Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en tant que nouveau rapporteur de la commission des finances sur les crédits des transports terrestres, c’est pour moi un plaisir que de m’exprimer devant vous sur un thème qui concerne tous les Français et connaît actuellement des bouleversements majeurs, en particulier dans le secteur ferroviaire.
Les transports terrestres relèvent du programme 203, qui mobilise 43 % des crédits de paiement de la mission « Écologie », avec 4, 08 milliards d’euros en 2011, soit une baisse de 5, 5 % par rapport à 2010. Cette évolution repose pour l’essentiel sur une diminution des concours de l’État à Réseau ferré de France – j’y reviendrai –, des moyens consacrés à l’entretien préventif des chaussées, et des dépenses de fonctionnement, conformément aux orientations appliquées à l’ensemble du budget général.
La seconde vague de la révision générale des politiques publiques a un effet budgétaire relativement limité. Les services d’ingénierie routière seront néanmoins réorganisés.
À ces dotations budgétaires s’ajoutent des crédits extrabudgétaires : 1, 7 milliard d’euros de fonds de concours de l’Agence pour le financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, et des collectivités territoriales, 527 millions d’euros de dépenses fiscales, et 1, 3 milliard d’euros de crédits de personnels, portés par le programme 217.
Les 920 millions d’euros de crédits du plan de relance sur 2009 et 2010 seront quasi intégralement dépensés d’ici à la fin de l’année.
De manière générale, de multiples priorités sont assignées à la politique des transports, dans la continuité du Grenelle de l’environnement, mais le contexte budgétaire n’autorise sans doute pas de telles ambitions. Je m’interroge notamment sur le soutien au transport combiné, qui me paraît assez peu mis en valeur.
Le projet de schéma national des infrastructures de transport nous propose un avenir rayonnant en matière de report modal, mais quelles seront les modalités de financement des 170 milliards d’euros d’investissements annoncés ? En outre, plusieurs de mes collègues estiment que le processus de concertation a été défaillant. Je considère, pour ma part, que l’examen de ce schéma devrait être reporté au début de l’année 2011, pour intégrer notamment les projets du Grand Paris.
J’en viens aux acteurs de la politique des transports. Je ne reviendrai pas sur le rôle de l’AFITF, dont la plus-value en termes d’évaluation et de décision paraît limitée, mais je constate que son financement est encore entouré d’incertitudes à moyen terme. La gestion de l’agence s’est déjà révélée tendue en 2009. Le budget de l’agence en 2011 devrait atteindre 2, 2 milliards d’euros. La subvention de l’État sera reconduite à hauteur de 974 millions d’euros, mais elle devient un provisoire qui dure, car l’écotaxe-poids lourds ne pourra prendre que partiellement le relai à la mi-2012, voire en 2013, selon les dernières estimations.
Des inconnues subsistent également sur l’ampleur et le moment de l’augmentation de la redevance domaniale des sociétés d’autoroute. Je souhaiterais donc, madame le ministre, que vous puissiez nous donner des précisions sur les ressources propres de l’AFITF.
Le deuxième des trois opérateurs du programme, Voies navigables de France, connaît une situation financière plus satisfaisante. La subvention de l’État sera maintenue, à hauteur de 59, 4 millions d’euros, et le plan de réduction des effectifs se poursuit, avec un plafond d’emplois réduit de 75 ETPT. Voies navigables de France doit surtout poursuivre ses importants investissements de modernisation et de développement du réseau magistral, avec près de 900 millions d’euros sur la période 2010-2013. Le nouveau contrat de performance pour 2010-2013 a, quant à lui, pris du retard : où en est-on, madame le ministre, et quels sont les nouveaux objectifs assignés à Voies navigables de France ?
J’en termine sur ce programme en évoquant le secteur ferroviaire, qui est financièrement fragile et aborde une étape décisive pour sa compétitivité. Il est fragile car son endettement augmente rapidement : plus de 28 milliards d’euros pour RFF, 8, 6 milliards d’euros pour la SNCF au 30 juin 2010, 4, 8 milliards d’euros en 2009 pour la RATP.
Si la tendance se poursuit, la dette de RFF pourrait être requalifiée en dette maastrichtienne. La crise économique a naturellement exercé un impact sur le trafic, en particulier le fret, qui s’enfonce un peu plus dans l’impasse malgré l’engagement national annoncé fin 2009. Cependant, tout cela repose principalement sur le pari d’un modèle économique déséquilibré à court terme : des coûts rigides à la baisse, notamment du fait de l’impact des retraites, des investissements élevés pour moderniser et développer le réseau, une rentabilité du TGV qui diminue. Les marges de manœuvre sont donc étroites.
Le modèle économique de RFF est plus particulièrement menacé et appelle des éclaircissements quant aux engagements de l’État. Les négociations avec la SNCF sur les péages d’infrastructures ont été difficiles. Ces derniers augmenteront néanmoins de 160 millions d’euros en 2011.
