ce à quoi je suis pour ma part tout à fait disposée.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 64, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer les mots :
l’un
par les mots :
l’ensemble
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Le présent amendement tend à rendre cumulatifs les éléments prévus aux alinéas 9, 10, 11 et 12 de l’article 5.
La nécessité d’un tel cumul rendrait l’infraction inopérante. Il est peu probable qu’une personne qui a l’intention de commettre des actes terroristes se livre cumulativement aux quatre types d’activités listés par le présent article.
La commission émet un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 75, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer le mot :
éléments
par le mot :
faits
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement est quasiment rédactionnel. Les comportements visés s’analysant comme des agissements, la notion de faits matériels, déjà présente dans la définition de l’association de malfaiteurs, doit être substituée à celle d’éléments matériels.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 11, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Compléter cet alinéa par les mots :
, sauf lorsque l’entraînement ou la formation résulte de l’exercice normal d’une profession
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Cet amendement vise à préciser que cet article ne s’applique pas lorsque l’entraînement ou la formation résulte de l’exercice normal d’une profession.
Je profite de la présentation de cet amendement pour dire que, en matière de terrorisme – je le sais pour travailler un peu sur cette question depuis plusieurs mois –, nous allons être dans la guerre de l’obus et du blindage ! En effet, au fur et à mesure de l’adoption de nouvelles législations, ceux qui voudront à la fois les détourner et s’attaquer à notre République ainsi qu’aux principes de la démocratie trouveront les moyens de le faire.
Cet article 5 pose des problèmes que nous avons longuement évoqués lors de la discussion générale, et je comprends tout à fait les hésitations que nous pouvons avoir les uns et les autres sur la pénalisation des intentions. Toutefois, en l’espèce, ces dernières sont très souvent, voire dans la majeure partie des cas, suivies d’effets. Quant aux autres dispositions ne figurant pas dans la loi, M. le ministre nous a expliqué hier longuement que de nombreuses mesures réglementaires avaient été prises pour éviter le pire en la matière.
Par conséquent, ce dispositif me semble nécessaire, et le débat le montrera, je pense.
L’incrimination de l’article 5 résulte d’un cumul qui permet le respect du principe de légalité et de nécessité des peines. En particulier, l’entraînement ou la formation évoqués dans le présent amendement devront se combiner, outre le projet terroriste, avec le fait de rechercher ou de détenir des substances dangereuses. Dès lors, une telle précision ne paraît pas justifiée.
En effet, plusieurs éléments doivent être réunis. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’inscrire dans chaque texte des exceptions en raison de la formation, etc. Aucun magistrat ne poursuivra un individu simplement en raison d’un entraînement ou d’une formation. S’il n’y a pas de but ou d’autres éléments, il n’y aura pas de poursuites.
C’est pourquoi la commission sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Non, madame la présidente. Compte tenu des explications de M. le rapporteur et de M. le ministre, je le retire.
L'amendement n° 11 est retiré.
L'amendement n° 76, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
« - rechercher, se procurer ou fabriquer des moyens matériels distincts de ceux visés au a) permettant ou facilitant la commission de l’acte terroriste ;
La parole est à M. le ministre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la commission des lois du Sénat a enrichi la rédaction de l’incrimination d’entreprise terroriste individuelle par un nouveau fait matériel ainsi rédigé : « - effectuer des préparatifs logistiques permettant de mettre en œuvre les moyens de destruction mentionnés au a) ; ».
Cette rédaction répond à la nécessité de viser dans les actes matériels l’ensemble des comportements ou des situations qui permettent de mener à bien le projet terroriste.
Cependant, en visant expressément les moyens matériels distincts de ceux visés au a), cette rédaction a pour effet de supprimer l’exigence de cumul de deux éléments matériels distincts dès lors que le fait d’effectuer des préparatifs logistiques est déjà compris dans « le fait de détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou substances de nature à créer un danger pour autrui ».
Aussi, cet amendement, tout en conservant la démarche de la commission des lois, en améliore la rédaction en distinguant clairement ce qui relève de l’élément matériel indispensable, visé au a), et ce qui relève de l’élément matériel alternatif, visé à l’alinéa 11.
Ce nouvel élément matériel pourra consister, par exemple, en l’achat ou la location de matériels, de box ou encore de véhicules.
Comme M. le ministre l’a souligné, la commission des lois a enrichi la rédaction de l’incrimination d’entreprise terroriste individuelle en prévoyant notamment la préparation logistique, telle la location de box, etc. Si cet élément est important, l’articulation de l’article en souffre cependant. La précision qui tend à insérer l’amendement n° 76 est donc utile pour préserver le cumul de deux éléments matériels distincts.
Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
L'amendement est adopté.
Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 47, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
L’alinéa 12 de l’article 5 permet de considérer comme relevant de l'entreprise terroriste individuelle la consultation de sites provoquant ou faisant l'apologie d’actes de terrorisme. Il revient de fait à sanctionner la consultation habituelle de sites terroristes, en considérant qu'il s'agit d'un acte préparatoire à l'élaboration d'un acte terroriste. Il élargit également cette entreprise terroriste individuelle à la détention de documents provoquant au terrorisme ou en faisant l’apologie, pour inclure notamment les livres.
Cet alinéa fait appel à des notions floues, incertaines, voire contraires aux principes de légalité et de proportionnalité, et recouvre donc des situations très larges.
Actuellement, seule la consultation d'images pédopornographiques peut être punie de deux ans de prison. Pénaliser la consultation de contenus idéologiques ou la possession d'ouvrage est une innovation qui pose de nombreuses questions, notamment en matière de constitutionnalité et de conventionalité. Il convient donc d’être raisonnable et de supprimer cet alinéa.
Si, par curiosité intellectuelle, je consulte un site de ce genre, je serai taxée de terrorisme ! Certes, disant cela, je me livre à une simplification. Mais une telle situation peut arriver.
Mme Françoise Laborde sourit.
L’amendement n° 48, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Supprimer les mots :
ou en faisant l’apologie
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Il s’agit là d’un amendement de repli ne concernant que l’apologie des actes de terrorisme. L'article 4 du présent projet de loi distingue clairement les délits d'apologie et les délits de provocation au terrorisme. La consultation de contenu faisant l'apologie du terrorisme, si elle est bien sûr condamnable, ne peut être assimilable au terrorisme au même degré que la consultation de sites provoquant au terrorisme. Le fait de consulter des sites ou de posséder des ouvrages faisant l'apologie d'actes de terrorisme, si odieux soient-ils, ne saurait caractériser à lui seul la préparation d'un acte de terrorisme, contrairement à la consultation de sites provoquant au terrorisme.
L'amendement n° 12, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Compléter cet alinéa par les mots :
, sauf lorsque la consultation ou la détention résulte de l’exercice normal d’une profession ayant pour objet d’informer le public, intervient dans le cadre de recherches scientifiques ou a pour objet de servir de preuve en justice
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement de principe porte sur la consultation ou la détention qui résulte de l’exercice normal d’une profession. Néanmoins, à la suite des précisions apportées par M. le rapporteur et M. le ministre à l’alinéa précédent – je comprends relativement vite sans qu’il soit besoin de m’expliquer plusieurs fois les choses
Sourires.
Contrairement à ce qui est avancé par Mme Benbassa, l’article 12 n’incrimine pas la consultation habituelle des sites faisant l’apologie du terrorisme, en tant que telle, puisque seule l’association de ce comportement avec les autres éléments prévus par l’article 5 permettra de constituer le délit.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur les amendements n° 47 et 48.
Il faut lire l’ensemble de l’article, ma chère collègue. Il n’y a aucun risque !
Madame Benbassa, vos amendements sont inspirés – je me permets de vous le dire – pas une idée fausse et une contrevérité.
Je dis simplement l’état du droit et je vous expose le contenu de cet article.
Vous affirmez que la consultation de sites provoquant au terrorisme suffit à constituer l’incrimination pénale d’actes terroristes individuels. C’est tout simplement faux. Ce qui caractérise et ouvre l’incrimination pénale, c’est une cumulation d’éléments, c'est-à-dire celui-ci plus d’autres. Donc, lorsque vous dites que votre amendement est justifié par le fait que la simple consultation de sites pourrait justifier d’une incrimination pénale, c’est faux. Puisqu’il faut plusieurs éléments pour que l’infraction soit constituée, votre crainte ne me semble pas fondée. Je vous donne toutes garanties, et cela figurera au compte rendu intégral des débats.
Par conséquent, je vous suggère de bien vouloir retirer votre amendement.
Monsieur le ministre, j’ai toute confiance en vous ; je vous sais humaniste et déterminé à lutter contre le terrorisme.
Toutefois, il ne faut pas avoir la mémoire courte. Le régime peut changer et la même loi perdurer. Par exemple, si je m’achète des livres gauchistes et consulte des sites révolutionnaires, cette loi s’appliquera-t-elle à moi ?
Rires.
J’ai l’impression que l’on regarde toujours l’événement qui a cours aujourd’hui au lieu de se dire que, demain, cette loi pourra s’appliquer à d’autres. Nous avons tous fait de l’histoire et savons ce qui se passe lorsque la liberté d’expression est limitée.
Nouveaux rires.
Ma chère collègue, nous avons un texte qui est en fait assez clair : il ne vise pas à interdire à un chercheur de chercher ;…
… il faut le cumul de deux faits : premièrement – et cela figure au a) –, « le fait de détenir, de rechercher, de se procurer ou de fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui ». Vous avez parfaitement lu ce a), puisque vous avez présenté des amendements soit pour le supprimer, soit pour le modifier.
À ce premier élément qui doit obligatoirement être établi s’ajoute, afin que l’incrimination soit complètement constituée, un deuxième élément, « l’un des autres éléments matériels » prévus par le b), parmi lesquels figure le fait de « consulter habituellement un ou plusieurs services de communication au public en ligne ou détenir des documents provoquant directement à la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie. »
Par conséquent, ma chère collègue, le danger que vous voulez éviter en présentant un amendement de suppression de ce paragraphe qui relève du b) est évité par la rédaction même de cet article, qui suppose le cumul de deux éléments. Autrement dit, le chercheur n’a rien à craindre de ces dispositions ; par conséquent, si vous désirez le protéger, sachez que le texte le fait déjà.
Je vous suggère donc de retirer votre amendement, qui est déjà satisfait par le texte.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 5 est adopté.
L'amendement n° 22 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article 132-79 du code pénal, après le mot : « utilisé » sont insérés les mots : « ou lorsqu’il y a eu usurpation d’identité sur un réseau de communication au public en ligne ».
La parole est à Mme Françoise Laborde.
L’usurpation d’identité atteint plus de 300 000 personnes chaque année, et elle est le plus souvent commise en ligne. Elle est incriminée, soit lorsqu’elle donne l’occasion de commettre une infraction, en vertu de l’article 434-23 du code pénal, soit, depuis mars 2011, lorsqu’il en est fait usage, notamment sur un réseau de communication au public en ligne, dans le but de nuire à la tranquillité d’une personne ou de porter atteinte à son honneur, en vertu de l’article 226-4-1 du code pénal.
Cela étant, internet a incontestablement accru dans des proportions considérables le risque d’une telle usurpation, notamment via la création de faux profils sur les réseaux sociaux.
Si l’incrimination créée par la loi du 14 mars 2011, en ce qu’elle vise l’usage d’une ou de plusieurs données de toute nature permettant d’identifier un tiers, est suffisamment large pour réprimer toute usurpation d’identité numérique, les peines prévues ne paraissent pas à la hauteur des conséquences subies par les victimes de tels agissements.
Une note d’orientation du comité de suivi de la convention Cybercriminalité datée du 5 juin 2013 souligne combien l’appropriation frauduleuse d’informations relatives à l’identité sert à la préparation de nouveaux agissements criminels, notamment sous forme de fraude.
Dans le cas des infractions terroristes, l’usurpation d’identité est fréquente et permet d’entrer en relation avec de jeunes personnes influençables. Les journaux en donnent de nombreux exemples.
Compte tenu de l’importance et de la gravité de cette délinquance, cet amendement tend à reprendre une recommandation du rapport de Marc Robert sur la cybercriminalité. Il s’agit d’ériger en circonstance aggravante le fait d’usurper une identité sur un réseau de communication en ligne pour préparer ou commettre un crime ou un délit, ou pour en faciliter la préparation ou la commission, comme cela arrive le plus souvent dans les faits d’apologie du terrorisme ou de corruption d’un mineur.
Je note enfin que le terrorisme appelle une réflexion plus large du Parlement sur la cybercriminalité.
Cet amendement tend à instituer une aggravation générale des peines en cas d’usurpation d’identité sur un réseau de communication au public en ligne.
Madame Laborde, vous suggérez de modifier, à cette fin, l’article 132-79 du code pénal, qui induit déjà une telle aggravation pour l’utilisation d’un moyen de cryptologie. Serait ainsi portée à sept ans la durée de l’emprisonnement prévue pour le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l’apologie de ces actes – c’est l’article 4 du présent texte–, dès lors que les faits sont commis au moyen d’une usurpation d’identité.
Or, contrairement à la cryptologie, l’usurpation d’identité est déjà punie en tant que telle. Au regard de la cohérence du code pénal, il ne serait donc pas pertinent d’ajouter que cette infraction constitue une circonstance aggravante, pouvant prolonger de deux ans une peine d’emprisonnement.
Aussi, madame Laborde, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai, au nom de la commission, un avis défavorable.
Mes chers collègues, cet amendement me paraît intéressant. En effet, l’usurpation d’identité sur internet est liée à un autre problème, à savoir le droit à l’oubli : une fois que votre nom est inscrit sur tel ou tel réseau ou sur tel ou tel site, il est extrêmement difficile de le retirer.
Or la mention de votre nom, associé à un certain nombre de mots sur des moteurs de recherche, peut avoir des conséquences très particulières. Je peux vous le dire, pour en avoir fait l’expérience : il est extrêmement difficile, quand votre nom est, par exemple, associé au terme « assassin », de clarifier la situation, même après des dizaines de procédures judiciaires, de sorte que vous figurez sur « crime.fr » pour le reste de votre vie !
À cet égard, je le répète, cette disposition me semble particulièrement intéressante, et elle a sa place dans ce texte. Je voterai donc cet amendement qui, à mon sens, mériterait d’être examiné avec beaucoup plus d’attention, étant donné les conséquences particulièrement dommageables de l’usurpation d’identité sur internet.
J’admets que la rédaction proposée ne soit pas conforme à l’idée que M. le rapporteur se fait de ce problème, …
Je soutiendrai, moi aussi, cet amendement.
D’une part, cette disposition emporte, à l’évidence, des conséquences qui peuvent être considérables pour les personnes victimes d’usurpation d’identité.
D’autre part, et surtout, cet amendement tend à insister sur le facteur de la préméditation : manifestement, une personne qui se livre à une usurpation d’identité n’agit pas accidentellement, par erreur ! Ce simple critère appelle, incontestablement, une peine sévère.
Mes chers collègues, l’idée générale est très bonne, mais cet amendement n’y correspond pas.
Je veux bien que l’on déséquilibre le code pénal – on le fait déjà en permanence. Mais, en portant au titre des circonstances aggravantes des délits qui sont déjà réprimés en tant que tels, on risque d’aboutir à une confusion totale !
J’en conviens naturellement, l’usurpation d’identité, en particulier sur internet, doit être réprimée. Mais, je le répète, avec cet amendement, on ne répond pas à cette nécessité. Vous pouvez certes déposer un amendement visant à aggraver les peines infligées en cas d’usurpation d’identité : mais surtout, ne mélangez pas cette question avec le dispositif que nous examinons ici.
Il ne s’agit pas de dire que le rapporteur veut ou non de telle ou telle mesure. La commission des lois s’efforce de garantir, à tout le moins, la cohérence des diverses dispositions du code pénal : mon propos s’arrête là. Bien entendu, le problème se pose, mais le présent amendement ne tend de toute façon pas à apporter de solution globale en la matière.
Au reste, je l’ai dit hier : le rapport de Marc Robert, consacré à la criminalité sur internet, devra faire l’objet d’un approfondissement, en vue, certainement, d’une amélioration de notre législation. §
Voilà pourquoi je renouvelle l’avis défavorable de la commission.
L'amendement n'est pas adopté.
(Supprimé)
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au début de la section 2 du titre XV du livre IV, il est rétabli un article 706-23 ainsi rédigé :
« Art. 706 -23. – L’arrêt d’un service de communication au public en ligne peut être prononcé par le juge des référés pour les faits prévus par l’article 421-2-5 du code pénal lorsqu’ils constituent un trouble manifestement illicite, à la demande du ministère public ou de toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir. » ;
2° L’article 706-24-1 est ainsi rétabli :
« Art. 706-24-1. – Les dispositions des articles 706-88 et 706-89 à 706-94 ne sont pas applicables aux délits prévus par l’article 421-2-5 du code pénal. » ;
3° L’article 706-25-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article n’est pas applicable aux délits prévus à l’article 421-2-5 du code pénal. » ;
4° L’article 706-25-2 est abrogé. –
Adopté.
L'amendement n° 14 rectifié, présenté par MM. Courtois, Frassa et Gournac, est ainsi libellé :
Après l'article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le fait pour une personne de se rendre à l’étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes ou dans le but de participer à des activités terroristes entraîne la suppression des prestations sociales dont elle est le bénéficiaire en France.
La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.
Cet amendement est relativement simple : il a pour objet de suspendre le bénéfice des prestations sociales pour les personnes se rendant à l’étranger dans le but de prendre part à des activités terroristes. À l’heure actuelle, on risque en effet d’aboutir à ce paradoxe : que l’argent des prestations sociales en vienne, de manière indirecte, à financer le djihad !
Les maires de certaines villes belges ont d’ores et déjà décidé de radier d’office des registres les habitants qui ont choisi de se rendre en Syrie pour y faire le djihad. De telles mesures entraînent de fait la perte des droits sociaux. Ce qui est valable en Belgique peut l’être en France : voilà pourquoi j’ai cosigné cet amendement, avec MM. Frassa et Gournac.
Monsieur Courtois, il s’agit bien entendu d’une idée intéressante. Toutefois, sa mise en œuvre poserait de grandes difficultés pratiques : les personnes concernées bénéficient-elles de droits sociaux alors qu’elles ne sont plus en France ? C’est une première question. En outre, comment les organismes sociaux seraient-ils informés ? Par le biais des services de renseignement ? (M. Jean-Patrick Courtois acquiesce.) Croyez-vous vraiment que telle soit la mission de ces derniers ? Il leur faut parfois garder certaines informations secrètes, en vue de futures incriminations.
