Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’impact de l’amiante sur la santé des travailleurs est terrible : chaque année, 3 000 décès sont recensés par l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante, l’ANDEVA. À titre de comparaison, cela représente 200 morts de moins que les accidentés de la route ! L’amiante est responsable de 9 % des maladies professionnelles et de 76 % des décès dus à une maladie professionnelle en 2011.
La question de l’amiante est l’un des scandales sanitaires les plus importants de la deuxième moitié du XXe siècle et du début du XXIe siècle. N’oublions pas que la France a été l’un des plus importants importateurs d’amiante dans le monde.
Le Centre international de recherche sur le cancer a classé dès 1977 toutes les variétés d’amiante comme cancérigènes pour l’homme. Or cette fibre a seulement été interdite dans notre pays en 1997, alors que le Danemark l’interdisait dès 1986, l’Allemagne et la Suisse, dès 1990.
Je ne relancerai pas la polémique sur les décisions prises alors. Cependant, il n’en demeure pas moins que l’héritage est lourd. Nous devons donc nous mobiliser encore davantage.
Comme cela figure dans l’excellent rapport du comité de suivi, présidé par Mme Archimbaud, il faut « éviter qu’au drame de l’amiante né de son interdiction tardive en 1997 ne s’ajoute un nouveau drame lié aux conditions du désamiantage ».
C’est pourquoi le Parlement s’est saisi du sujet. L’amiante est la preuve même de l’importance de l’action parlementaire dans notre pays, et en particulier de l’action sénatoriale. C’est sur un sujet tel que celui-ci que le pouvoir de contrôle du Parlement prend tout son sens.
Pendant la campagne pour les élections sénatoriales, combien d’articles programmant la fin inévitable de la Haute Assemblée ou dénonçant son inaction et son inutilité avons-nous lus ! Or le travail mené par le Sénat au sujet de l’amiante est, à ce titre, remarquable.
Le 20 octobre 2005, une mission commune d’information du Sénat présentait, après plus de soixante-dix auditions, son rapport sur le bilan et les conséquences de la contamination par l’amiante.
Après avoir analysé les raisons du « drame de l’amiante en France », les auteurs ont avancé vingt-huit propositions pour répondre aux attentes des victimes et régler le problème de l’amiante.
Au mois de février 2013, la commission des affaires sociales a créé en son sein un comité de suivi de l’amiante, afin de dresser un bilan de la mise en œuvre des propositions formulées en 2005. Son travail s’est achevé au mois de juin dernier avec la publication de son rapport.
Il en ressort que les propositions formulées en 2005 ont été majoritairement suivies : près de dix-sept sur vingt-huit, notamment pour la protection des travailleurs. Le comité a approfondi la réflexion sur deux sujets : d’une part, l’indemnisation des victimes, sachant que sept des propositions du rapport de 2005 sur le sujet n’ont pas été appliquées ; d’autre part, les enjeux du désamiantage.
Cependant, nous pouvons aujourd'hui affirmer sans crainte que la réglementation française est d’un bon niveau, au regard de la protection contre le risque de l’amiante. Elle s’articule sur deux volets : la protection de la population relevant du code de la santé publique et la protection des travailleurs inscrite dans le code du travail.
Cette protection en deux volets, rendue possible par les décrets du 3 juin 2011 et du 4 mai 2012, est relativement unique en Europe, parce que plus protectrice. En effet, les réglementations italienne, allemande, britannique et espagnole concernent principalement les travailleurs et l’environnement. Il n’existe pas dans ces pays une réglementation pour la population exposée, comme en France.
Enfin, je me félicite du rôle important que ma famille politique a joué dans ce travail. Notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe s’est très tôt investi sur ce sujet difficile. Et c’est naturellement qu’il a présidé la mission commune d’information formée en 2005, dont le travail fait référence encore aujourd’hui.
Par ailleurs, dans la suite de cette politique, nous ne pouvons que saluer la formation, au mois de février 2013, du comité de suivi, dont les conclusions sont lourdes d’enseignements. J’en profite pour féliciter une nouvelle fois Mme Archimbaud pour l’excellence du rapport, qui a le mérite d’exposer clairement le chemin parcouru, ainsi que les pistes à approfondir pour en finir avec le drame de l’amiante.
Je ne puis que le noter, si près des deux tiers des propositions de la mission commune d’information de 2005 ont été appliqués, des lacunes ou défaillances persistent encore. Onze mesures n’ont pas été mises en œuvre : sept sont relatives à l’indemnisation des victimes et son financement et quatre concernent la qualification des diagnostiqueurs et la constitution de bases de données.
Ainsi, deux axes prioritaires se dégagent : d’une part, la réparation en faveur des victimes ; d’autre part, la prévention et l’identification de l’amiante.
J’évoquerai d’abord l’indemnisation des victimes. La faiblesse des avancées est justifiée par le manque de moyens mis en œuvre. Pourtant, les solutions sont connues ; il ne reste plus qu’à les appliquer.
Le rapport de 2005 préconisait de revaloriser le montant de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante. Or son montant ne progresse pas. Il reste proche du SMIC.