Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente du comité de suivi, mes chers collègues, l’amiante est un sujet qui préoccupe l’humanité depuis très longtemps.
Au Ier siècle, Pline l’Ancien mentionne les dangers de l’amiante chez les esclaves Romains. L’utilisation intensive de l’amiante par le tissage remonte à la guerre de Sécession, lors de la pénurie de coton. Des industries de textile se reconvertissent alors dans le tissage de l’amiante. C’est notamment le cas, dans ma région, à Condé-sur-Noireau, ville martyre de l’amiante puisqu’elle a reçu le triste nom de « vallée de la mort ». S’ensuit un usage intensif de ce produit en raison de ses qualités d’isolation.
En 1906, le ministère du travail est créé. Denis Auribault, jeune inspecteur du travail de trente-deux ans, rédige un rapport sur la surmortalité des ouvriers de l’usine de textile de Condé-sur-Noireau. Ce rapport, publié dans le bulletin de l’inspection du travail, est classé par l’administration et reste sans suite.
Il faudra attendre 1997 pour que l’amiante soit interdit en France, même si des dispositions concernant l’habitat avaient été prises en 1977.
En 2005, sous la présidence de notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe, Gérard Dériot et moi-même avons préconisé dans notre rapport des recommandations dont un bon nombre ont été mises en application. Nous ne pouvons que nous en réjouir.
Je rappelle également que, en 2006, nos collègues de l’Assemblée nationale Jean Le Garrec et Jean Lemière remettaient leur rapport intitulé « Ne plus perdre sa vie à la gagner ».
Le débat qui nous occupe aujourd’hui permet de revenir sur l’une des catastrophes sanitaires les plus dramatiques du XXe siècle. Les hypothèses officielles prévoient, d’ici à 2050, entre 68 000 et 100 000 décès en France dus à des mésothéliomes et à des cancers broncho-pulmonaires.
Encore ne s’agit-il là, mes chers collègues, que des affections directement liées à une profession exposant les travailleurs à l’amiante. Nos concitoyens ont en effet tendance à penser que cette catastrophe est derrière nous.
De plus, le sujet essentiel de ces dernières années a été l’indemnisation des victimes, avérées et potentielles. Il aura fallu de nombreux débats, assez durs, pour obtenir réparation. Néanmoins, comme le souligne le rapport de la commission des affaires sociales, si les préconisations de la mission sénatoriale de 2005 ont été majoritairement satisfaites, l’indemnisation demeure insuffisante et partielle.
Ainsi, la mise en œuvre de notre proposition n° 4 visant à « officialiser une voie d’accès au FCAATA, le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, sur une base individuelle, pour les salariés exposés à l’amiante dont l’entreprise ne figure pas sur une liste » grâce à « des comités de site permanents, rassemblant toutes les parties concernées, afin de déterminer les droits de chacun », bien qu’elle soit évoquée chaque année lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, est toujours retardée au profit d’évaluations et d’expertises répétées, dont on se demande si elles ne sont pas dilatoires.
Aucune base de données recensant les salariés des entreprises de désamiantage ainsi que les bâtiments amiantés et les travaux de désamiantage en cours n’a été mise en place.
Une autre proposition était d’ouvrir aux fonctionnaires l’accès au FIVA, réservé à certaines catégories de personnel. Je rappelle que l’extension de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante aux agents publics ayant développé une maladie professionnelle reconnue en lien avec l’amiante n’est acquise que depuis le 28 février dernier.
Notre proposition n° 7 pour le versement par le FIVA des sommes dues au titre de la faute inexcusable de l’employeur, sur le modèle du mécanisme existant dans la branche AT–MP, accidents du travail–maladies professionnelles, a été reprise par la Cour des comptes dans son rapport public de 2014. Elle a toutefois été écartée par les ministres de la sécurité sociale, du travail et de l’économie dans une lettre adressée le 13 janvier 2014 en réponse à la Cour. Je pense que ce débat doit être rouvert.
De même, les propositions en vue de doter le FIVA et le FCAATA de financements pérennes n’ont pas été reprises. Il est pourtant nécessaire, mes chers collègues, de fixer la contribution de l’État à 30 % de la dotation du FIVA, comme nous l’avons dit lors de la discussion des derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale. C’était l’objet de la recommandation n° 11 de notre rapport de 2005. Or, depuis deux ans, la dotation de l’État au FIVA est de zéro euro.