Aussi cette mesure semble-t-elle difficilement applicable. J’ajoute qu’il faudrait prévoir l’inscription, dans le code de la sécurité sociale, d’un dispositif ad hoc qui, pour l’heure, n’existe pas.
En conséquence, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
En déposant cet amendement, MM. Courtois, Gournac et moi-même avons voulu lancer le débat. Je constate qu’il n’est pas très bien repris…
Nombre de Français de l’étranger continuent à bénéficier de prestations sociales alors qu’ils ne résident pas sur le territoire national.
À cet égard, les personnes qui partent faire le djihad ou s’engager dans des groupements terroristes à l’étranger sont susceptibles de bénéficier de telles prestations.
Certains ont suggéré d’étendre les sanctions à l’ensemble des familles de ces individus. Pour notre part, nous souhaitons, via cet amendement, cibler ceux qui s’engagent réellement dans le djihad ou dans des groupements terroristes pour perpétrer des attentats, c’est-à-dire ceux qui expriment une intention manifeste en ce sens.
Au reste, je suis prêt à ce que nous retirions cet amendement, à condition que l’on s’engage à poursuivre la réflexion, par exemple au titre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, si ce véhicule législatif est plus adéquat. Ce texte sera examiné très prochainement. Sur ce point également, je souhaiterais entendre la réponse du Gouvernement.
Enfin, il faut prendre en compte un autre sujet, que la Haute Assemblée n’a pas encore abordé : la double nationalité.
J’ai interrogé M. le ministre de l’intérieur sur ce point lors des auditions organisées par la commission des lois. À propos de la suppression du passeport, qui figure dans l’arsenal proposé, j’ai formulé cette remarque : on aura beau supprimer le passeport d’un Français souhaitant partir à l’étranger pour se livrer à de telles actions terroristes, s’il s’agit d’un binational, il pourra toujours quitter le territoire avec son passeport étranger.
Ainsi, en pareil cas, il me semble plus adéquat de déchoir les binationaux de leur nationalité française.
M. Christophe-André Frassa. Nous n’avons pas déposé d’amendement à ce titre – une telle mesure eût sans doute été plus forte si elle avait été présentée sur l’initiative du Gouvernement. Sur ce point, je souhaite également connaître le sentiment de M. le ministre. Il faut prendre en compte, en la matière, une considération frappée au coin du bon sens : certains binationaux rejoignent le djihad, partent pour des théâtres d’opérations de groupements terroristes, dans le simple but de combattre des soldats de l’armée française, d’abattre des Français ! Dans ces conditions, je vois difficilement comment leur conserver leur nationalité française dès lors qu’ils possèdent aussi une autre nationalité. Il me semble facile d’engager une procédure de déchéance de la nationalité française à l’encontre de tels individus.
M. Jean-Patrick Courtois applaudit.
Je répondrai dans un instant sur ce que vient de dire notre collègue Christophe-André Frassa à la fin de son intervention.
Je souhaite tout d’abord signaler une différence entre l’article que tend à insérer l’amendement et l’objet de celui-ci. Aux termes de la rédaction proposée, le fait pour une personne de se rendre à l'étranger sur un théâtre d’opérations de groupements terroristes ou dans le but de participer à des activités terroristes entraîne la suppression des prestations sociales dont elle est le bénéficiaire en France. Les journalistes qui rendent compte de la situation sur le terrain apprécieront cette attention !
Un autre point me surprend. Comme moi, vous devriez savoir qu’il n’existe que peu, voire pas, de prestations sociales françaises servies à l’étranger, sinon en cas de fraude. Ce dernier sujet est intéressant, mais il n’a pas sa place dans la lutte contre le terrorisme. On pourra s’interroger, dans d’autres textes, sur les vérifications à mener dans ce domaine, mais cette question est ici dénuée d’intérêt : la fraude n’est pas le sujet de ce texte.
Concernant la déchéance de nationalité, je voudrais d’abord dire que l’engagement d’un Français dans le type de démarche dont il est question aujourd’hui, qu’il jouisse ou non d’une autre nationalité, constitue une blessure pour la communauté nationale.
Observons maintenant l’évolution des profils de ceux qui partent sur le terrain. Il y a quelques mois, ils étaient autour de 20 % à ne disposer que de la nationalité française. Selon ceux qui reçoivent des jeunes qui reviennent, avec qui j’ai pu m’entretenir récemment, ce chiffre est aujourd’hui plus important encore. Le problème est donc plus profond, dans notre société, qu’une simple question de double nationalité.
Plutôt que de sanctionner ainsi, il faudrait vraiment se demander pourquoi des jeunes vont s’engager dans le djihad. Ils sont aussi membres de la communauté nationale, chacun avec son histoire personnelle, et il n’existe aucune raison de présupposer, comme vous voudriez l’affirmer, que parce que l’on se rend en un lieu où des crimes terroristes sont commis, on mérite d’être déchu de sa nationalité.
Ce n’est pas ainsi qu’il faut procéder, et il me semble heureux qu’un texte qui entend répondre dans l’urgence à des évolutions constatées en matière de terrorisme ne traite pas du code de la nationalité.
Notre préoccupation a été clairement exprimée par le Gouvernement et par notre assemblée : lutter contre le terrorisme, mobiliser les moyens adéquats, organiser la répression de la façon la plus satisfaisante possible.
Chercher à introduire d’autres éléments dans ce débat – je pense à la modification du code de la nationalité ou du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile – nous conduit dans un débat que vous me permettrez de qualifier de malsain.
Si nous nous préoccupons de trouver des solutions pour empêcher l’entrée ou la sortie de personnes susceptibles de présenter des risques, c’est notamment, pour ce qui concerne leur sortie, parce qu’il s’agit, pour une grande part, de citoyens français. C’est précisément parce qu’ils le sont que nous souhaitons les sanctionner s’ils reviennent après avoir pris part à des activités terroristes.
Pour ces faits, la sanction est définie clairement par le code pénal. Autrement dit, elle n’implique ni des sanctions sociales ni des sanctions sur le plan de la nationalité, sauf à adopter une définition de la nationalité qui reviendrait à en évaluer le mérite en fonction du comportement.
Le jugement porté sur le comportement des citoyens français est prononcé par le juge pénal, et c’est par le juge pénal que l’on doit le faire respecter. Je vous enjoins de prêter attention à ces dérives, qui de surcroît entretiennent dans l’opinion publique, autour de ces sujets, un climat dont on voit bien à qui il profite. §
Je serai bref puisque M. Gaëtan Gorce vient de dire parfaitement ce que je me proposais d’exprimer. Je reprends donc la totalité des propos qu’il vient de tenir, avec lesquels je suis entièrement en accord.
Je rappelle qu’il n’est pas utile de mettre sur le métier des questions déjà traitées dans la loi, en demandant au Gouvernement de se positionner alors qu’il l’a déjà fait.
Concernant les allocations familiales et les prestations sociales, elles sont versées conformément aux articles L. 161-2 et L. 512-1 du code de la sécurité sociale, avec des conditions de résidence extrêmement précises.
En conséquence, cet amendement est satisfait par l’état actuel du droit. Il n’est pas nécessaire, dans le climat que nous connaissons, de prendre prétexte de ces questions pour faire ressortir des clivages et réveiller des instincts susceptibles d’alimenter, face au terrorisme, de mauvaises chroniques et de mauvaises mouvances. §
Il ne s’agit pas, pour nous, de créer des clivages ou de réveiller de mauvais instincts, mais simplement de poser des vraies questions.
Que l’on ne puisse y répondre dans ce texte, nous en sommes conscients. Il faut pourtant bien les aborder à un moment ou à un autre, je rejoins le rapporteur à ce sujet. Si ces problèmes pourraient être traités dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, comme le suggérait Christophe-André Frassa, rien ne s’oppose à ce qu’ils soient évoqués au moment où l’on parle de terrorisme. Cela étant dit, je retire volontiers cet amendement.
Je souhaite tout de même ajouter, concernant les binationaux, que lorsqu’ils se permettent de faire le djihad et, par là même, d’utiliser des armes contre les troupes françaises, ce n’est pas une blessure, c’est une honte ! Nous n’avons pas à laisser la nationalité française à quelqu’un qui, jouissant de deux nationalités, s’emploie à détruire nos propres armées.
Je ne cherche pas le clivage ni je ne sais quoi, je souhaite seulement répondre à l’attente de nos concitoyens, en apportant, si possible, de vraies réponses à un problème dramatique.
L'amendement n° 14 rectifié est retiré.
Chapitre IV
Renforcement des moyens de prévention et d’investigations
L’article 706-16 du code de procédure pénale est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« La section 1 du présent titre est également applicable à la poursuite, à l’instruction et au jugement des infractions commises en détention par une personne détenue, prévenue, condamnée, recherchée dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen ou réclamée dans le cadre d’une extradition pour des actes de terrorisme incriminés par les articles 421–1 à 421–6 du code pénal.
« Ces dispositions sont également applicables à la poursuite, à l’instruction et au jugement des infractions d’évasion incriminées par les articles 434–27 à 434–37 du code pénal, des infractions d’association de malfaiteurs prévues à l’article 450–1 du même code lorsqu’elles ont pour objet la préparation de l’une des infractions d’évasion précitées, des infractions prévues à l’article L. 624–4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ainsi que de l’infraction prévue à l’article L. 224–1 du code de sécurité intérieure, lorsqu’elles sont commises par une personne détenue, prévenue, condamnée, recherchée dans le cadre d’un mandat d’arrêt européen ou réclamée dans le cadre d’une extradition pour des actes de terrorisme incriminés par les articles 421–1 à 421–6 du code pénal. »
L'amendement n° 49, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article 706–16 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La section 1 du présent titre est également applicable à la poursuite, à l'instruction et au jugement des infractions d'évasion prévues au paragraphe 2 de la section 3 du chapitre IV du titre III du livre IV du code pénal, des infractions d'association de malfaiteurs prévues à l'article 450–1 du même code lorsqu'elles ont pour objet la préparation de l'une des infractions d'évasion précitées, des infractions prévues à l'article L. 624–4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'infraction prévue à l'article L. 224–1 du code de la sécurité intérieure, si elles sont commises par une personne détenue, prévenue, condamnée, recherchée dans le cadre d'un mandat d'arrêt européen ou réclamée dans le cadre d'une extradition pour des actes de terrorisme mentionnés au chapitre Ier du titre II du livre IV du code pénal. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
L’article 7 étend les règles relatives à la compétence concurrente de la juridiction parisienne aux infractions commises en détention, aux délits d’évasion et de non-respect de l’assignation à résidence ainsi qu’à la violation de l’interdiction administrative de sortie du territoire d’une personne détenue, prévenue, condamnée ou recherchée pour des actes de terrorisme.
Cette centralisation ne semble pas justifiée pour ce qui concerne l'ensemble des délits commis en détention.
En effet, si cela peut entraîner une lourdeur plus importante dans certaines procédures, il importe surtout que les délits commis par une personne condamnée pour des faits de terrorisme ne relèvent pas automatiquement du parquet antiterroriste.
Le groupe écologiste propose donc de ne maintenir la compétence concurrente de la juridiction parisienne que pour les délits qui seraient liés au non-respect des obligations de la personne condamnée pour terrorisme.
En retirant les infractions en détention du champ de la compétence concurrente du pôle antiterroriste parisien, cet amendement viderait l’article 7 de sa substance.
Je rappelle que cette compétence concurrente ne concerne que les infractions en détention commises par des condamnés terroristes, susceptibles d’être toujours en contact avec leurs réseaux. Il est difficile, pour les juges antiterroristes, de se saisir, par exemple, des faits de détention irrégulière d’objets interdits puisque ces derniers constituent une nouvelle infraction. C’est donc la juridiction locale qui est compétente.
Il serait très utile aux magistrats antiterroristes spécialisés, qui centralisent déjà de nombreuses informations, de se saisir de ces faits, et donc des informations qui figurent éventuellement sur les clés USB, sur les téléphones portables, ou sur tout autre objet. Ils nous l’ont dit clairement.
La juridiction parisienne, je le rappelle, est déjà compétente en ce qui concerne le suivi judiciaire de l’application des peines pour les condamnés terroristes. Il serait peu cohérent que le juge de l’application des peines de Paris soit compétent pour examiner ces faits de possession irrégulière d’objets illicites, par exemple, sous l’angle disciplinaire, mais que son collègue antiterroriste soit incompétent pour les examiner sous l’angle pénal.
Enfin, je rappelle également que la compétence concurrente est un dispositif souple et que, contrairement à ce que vous soutenez, ma chère collègue, la saisie n’est en aucun cas automatique. Il s’agit simplement d’autoriser la possibilité pour la juridiction parisienne de se saisir en opportunité, sans remise en cause de la validité des actes de procédure déjà existants.
L’avis de la commission est donc défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 7 est adopté.
Le paragraphe 2 de la section III du chapitre III du titre X du livre IV du code de procédure pénale est complété par un article 695–28–1 ainsi rédigé :
« Art. 695–28–1. – Pour l’examen des demandes d’exécution d’un mandat d’arrêt européen et des demandes d’extradition concernant les auteurs d’actes de terrorisme, le procureur général près la cour d’appel de Paris, le premier président de la cour d’appel de Paris ainsi que la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris et son président exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 695-26, 695-27, 696-9, 696-10 et 696-23. »
L'amendement n° 93, présenté par MM. Hyest et Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
chapitre III
par les mots :
chapitre IV
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.
L'amendement est adopté.
L'article 7 bis est adopté.
I. – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° À la première phrase de l’article L. 562-1, le mot : « peut » est remplacé par les mots : « et le ministre de l’intérieur peuvent, conjointement, » ;
2° L’article L. 562-5 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le mot : « peut » est remplacé par les mots : « et le ministre de l’intérieur peuvent, conjointement, » ;
b) À la fin de la seconde phrase, les mots : « du ministre » sont supprimés ;
3° À l’article L. 562-6, les mots : « du ministre » sont remplacés par les mots : « des ministres ».
II
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette intervention rapide me servira à présenter les différents amendements qui suivent.
Ce texte est important, mais ne comporte quasiment aucune disposition de contrôle financier. Or, dans les opérations pratiques, nous créons un nouveau délit, nous nous apprêtons, à l’article 9, à examiner des dispositions relatives au blocage des sites internet dont on nous dit qu’elles sont nécessaires, même si elles ne sont pas parfaites, nous innovons en matière de création d’infractions, et pourquoi pas au vu de l’esprit dans lequel c’est fait ?
Pourtant, un certain nombre de mesures pratiques et financières sont totalement occultées, dont des dispositions qui avaient pourtant été examinées dans le cadre de la commission d’enquête sur la fraude et l’évasion fiscale.
Je rappelle à cet égard que le code monétaire et financier associe le blanchiment au terrorisme dans la quasi-totalité de ses dispositions.
Je pourrais ainsi m’adresser à l’ancien ministre du budget, qui sera sensible à mes différents amendements car ils peuvent être utiles dans la lutte à la fois contre le terrorisme et contre le blanchiment.
L'article 8 est adopté.
L'amendement n° 3, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 133–8 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 133-8-… ainsi rédigé :
« Art. L. 133–8–… Aucun ordre de paiement pour l’achat d’un billet d’avion ne peut être passé si le paiement est effectué en monnaie métallique ou fiduciaire. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Ces dernières semaines, nous avons appris qu’à Nice une jeune fille avait été empêchée de rejoindre un réseau djihadiste après que l’attention des autorités eut été attirée par le paiement d’un billet d’avion en espèces.
Je vous propose tout simplement d’interdire l’achat de billets d’avion en espèces. Peut-être pourrions-nous simplement exiger qu’un tel paiement fasse seulement l’objet d’un signalement, mais j’ignore si cela sera très utile.
Dans le même esprit, je vous propose un amendement de repli, l’amendement n° 9, tendant à demander aux compagnies aériennes de faire figurer le mode de paiement sur les billets.
Lorsque vous achetez un billet d’avion pour les États-Unis en espèces, la mention « cash » figure sur le billet. Dans ce cas, vous pouvez être sûr à 99 % que vous aurez droit à une fouille complète et que vous subirez un interrogatoire approfondi à votre arrivée sur le territoire américain.
La commission n’a pas retenu cet amendement au motif que le paiement en espèces est déjà fortement réglementé. En la matière, le code monétaire et financier a été perfectionné. Il existe aujourd'hui des limites maximales pour le paiement en espèces, qu’il serait malaisé d’adapter à chaque type d’achat.
Par ailleurs, se pose également la question de l’attractivité touristique de notre pays. En effet, suivant leur nationalité et les usages financiers prévalant dans leur pays, nombre de touristes visitant la France règlent leur billet d’avion en espèces. Or le tourisme constitue une part substantielle de notre PIB.
J’ajoute que la mesure proposée ne peut s’inscrire que dans le cadre d’une coopération internationale. Des travaux sont actuellement menés au sein du GAFI, le groupe d’action financière, en vue de compléter la directive anti-blanchiment.
Il nous a donc semblé prématuré de légiférer sur ce point isolé, alors qu’il existe déjà, ainsi que l’a souligné Mme Goulet, des éléments pratiques, qui n’ont pas besoin de support législatif, pour signaler l’achat d’un billet d’avion en espèces vers certaines destinations.
Non, je le retire, madame la présidente, et j’indique d’ores et déjà que je retirerai également l’amendement n° 9.
L’amendement n° 3 est retiré.
L'amendement n° 4, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 133–8 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 133–8–… ainsi rédigé :
« Art. L. 133–8–… Aucun ordre de paiement ne peut être passé sur le territoire national au moyen d’une carte de paiement prépayée rechargeable dès lors que cette carte n’est pas rattachable à un compte effectif dont le bénéficiaire est identifiable. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Cet amendement, qui s’inspire directement de la proposition n° 17 figurant à la page 11 du tome I du rapport n° 87 de la commission d’enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l’évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales, vise à interdire les cartes de paiement prépayées rechargeables que l’on trouve notamment dans un certain nombre d’aéroports ou chez des changeurs en ville. En la matière aussi, les petits ruisseaux font les grandes rivières…
La commission d’enquête avait proposé l’interdiction de ces cartes prépayées. Là aussi, je pense que ce type de cartes de paiement peut poser un certain nombre de problèmes. J’admets volontiers que la disposition n’a pas encore été évaluée et qu’elle est perfectible. Mais il me semble aujourd'hui opportun, au travers de cet amendement, de poser la question dans le cadre du projet de loi qui nous est soumis.
La commission a suivi le même raisonnement pour cet amendement.
