Le premier point sur lequel je veux apporter des réponses concerne la cohérence globale de ce que nous faisons. Il est toujours difficile d’engager une réforme territoriale, parce que, comme l’ont exprimé l’ensemble des orateurs qui se sont succédé cet après-midi, vouloir réformer les territoires, c’est toucher à des singularités. C’est toucher à la diversité de la France et, parfois, à des habitudes ancrées et à des fonctionnements établis.
Il faut toujours une part d’audace, une prise de risque pour mettre en œuvre une réforme des territoires dans la République qui est la nôtre. C’est à ce point vrai que, dans notre pays, où l’on a beaucoup parlé de la réforme des territoires, on a finalement peu réformé ces derniers. De nombreux rapports parlementaires ont été rédigés sans qu’il ait forcément été donné suite aux ambitions qu’ils portaient.
À cet égard, le Gouvernement a souhaité que la présente réforme territoriale ne se réduise pas à des projets que l’on verbalise. Il a souhaité que l’on mette l’ouvrage sur le métier, que l’on engage des actions. Par conséquent, il a voulu prendre sa part de risque.
Pour ce qui concerne la cohérence de la réforme, il faut considérer un ensemble de textes législatifs, dont certains ont d'ores et déjà été examinés et votés par le Parlement et dont les autres sont appelés à l’être : articulés les uns aux autres, ils donnent à la réforme territoriale sa cohérence et sa force.
D'abord, nous avons voulu doter notre pays de métropoles puissantes, portant des politiques ambitieuses qui leur permettent de rayonner en Europe. En France, beaucoup de nos grandes villes, de nos agglomérations avaient besoin du territoire pertinent pour leurs ambitions intercommunales, mais également pour leurs ambitions économiques et de développement. C’est la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, adoptée voilà quelques mois par la représentation nationale, qui a donné à notre pays la possibilité de se doter de métropoles. Au reste, un certain nombre se constituent et engagent d'ores et déjà des réformes positives.
Je pense à la métropole de Lyon, dont certains représentants sont présents dans cet hémicycle. Je salue l’esprit d’imagination et d’initiative les ayant conduits à fusionner les conseils généraux avec la métropole lyonnaise constituée, contribuant ainsi à la modernisation d’un territoire qui compte en France et qui, sous l’impulsion des sénateurs Gérard Collomb, maire de Lyon, et Michel Mercier, alors président du conseil général du Rhône, a démontré sa capacité à porter de grandes politiques ambitieuses en matière de développement des transports urbains, des pôles de compétitivité, des énergies de demain, ou encore des grands pôles universitaires.
Dans ce contexte, nul ne conteste l’intérêt de la loi précitée ni les opportunités qu’elle offre.
Nous avons également décidé de créer de grandes régions – c’est l’objet du texte qui vous est présenté aujourd'hui. Nous avons décidé de clarifier la répartition des compétences entre celles-ci et les départements et de permettre à des intercommunalités puissantes de se constituer, de manière à mailler le territoire – c’est l’objet du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.
Notre ambition est également d’organiser l’administration territoriale de l’État qui a perdu beaucoup d’emplois pour lui permettre de gagner en proximité et en efficacité, de monter en gamme et d’offrir aux territoires les services dont ils ont besoin et aux élus des collectivités territoriales les plus importantes le concours et le soutien dont ils peuvent ressentir la nécessité.
Je centrerai donc mon propos sur deux sujets : premièrement, la réforme des régions, en répondant à un certain nombre d’interrogations qui ont été évoquées et, deuxièmement, la réforme de l’administration territoriale de l’État, sur laquelle Bruno Retailleau, appelant à une réforme ambitieuse et à la définition d’un calendrier, a demandé des explications. Je veux, sur ces sujets, lui apporter les réponses qui permettront de nourrir notre débat.
D'abord, pour ce qui concerne la réforme des régions, nous partons du principe que les régions qui ont appris à collaborer entre elles depuis longtemps, en développant des pôles de compétitivité, de grandes politiques de transport ou en engageant des actions pour la transition énergétique, doivent, demain, pouvoir le faire plus facilement, en se regroupant. En effet, elles doivent pouvoir atteindre une taille critique qui leur permette de compter davantage en Europe, où les régions sont de véritables collectivités d’investissement, une taille de nature à créer les conditions de la compétitivité et de la croissance dans les territoires.
En moyenne, la population des régions françaises est légèrement supérieure à 2 millions d’habitants. Dans les autres pays européens, la taille critique des régions est plus significative : la population des provinces italiennes s’élève à un peu plus de 4 millions d’habitants et celle des Länder allemands à un peu plus de 5 millions d’habitants. Après la réforme que nous aurons menée à bien, les régions françaises compteront, en moyenne, un peu plus de 4 millions d’habitants. Par conséquent, en termes de taille, de masse critique, de capacité d’investissement, nous aurons rejoint les grandes régions européennes.
Cela dit, je veux insister sur le fait que la taille n’est pas tout. §