Intervention de Leila Aïchi

Réunion du 16 octobre 2014 à 15h00
Lutte contre le terrorisme — Vote sur l'ensemble

Photo de Leila AïchiLeila Aïchi :

À titre préliminaire, monsieur le ministre, je tiens à vous préciser que je n’ai pas voulu être blessante dans les propos que j’ai tenus hier soir et que je retire les références à Marine Le Pen et Éric Zemmour faites à votre endroit.

Cher collègue Sueur, je voudrais vous dire que, dans cette enceinte, il n’y a pas les bons sénateurs qui votent aveuglément les textes du Gouvernement et les autres. L’esprit et la qualité du Sénat tiennent surtout à la compétence et à la diversité non seulement des origines sociales des sénatrices et sénateurs, mais aussi de leurs opinions même si, je vous le concède bien volontiers, les débats peuvent parfois être vifs, ce qui est sain dans une démocratie. C’est pourquoi je me demande comment vous pouvez insinuer que je puisse cautionner un seul instant le départ de centaines de jeunes entraînés dans ces systèmes de mort que sont les entreprises djihadistes. Cher collègue, c’est indigne !

Pour le coup, je reste convaincue que l’interdiction de sortie du territoire imposée à des ressortissants français majeurs doit rester le monopole de l’autorité judiciaire, indépendante de l’exécutif et impartiale, intervenant sur la base d’une mise en examen prononcée de manière contradictoire conformément aux exigences constitutionnelles et européennes.

Force est d’admettre que l’atteinte à la liberté d’aller et venir, ainsi qu’au droit à un procès équitable prévu dans le présent texte, est clairement disproportionnée et incompatible avec le principe d’un État démocratique et avec l’article 66 de notre Constitution, qui dispose : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi. »

Accessoirement, je rappelle à cette éminente assemblée qu’il existe une opposition farouche, et non des moindres à l’encontre de ce texte, qui inquiète notamment le syndicat de la magistrature, l’ordre des avocats de Paris, le syndicat des avocats de France, la commission nationale consultative des droits de l’homme, Human Rights Watch, ainsi que de nombreuses associations des droits de l’homme. Bien évidemment, personne ici ne peut douter de la volonté de l’ensemble de ces organisations de lutter efficacement contre le terrorisme.

Enfin, s’agissant des moyens et de la mobilisation citoyenne, la lutte contre le terrorisme est une priorité nationale. Dès lors, pourquoi ne pas augmenter de manière significative le budget du renseignement et lui octroyer 50 millions d’euros supplémentaires au lieu des 12 millions d’euros prévus ?

Monsieur le ministre, la lutte contre le terrorisme, pour être efficace, doit impérativement et prioritairement être une mobilisation citoyenne. C’est à ce niveau que la prévention prend tout son sens. Je voudrais donc vous faire une proposition : vous accompagner à la rencontre des Françaises et des Français, dans les beaux quartiers et les quartiers difficiles, pour parler du terrorisme et de la lutte à son encontre.

Pour conclure, vous l’aurez compris, je ne voterai pas ce texte.

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