Il est sans doute souhaitable de réfléchir à la suppression des cartes de paiement prépayées, mais il ne nous semble pas que ce soit suffisamment au cœur du dispositif destiné à lutter contre le terrorisme pour l’inscrire dans le projet de loi que nous examinons actuellement.
La commission opposera d’ailleurs ce même raisonnement à quelques autres amendements. Le projet de loi qui nous est soumis modifie certes des dispositions législatives, mais il ne modifie le code monétaire et financier que de façon très marginale – une seule procédure est concernée. De notre point de vue, il ne faut pas faire de ce texte une sorte de réceptacle de multiples initiatives législatives dont on n’aurait pas examiné toutes les conséquences.
C’est pour ce motif de méthode et non parce que nous rejetons cette disposition au fond que la commission n’a pas retenu l’amendement n° 4.
Non, je le retire, madame la présidente, mais, avec votre autorisation, je présenterai mes autres amendements parce que je tiens à ce qu’ils figurent au débat. Si les questions que j’aborde sont accessoires aujourd'hui dans le cadre de ce texte, nous en reparlerons un peu plus tard, car elles ont tout leur intérêt.
L'amendement n° 4 est retiré.
L'amendement n° 2, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l’article L. 561–2–2 du code monétaire et financier est complété par les mots : « et détermine les conditions dans lesquelles ces mêmes personnes morales s’assurent de l’existence physique et de l’identité de ce même bénéficiaire. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Cet amendement participe du même esprit, et là encore, nous devrons en reparler.
Comme vous le savez, le Sénat s’est saisi de cette question dans le cadre d’une commission d’enquête, créée à ma demande, qui a été constituée hier. Je veux dire au futur rapporteur que nous aurons à examiner très sérieusement la question des circuits financiers, en particulier les comptes pour lesquels l’identité physique, voire, tout simplement, l’identité, du bénéficiaire est approximative.
Il existe actuellement un grand nombre de systèmes, notamment des banques en ligne. En ce sens, le code monétaire et financier pourrait être complété. Il ne s’agit pas là d’une disposition très complexe, et elle n’est pas très éloignée du sujet qui nous occupe.
L’amendement n° 2 prévoit de compléter l’article L. 561–2–2 du code monétaire et financier par les mots : « et détermine les conditions dans lesquelles ces mêmes personnes morales s’assurent de l’existence physique et de l’identité de ce même bénéficiaire. » Une telle disposition me semble tout de même liée aux questions que nous traitons. On ne peut pas autoriser des établissements à faire un certain nombre d’opérations lorsque ceux-ci n’ont aucune assurance quant à l’identité du bénéficiaire ou du propriétaire du compte.
La commission n’a pas retenu cet amendement, considérant qu’il était satisfait.
Le paragraphe I de l’article L. 561–5 du code monétaire et financier énonce que les personnes mentionnées à l’article L. 561–2, c'est-à-dire les établissements, identifient leur client et vérifient ces éléments d’identification sur présentation de tout document écrit probant.
Par ailleurs, les articles R. 561–5 et R. 561–6 précisent les modalités suivant lesquelles l’établissement bancaire s’assure de l’identité du client. Il n’est pas impossible – je ne puis me prononcer sur ce point – que certains établissements fonctionnant essentiellement en ligne n’appliquent pas – ou pas correctement – ces dispositions, mais il convient non pas de réécrire celles-ci, mais de trouver des dispositifs, par le biais des autorités compétentes, pour mettre fin aux détournements.
Mme Nathalie Goulet. C’est une victoire de l’optimisme sur l’expérience, comme disait Henri VIII à son sixième mariage.
Sourires.
Nouveaux sourires.
Absolument ! Cet amendement connaîtra-t-il un meilleur sort que les précédents ? J’en doute, mais on ne sait jamais !
L’article L. 561–9 du code monétaire et financier précise que, lorsque le risque de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme leur paraît faible, les personnes mentionnées aux articles précédents, c'est-à-dire les personnes morales visées, peuvent réduire l'intensité des mesures de contrôle et de vérification d’identité.
Dans le texte qui nous est soumis, on est en train de cerner l’ensemble des dispositions afin de réduire autant que faire se peut le risque terroriste. Je m’interroge sur le maintien de cette disposition. En effet, on a supprimé de nombreuses dispositions et on en a encadré beaucoup d’autres, y compris des délits intentionnels à l’article 5. Aussi, l’article L. 561–9 du code monétaire et financier pourrait être abrogé.
Nous sommes en période de terrorisme, de suspicion. Je ne vois pas pourquoi on laisserait des personnes apprécier si le risque est faible ou pas. Le risque n’est pas plus faible ici qu’intentionnel à l’article 5.
La commission ne souhaite pas que l’on supprime cet élément de variabilité, de souplesse dans les contrôles opérés sur les mouvements de comptes, qui représentent – Mme Goulet connaît très bien ces questions – des milliards de mouvements.
Cette question a été très longuement discutée lors de l’adoption de la troisième directive anti-blanchiment. D’ailleurs, les dispositions appliquées en France privilégient ce que l’on appelle « une approche par les risques » : on essaie, par accumulation de données, de vérifier quels sont les actes qui présentent un risque élevé et ceux qui présentent un risque plus faible.
L’article L. 561–9, qui résulte de la transposition de l’article 8 de la directive anti-blanchiment de 2005, recommande aussi une action proportionnée à l’appréciation des risques. Cela se fait par actes réglementaires. Régulièrement, les professionnels vérifient si la gradation de l’intensité des contrôles qu’ils organisent reste pertinente.
Compte tenu de la masse considérable des mouvements à contrôler, il nous semble que la méthode actuelle demeure valable.
Si le travail réalisé, en particulier dans le cadre de la commission d’enquête sur les mouvements financiers associés au terrorisme, démontre qu’il y a des espaces de risques nouveaux, notamment pour ce qui concerne les petits comptes, il sera alors logique de faire évoluer non pas l’article L. 561–9, qui permet la variation, mais les différentes catégories de risques.
Non, je le retire madame la présidente.
Je tiens à remercier M. Richard d’avoir pris le temps de répondre en détail à ces amendements. Je pense que ce volet financier fera partie intégrante de la commission d’enquête qui va se mettre à travailler la semaine prochaine. Il en constituera probablement une part importante.
L'amendement n° 5 est retiré.
L'amendement n° 9, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les compagnies aériennes qui exercent sur le territoire national ont l'obligation, lors de l'émission d'un billet, d'indiquer de façon visible sur le billet son mode de payement.
Comme je l’ai annoncé tout à l’heure, je retire cet amendement de repli, madame la présidente !
I. – Le 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa, après le mot : « humanité, », sont insérés les mots : « de la provocation à la commission d’actes de terrorisme et de leur apologie, », les mots : « huitième et neuvième » sont remplacés par les mots : « septième et huitième » et la référence : « et 227-24 » est remplacée par les références : «, 227-24 et 421-2-5 » ;
2° Le cinquième alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les nécessités de la lutte contre la provocation à des actes terroristes ou l’apologie de tels actes relevant de l’article 421-2-5 du code pénal ou contre la diffusion des images ou des représentations de mineurs relevant de l’article 227-23 du même code le justifient, l’autorité administrative peut demander à toute personne mentionnée au III du présent article ou aux personnes mentionnées au 2 du présent I de retirer les contenus qui contreviennent à ces mêmes articles 421-2-5 et 227-23. Elle en informe simultanément les personnes mentionnées au 1 du présent I.
En l’absence de retrait de ces contenus dans un délai de quarante-huit heures, l’autorité administrative peut notifier aux personnes mentionnées au même 1 la liste des adresses électroniques des services de communication au public en ligne contrevenant auxdits articles 421-2-5 et 227-23. Elles doivent alors procéder sans délai aux opérations empêchant l’accès à ces adresses. Toutefois, en l’absence de mise à disposition par la personne mentionnée au III du présent article des informations mentionnées au même III, l’autorité administrative peut procéder à la notification prévue à la troisième phrase du présent alinéa sans avoir préalablement demandé le retrait des contenus dans les conditions prévues à la première phrase.
« L’autorité administrative transmet les demandes de retrait et la liste mentionnées au cinquième alinéa du présent 7 à une personnalité qualifiée désignée par la Commission nationale de l’informatique et des libertés pour une durée de cinq ans non renouvelable. Le suppléant de cette personnalité qualifiée est désigné dans les mêmes conditions. La personnalité qualifiée s’assure de la régularité des demandes de retrait et des conditions d’établissement, de mise à jour, de communication et d’utilisation de la liste. Si elle constate une irrégularité, elle peut à tout moment recommander à l’autorité administrative d’y mettre fin. Si l’autorité administrative ne suit pas cette recommandation, la personnalité qualifiée peut saisir la juridiction administrative compétente, en référé ou sur requête.
« La personnalité qualifiée rend public chaque année un rapport d’activité sur les conditions d’exercice et les résultats de son activité, qui précise notamment le nombre de demandes de retrait, le nombre de contenus qui ont été retirés, les motifs de retrait et le nombre de recommandations faites à l’autorité administrative. Ce rapport est remis au Gouvernement et au Parlement. » ;
3° Le sixième alinéa est ainsi modifié :
a) La référence : « de l’alinéa précédent » est remplacée par les références : « des cinquième, sixième et septième alinéas du présent 7 » ;
b) Après le mot : « surcoûts », il est inséré le mot : « justifiés » ;
4° Au dernier alinéa, le mot : « septième » est remplacé par le mot : « dixième ».
II. – Au premier alinéa du 1 du VI du même article, le mot : « septième » est remplacé par le mot : « dixième ».
Nous avons eu ce débat hier lors de la discussion générale, il s’agit pour moi ici non pas de contester l’opportunité de mettre en place des mesures de blocage – je me suis rallié à l’idée que le blocage pouvait être utile pour ne pas laisser prospérer en toute impunité des informations ou des images particulièrement choquantes même s’il peut présenter des défaillances ou des faiblesses –, mais plutôt d’en examiner les modalités, en se demandant si le blocage doit être confié à l’autorité administrative, ce qui fait l’objet d’un débat, ou au juge judiciaire.
J’indique d’ores et déjà que mon intervention vaudra présentation de mon amendement n° 28, que j’ai déposé sur cette question.
De nombreux arguments plaident en faveur de l’autorité administrative. L’argument principal est que, s’agissant de bloquer des sites qui font l’apologie du terrorisme, qui favorisent le recrutement, il convient de protéger les internautes eux-mêmes. Cette action préventive, en amont, vise non pas à sanctionner directement, mais à empêcher éventuellement que des dommages puissent se produire à partir des images diffusées. Il faut prendre en compte cet argument, que défend le Gouvernement.
Pour ce qui concerne l’intervention du juge judiciaire, il s’agit évidemment de savoir si, oui ou non, on considère que les informations diffusées sur les sites internet sont protégées par la liberté d’expression, celle qui est garantie par la Constitution et le juge constitutionnel. Il est difficile de répondre par la négative. En effet, non seulement le Conseil constitutionnel s’est déjà exprimé en ce sens, mais il est clair que les informations, les opinions émises sur internet relèvent de la liberté d’expression.
D’ailleurs, je l’ai évoqué hier après-midi lors de mon intervention générale, le régime mis en place jusqu’à présent dans ce domaine est relativement libéral, parce que s’est installée l’idée non pas qu’internet doit être un espace d’impunité – je partage le sentiment qu’on ne saurait accepter l’idée qu’aucun contrôle ne doit être exercé – mais que les informations diffusées, les opinions émises, les prestations proposées relèvent d’une protection particulière eu égard à la liberté d’expression.
J’en suis d’accord, la liberté d’expression des terroristes n’est pas une liberté d’expression. D’ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme l’a souligné à plusieurs reprises. On ne peut pas se prévaloir, comme l’aurait dit Saint-Just, de la liberté d’expression pour la mettre en cause. Il ne s’agit pas naturellement de protéger cette expression-là. Il s’agit de protéger l’expression de ceux qui peuvent être éventuellement entraînés dans le blocage du site, puisque les sites sur lesquels ils peuvent s’exprimer pourraient être touchés par la mesure de blocage, ce que l’on appelle « le surblocage », qui est un problème réel.
Il s’agit aussi d’éviter une interprétation trop extensive de la notion de terrorisme, qui pourrait conduire, dans un débat moins serein que celui que nous avons aujourd'hui, à empêcher un certain nombre de nos concitoyens ou de citoyens étrangers d’exprimer des points de vue sur des situations ou des théâtres d’opération extérieurs, au motif que cette législation peut s’appliquer. De ce point de vue, le juge judiciaire pourrait proposer une protection plus satisfaisante.
J’observe que ce débat, qui nous agite depuis de nombreuses années, notamment depuis le vote de la loi du 12 juin 2009 dite « loi Hadopi », connaît depuis quelques mois une inflexion, sous l’effet de la volonté politique qui se fait sentir, en particulier au Parlement, de consacrer l’intervention du juge judiciaire.
C’est dans cette intention que les deux assemblées ont abrogé, dans la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, l’article 18 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, qui prévoyait un système de blocage administratif.
Dans le même esprit, lors de l’examen par l’Assemblée nationale de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, la disposition prévoyant un contrôle administratif a été supprimée sur l’initiative du Gouvernement, qui a fait valoir que la réflexion sur ces sujets n’était pas suffisamment avancée.
J’ajoute que l’ensemble de ceux qui ont travaillé de manière sereine sur ces questions, en particulier les députés qui ont participé à la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la neutralité de l’internet et des réseaux, mais aussi les membres du groupe de travail interministériel chargé d’élaborer une stratégie globale de lutte contre la cybercriminalité, sont parvenus à la conclusion, assez naturelle, que c’est au juge judiciaire qu’il était souhaitable d’avoir recours.
J’entends bien qu’il pourrait en résulter quelques difficultés et que les dispositifs qui, aujourd’hui déjà, permettraient de faire intervenir le juge judiciaire pour décider de tels blocages en référé – je pense à l’article 809 du code de procédure civile et à l’article 50–1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse – ne sont pas suffisamment adaptés.
Monsieur le ministre, vous avez dit, hier, ne pas avoir d’autre solution que l’action administrative. Pourquoi donc ne pas modifier les dispositions qui permettent la saisine du juge civil ? Du reste, le législateur pourrait aussi bien décider de faire appel au juge pénal, même si cette solution paraît moins logique. Pourquoi ne pas vous donner les moyens de saisir dans les conditions normales le juge civil, afin qu’il procède aux blocages ? Je pense que les conditions de délai seraient respectées et qu’il agirait très rapidement.
Pour conclure, je tiens à préciser, monsieur le ministre, que ma proposition n’est animée par aucun esprit polémique. Je pense que vous comprenez bien qu’il s’agit de soulever un problème de fond, dans l’espoir de faire prévaloir une solution cohérente.
En effet, pour participer à ces débats depuis des années, je trouve dommage que la représentation nationale, dans l’une comme l’autre des assemblées, change en permanence de point de vue au gré des circonstances. Il serait souhaitable, sur cette question importante pour l’évolution de notre droit de la communication, que le Gouvernement et la représentation nationale affirment leur volonté de considérer que la liberté d’expression doit être garantie sur internet de manière spécifique, ce qui passe, s’agissant des blocages, par l’intervention du juge judiciaire.
Une telle solution aurait le mérite de s’inscrire dans la continuité des réflexions qui ont été menées récemment et d’être cohérente avec les positions que nous avons prises par le passé. Elle permettrait aussi d’apaiser les débats : dans ces domaines, en effet, il ne s’agit pas d’empêcher la liberté d’expression, mais de rappeler que, sur internet comme ailleurs, des règles doivent être respectées, même si on les entoure de garanties particulières compte tenu des caractéristiques propres d’internet et du phénomène social que représente aujourd’hui son utilisation.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 1 rectifié est présenté par Mme N. Goulet et M. Navarro.
L'amendement n° 65 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l’amendement n° 1rectifié.
L’article 9 du projet de loi présente une grande importance et suscite des débats nombreux, non seulement sur les réseaux sociaux mais aussi entre nous, au sujet de l’éventuelle nécessité de bloquer les sites.
Il n'est absolument pas douteux qu'internet est le premier agent recruteur du terrorisme. Il n’est pas non plus contestable qu’il résulte de cette situation des problèmes extrêmement graves, que M. le ministre a exposés dans le détail hier et dont nous avons longuement débattu.
Reste que nous devons jouer notre rôle de parlementaires. Or, voilà à peine trois ans, la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la neutralité de l’internet et des réseaux a pris une position extrêmement claire. Selon elle, il convient « d’éviter au maximum d’obliger les opérateurs à bloquer des communications électroniques car le blocage a des effets négatifs », notamment celui de restreindre la liberté d’expression et de communication – même si, comme Gaëtan Gorce vient de le souligner, internet, comme tout domaine d’activité, doit obéir à des règles et ne saurait être une zone de non-droit. La mission d’information fait observer que, de manière indirecte, le blocage a aussi pour effet d’entraîner un surblocage et le développement du chiffrement.
Aussi bien, selon nos collègues députés, « ces effets négatifs ne sont pas toujours correctement pris en compte dans les décisions législatives. De plus, l’éclatement des bases législatives », qui sont en particulier la loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne et le code de la propriété intellectuelle, « est un facteur de confusion. C’est pourquoi il est proposé de s’interroger plus avant sur la justification des mesures de blocage légales, en dépit de leur légitimité apparente, du fait de leur inefficacité et des effets pervers qu’elles sont susceptibles d’engendrer et de prévoir dès à présent l’intervention systématique du juge pour prononcer des mesures obligatoires de blocage afin de mieux protéger la liberté d’expression. »
Certes, comme M. le ministre et MM. les rapporteurs l’ont répété hier, ce n’est pas parce qu’une mesure n’est pas parfaite qu’il ne faut rien faire du tout. Toujours est-il que le système proposé, qui consiste à bloquer les sites en agissant sur le domain name system, le DNS, a été très facilement contourné en Turquie. De fait, il suffit pour cela de procéder à une modification du réglage DNS accessible dans les paramètres de configuration, une opération à la portée de tout le monde. C’est ainsi que, quand Erdogan a eu la très mauvaise idée de bloquer Twitter en Turquie, l’adresse permettant de contourner le blocage a été immédiatement postée sur tous les murs.
Par ailleurs, nous avons, en France, des fournisseurs d’accès à internet tout à fait raisonnables, qui bloquent d’eux-mêmes les sites qui le méritent.
C’est pourquoi je propose la suppression de l’article 9 du projet de loi.