En revanche, les subventions de l’État relatives aux activités non couvertes par les recettes commerciales diminueront de 6, 5 % ; RFF considère que cette dotation ne respecte pas la trajectoire fixée dans le contrat de performance, d’autant que la subvention fait l’objet chaque année d’un gel de 5 %, suivi d’une annulation en fin d’année. Si la tendance se poursuit, le manque à gagner serait, selon RFF, de plus d’un milliard d’euros sur la période 2011-2013.
Je souhaiterais donc, madame le ministre, que vous puissiez nous apporter une réponse claire sur la stratégie de l’État à l’égard de RFF et du secteur ferroviaire en général.
Une baisse de la subvention se conçoit dans le contexte budgétaire actuel. Néanmoins, il y a peu de leviers pour rectifier la situation. Si on considère que le renouvellement du réseau existant est une priorité pour maintenir la qualité de l’actif et éviter des coûts futurs plus élevés, il faut combiner deux solutions : abaisser les coûts d’exploitation et de maintenance de la SNCF et réduire la voilure sur le développement des lignes à grande vitesse en allongeant la durée des travaux. Encore faut-il que tout cela soit annoncé dans la transparence.
J’aborde à présent le programme 205, Sécurité et affaires maritimes, dont les crédits diminueront d’environ 2 % en 2011, avec 130 millions d’euros en autorisations d’engagement et 132 millions d’euros en crédits de paiement.
Cette dotation est plus que doublée par les crédits de masse salariale du programme 217, et la dépense fiscale que constitue la taxe au tonnage est évaluée à 100 millions d’euros environ. La réduction des effectifs concernera 92 ETPT.
De même, la rationalisation de l’organisation administrative se poursuit. Ainsi, l’établissement public des invalides de la marine devient un établissement public à part entière. Après les services déconcentrés de métropole, l’administration territoriale d’outre-mer sera à son tour réorganisée. Le pilotage du contrôle des pêches est unifié. De plus, le programme est doté d’un nouvel opérateur LOLF, l’École nationale supérieure maritime, qui remplace les quatre écoles de la marine marchande. Ce nouvel établissement, qui bénéficiera d’une subvention de 3, 4 millions d’euros, doit contribuer à améliorer la reconnaissance et l’attractivité de la formation maritime.
S’agissant des crédits, je relève un certain nombre d’éléments. Je m’interroge sur le bien-fondé d’une subvention exceptionnelle d’un million d’euros au profit de l’Association internationale de signalisation maritime. Il apparaît cependant qu’elle doit contribuer à maintenir le siège de l’association à Saint-Germain-en-Laye, et des contreparties devraient conforter la représentation française. Le budget de l’action Gens de mer et enseignement maritime progresse de plus de 20 %, en raison de la revalorisation des subventions aux 12 lycées maritimes, et surtout du doublement des aides aux marins privés d’emploi, lié aux plans de sortie de flotte et aux plans sociaux de la SNCM et de la société de remorquage du Havre. D’importants efforts sont consentis sur les dépenses de soutien et de fonctionnement, qui diminuent de 9 %, hors subvention à l’ENSM.
J’en termine avec la présentation du nouveau compte d’affectation spéciale, qui externalise la péréquation assurant le financement des trains d’équilibre du territoire.
Cette réforme était annoncée et accompagne la mise en place d’une convention de service public pour l’exploitation de ces lignes déficitaires. Elle résulte plus particulièrement du règlement communautaire dit OSP du 23 octobre 2007, qui impose ce conventionnement.
L’article 33 du projet de loi de finances, qui crée ce compte, a été examiné mardi dernier, et son mode de financement a été modifié à l’initiative du Gouvernement. Afin de ne pas trop pénaliser les TGV, il sera donc alimenté par trois recettes et non plus deux : la nouvelle contribution de solidarité territoriale, une fraction de la taxe d’aménagement du territoire, pour faire contribuer de manière réduite les sociétés d’autoroutes, et une nouvelle taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires, plafonnée à 75 millions d’euros.
La commission des finances approuve la création de ce compte, qui permet d’assurer une meilleure transparence sur l’exploitation et le financement des trains d’équilibre. Il faudra cependant que le projet annuel de performances soit un peu moins lapidaire l’année prochaine.
J’insiste également sur le fait que ce compte ne doit pas être le prélude à une dérive du déficit d’exploitation des trains d’équilibre du territoire, mais, au contraire, inciter à sa réduction progressive.
La convention de service public entre l’État et la SNCF n’est pas encore connue, même si ses axes ont été annoncés à Troyes le 4 novembre dernier. Je souhaiterais toutefois, madame le ministre, que vous puissiez nous préciser son contenu, en particulier les objectifs afférents à l’amélioration du service et à la diminution du déficit d’exploitation.