Si l’article 9 du projet de loi est aussi important, c’est qu’il prévoit le blocage administratif des sites internet qui font l’apologie du terrorisme ou qui y provoquent. En pratique, un éditeur ou un hébergeur internet pourrait se voir demander de retirer sous quarante-huit heures le contenu incitant au terrorisme ou en faisant l’apologie.
L’Assemblée nationale a prévu de confier à une personnalité qualifiée désignée par la CNIL la mission de vérifier que les contenus dont l’autorité administrative demande le retrait ou les sites dont elle ordonne le blocage sont bien contraires aux dispositions du code pénal. Même si la commission des lois du Sénat a apporté des améliorations procédurales au dispositif de contrôle, ce système demeure à nos yeux inacceptable. En effet, il n’offre pas de garanties suffisantes en matière de libertés, puisqu’il minimise le rôle de l’autorité judiciaire.
Telle est la raison pour laquelle la Commission nationale consultative des droits de l’homme, comme je l’ai déjà signalé, préconise que le pouvoir de bloquer l’accès à un site internet soit dévolu au juge des libertés et de la détention, sur saisine du parquet compétent. C’est aussi pourquoi le Conseil national du numérique a recommandé que le blocage puisse être décidé seulement par l’autorité judiciaire.
L’intervention d’une personnalité nommée par la CNIL et dotée d’un pouvoir de recommandation à l’égard de l’autorité administrative ne suffit en aucun cas, selon nous, à rendre légitime une procédure qui confie à l’autorité administrative des prérogatives aussi importantes, comme celle d’apprécier ce qui relève de l’apologie du terrorisme et de la provocation au terrorisme par différence avec la simple contestation de l’ordre établi. Nous maintenons que l’intervention de l’autorité judiciaire, gardienne des libertés individuelles en vertu de l’article 66 de la Constitution, est nécessaire.
J’ajoute qu’un certain nombre d’experts dans le domaine numérique s’accordent à considérer que le dispositif de blocage proposé est techniquement inefficace et inadapté aux enjeux de la lutte contre le recrutement terroriste. Il faut se représenter, en effet, qu’environ 80 % des contenus visés par la loi circulent sur des plateformes comme Facebook, Twitter ou YouTube.
C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 9.
La commission des lois a choisi d’examiner l’article 9 et s’est efforcée de l’améliorer, comme Mme Assassi vient judicieusement de le souligner.
Nous nous sommes convaincus qu’une action était nécessaire. Au demeurant, l’expression de « blocage administratif », qu’on emploie, n’est pas tout à fait exacte. À la vérité, l’article 9 instaure une procédure d’appel à la responsabilité des éditeurs et des hébergeurs. C’est seulement si la mise en demeure est infructueuse, s’il n’est pas fait preuve de responsabilité, que l’administration pourra décider de supprimer les contenus.
Ce mécanisme étant équilibré, la commission n’a pu qu’écarter les amendements dont l’adoption aurait eu pour effet de clore le débat.
Il est identique à celui de la commission, pour des raisons que je vais tâcher d’expliquer en réponse à Mmes Assassi et Goulet, ainsi qu’à Gaëtan Gorce qui a présenté un exposé extrêmement complet et très bien argumenté.
Le Gouvernement propose cet article parce qu’il est aujourd’hui évident qu’internet est devenu un vecteur d’endoctrinement et d’embrigadement très puissant, qui fait basculer dans le terrorisme certains de nos ressortissants les plus vulnérables. Il n’est, pour s’en convaincre, qu’à écouter les témoignages des familles qui nous alertent par le biais de la plateforme de signalement que nous avons mise en place depuis la fin du mois d’avril. De fait, parmi ces familles qui s’inquiètent du risque de départ d’un enfant ou d’un autre de leurs membres, un très grand nombre mettent en cause le rôle particulier joué par Internet. C’est aussi ce que fait Dounia Bouzar, que nous avons chargée de travailler auprès des familles sous l’égide de la MIVILUDES.
Nous sommes donc en face d’une réalité très différente de celles que nous avons eu à connaître jusqu’à présent. J’y insiste, parce que, dans le débat, on fait régulièrement valoir que la famille politique à laquelle j’appartiens a eu, en d’autres temps, une autre position sur la question d’internet que celle que je défends aujourd’hui. Cela est vrai, mais la raison en est que, à l’époque où l’on débattait de certains autres textes, le phénomène dont nous parlons n’avait pas pris l’ampleur ni atteint le niveau de gravité que nous lui connaissons aujourd’hui ; en vérité, internet ne jouait pas le rôle qu’il joue aujourd’hui dans l’endoctrinement et l’embrigadement de nos ressortissants et dans leur basculement dans le terrorisme.
En ce qui concerne le dispositif lui-même et les rôles respectifs du juge administratif, du ministère de l’intérieur et du juge judiciaire, je tiens à vous communiquer des informations très précises, qui résultent notamment des discussions que nous avons eues avec les opérateurs.
Je répète que les hébergeurs et éditeurs procèdent eux-mêmes au retrait d’un certain nombre d’images, de vidéos, de blogs et de sites dont ils considèrent qu’ils constituent un véritable danger. Ils l’ont fait pas plus tard qu’hier, avec le retrait d’une vidéo dont les médias ont fait état, dans laquelle un combattant français membre de groupes terroristes appelait à des meurtres en France.
J’ai été très frappé, notamment lors des contacts que les ministres de l’intérieur européens ont eus à Luxembourg avec les acteurs de l’internet, de constater que ceux-ci sont parfaitement conscients du risque qui s’attache à la diffusion de ces sites, de ces blogs et de ces images, ainsi que de la responsabilité qui en résulte pour eux. Ils sont tout à fait désireux de l’exercer et j’observe qu’ils l’exercent de plus en plus.
L’article 9 du projet de loi ne doit pas être regardé de façon idéologique, mais pragmatique. Il vise à accompagner les éditeurs et les hébergeurs dans le travail qu’ils commencent à accomplir eux-mêmes, en se dotant des ressources humaines et des moyens technologiques nécessaires à une action efficace.
Le dispositif que nous proposons prévoit le lancement d’une alerte par les autorités, après quoi les hébergeurs et les éditeurs auront vingt-quatre heures pour retirer les contenus visés. Il s’agit d’amener les hébergeurs et les éditeurs à accélérer les mesures qu’ils prennent déjà ou à agir à l’égard de contenus qu’ils n’ont pas nécessairement identifiés. Si, au bout de vingt-quatre heures, ils n’ont pas retiré les contenus, nous préconiserons le blocage, sous le contrôle du juge administratif qui est aussi juge des libertés, comme nous l’avons rappelé à propos de l’interdiction administrative de sortie du territoire.
Le sénateur Gorce a soulevé la question, que nous avons commencé à aborder hier, de la compétence du juge administratif et de celle du jugejudiciaire, étant entendu que ce dernier peut faire le travail. J’ai plusieurs éléments de réponse à apporter sur ce sujet.
Sans doute, le juge judiciaire peut agir ; mais, compte tenu de son indépendance, à laquelle nous tenons tous, il ne peut agir que de lui-même. Or il n’agit pas de lui-même autant que nous pouvons le souhaiter, en raison de la masse des sujets qu’il lui faut traiter et parce qu’il n’a pas connaissance des contenus diffusés. Remarquez que ce n’est nullement adresser des reproches au juge judiciaire que de faire le constat de la difficulté matérielle dans laquelle il se trouve pour agir. Quant à le saisir, nous ne pouvons le faire que dans des conditions extrêmement précises et restrictives rappelées dans une ordonnance de juillet 2012 du tribunal de grande instance de Paris, hors lesquelles notre marge de manœuvre est quasi nulle.
Si l’opérateur n’a pas agi au bout de vingt-quatre heures, nous proposons donc de mettre en place le blocage. Cela revient à faire, sous le contrôle du juge, ce que l’opérateur fait de lui-même à l’heure actuelle – on l’a vérifié hier.
Il se pose ensuite une autre question, soulevée par de nombreux acteurs : celle de la modalité et de l’efficacité du blocage, et des risques de surblocage, point, lui aussi, fort bien évoqué par le sénateur Gaëtan Gorce.
Il existe trois modalités de blocage. La première se fait par l’adresse IP : il s'agit de bloquer non pas un site, mais un serveur identifié par son adresse IP, qui est une véritable plaque d’immatriculation pour chaque terminal physique. Cette méthode a pour inconvénient de présenter un risque important de surblocage, car un même serveur héberge fréquemment plusieurs dizaines ou centaines de sites internet ne présentant pas forcément de lien avec le terrorisme. Il ne serait donc pas honnête, compte tenu de ce qu’est la réalité technique, de nier un problème qui a été évoqué, à juste titre, par Gaëtan Gorce.
Le deuxième dispositif de blocage repose sur celui de l’adresse universelle, dite « adresse URL ». Ce niveau de blocage implique de procéder à un filtrage préalable par des méthodes très intrusives pour le contenu des communications. C'est ce que l’on appelle le « deep packet inspection ».
Le troisième blocage, dit « blocage DNS », s'effectue par nom d’hôte ou de domaine. Tout en demeurant efficace, c'est le moins risqué en termes de surblocage et d’atteinte aux libertés publiques. Nos discussions récentes avec les fournisseurs d’accès laissent espérer, concernant cette méthode, de rapides progrès technologiques à des coûts acceptables.
Je prends l’engagement devant le Sénat d’utiliser, dans les textes d’application, cette dernière méthode de blocage pour parvenir à une bonne synthèse entre liberté et efficacité.
Enfin, je voudrais revenir sur la question du juge judiciaire. Le dispositif proposé à l’article 9 est sans préjudice pour le juge judiciaire, qui peut se saisir du sujet à tout moment. Je dirais même que l’enclenchement de ce dispositif permet au juge judiciaire d'être alerté de ce qui n’est pas nécessairement porté à sa connaissance aujourd'hui, et de judiciariser éventuellement des procédures – ce à quoi le Gouvernement est bien entendu extrêmement favorable.
N’opposons donc pas ici le juge administratif au juge judiciaire, dès lors que ce que fera le juge administratif peut être un facteur de déclenchement de la judiciarisation, sans préjudice pour le déroulement de la procédure judiciaire.
Voilà toutes les explications que je voulais donner pour indiquer, de façon précise et équilibrée afin que nos débats soient sans ambiguïté, l’esprit de cette disposition. C'est parce que nous sommes dans cette démarche d’équilibre que je ne peux pas être favorable aux amendements qui ont été présentés.
Ce débat n’est pas facile, et si l’on essaie de regarder attentivement, comme l’ont fait M. le rapporteur et M. le ministre, les trois arguments qui sont invoqués, on en arrive aux observations suivantes.
Un premier argument a été invoqué, celui de l’évolution des positions de tel ou tel sur ce sujet. Cet argument mérite considération, mais il est naturel que les positions évoluent dès lors que la réalité devient terrible, dramatique ou tragique. Aujourd'hui, mille ressortissants français sont actifs dans les réseaux djihadistes en Irak et en Syrie.
Aujourd'hui, des centaines de jeunes adolescents sont pris en main par des réseaux terroristes qui les manipulent et les désinhibent. Voilà la réalité !
Il faut donc prendre des mesures appropriées, et je crois que l’on pourrait reprocher à un Gouvernement de ne pas le faire.
Ensuite, il y a un débat concernant la nature du juge auquel il faut se référer. Ce débat dure, au fond, depuis le début de la discussion de ce projet de loi. Tout juge a la capacité de prendre des décisions de justice et de protéger les libertés. Nous l’avons dit. Nous en avons débattu à propos du juge administratif, et je crois qu’il n’est pas justifiable de dire que tel juge, par essence, n’aurait pas la capacité de défendre les libertés publiques.
Enfin, une série de questions se posent, qui tiennent à la matérialité du fait informatique et de l’internet. Beaucoup de collègues – et notamment M. Gaëtan Gorce, très spécialisé dans ce sujet – disent des choses qui doivent absolument être entendues. Il n’est pas facile, en effet, de mettre en œuvre des mesures de retrait dans la sphère internet ; on nous a longuement expliqué que, dans une large mesure, il était techniquement possible de contourner ou de détourner toute décision prise en la matière.
Pour autant, faudrait-il conclure d’un certain nombre de discours – que je ne veux pas caricaturer, car ils ont leur poids de vérité – à une sorte d’impuissance ?
On ne pourrait rien faire par rapport à la sphère internet, le droit s'arrêtait là où internet commence… On nous a ainsi expliqué – je l’ai dit hier, pardonnez-moi de me répéter – que le droit d’auteur n’avait plus droit de cité sur internet, que tout ouvrage pouvait être pillé sans possibilité de s'y opposer. On a dit que la propriété intellectuelle était pulvérisée par internet. Et l’on nous dira aussi que l’on ne peut rien faire contre les injures sur internet, que l’on ne peut rien faire contre la diffamation, …
… que l’on ne peut rien faire contre les atteintes à la vie privée et à l’intimité de chacune et de chacun sur internet, et que l’on ne pourrait rien faire contre des sites qui font l’apologie du terrorisme, qui présentent en boucle des scènes de décapitation et de crucifixion, qui sont des horreurs attentatoires à ce que l’humanité a de plus profond et que chacun partage au-delà de tant de divergences d’appréciation – à ce qu’est, au fond, le bien commun de l’humanité !
Pour ce qui me concerne, je voterai en faveur de cet article, et je voterai contre ces amendements de suppression, tout simplement parce que je ne me résigne pas à une démission du droit devant la sphère internet. Même si c'est difficile, même si c'est compliqué, même si cela demande des stratégies internationales – la France peut y contribuer – et des positions européennes – la France doit y contribuer –, on ne peut pas se résigner à ce que la technique nous impose d’abdiquer et de rester inactifs face aux messages diffusés sur internet.
Je vais à mon tour intervenir sur cette question. Je dirai à mon collègue Jean-Pierre Sueur que ce n’est pas parce que la croissance est nulle et que l’on ne peut s'y résigner que, si nous votions aujourd'hui que la croissance doit être de 3 %, elle s'établirait à ce niveau.
Avec internet, la situation est de même nature. C'est la raison pour laquelle il faut faire preuve d’intelligence et d’adaptabilité aux réalités nouvelles, plutôt que de trépigner en disant que l’on ne peut rien faire, ou que l’on ne se résigne pas à ce que l’on ne puisse rien faire et donc on inscrit quelque chose dans la loi, et ainsi on a sa conscience pour soi.
Or ce n’est pas aussi simple.
D'abord, je ne voterai pas ces amendements de suppression, car l’article 9 ne traite pas uniquement du blocage, il apporte aussi, dans ses deux premiers alinéas, un complément à la loi sur l’économie numérique, qui procède justement de ce dialogue avec les opérateurs internet, dialogue absolument nécessaire. Ces deux alinéas, qui réparent opportunément un oubli, doivent donc être maintenus.
En revanche, le blocage administratif me semble dangereux à plusieurs égards. Bien entendu, il existe plusieurs niveaux de blocage – M. le ministre l’a dit.
On peut mettre en place un blocage technique, de même nature que celui que nous avons sur le réseau du Sénat, qui est totalement sécurisé. Mais il se trouve qu’un certain nombre d’opérations y sont impossibles. Et je constate que dans les pays totalitaires dont l’économie se développe, les réseaux ne sont pas sécurisés de cette manière afin de ne pas bloquer l’activité.
Sur le plan administratif, le blocage a déjà été prévu par la loi, mais les décrets ne sont pas sortis, ce qui prouve que des difficultés ont été rencontrées.
Sur le plan technique, dès lors que l’on ne choisit pas des modes de sécurisation des réseaux qui soient intrusifs ou rigoureux au point de bloquer in fine un certain nombre d'activités, il devient possible de contourner ces dispositifs avec des applications très simples.
Et il ne faut pas forcément voir de la malice dans de tels comportements car pour effectuer certaines opérations, d’aucuns n’auront pas d’autres choix, sans qu’on puisse le leur reprocher et sans qu’ils soient des apprentis terroristes. Les motivations pour se connecter en VPN, le blocage étant alors inopérant, sont très diverses.
Sur le plan éducatif, si une loi est votée sans qu’elle soit opérationnelle, on marque un décalage entre, d’une part, le monde politique et le monde législatif et, d’autre part, la réalité. La loi ne peut pas s'opposer à la technique, elle doit la prendre en compte si elle veut être crédible. Par conséquent, si nous votons des dispositions contraires à la réalité technique, nous dévalorisons la loi en portant atteinte à sa crédibilité. C'est mauvais sur le plan éducatif, et cela ne contribuera pas à faire des internautes des consommateurs et des citoyens de l’internet. Or, compte tenu de la nature d’internet, cette évolution est indispensable.
Enfin, sur le plan de la sécurité, il me semble plus important de pouvoir suivre ceux qui consultent des sites terroristes, plutôt que de les inviter à emprunter des tunnels cryptés pour y accéder.
Et s'il s'avère qu’un site présente un danger absolu, il ne convient pas, selon moi, d’agir par le blocage, mais plutôt de demander aux services concernés d’attaquer le site pour qu’il n’existe plus.
Internet, d’une manière générale, est une remise en cause de la souveraineté des États. Dans beaucoup de pays totalitaires, il a permis aux citoyens d’accéder à l’information.
Il faut le rappeler pour ne pas voir dans internet un ennemi de la loi ou des souverainetés. Finalement, en mettant la liberté d’information à la disposition de tous, internet constitue un progrès avec, en contrepartie, un certain nombre de conséquences auxquelles il faut aujourd'hui faire face.
Puisque mon temps de parole s'épuise, je défendrai tout à l'heure l’amendement n° 8 rectifié. Mais j’insiste sur le fait que, compte tenu de ses deux premiers alinéas, l’article 9 ne peut être totalement supprimé. Seuls les alinéas suivants – qui proposent, eux, le blocage – méritent de l’être.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisie de quatorze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 52, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Le 1° de l’article 9 tend à proposer que soit mise en avant l’obligation faite aux hébergeurs et aux fournisseurs d'accès à internet de mettre en place des dispositifs de signalement des contenus illicites ayant trait au terrorisme.
Le Conseil constitutionnel a déjà noté la difficulté fréquente d'apprécier la licéité d'un contenu. C'est particulièrement vrai pour distinguer les contours de ce qui relèverait ou non de l'apologie d'actes de terrorisme. On peut d'ailleurs noter que si, en 2012, la plateforme du ministère de l'intérieur a recueilli 120 000 signalements, seuls 1 329 ont été transmis pour enquête à la police nationale ou à la gendarmerie.
Nous considérons qu’il faut cesser de modifier cette partie de la loi de 2004 sur la responsabilité pénale des hébergeurs. En janvier dernier, le Gouvernement avait promis une consultation et un projet de loi sur ce sujet avant toute nouvelle modification de cette partie de la loi. Nous regrettons donc ce nouvel élargissement et proposons sa suppression.
L'amendement n° 50, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Supprimer les mots :
et de leur apologie
II. – Alinéa 4, première phrase
Supprimer les mots :
ou l’apologie de tels actes
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement n° 44 à l’article 4, afin que la provocation à la commission d’actes de terrorisme ne soit pas assimilée à l’apologie de tels actes. Je considère donc qu’il est défendu.
L'amendement n° 84 rectifié, présenté par MM. Hyest et Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
, les mots : « huitième et neuvième » sont remplacés par les mots : « septième et huitième »
La parole est à M. Alain Richard, rapporteur.
Cet amendement tend à opérer une simple coordination visant à rectifier une référence de texte.
L'amendement n° 90, présenté par MM. Hyest et Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 3 à 7
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
2° Les cinquième et sixième alinéas sont supprimés ;
II. - Alinéas 8 à 10
Supprimer ces alinéas.
III. – Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
4° Au dernier alinéa, les mots : «, cinquième et septième » sont remplacés par les mots : « et cinquième ».
IV. – Après l’alinéa 11
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
I bis. – Après l’article 6 de la loi n° 2004–575 précitée, il est inséré un article 6–1 ainsi rédigé :
« Art. 6–1. – Lorsque les nécessités de la lutte contre la provocation à des actes terroristes ou l'apologie de tels actes relevant de l'article 421–2–5 du code pénal ou contre la diffusion des images ou des représentations de mineurs relevant de l'article 227–23 du même code le justifient, l'autorité administrative peut demander à toute personne mentionnée au III de l’article 6 de la présente loi ou aux personnes mentionnées au 2 du I du même article 6 de retirer les contenus qui contreviennent à ces mêmes articles 421–2–5 et 227–23. Elle en informe simultanément les personnes mentionnées au 1 du I de l’article 6 de la présente loi.
« En l'absence de retrait de ces contenus dans un délai de quarante-huit heures, l'autorité administrative peut notifier aux personnes mentionnées au même 1 la liste des adresses électroniques des services de communication au public en ligne contrevenant auxdits articles 421–2–5 et 227–23. Elles doivent alors procéder sans délai aux opérations empêchant l'accès à ces adresses. Toutefois, en l'absence de mise à disposition par la personne mentionnée au III du même article 6 des informations mentionnées à ce même III, l'autorité administrative peut procéder à la notification prévue à la première phrase du présent alinéa sans avoir préalablement demandé le retrait des contenus dans les conditions prévues à la première phrase du premier alinéa du présent article.
« L'autorité administrative transmet les demandes de retrait et la liste mentionnées respectivement aux premier et deuxième alinéas à une personnalité qualifiée désignée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés pour une durée de cinq ans non renouvelable. Le suppléant de cette personnalité qualifiée est désigné dans les mêmes conditions. La personnalité qualifiée s'assure de la régularité des demandes de retrait et des conditions d'établissement, de mise à jour, de communication et d'utilisation de la liste. Si elle constate une irrégularité, elle peut à tout moment recommander à l'autorité administrative d'y mettre fin. Si l'autorité administrative ne suit pas cette recommandation, la personnalité qualifiée peut saisir la juridiction administrative compétente, en référé ou sur requête.
« La personnalité qualifiée rend public chaque année un rapport d'activité sur les conditions d'exercice et les résultats de son activité, qui précise notamment le nombre de demandes de retrait, le nombre de contenus qui ont été retirés, les motifs de retrait et le nombre de recommandations faites à l'autorité administrative. Ce rapport est remis au Gouvernement et au Parlement.
« Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret, notamment la compensation, le cas échéant, des surcoûts justifiés résultant des obligations mises à la charge des opérateurs.
« Tout manquement aux obligations définies au présent article est puni des peines prévues au 1 du VI de l’article 6. »
V. – Alinéa 12
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
II. – Le premier alinéa du 1 du VI de l’article 6 de la loi n° 2004–575 précitée est ainsi modifié :
1° Les mots : «, cinquième et septième » sont remplacés par les mots : « et cinquième » ;
2° Après les mots : « 7 du I », sont insérés les mots : « ni à celles prévues à l’article 6–1 de la présente loi » ;
3° Après la référence : « II », sont insérés les mots : « du présent article ».
La parole est à M. Alain Richard, rapporteur.
Cet amendement est une proposition de réécriture complète de l’article pour tenir compte du fait que nous nous situons dans un seul article de la loi de 2004, ce qui nous amène à faire des renvois à une multitude d’alinéas et de numéros. Il nous a donc paru nettement préférable de rédiger un article sur cette procédure qui a sa cohérence et qui permet d’éviter des renvois complexes. Il traduit également une différence d’appréciation avec le Gouvernement sur la durée de quarante-huit heures ou de vingt-quatre heures.
Le sous-amendement n° 95, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 90, alinéa 13, première phrase
Remplacer les mots :
quarante-huit heures
par les mots :
vingt-quatre heures
La parole est à M. le ministre.
Ce sous-amendement porte sur un sujet qui est, pour nous, très important, à savoir le délai de quarante-huit heures proposé par la commission.
Nous craignons que cette modification ne dénature l’article lui-même. En effet, nous pensons qu’un tel délai suffit à transférer le contenu d’un certain nombre de sites vers d’autres. Si tel est le cas, nous sommes obligés d’engager à l’encontre des sites vers lesquels les contenus ont été transférés la même démarche que celle que nous avons engagée pour procéder au blocage du premier site. Cela présente le risque de démarches sans fin de la part de l’administration au titre de ses pouvoirs de police.
À notre sens, le délai de vingt-quatre heures permet à l’opérateur de se retourner, tout en évitant le transfert de contenus vers des sites dits miroirs.
Nous sommes favorables à l’amendement de cohérence que vient de présenter le rapporteur, sous réserve que notre sous-amendement soit accepté.
Le sous-amendement n° 92, présenté par MM. Sueur, Bigot, Desplan et Marie, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Amendement n° 90, alinéa 14, première phrase
Après le mot :
désignée
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
en son sein par la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
Les députés ont eu l’idée de confier à la CNIL le soin de désigner une personnalité qualifiée, dont l’indépendance et la compétence seraient reconnues, afin qu’elle puisse intervenir pour garantir le respect des libertés et le bon usage des dispositions de cet article.
Il nous est apparu important de préciser que cette personne devait être désignée au sein même de la CNIL. Sinon, nous serions dans un système un peu étrange où nous confierions à une autorité administrative indépendante le soin de désigner une personnalité qualifiée extérieure à elle-même.
S’agissant des autorités administratives indépendantes, au nombre d’une cinquantaine, j’ai déjà eu l’occasion de dire en commission que notre ancien collègue Patrice Gélard, à qui je tiens ici à rendre hommage, avait déposé, le dernier jour de sa présence au Sénat, deux propositions de loi qu’il m’a demandé de cosigner afin qu’elles puissent perdurer.
J’espère que nous aurons l’occasion d’en parler, car nous avons assisté à une véritable prolifération de ces autorités administratives indépendantes. On peut se demander si leur création est toujours justifiée. En tout cas, M. Patrice Gélard a beaucoup insisté pour qu’elles soient créées par la loi, ce qui n’est pas négligeable, et pour que la loi précise aussi leurs règles de fonctionnement. Il y a là quelque chose d’utile.
Pour revenir à notre sujet, je pense que si nous faisons appel à la CNIL, autant que cette autorité désigne ès qualités un de ses membres pour assumer cette tâche.
Je sais que ce sujet ne fait pas expressément partie de ses compétences. D’ailleurs, notre collègue Gaëtan Gorce, qui est un membre éminent de cette instance, pourrait en parler mieux que moi. Néanmoins, il nous semble, pour la bonne clarté de cette procédure, qu’il ne faut pas entrer dans cette forme de logique proliférante où des autorités désigneraient des personnes qualifiées, qui, elles-mêmes, pourraient désigner, pourquoi pas, d’autres personnes qualifiées, qui pourraient à leur tour désigner des autorités…
J’avais lu dans Montesquieu qu’il y avait le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Il ne faudrait pas que nous entrions dans des systèmes qui nous éloigneraient trop de ces quelques principes simples auxquels nous sommes nombreux à être puissamment attachés.
Le sous-amendement n° 94, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 90, après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’autorité administrative peut également notifier les adresses électroniques dont les contenus contreviennent aux articles 421–2–5 et 227–23 du code pénal aux moteurs de recherche ou aux annuaires, lesquels prennent toute mesure utile destinée à faire cesser le référencement du service de communication au public en ligne. La procédure prévue au troisième alinéa du présent article est applicable.
La parole est à M. le ministre.
Ce sous-amendement tend à prévoir que l’autorité administrative peut demander, en plus du blocage de l’accès à certains sites, le déréférencement de ces sites.
Cette possibilité est déjà prévue à l’article 61 de la loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture et à la concurrence du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, lequel permet à l’ARJEL, l’Autorité de régulation des jeux en ligne, de demander que soit prise « toute mesure destinée à faire cesser le référencement du site d’un opérateur mentionné au deuxième alinéa [dudit] article par un moteur de recherche ou un annuaire ».
Le déréférencement est une mesure simple et peu coûteuse à mettre en œuvre par le prestataire requis. Elle est d’ailleurs préconisée par la CNIL dans le cadre de la mise en œuvre du droit à l’oubli, ainsi qu’elle le précise aux pages 83 et 84 de son rapport de 2012.
Comme elle est complémentaire du blocage, nous proposons de compléter l’article 9 avec cette mesure.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 8 rectifié est présenté par MM. Leconte et Gorce.
L'amendement n° 51 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 3 à 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié.
Par cet amendement, nous proposons la suppression des dispositions de l’article 9 tendant à prévoir le blocage, pour les raisons que j’ai exposées voilà quelques instants.
Comme je l’ai déjà dit, internet représente un défi à la souveraineté des États. Ce défi peut avoir des effets positifs, lorsque les États sont totalitaires, mais il oblige aussi parfois les États à repenser leurs relations avec la société civile.
En la matière, il est important de trouver le moyen de collaborer avec l’ensemble de la communauté internet à l’échelle mondiale, afin que ce qui ne doit pas se trouver sur le réseau en soit exclu. Internet doit rester cet espace de diffusion non seulement d’informations, mais aussi des valeurs.
Par conséquent, il importe de rechercher la collaboration des grands opérateurs, tels que Facebook, Twitter, Yandex et Google.
À cet égard, il me semble qu’un pays qui n’entrerait pas dans cette logique en refusant d’admettre qu’il s’agit d’un défi l’obligeant à aborder les questions différemment serait vu comme un pays qui ne comprend pas comment fonctionne internet et ses opérateurs.
Aussi, je pense qu’il y a un vrai risque pour notre pays à être ainsi considéré. C’est d’ailleurs un peu ce qui s’est passé dans un certain nombre de pays où les législations ont été durcies. Les opérateurs ont alors changé leurs méthodes, sont allés ailleurs ou ont durci leurs procédures de sécurité pour protéger leurs clients de l’intrusion des États.
À mon sens, nous ne devons pas aller dans cette direction-là. Si nous souhaitons pouvoir contrôler ce qui mérite de l’être et maîtriser l’innovation internet, nous ne pouvons pas revendiquer de telles procédures, au risque de provoquer l’incompréhension de tous.
C’est la raison pour laquelle il me semble qu’un blocage administratif, facilement détournable, n’est pas la solution, que ce soit pour les citoyens, que l’on transforme en consommateurs, ou pour les opérateurs, qui apparaissent comme des victimes ou comme n’étant pas assez responsables pour pouvoir progressivement prendre la responsabilité qu’ils doivent prendre afin que le réseau soit un réseau de progrès et soit positif.
Il est donc important de faire le pari de l’intelligence, de convaincre l’ensemble des opérateurs du réseau qu’ils ont intérêt à ne pas laisser diffuser un certain nombre de films de propagande qui ne méritent pas d’être montrés. Mais ce n’est pas une raison pour imposer des dispositifs qui, sur le plan technique, ne fonctionnent pas et sont facilement contournables.
Aussi, avec toute la conviction qui m’amine sur ce blocage administratif que je juge dangereux pour l’image et de notre pays et du Parlement, qui apparaîtraient alors en décalage avec la réalité, je vous propose d’y renoncer au profit d’une politique de conviction, qui est déjà abordée aux alinéas 1 et 2 de l’article 9.
Nous devons adopter une démarche de coopération et de mobilisation pour que le réseau puisse donner toute la mesure de ses capacités d’échange d’informations à l’échelle du monde.
C’est la raison pour laquelle je vous propose d’adopter cet amendement.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 51.
Cet amendement étant identique à l’amendement n° 8 rectifié, je considère qu’il est défendu. Je ne veux pas rallonger le débat, qui est déjà assez long…
L'amendement n° 28, présenté par MM. Gorce et Leconte, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 7
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
L'amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 6
Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les nécessités de la lutte contre la provocation à des actes terroristes ou l'apologie de tels actes relevant de l'article 421–2–5 du code pénal ou les nécessités de la lutte contre la diffusion des images ou des représentations de mineurs relevant de l'article 227–23 du même code le justifient, l'autorité administrative peut saisir le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir ordonnée, en la forme des référés, toute mesure permettant de demander à toute personne mentionnée au III du présent article ou aux personnes mentionnées au 2 du présent I de retirer les contenus qui contreviennent à ces mêmes articles 421–2–5 et 227–23. Cette ordonnance autorise l’autorité administrative à informer simultanément les personnes mentionnées au 1 du présent I.
« Une personnalité qualifiée est désignée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés pour une durée de cinq ans non renouvelable. Le suppléant de cette personnalité qualifiée est désigné dans les mêmes conditions. Cette personnalité qualifiée rend public chaque année un rapport d'activité sur la lutte contre la provocation à des actes terroristes ou l'apologie de tels actes, qui précise notamment le nombre de demandes de retrait, le nombre de contenus qui ont été retirés, les motifs de retrait, ainsi que des recommandations. Ce rapport est remis au Gouvernement et au Parlement.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
L’article 9 a pour objet de créer une procédure de blocage administratif de certains sites faisant l’apologie du terrorisme. Il s’agit de l’un des articles les plus controversés de ce texte, à la fois sur le plan pratique de l’efficacité et sur le plan juridique.
S’agissant de l’efficacité, il faut savoir que le blocage administratif avait déjà été retenu dans la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite Loppsi 2, à l’encontre des contenus pédopornographiques. Or cette mesure n’a jamais été mise en œuvre, faute de décret d’application, les négociations entre les pouvoirs publics et les fournisseurs d’accès à internet ayant achoppé sur la question du dédommagement du blocage et sa méthode.
Par ailleurs, il n’est pas sûr que la mesure proposée dans le présent projet de loi soit efficace par rapport aux buts mêmes qu’elle vise.
Ces sites fournissent des informations utiles aux renseignements généraux. Le Conseil national du numérique a souligné ce risque, et il n’est pas le seul. L’argument des dommages collatéraux du blocage ne peut être ignoré ni balayé d’un revers de la main.
Sur le plan juridique, la procédure de blocage administratif, calquée sur celle qui existe en matière de pédopornographie, évite le contrôle du juge, ce qui est préjudiciable au respect des libertés individuelles. Le texte prévoit de remplacer l’intervention du juge par la nomination à la CNIL d’une personnalité qualifiée qui devra vérifier le bien-fondé de la demande de retrait. Cela n’est pas suffisant.
En conséquence, le présent amendement vise à remplacer le blocage administratif des sites par une ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Paris, sur le modèle du blocage des sites de jeux d’argent et de hasard prévu par la loi n° 2010–476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne. Cet amendement tend également à modifier en fonction les missions confiées à la personnalité qualifiée nommée à la CNIL. Celle-ci pourrait rendre un rapport sur les suites données à la procédure de blocage et les difficultés soulevées par ce type de mesure.
L'amendement n° 69, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4, première phrase
Remplacer les mots :
l’autorité administrative
par les mots :
le juge des libertés et de la détention
II. – Alinéa 5, première et dernière phrases
Remplacer les mots :
l’autorité administrative
par les mots :
le juge des libertés et de la détention
La parole est à Mme Leila Aïchi.
L’article 9 du projet de loi prévoit la possibilité pour l’autorité administrative d’ordonner aux fournisseurs d’accès à internet le blocage de l’accès aux sites incitant à commettre des actes terroristes ou en faisant l’apologie. Toutefois, comme l’indique la Commission nationale consultative des droits de l’homme, le blocage administratif de l’accès aux sites internet incitant à commettre des actes terroristes ou en faisant l’apologie est de nature à brouiller la distinction classique entre police administrative et police judiciaire.
Le blocage d’un site internet étant une ingérence grave dans la liberté d’expression et de communication, l’intervention d’un juge est nécessaire. Seul le juge des libertés est à même, par son indépendance, d’assurer une réelle protection de la liberté d’expression, en accord avec la décision de la Cour de cassation et les exigences de la Cour européenne des droits de l’homme.
L'amendement n° 77, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
Remplacer les mots :
quarante-huit heures
par les mots :
vingt-quatre heures
La parole est à M. le ministre.
L’allongement à quarante-huit heures du délai laissé aux hébergeurs pour procéder au retrait des contenus illicites ne nous semble pas justifié, pour les raisons que j’ai déjà exposées. Nous proposons donc de ramener ce délai à vingt-quatre heures.
L'amendement n° 53, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après le mot :
heures
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
ou en l’absence de mise à disposition par la personne mentionnée au III du présent article des informations mentionnées à ce même III, l’autorité administrative peut saisir le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins d’ordonner aux personnes mentionnées au 1 du présent I d’empêcher l’accès sans délai aux adresses électroniques des services de communication au public en ligne contrevenant auxdits articles 421-2-5 et 227-23. Après une demande de retrait des contenus dans les vingt-quatre heures selon les modalités prévues à la première phrase du présent alinéa, l’autorité administrative peut également notifier aux personnes mentionnées au 1 du présent I les adresses électroniques des services de communication au public en ligne qui reprendraient le contenu des adresses dont l’accès aurait été interdit par la décision prévue à la phase précédente et auxquelles ces personnes doivent empêcher l’accès sans délai. L’autorité administrative peut également saisir le président du tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir prescrire, en la forme des référés, toute mesure destinée à faire cesser le référencement du contenu par un moteur de recherche ou un annuaire.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Cet amendement vise à ce que le blocage soit décidé non pas par l'autorité administrative, mais par un juge. Il s'inspire du dispositif retenu pour le blocage des sites illégaux proposant des jeux d'argent en ligne, qui s’appuie sur l'ARJEL.
La censure d'un contenu nécessite une décision judiciaire. Il semble cependant important que le contenu puisse être bloqué rapidement. C'est pourquoi il est proposé de passer par un juge des référés. En l'absence de retrait des contenus, l'autorité administrative saisirait le président du tribunal de grande instance de Paris.
Suite à la décision judiciaire, l'autorité administrative pourrait demander le blocage des sites. Concernant les sites miroirs, c'est-à-dire les sites qui reproduisent le contenu bloqué, en l'absence de retrait des contenus dans les vingt-quatre heures, l'autorité administrative pourrait procéder au blocage administratif.
L'amendement n° 6 rectifié ter, présenté par MM. Navarro et Adnot et Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 5, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et sans que cela ne puisse porter atteinte aux obligations pesant sur ces personnes au titre de l’article L. 33–1 du code des postes et des communications électroniques
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Il s'agit d’un amendement de précision. Le projet de loi doit s’assurer que, dans le cadre d’un blocage, la solution technique que devront mettre en œuvre les opérateurs de réseau ne risque pas d’affaiblir leur capacité à assurer un service sans perturbations, conformément aux dispositions du code des postes et communications électroniques. Ce code impose notamment le respect du principe du secret des correspondances et de la permanence, qualité, disponibilité, sécurité, intégrité et continuité des réseaux et services.
En complétant le texte, le présent amendement vise à la fois à garantir le respect de l’ordre public et à éviter tout risque de surblocage. Le dispositif proposé est technologiquement neutre et demeurera applicable quelles que soient les évolutions technologiques à venir. Nous avons déjà abordé cette question lorsque M. le ministre a décrit les modalités techniques du blocage. Le risque de surblocage existe, il est reconnu ; il ne doit pas être sous-estimé. Un certain nombre d’opérateurs et d’utilisateurs qui ne sont absolument pas visés par la mesure de blocage pourraient subir des perturbations. Il s'agit donc d’un amendement de bon sens.
L'amendement n° 29, présenté par M. Gorce, est ainsi libellé :
Alinéas 6 et 7
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
Cet amendement vise à supprimer l’intervention de la CNIL, qui est sollicitée dans des conditions discutables sur la forme mais aussi sur le fond.
J’observe d'ailleurs que le débat évolue. Un glissement est en train de s’opérer, qui n’est pas inintéressant. §Chacun reconnaît que le blocage des sites relève pour une large part du symbolique, même s’il peut être utile, voire nécessaire dans certaines circonstances. N’en déplaise à mon collègue et ami Jean-Pierre Sueur, je crains que, aussi généreuse soit-elle, l’ambition de faire d’internet une zone plus respectueuse des différents droits par le recours à ce type de méthode ne soit vouée à être fortement déçue.
Ce n’est pas de cette manière que l’on arrivera à réguler internet, pour les raisons techniques qui ont été évoquées. C’est évidemment en cherchant à multiplier les solutions, à créer une sorte de chaîne de solutions. Les propos de M. le ministre en témoignent : il a exprimé le souci d’associer au blocage des mesures préventives, tournées notamment vers les hébergeurs et les fournisseurs d’accès, afin de trouver des solutions adaptées. C’est ainsi qu’il faudra procéder.
Je rends d'ailleurs hommage à M. le ministre, qui nous a dit qu’il avait choisi, parmi les méthodes de blocage, la moins intrusive. Cela montre bien qu’il est prêt à sacrifier une partie de l’efficacité supposée du dispositif pour éviter qu’il n’ait des effets indirects trop lourds sur la liberté d’expression sur internet.
L’intervention de la CNIL procède manifestement du même esprit. Il s’agit d’entourer le dispositif de garanties, car on est conscient des conséquences qu’il peut avoir, malgré ses limites. Est-ce le rôle de la CNIL ? À l’évidence, non, au regard de la version en vigueur de la loi du 6 janvier 1978. Bien sûr, le législateur peut compléter la législation, et il pourrait donc confier à la CNIL cette mission supplémentaire.
Cependant, outre le fait que l’intervention de la CNIL vise à pallier l’absence d’intervention du juge judiciaire, c'est-à-dire à apporter une garantie supplémentaire en matière de respect des droits, le terrorisme est un domaine très spécifique, et la CNIL ne dispose pas de capacité d’appréciation particulière en la matière. On peut donc se demander si son intervention est justifiée.
Si ce qui motive la décision de faire intervenir la CNIL, c’est non pas le domaine en lui-même, mais le souci d’assurer un équilibre entre la liberté d’expression et la mise en place d’une protection nécessaire, il faudrait réfléchir plus généralement à la façon dont on souhaite réguler ce type d’intervention sur internet, c'est-à-dire aux mesures préalables au blocage des sites, pas seulement en matière de terrorisme, mais dans tous les autres cas. Considère-t-on que la CNIL doive jouer un rôle en matière de protection des contenus et de la liberté d’expression ? Très sincèrement, il s’agit d’une tâche difficile.
Il est légitime de se poser cette question, car on ne peut pas – vous l’avez souligné tout à l'heure, monsieur le ministre – s’en remettre totalement au comportement des hébergeurs et des fournisseurs d’accès. Ce serait leur donner un droit de regard sur le contenu. Or, si ce droit de regard peut être souhaitable lorsque l’infraction est évidente, il devient plus discutable lorsqu’il s’agit seulement d’opinions, d’autant qu’il existe des cultures juridiques et politiques différentes : ce qui est jugé scandaleux en France ne l’est pas forcément aux États-Unis. Par conséquent, le fait de laisser l’appréciation aux opérateurs pose problème.
Il faut donc réfléchir à un mécanisme de régulation. Est-ce la CNIL qui doit jouer ce rôle ? La présidente de la CNIL a eu l’occasion d’exprimer devant vous les extrêmes réserves de son institution. Si vous deviez retenir cette solution – ce que je ne souhaite pas, et ce que la CNIL ne souhaite pas –, la personnalité en charge de la régulation devrait évidemment être choisie au sein de la CNIL.
Il serait toutefois souhaitable – je crois que c’est là l’essentiel – que nous ayons une réflexion d’ensemble, et que nous posions la question de savoir comment on peut assurer en amont une forme de prévention qui tout en répondant aux exigences de sécurité et associant les autorités adéquates permette d’éviter que cela ne débouche sur des situations insatisfaisantes.
Il me semble qu’il y a eu un peu d’improvisation dans la conception du dispositif. Cette improvisation n’est pas le fait du ministre de l’intérieur, mais de l’Assemblée nationale. Il serait à mon sens dommageable que le Sénat se rallie au dispositif proposé. C'est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement de suppression.
L'amendement n° 33 rectifié, présenté par MM. Sueur, Bigot, Desplan et Marie, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Après le mot :
désignée
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
en son sein par la Commission nationale de l'informatique et des libertés.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
La commission est défavorable à l’amendement n° 52. Contrairement à ce que croit son auteur, il ne s’agit pas d’alourdir la responsabilité des hébergeurs, mais simplement de les soumettre à une mise en demeure argumentée. Ce n’est pas à eux mais à l’État qu’incombe l’appréciation du caractère dommageable ou dangereux du site. Le dispositif prévoit un échange amiable et une mise en responsabilité des hébergeurs.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 50. Ce sujet a donné lieu à un débat prolongé en commission. Tous les praticiens que nous avons auditionnés – et notamment les représentants du ministère public et des juges – nous ont déclaré qu’il n’était pas réaliste de vouloir séparer la provocation de l’apologie, car ce sont des délits jumeaux.
J’en viens aux sous-amendements déposés sur l’amendement n° 90, présenté par la commission. Le sous-amendement n° 95 vise à ramener de quarante-huit heures à vingt-quatre heures le délai laissé aux hébergeurs pour procéder au retrait des contenus illicites. Il y a des arguments des deux côtés. La commission était d'ailleurs partagée lorsqu’elle a statué sur cette question. Pour ma part, je reste convaincu qu’il est préférable de fixer le délai à quarante-huit heures : s’il s’agit d’appeler à la responsabilité, il vaut mieux laisser plus de temps aux hébergeurs pour se conformer à la mise en demeure. Le Gouvernement estime quant à lui qu’un délai de vingt-quatre heures permettrait d’éviter la duplication des informations et leur migration vers d’autres sites. J’ai peur que les individus suffisamment organisés ne soient capables de faire migrer les informations vers d’autres sites en moins de vingt-quatre heures. En tout état de cause, la suppression des sites par décision administrative ne sera pas instantanée : il y aura un délai minimal. La différence entre les deux propositions n’est donc pas majeure. La commission a émis un avis défavorable sur le sous-amendement n° 95, mais, si le Sénat suivait le Gouvernement, la cohérence du texte n’en serait pas affectée.
La commission a hésité, en partie sur mon initiative, au sujet du sous-amendement n° 92, qui vise à ce que la personnalité qualifiée soit désignée parmi les membres de la CNIL. Nous avons tenu compte de l’argumentaire de Gaëtan Gorce. Nous ne voulions pas prendre de décision avant que la CNIL ait réagi à l’innovation proposée.
L’argument selon lequel il ne faut pas créer de précédent en matière d’appel d’une autorité indépendante à des personnalités extérieures est fort. Un tel précédent serait source de désordre juridique. En outre, la CNIL possède en son sein des personnalités chargées d’une mission de veille juridique ; je pense notamment aux autorités juridictionnelles qui représentent la Cour de cassation, la Cour des comptes et le Conseil d'État.
Il nous semble donc préférable de retenir la solution qui est proposée dans le sous-amendement n° 92 et qui prévoit que la personnalité est désignée « en son sein » par la CNIL. Je demande simplement à Jean-Pierre Sueur de compléter ce sous-amendement, car, en l’état, il fait disparaître la précision que la personnalité qualifiée est désignée pour une durée de cinq ans non renouvelable, alors que nous nous étions mis d'accord sur ce point.
Monsieur Sueur, acceptez-vous de rectifier votre sous-amendement dans le sens indiqué par M. le rapporteur ?
Je suis donc saisie du sous-amendement n° 92 rectifié, présenté par MM. Sueur, Bigot, Desplan et Marie, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste et apparentés, et ainsi libellé :
Amendement n° 90, alinéa 14, première phrase
Après le mot :
désignée
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
en son sein par la Commission nationale de l’informatique et des libertés pour une durée de cinq ans non renouvelable.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
La commission émet un avis favorable sur le sous-amendement n° 94, parce qu’il tend à introduire une cohérence. En effet, dans l’éventail des mesures permettant de supprimer les contenus sur internet, le déréférencement est un outil efficace, comme nous l’ont confirmé certains de nos interlocuteurs de la société civile.
C’est en raison d’une maladresse de votre rapporteur que le Gouvernement a dû déposer ce sous-amendement, car je lui avais indiqué que je présenterais moi-même cette disposition, mais j’avais omis de transmettre l’information à l’équipe de la commission des lois. Ce sous-amendement vient donc compenser une petite lacune.
L’amendement n° 8 rectifié reprend les termes du grand débat que nous avons eu : doit-on faire simplement appel à l’esprit de responsabilité des hébergeurs et des éditeurs ou faut-il prévoir une mesure de contrainte ? J’ai suffisamment défendu l’idée qu’une phase de mise en demeure était nécessaire pour favoriser une prise de responsabilité des hébergeurs, pour ne pas ajouter que nous savons tous, compte tenu des enjeux, que cette mise en demeure serait inefficace si aucune mesure de contrainte n’était prévue in fine. Pour cette raison, la commission n’a pas pu émettre un avis favorable sur cet amendement et les amendements n° 51 et 28 qui relèvent de la même inspiration.
Les auteurs de l’amendement n° 23 rectifié, de même que ceux des amendements n° 69 et 53, souhaitent faire appel à l’autorité judiciaire pour prononcer le blocage d’un site internet. Le débat a déjà été complet et détaillé sur ce sujet. Cet amendement nous ramène à la question du délai de vingt-quatre heures ou de quarante-huit heures : à supposer que l’autorité judiciaire puisse prendre une décision rapide en référé, il faut rappeler que, par définition la procédure judiciaire suppose un débat contradictoire, ce qui rend les délais difficilement maîtrisables. Si l’on recourait à la procédure judiciaire, les sites « offensifs » auraient alors toute facilité pour procéder aux manipulations numériques permettant la gestion d’une migration et la réitération des contenus illicites. C’est pourquoi l’avis de la commission est défavorable sur les amendements n° 23 rectifié et 69.
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 77, puisqu’elle n’a pas retenu la durée de vingt-quatre heures. À titre personnel, je l’ai dit, je pourrais tout à fait admettre que le Sénat ne la suive pas sur ce point.
Pour les raisons évoquées précédemment, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 53, relatif au blocage judiciaire des sites internet.
L’amendement n° 6 rectifié ter pourrait être retiré, puisqu’il est satisfait. En effet, l’article 33–1 du code des postes et des communications électroniques reste en vigueur. Sous le bénéfice de l’explication que nous avons donnée en séance, il est clair que l’application de cet article n’est pas compromise par l’adoption de l’article 9 de la présente loi.
En ce qui concerne l’amendement n° 29, nous avons longuement réfléchi à la question de l’intervention d’un membre de la CNIL, comme je l’ai dit lors de la présentation du sous-amendement n° 92 de M. Sueur. Je ne souscris donc pas aux propos de M. Gorce quand il estime que ce dispositif a été improvisé : qu’il fasse crédit à ceux qui ne partagent pas son avis d’être capables de réfléchir avant d’agir et de préparer les textes de loi avec un minimum de conscience de leur responsabilité.
L’Assemblée nationale a réfléchi à cette question et nous avons repris le dossier. Nous avons examiné les solutions alternatives et j’ai d’ailleurs eu une discussion approfondie avec M. Gorce sur ce sujet. Elle le convaincra que les gens qui ne sont pas d’accord avec lui peuvent aussi être animés par des motifs valables quand ils prennent une position…
Si ! Vous avez eu recours à des expressions pour le moins désobligeantes à l’égard des personnes en désaccord avec vous !
Mais cela peut arriver à tout le monde, et je suis sûr que c’était involontaire de votre part…
Il me semble que, si l’on cherche d’autres solutions, on n’en trouve pas qui soient convaincantes. Une initiative tout à fait compréhensible émanait du Défenseur des droits, mais de multiples obstacles s’opposaient à ce qu’il prenne des responsabilités dans ce domaine. La commission confirme donc que le représentant de la CNIL doit bien être intégré à l’autorité administrative, tout en bénéficiant de garanties d’indépendance personnelle qui seront utiles à l’équilibre de cette procédure. L’avis de la commission est donc défavorable.
Enfin, l’amendement n° 33 rectifié ayant été repris sous la forme du sous-amendement n° 92 rectifié, il n’a plus d’objet et pourrait être retiré.
L’amendement n° 33 rectifié est retiré.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le rapporteur vient d’exprimer, sur chaque amendement, une position qui recoupe en tout point celle du Gouvernement. Par conséquent, j’émets le même avis que lui sur chacun de ces amendements.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement est adopté.
Le sous-amendement n’est pas adopté.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte le sous-amendement.
Le sous-amendement est adopté.
L’amendement est adopté.
En conséquence, les amendements n° 8 rectifié, 51, 28, 23 rectifié, 69, 77, 53, 6 rectifié ter et 29 n’ont plus d’objet.
La parole est à M. Gaëtan Gorce, pour explication de vote sur l’article 9.
Je voterai contre l’article 9, bien que je ne sois pas opposé au principe du blocage. J’ai eu l’occasion d’exposer mon point de vue sur le sujet, notamment sur le caractère symbolique de cette mesure. Je salue également le fait que ce blocage soit réalisé selon la méthode DNS, qui est la plus acceptable. Cependant, sur le fond, j’estime que nous commettons une erreur, du point de vue de la cohérence d’ensemble du dispositif, en ne faisant pas appel au juge judiciaire.
Je voterai également contre cet article, car il apporte un signal négatif alors que la France devrait tout faire pour influer sur l’évolution d’internet, afin que ce réseau soit le plus humaniste possible.
J’avais déposé un amendement de suppression de cet article 9. Je me suis finalement rangée à l’avis de nos collègues Gaëtan Gorce et Jean-Yves Leconte sur la suppression nécessaire de certains alinéas. Je suivrai jusqu’au bout leur avis et je ne voterai pas cet article.
L’article 9 est adopté.
(Non modifié)
L’article 57-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ils peuvent également, dans les conditions de perquisition prévues au présent code, accéder par un système informatique implanté dans les locaux d’un service ou d’une unité de police ou de gendarmerie à des données intéressant l’enquête en cours et stockées dans un autre système informatique, si ces données sont accessibles à partir du système initial. » ;
2° Sont ajoutés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les officiers de police judiciaire peuvent, par tout moyen, requérir toute personne susceptible :
« 1° D’avoir connaissance des mesures appliquées pour protéger les données auxquelles il est permis d’accéder dans le cadre de la perquisition ;
« 2° De leur remettre les informations permettant d’accéder aux données mentionnées au 1°.
« À l’exception des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-3, le fait de s’abstenir de répondre dans les meilleurs délais à cette réquisition est puni d’une amende de 3 750 €. »
Je suis saisie de deux amendements.
L’amendement n° 24 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
, dans les conditions de perquisition prévues au présent code,
L’amendement n° 70, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Après le mot :
judiciaire
insérer les mots :
, sur autorisation donnée par ordonnance du juge des libertés et de la détention,
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 24 rectifié.
En déposant cet amendement, nous posons une question qui me semble essentielle aujourd’hui dans notre appréhension des méthodes d’investigations en matière d’internet. Nous proposons que, lorsque l’accès à des données intéressant l’enquête en cours se fait par un système informatique implanté dans les locaux de la police ou de la gendarmerie, les restrictions encadrant la perquisition ne s’appliquent pas.
La perquisition est la recherche d’éléments de preuve d’une infraction au domicile d’une personne ou dans les locaux d’une entreprise. L’officier de police judiciaire se transporte dans le lieu perquisitionné et peut effectuer des saisies. Cette opération ne peut avoir lieu entre vingt et une heures le soir et six heures le lendemain matin.
Ne sommes-nous pas ici face à un autre schéma que celui de la perquisition traditionnelle, quand un officier de police ou de gendarmerie accède à des données à partir de son local de travail même ? La dématérialisation de la procédure, induite par la nature même des réseaux internet, nécessite-t-elle, elle aussi, des règles procédurales qui n’ont véritablement de sens que pour des indices matériels ? Peut-on imaginer qu’un officier de police qui accède à des données après un long processus de décryptage s’arrête à vingt et une heures ?
Beaucoup de règles procédurales perdent leur sens face à internet. Cela ne signifie pas que les libertés publiques et individuelles doivent être bafouées, mais que la dématérialisation d’internet demande une modernisation plus générale de notre droit, ainsi que certaines adaptations des règles traditionnelles. Il faut inventer de nouvelles procédures, tout autant protectrices des libertés publiques, mais beaucoup plus efficaces.
L’article 10 crée de nouvelles modalités de perquisition des systèmes informatiques directement depuis les services de police sans présence sur place et modifie la responsabilité des intermédiaires techniques employés par les forces de l’ordre pour percer les systèmes de cryptage de données personnelles numériques par des procédés de piratage.
Une telle procédure exceptionnelle, si elle peut être nécessaire aux moyens de l’enquête en matière de terrorisme, doit être encadrée par le juge des libertés et de la détention. Seul le juge des libertés, par son indépendance, est à même d’assurer une protection des données et de la vie privée, en accord avec la décision de la Cour de cassation et avec les exigences de la Cour européenne des droits de l’homme.
La commission est défavorable aux deux amendements.
Dans le cas de l’amendement n° 24 rectifié, il nous semble – et j’en parle d’autant plus à l’aise qu’à un moment de la réflexion je me suis moi-même interrogé sur le risque de confusion – que l’expression mentionnée dans l’article 57-1 du code de procédure pénale, qui parle de « conditions de perquisition prévues au présent code », représente, en réalité, un système encadré de captation de données informatiques et de décryptage de données, mais ne s’assimile pas à une perquisition physique.
Je crois donc que l’on peut conserver ces termes et ne pas courir le risque qu’ont évoqué certains juges d’instruction. En effet, pour leur part, les juges d’instruction, lorsqu’ils conduisent une enquête en matière de terrorisme, utiliseront un autre article du code de procédure pénale, l’article 706–102–1, qui les autorise, dans leur cadre d’instruction, à récupérer à distance des données informatiques. Et ils ne sont pas exposés au risque que les personnes mises en cause soient prévenues. Donc, à mon sens, cet amendement ne se justifie pas.
S’agissant de l’amendement n° 70, on peut imaginer de prévoir, en cours d’instruction, des interventions supplémentaires de telle ou telle autorité – en particulier, du juge des libertés et de la détention. Du point de vue de la bonne administration de la justice, on est toutefois obligé de se retenir un peu pour ne pas accumuler une profusion de situations d’intervention du juge des libertés et de la détention auxquelles les magistrats ne pourraient pas faire face par la suite. Surtout, s’il s’agit de s’assurer qu’une perquisition informatique aura ou non été faite conformément aux principes, l’autorité de jugement appréciera tout simplement, en fin d’instruction, s’il y a eu irrégularité de procédure. Les personnes qui mènent cette enquête savent que, en cas d’irrégularité de procédure, cela peut faire tomber l’ensemble de leur incrimination. Cela vous assure que même sans intervention du juge des libertés et de la détention il n’y aura pas d’abus en matière de procédure.
Il émet également un avis défavorable sur les deux amendements.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 10 est adopté.
L'amendement n° 25 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Après l'article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase, deux fois, et à la seconde phrase du premier alinéa des articles 60–1 et 77–1–1 du code de procédure pénale, le mot : « documents » est remplacé par le mot : « informations ».
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Je reviens un instant sur l’amendement n° 24 rectifié, simplement pour préciser que je souhaitais le retirer, mais je n’ai pas assez prompte et vous ne m’avez donc pas donné la possibilité de le faire. C’est d’ailleurs pourquoi je n’ai même pas voté en faveur de cet amendement.
J’en viens à l’amendement n° 25 rectifié. La terminologie des articles 60–1 et 77–1–1 du codela manifestation de la vérité ».
Si la Cour de cassation privilégie une interprétationintéresse aussi nombre de réquisitions de droit commun.
Il apparaît aujourd’hui nécessaire de modifier les articles2004.
Dans le cadre du renforcement de la lutte contre lela jurisprudence de la Cour de cassation.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 10.
L'amendement n° 26 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Après l'article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l'article 60–1 et au quatrième alinéa de l'article 60–2 du code de procédure pénale, le montant : « 3 750 euros » est remplacé par les mots : « 75 000 euros et, en cas de récidive, de cinq ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende ».
La parole est à Mme Françoise Laborde.
intéressant l’enquête de lui remettre ces documents.
Or, le fait de s’abstenir de répondre dans lesd’obtenir communication de ces éléments.
Cet amendement reprend une recommandation duqui entravent l’enquête pénale.
L’avis est défavorable, car – mon corapporteur est souvent très vigilant et très convaincant sur ce sujet – il faut maintenir la cohérence de l’échelle des peines. Dans le cas présent, qui vise la non-observation d’une obligation de procédure, porter le montant des amendes à 75 000 euros et à 100 000 euros est disproportionné. Pour être récemment tombé sur cet obstacle en rapportant un texte, je rappelle que le Conseil constitutionnel veille à ce que l’on ne fasse pas « grimper » – si j’ose m’exprimer ainsi – les niveaux d’amende de façon disproportionnée par rapport à l’échelle des peines quand il ne s’agit pas de délits financiers. Aussi, je suggère à mes collègues de ne pas insister dans ce domaine.
L'amendement n’est pas adopté.
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 230-1 est ainsi modifié :
aa) (nouveau) À la première phrase du premier alinéa, après les mots : « ou de les comprendre, », sont insérées les mots : « ou que ces données sont protégées par un mécanisme d’authentification, » ;
a) Aux premier et dernier alinéas, après les mots : « d’instruction », sont insérés les mots : «, l’officier de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, » ;
a bis) (nouveau) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « la version en clair de ces informations » sont remplacés par les mots : « l’accès à ces informations, leur version en clair » ;
b) À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « République », sont insérés les mots : «, de l’officier de police judiciaire » ;
c) À la seconde phrase du deuxième alinéa, après le mot : « prévu », est insérée la référence : « au deuxième alinéa de l’article 60 et », et les mots : « au premier alinéa de » sont remplacés par le mot : « à » ;
2° L’article 230–2 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « instruction », sont insérés les mots : «, l’officier de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, » ;
b) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « au service national de police judiciaire chargé de la lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information » sont remplacés par les mots : « à un organisme technique soumis au secret de la défense nationale, et désigné par décret » ;
c) À la dernière phrase du premier alinéa, les mots : « l’autorité judiciaire requérante » sont remplacés par les mots : « le procureur de la République, la juridiction d’instruction, l’officier de police judiciaire sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction, ou la juridiction de jugement saisie de l’affaire ou ayant requis l’organisme technique » ;
d) La première phrase du second alinéa est supprimée ;
2°bis (nouveau) L’article 230–3 est ainsi modifié :
a) la première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :
« Dès l’achèvement des opérations ou dès qu’il apparaît que ces opérations sont techniquement impossibles ou à l’expiration du délai prescrit ou à la réception de l’ordre d’interruption émanant du procureur de la République, de la juridiction d’instruction, de l’officier de police judiciaire, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d’instruction ou de la juridiction de jugement saisie de l’affaire, les résultats obtenus et les pièces reçues sont retournés par le responsable de l’organisme technique à l’auteur de la réquisition. » ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
3° À l’article 230-4, le mot : « judiciaires » est supprimé. –
Adopté.
Au premier alinéa de l’article 323-3 du code pénal, la première occurrence du mot : « ou » est remplacée par les mots : « d’extraire, de détenir, de reproduire, de transmettre, ». –
Adopté.
I. – Après l’article 323-4 du code pénal, il est inséré un article 323-4-1 ainsi rédigé :
« Art. 323 -4 -1. – Lorsque les infractions prévues aux articles 323-1 à 323-3-1 ont été commises en bande organisée et à l’encontre d’un système de traitement automatisé de données à caractère personnel mis en œuvre par l’État, la peine est portée à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 € d’amende. »
I bis (nouveau). – À la première phrase du deuxième alinéa de l’article 704 du code de procédure pénale, la référence : « 323–4 » est remplacée par la référence : « 323–4–1 ».
II. – §(Supprimé)
L'article 12 est adopté.
Le titre XXIV du livre IV du code de procédure pénale est ainsi rétabli :
« Titre XXIV
« De la procédure applicable aux atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données
« Art. 706–72. – Les articles 706–80 à 706–87–1, 706–95 à 706–103 et 706–105 sont applicables à l’enquête, à la poursuite, à l’instruction et au jugement des délits prévus à l’article 323–4–1 du code pénal.
« Les articles mentionnés à l’alinéa précédent sont également applicables à l’enquête, à la poursuite, à l’instruction et au jugement du blanchiment des mêmes délits ainsi qu’à l’association de malfaiteurs lorsqu’elle a pour objet la préparation de l’un desdits délits. » –
Adopté.
Après la section 2 du chapitre II du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale, est insérée une section 2 bis ainsi rédigée :
« Section 2 bis
« De l’enquête sous pseudonyme
« Art. 706 -87 -1. – Dans le but de constater les infractions mentionnées aux articles 706–72 et 706–73 et, lorsque celles-ci sont commises par un moyen de communication électronique, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs, les officiers ou agents de police judiciaire agissant au cours de l’enquête ou sur commission rogatoire peuvent, s’ils sont affectés dans un service spécialisé désigné par arrêté du ministre de l’intérieur et spécialement habilités à cette fin, procéder aux actes suivants sans en être pénalement responsables :
« 1° Participer sous un pseudonyme aux échanges électroniques ;
« 2° Être en contact par le moyen mentionné au 1° avec les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions ;
« 3° Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d’être les auteurs de ces infractions ;
« 4° Extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites dans des conditions fixées par décret.
« À peine de nullité, ces actes ne peuvent constituer une incitation à commettre ces infractions. » –
Adopté.
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 706–25–2 est abrogé ;
2° L’article 706–35–1 est ainsi modifié :
a) A la première phrase du premier alinéa, les références : « 225–4–1 à 225–4–9, 225–5 à 225–15 » sont remplacées par les références : « 225–4–1 et 225–4–8 à 225–4–9, 225–5 à 225–6 » ;
b) Le quatrième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« 3° Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ;
« 4° Extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites dans des conditions fixées par décret ; »
3° Le quatrième alinéa de l’article 706–47–3 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« 3° Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ;
« 4° Extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites dans des conditions fixées par décret ; »
II. – Le troisième alinéa de l’article 59 de la loi n° 2010–476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« 2° Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ainsi que sur les comptes bancaires utilisés ; »
« 3° Extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites dans des conditions fixées par décret ; ».
L'amendement n° 87, présenté par MM. Hyest et Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L'article 706–35–1 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les références : « 225–4–1 à 225–4–9, 225–5 à 225–12 » sont remplacées par les références : « 225–4–1 et 225–4–8 à 225–4–9, 225–5 à 225–6 » ;
b) Après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ; ».
2° Après le 2° de l'article 706–47–3, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Extraire, acquérir ou conserver par ce moyen les éléments de preuve et les données sur les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions ; »
II. – L'article 59 de la loi n° 2010– 476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne est ainsi modifié :
1° Au 2°, les mots : « des données » sont remplacés par les mots : « les éléments de preuve et les données » ;
2° Après le même 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Extraire, transmettre en réponse à une demande expresse, acquérir ou conserver des contenus illicites dans des conditions fixées par décret. »
La parole est à M. Alain Richard, rapporteur.
L'amendement est adopté.
I. – À la fin de la première phrase de l’article 706-102-1 du code de procédure pénale, les mots : « ou telles qu’il les y introduit par saisie de caractères » sont remplacés par les mots : «, telles qu’il les y introduit par saisie de caractères ou telles qu’elles sont reçues et émises par des périphériques audiovisuels ».
II
« Le régime d’autorisation prévu au 1° ne s’applique pas aux prestataires ou experts requis ou missionnés spécialement par un magistrat instructeur aux fins de développer ou mettre en œuvre un dispositif technique ayant pour objet la captation de données informatiques prévue par l’article 706–102–1 du code de procédure pénale. »
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 78, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le ministre.
La possibilité pour le juge d’instruction d’autoriser des officiers de police judiciaire à mettre en place des dispositifs de captation des données, dits « chevaux de Troie informatiques », a été prévue par l’article 36 de la loi du 14 mars 2011. Ce même article, en réponse aux inquiétudes de la CNIL, avait prévu que ces dispositifs seraient soumis à une autorisation administrative afin de contrôler les matériels et logiciels qui, par nature, portent atteinte à la vie privée.
Votre commission des lois a supprimé cette autorisation administrative. Il en résulte que les magistrats et officiers de police judiciaire pourront recourir à des logiciels qui n’auront pas été expertisés par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, et il sera ainsi techniquement possible, pour un vendeur négligeant ou malveillant, de concevoir un dispositif qui puisse prendre le contrôle des systèmes d’information des officiers de police judiciaire qui l’utiliseront.
Le logiciel pourrait aussi être configuré pour diffuser les données captées à d’autres personnes que celles qui sont autorisées à en connaître. Cela pourrait déboucher sur une compromission des systèmes d’information de la police judiciaire et sur une atteinte grave à la vie privée des personnes mises en cause.
De telles incertitudes techniques font également courir un risque sérieux aux procédures engagées.
C’est la raison pour laquelle cet amendement rétablit l’autorisation administrative des matériels et logiciels permettant la captation des données informatiques.
L'amendement n° 89, présenté par MM. Hyest et Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
experts
insérer les mots :
figurant sur une liste fixée par décret
La parole est à M. Alain Richard, rapporteur.
Ces deux amendements sont un peu en concurrence. En effet, l’objection, le risque technique, et, à vrai dire, éthique, invoqué par le ministre existe. Nous pensions pouvoir y parer avec une formule d’agrément par décret. Cette préoccupation est née du constat, qui nous a été réitéré par de nombreux partenaires judiciaires, de la lenteur excessive par laquelle se faisaient les agréments par l’ANSSI.
Donc, la commission retirerait aisément son amendement si vous pouviez, monsieur le ministre, nous donner des assurances sur une plus grande diligence de l’ANSSI pour se prononcer sur les demandes d’agrément.
Je comprends parfaitement la préoccupation du rapporteur. Je veux donc lui donner les assurances qu’il réclame légitimement et qui sont la condition de la bonne application de ces mesures.
Dans ces conditions, je retire l’amendement n° 89, madame la présidente !
L'amendement est adopté.
L'article 14 est adopté.
I. – Le second alinéa de l’article L. 242-5 du code de la sécurité intérieure est complété par les mots : « et la commission mentionnée à l’article L. 243-1 en est destinataire ».
II. – Après la première phrase de l’article L. 242–6 du code de la sécurité intérieure, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « À titre exceptionnel, ce délai peut être porté à trente jours par la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, si la transcription de l’enregistrement présente une difficulté avérée. »
L'amendement n° 71, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Leila Aïchi.
L’article 15 dispose que le délai de conservation de données personnelles numériques dans le cadre d’une procédure judiciaire dans la lutte contre le terrorisme soit porté de dix à trente jours. L’examen en commission des lois a amené à restreindre cette mesure « à titre exceptionnel ». En dépit de cette avancée, un tel délai entraîne un risque non négligeable de déperdition, voire de divulgation du renseignement. En outre, cet allongement risque de remettre en cause le contrôle opéré par la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, d’autant que cette extension s’appliquera à toutes les interceptions de sécurité de droit commun, alors que celles qui sont liées au terrorisme ne concernent qu’un nombre encore limité d’interceptions.
Par voie de conséquence, les nouvelles dispositions pourraient porter une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée garanti à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Cet amendement vise donc à revenir sur l’esprit général de plusieurs dispositions du texte tendant à appliquer au droit commun des mesures d’exception censées faciliter le travail d’enquête pour la sécurité nationale.
La commission a son propre texte, qui a infléchi assez fortement la mesure du Gouvernement que Mme Aïchi redoute. Elle préfère logiquement son propre texte à celui qui est proposé par Mme Aïchi. Notre formule consiste à maintenir à dix jours le délai de conservation des écoutes non transcrites. Il peut être porté à trente jours sur accord de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la CNCIS, lorsque le service compétent motive cette demande par des difficultés particulières de traduction ou de décryptage.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 79, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. - Au premier alinéa de l’article L. 242–6 du même code, le mot : « dix » est remplacé par le mot : « trente ».
La parole est à M. le ministre.
Le présent amendement rétablit la durée de conservation des interceptions de sécurité à trente jours, compte tenu des difficultés liées, d’une part, à la possibilité de transcrire ces interceptions de sécurité dans le délai de dix jours, notamment pour les langues dans lesquelles les interprètes sont peu nombreux, et, d’autre part, à l’éclairage nouveau que ces interceptions peuvent connaître à la lumière de faits inconnus dans le délai de dix jours.
Le contrôle de la CNCIS est effectif puisque celle-ci est rendue destinataire des transcriptions. Toutefois, ajouter à cette transmission une procédure d’autorisation formelle rendrait ce dispositif extraordinairement complexe et finalement peu opérant, pour un pouvoir de contrôle similaire.
Nous avions déjà eu cette discussion lors de la loi de 1991. À l’époque, le Gouvernement avait proposé une durée de conservation des interceptions de sécurité de trente jours. Le Parlement, quant à lui, avait considéré que dix jours suffisaient.
C’est vrai que la transcription de ces interceptions peut poser problème dans quelques affaires. Je rappelle cependant qu’il existe six motifs justifiant une demande d’interception de sécurité, parmi lesquels la criminalité organisée et la sécurité nationale. Le terrorisme ne représente que 17 % des interceptions contrôlées, même si ce pourcentage augmente.
C’est la transcription qui permet de valider le motif de l’interception. Si l’absence de transcription durait un temps indéfini, il serait possible de procéder à des interceptions sans qu’il y ait de contrôle. Notre système est donc assez remarquable – dans d’autres pays, c’est beaucoup moins bien organisé –, car il concilie à la fois l’efficacité et un véritable contrôle des interceptions.
Nous avons bien compris qu’un problème pouvait se poser dans certaines affaires liées au terrorisme. Nous avons donc proposé que le délai puisse être prolongé lorsque la situation le justifie. Cependant, généraliser les trente jours aboutirait à déséquilibrer complètement le dispositif mis en œuvre par la loi de 1991 et qui fonctionne depuis lors, à la satisfaction générale, sans qu’il y ait jamais eu aucun incident. Les Premiers ministres ont toujours suivi les avis de la CNCIS, à une exception près.
Voilà pourquoi la commission est défavorable à cet amendement.
Nous pourrions encore continuer ce débat, mais il a déjà eu lieu pendant de longues heures et à de multiples occasions, notamment au sein de la commission des lois du Sénat, que je remercie encore une fois, ainsi que ses rapporteurs, pour l’excellence du travail qui a été effectué.
Vous avez fait référence, monsieur le rapporteur, à la loi de 1991. Or, vous le savez très bien, ce texte s’inscrivait dans un contexte très différent. Nous devons aujourd’hui faire face à un phénomène qui n’était pas celui auquel nous étions confrontés dans les années quatre-vingt-dix, même en matière de terrorisme. En outre, la société numérique, avec les techniques de communication multiples qui s’y attachent, n’avait pas la même ampleur que celle qui prévaut aujourd’hui.
Nous sommes confrontés à un problème opérationnel concret : un certain nombre d’interceptions nécessitent un délai supplémentaire pour être exploitées dans des conditions satisfaisantes, tant dans l’intérêt du respect des procédures que pour la neutralisation des terroristes. Cette demande n’est donc pas faite pour une raison de confort, pour échapper au contrôle de la CNCIS. Mon cabinet ou moi-même avons d’ailleurs, à plusieurs reprises, demandé au président de la CNCIS quelle était son appréciation sur ces sujets.
Je suis, comme vous, viscéralement attaché à l’équilibre du dispositif. Je ne souhaite pas que le règlement de ce problème concret se fasse au détriment des prérogatives de contrôle de la CNCIS, auxquelles je tiens autant qu’à l’efficacité opérationnelle des services.
Je veux que le Sénat sache que la discussion que nous avons eue a été de qualité et qu’elle nous a permis d’aller au fond des choses. Elle ne nous aura cependant pas permis, pour l’heure en tout cas, de dégager un accord. J’en prends acte.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 15 est adopté.
L’article 706-161 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les dépenses de l’agence peuvent également comprendre des contributions versées à l’État destinées au financement de la lutte contre la délinquance et la criminalité. »
2° Au début du quatrième alinéa, le mot : « Elle » est remplacé par les mots : « L’agence ». –
Adopté.
L’amendement n° 15 rectifié, présenté par MM. Courtois, Frassa et Gournac, est ainsi libellé :
Après l'article 15 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article 726-1 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans l’hypothèse où la personne détenue a été condamnée pour des actes de terrorisme définis aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, la personne est placée dans une cellule dédiée, isolée des autres détenus, lors de son entrée en prison. »
La parole est à M. Christophe-André Frassa.
La prison reste l’un des principaux lieux de radicalisation. Ainsi, certains détenus non radicalisés à leur entrée en prison le deviennent au contact d’autres détenus. Afin d’éviter le prosélytisme et toute forme d’endoctrinement islamiste, il conviendrait de repenser l’organisation des prisons et d’écarter systématiquement tout individu condamné pour des actes de terrorisme.
Certains, lors de notre débat en commission, ont pu se méprendre sur l’intention des auteurs de cet amendement, pensant qu’il y aurait de leur part une volonté d’instaurer une double peine dans la mesure où le placement à l’isolement existe déjà. Tel n’est pas du tout l’objet de l’amendement. Ce que nous souhaitons, c’est la mise à l’écart des terroristes pour éviter que ceux-ci endoctrinent d’autres détenus.
Lors de votre audition, monsieur le ministre, nous avions débattu de la radicalisation à l’intérieur des prisons, dont nous sommes tous conscients et contre laquelle nous voulons tous lutter. Vous aviez alors mis l’accent sur la formation des imams et des personnels religieux qui sont en contact avec les détenus. Si nous mettons à l’écart les détenus liés à des groupes terroristes, les imams pourront faire un travail plus sérieux auprès des autres détenus et leur délivrer un message normal, celui des religions monothéistes que nous connaissons, comme l’islam.
Cet amendement est satisfait par les dispositions de la loi pénitentiaire. L’avis est donc défavorable.
Je retire cet amendement puisque personne ne semble le soutenir… Il m’aurait pourtant semblé nécessaire de faire mention de la mise à l’écart des prisonniers dangereux. Même si un dispositif similaire est prévu dans la loi pénitentiaire, il est encore bien imparfait.
Le placement à l’isolement de prisonniers dangereux en raison de leur participation à des mouvements terroristes ne semble pas spécialement efficace, en tout cas en l’état de la loi pénitentiaire, sinon nous n’aurions pas cette discussion aujourd’hui. Le ministre semble être très satisfait de son projet de loi. Nous verrons bien ce qu’il donnera par la suite…
L’amendement n° 15 rectifié est retiré.
La parole est à M. Alain Richard, rapporteur.
J’aimerais dire à nos collègues que, si chacun fait un effort de concision, nous devrions pouvoir achever l’examen de ce texte avant treize heures.
Nous allons sans doute pouvoir terminer l’examen des amendements avant treize heures, mais le vote sur l’ensemble du projet de loi ne pourra avoir lieu que cet après-midi, compte tenu du nombre de demandes d’explication de vote.
L’amendement n° 54, présenté par M. Kaltenbach, est ainsi libellé :
Après l'article 15 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 1 du chapitre III du titre Ier du livre VI du code de la sécurité intérieure est ainsi modifiée :
1° À la première phrase du second alinéa de l’article L. 613-2, les mots : « spécialement habilitées à cet effet et agréées par le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, par le préfet de police » sont remplacés par les mots : « justifiant d’une aptitude professionnelle » ;
2° À la première phrase de l’article L. 613-3, les mots : « agréées par la commission régionale d’agrément et de contrôle » sont remplacés par les mots : « justifiant d’une aptitude professionnelle ».
Cet amendement n’est pas soutenu.
(Supprimé)
L’amendement n° 82, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 15 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre Ier du titre IV du livre III de la sixième partie du code des transports est complété par un article L. 6341-… ainsi rédigé :
« Art. L. 6341-…. - En cas de menace pour la sécurité nationale, l’autorité administrative peut imposer aux entreprises de transport aérien desservant le territoire national au départ d’aérodromes étrangers la mise en œuvre de mesures de sûreté dont la durée d’application ne peut excéder trois mois. Ces mesures peuvent être reconduites dans les mêmes conditions.
« Les mesures de sûreté mentionnées au premier alinéa sont celles dont la mise en œuvre peut être imposée aux entreprises de transport aérien en application du règlement (CE) n° 300/2008 du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2008 relatif à l'instauration de règles communes dans le domaine de la sûreté de l'aviation civile et abrogeant le règlement (CE) n° 2320/2002, des règlements pris pour son application par la Commission européenne et des normes de sûreté prévues par la réglementation nationale.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. le ministre.
L’évolution de la menace terroriste, notamment à l’encontre de l’aviation civile, et la vulnérabilité de certains aéroports étrangers peuvent rendre indispensable d’imposer des mesures de sûreté complémentaires sur des vols desservant la France depuis des escales jugées sensibles.
Cet amendement tend à proposer d’insérer dans le code des transports un article permettant d’imposer des mesures de sûreté complémentaires sur les vols en provenance de l’étranger et à destination des aéroports français.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 15 quater.
Les ordonnances n° 2012-351 du 12 mars 2012 relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure, n° 2013-518 du 20 juin 2013 modifiant certaines dispositions du code de la sécurité intérieure et du code de la défense (parties législatives) relatives aux armes et munitions et n° 2013-519 du 20 juin 2013 modifiant certaines dispositions du code de la sécurité intérieure (partie législative) relatives à l’outre-mer sont ratifiées.
L’amendement n° 88, présenté par MM. Hyest et Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° Le titre IV du livre Ier est ainsi rédigé :
« TITRE IV
« DÉONTOLOGIE DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE
« Chapitre Ier
« Dispositions générales
« Art. L. 141-1. – La déontologie des personnes exerçant des missions ou activités de sécurité est précisée par voie réglementaire.
« Chapitre II
« Défenseur des droits
« Art. L. 142-1 . – Le Défenseur des droits accomplit sa mission de veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité dans les conditions fixées par la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits. » ;
2° Le titre III du livre IV est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Déontologie de la police et de la gendarmerie nationales
« Art. L. 434-1 . – Un code de déontologie commun à la police et à la gendarmerie nationales est établi par décret en Conseil d’État. » ;
3° Le chapitre II du titre Ier du livre IV est abrogé ;
4° Les articles L. 285-1, L. 286-1 et L. 287-1 sont complétés par un 7° ainsi rédigé :
« 7° Au titre VII : l’article L. 271-1. » ;
5° L’article L. 285-2 est complété par un 9° ainsi rédigé :
« 9° Le deuxième alinéa de l’article L. 271-1 est ainsi rédigé :
« “Un arrêté du haut-commissaire de la République en Polynésie française précise les zones dans lesquelles cette obligation s’applique ainsi que les caractéristiques des immeubles ou locaux qui y sont assujettis.” » ;
6°L’article L. 286-2 est complété par un 10° ainsi rédigé :
« 10° Le deuxième alinéa de l’article L. 271-1 est ainsi rédigé :
« “Un arrêté du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie précise les zones dans lesquelles cette obligation s’applique ainsi que les caractéristiques des immeubles ou locaux qui y sont assujettis.” » ;
7° L’article L. 287-2 est complété par un 11° ainsi rédigé :
« 11° L’article L. 271-1 est ainsi modifié :
« a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« “Un arrêté de l’administrateur supérieur des îles Wallis et Futuna précise les zones dans lesquelles cette obligation s’applique ainsi que les caractéristiques des immeubles ou locaux qui y sont assujettis.” » ;
« b) Le dernier alinéa est supprimé. » ;
8°Le 9° de l’article L. 645-1 est ainsi rédigé :
« 9° L’article L. 614-1 est complété par les mots : “ dans sa rédaction applicable en Polynésie française ” ; »
9°Le 10° de l’article L. 646-1 est ainsi rédigé :
« 10° L’article L. 614-1 est complété par les mots : “ dans sa rédaction applicable en Nouvelle Calédonie” ; »
10° Le 9° de l’article L. 647-1 est ainsi rédigé :
« 9° L’article L. 614-1 est complété par les mots : “ dans sa rédaction applicable dans les îles Wallis et Futuna” ; »
11° Le dernier alinéa des articles L. 251-2 et L. 252-2 est supprimé ;
12° À la seconde phrase de l’article L. 262-1, la référence « III » est remplacée par la référence « II » ;
13° Les deux dernières phrases du second alinéa de l’article L. 634-4 sont ainsi rédigées :
« Le montant des pénalités financières doit être fonction de la gravité des manquements commis et, le cas échéant, en relation avec les avantages tirés du manquement, sans pouvoir excéder 150 000 €. Ces pénalités sont prononcées dans le respect des droits de la défense. »
La parole est à M. Alain Richard, rapporteur.
Cet amendement mérite, malgré mon récent appel, quelques explications.
Le code de la sécurité intérieure a été créé, comme la plupart des codes récents, par ordonnance, sur la base d’une habilitation du législateur. Ce code, très bien fait sur le plan juridique, est en usage.
Le projet de loi de ratification a été déposé, comme il se doit, mais n’a pas encore été examiné par le Parlement. Le Gouvernement nous a donc suggéré, de façon un peu audacieuse, de procéder à cette ratification au travers du présent article.
Or, comme cela se passe à chaque fois que l’on vérifie l’ensemble des éléments d’un code achevé, un certain nombre de mises à jour ou de rectifications se sont révélées nécessaires. Nous avons donc rectifié les dispositions introduisant une nouvelle forme de vidéoprotection, car nous avons estimé que leur sécurité juridique n’était pas tout à fait établie.
Après dialogue avec le Gouvernement, nous avons considéré que ces dispositions peuvent être introduites dans l’article L. 252-1 du code de la sécurité intérieure, afin de respecter les principes fixés par le Conseil constitutionnel.
Le sous-amendement n° 96, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Amendement n° 88, alinéa 36
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le ministre.
À l’occasion de la ratification du code de la sécurité intérieure, la commission des lois propose d’opérer quelques corrections. Même si le lien avec le terrorisme est parfois ténu, elle fait œuvre utile en apportant un certain nombre d’améliorations. Je citerai l’intégration de la création d’un code de déontologie commun aux forces de l’ordre, l’extension à la Polynésie française et à un certain nombre de territoires des dispositions du code de la sécurité intérieure relatives au gardiennage et à la surveillance des immeubles, absentes des ordonnances créant la partie législative.
Le Gouvernement propose ce sous-amendement, car la suppression de la possibilité pour les commerçants particulièrement exposés à des risques d’agressions ou de vols d’avoir recours à la vidéoprotection, qui a été introduite dans la loi du 19 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, est problématique. Sur ce sujet très sensible, l’équilibre trouvé est à la fois conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et aux nécessités de la sécurité publique.
Enfin, l’amendement tend à plafonner en valeur absolue des pénalités financières prononcées par le Conseil national des activités privées de sécurité, le CNAPS. Ce plafonnement, que la commission fixe à 150 000 euros, apparaît très faible au regard du chiffre d’affaires des sociétés concernées, et donc peu dissuasif.
Compte tenu des nouveaux objectifs que j’ai fixés pour le CNAPS et de ma volonté d’amplifier sa mission, je demande aux rapporteurs de bien vouloir réviser leur plafond, afin de respecter la jurisprudence du Conseil constitutionnel, tout en préservant l’efficacité des pénalités. Un montant de 700 000 euros me paraît beaucoup plus adapté. Si vous en étiez d’accord, messieurs les rapporteurs, vous pourriez modifier votre amendement sur ce point. Dans ce cas, j’y donnerai un avis favorable.
La commission a émis un avis favorable sur ce sous-amendement.
Cela étant, le plafonnement des amendes, domaine sur lequel j’ai beaucoup travaillé, est un impératif constitutionnel. Le Conseil constitutionnel a censuré un dispositif parce que l’aggravation de l’amende n’était pas justifiée par le caractère financier de l’infraction. J’ai découvert cette décision lors de l’examen du texte relatif aux activités privées de protection des navires, que nous avons adopté au cours de la dernière session. L’interprétation que nous devons faire de la décision du Conseil constitutionnel, c’est qu’il est impossible d’augmenter fortement le montant des amendes si l’objet même de l’infraction n’a pas un caractère financier. Or, en l’espèce, il s’agit d’infractions de sécurité et non d’infractions financières comme l’escroquerie.
À regret, nous ne pouvons suivre le Gouvernement sur ce point. C’est la raison pour laquelle nous maintenons le plafonnement des amendes à l’article L. 634-4 du code de la sécurité intérieure, qui figure dans l’amendement.
Après avoir longuement échangé avec les membres du cabinet du ministre, je tire la conclusion que, lorsque l’on procède à une ratification d’un code entier dans ces conditions-là – certes, tout le monde a pu y réfléchir, mais brièvement –, il vaut mieux faire preuve du maximum de retenue quant aux innovations juridiques que l’on va y apporter.
Je propose donc au ministre un compromis : nous consentons à réintégrer la disposition relative à la vidéoprotection à partir d’espaces privés dans l’article L. 252-1, mais nous ne touchons pas au plafonnement des amendes.
Le sous-amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
L'article 15 quinquies est adopté.
L'amendement n° 81, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 15 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le dernier alinéa de l’article L. 222-1 du code de la sécurité intérieure est supprimé.
II. – Le premier alinéa de l'article 32 de la loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers est supprimé.
La parole est à M. le ministre.
Dans une logique d’adaptation permanente de la législation française à la menace terroriste, cet amendement vise à proposer un certain nombre de dispositions en matière de transport.
Nous avons eu à plusieurs reprises ce débat en commission : les mesures visant le contrôle d’identité à bord des trains internationaux, l’accès administratif aux données de connexion et l’accès aux fichiers de police administrative doivent-elles avoir ou non un caractère temporaire ?
Introduites d’abord dans la loi du 23 janvier 2006, ces dispositions ont été reconduites dans la loi du 1er décembre 2008, puis dans la loi du 21 décembre 2012 votée par la présente majorité gouvernementale. Leur validité expire de nouveau le 31 décembre 2015.
Le Gouvernement avance que, après une troisième reconduction, ces dispositions initialement temporaires ont suffisamment démontré leur efficacité opérationnelle ainsi que leur conformité aux principes de la liberté individuelle pour pouvoir être pérennisées. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis favorable.
Ne pouvant être présent cet après-midi, je souhaite, à l’occasion de l’examen de cet amendement que j’approuve, donner dès maintenant ma position sur le projet de loi.
Nous nous heurtons à une difficulté philosophique, celle de concilier la liberté et la sécurité. De ce point de vue, je trouve le texte bien équilibré, même si je sais bien que, selon Saint-Just, « pas de liberté pour les ennemis de la liberté ». Je voterai donc le projet de loi.
Mon collègue François Fortassin exposera plus en détail la position du RDSE lors des explications de vote sur l’ensemble.
Je ne porte pas de jugement sur le fond de cet amendement. Simplement, je pense qu’adopter de telles dispositions me paraît toujours un peu délicat au regard du bon fonctionnement du Parlement. C’est la raison pour laquelle je m’abstiendrai.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 15 quinquies.
Chapitre V
Dispositions relatives à l’outre-mer
(Non modifié)
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour appliquer et adapter les dispositions de la présente loi en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna, ainsi que pour permettre l’assignation à résidence sur l’ensemble du territoire de la République d’un étranger expulsé ou interdit du territoire, quel que soit le lieu où ces décisions ont été prononcées.
Les ordonnances sont prises dans un délai de trois mois suivant la promulgation de la présente loi.
Le projet de loi de ratification de chaque ordonnance est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant celui de sa publication. –
Adopté.
(Non modifié)
L’article 2 de la présente loi est applicable à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin. –
Adopté.
I. – Le 2° des articles L. 285-1, L. 286-1, L. 287-1 et L. 288-1 du code de la sécurité intérieure est complété par la référence : « et L. 224-1 ».
II. – Au 3° de l’article L. 288-1 du même code, la référence : « L. 232-6 » est remplacée par la référence : « L. 232-8 ».
III. – Le 2° du I de l’article 1er et les articles 3 à 15 ter sont applicables en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie.
IV. –
Supprimé
L'amendement n° 91, présenté par MM. Hyest et Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer la référence :
15 ter
par la référence :
15 sexies
La parole est à M. Alain Richard, rapporteur.
L'amendement est adopté.
L'article 18 est adopté.
L'amendement n° 37, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 1er janvier 2015, le Gouvernement remet au Parlement un rapport établissant un audit des éventuels risques inhérents au financement des activités terroristes au moyen des canaux des banques en ligne et des compagnies de transferts internationaux de liquidités.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Nous en avons terminé avec la discussion des articles.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.