Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, m’inspirant d’une remarque de M. le ministre, je m’écarterai sciemment du texte que j’avais préparé pour mieux tenir compte de nos derniers échanges avec le Premier ministre et des prises de position des uns et des autres, le tout remis en perspective.
On peut être à peu près d’accord, me semble-t-il, pour dire que la situation, ce soir, est relativement simple. Nous avons maintenant de grandes régions, qui ne bougeront plus beaucoup, et, surtout, des départements qui sauvent très bien leur peau, si vous me permettez l’expression, pour la raison que les élus communaux, qui ne voulaient pas hériter des compétences sociales des départements, les ont finalement soutenus.
La perspective n’est donc pas celle d’une disparition à relativement brève échéance des départements, mais plutôt celle de leur maintien. Et l’on ne s'achemine probablement pas non plus vers la coexistence de trois ou quatre systèmes départementaux différents.
Par ailleurs, nous avons des intercommunalités dont la taille pourrait se trouver plus réduite – sur ce point, la porte a été ouverte à un assouplissement.
Mais je me tourne vers le Gouvernement : attention, monsieur le ministre, à ce que la montagne n’accouche pas d'une souris !Les citoyens de ce pays risquent d’aller très vite à la conclusion fâcheuse que tous ces débats n’auront finalement pas abouti à grand-chose : les départements ? On les retrouve. Les intercommunalités ? Elles ne sont pas vraiment plus grandes. Il n’y a bien que pour les régions que cela change, puisque leur nombre diminue, peu, du reste.
À nous donc de tenir un discours plus enthousiaste et plus résolu sur l’intérêt de cette réforme et de ce texte, qui trouvera son prolongement, nous l’avons dit cet après-midi, dans celui que soutiendra Marylise Lebranchu.
Je voudrais maintenant vous livrer quelques réflexions, sur la base de ce qui précède. D’abord, concernant la carte, on peut considérer que l’on a six ou sept régions qui font à peu près consensus ou qui, du moins, ne suscitent pas d’opposition. Certaines n’avaient sans doute jamais imaginé se retrouver « mariées » en octobre de cette année, mais on ne constate pas, globalement, d’animosité : tout le monde, ou presque, est prêt à se lancer.
Reste les cas, plus compliqués, de trois ou quatre régions sur lesquelles porteront essentiellement les débats, même si les propos de M. le ministre font bien sentir que les lignes bougeront assez peu.
Je m’arrêterai sur deux situations vraiment particulières. Cela a été très peu dit, mais la grande bizarrerie de cette carte, c'est que l’ouest de la France ne bouge pas : nous avons trois régions – Bretagne, Pays de la Loire, Centre – qui demeurent inchangées.
Le ministre Bernard Cazeneuve a pourtant bien insisté à l’instant sur l’enjeu majeur, vital pour les territoires français, que constituent des régions plus grandes et adaptées à la compétition libérale internationale. Mais le Gouvernement, qui a proposé des cartes et des fusions, a considéré que la région Centre pouvait demeurer telle quelle, sans métropole, et que les régions Bretagne et Pays de la Loire pouvaient rester distinctes. Or je rappelle que ce sont précisément les deux seules régions à avoir déjà fusionné leurs universités…
Pour autant, si l’État a effectivement évité ainsi d’aller au-devant des problèmes, je ne veux pas le stigmatiser à l’excès. En effet, cette situation est d'abord de la responsabilité des élus de l’Ouest, qui n’ont pas été capables de se mettre autour d’une table pour trouver une réponse à une situation assez complexe, il est vrai. Entre ceux qui voulaient la Bretagne historique et ceux qui voulaient la fusion, il fallait un vrai travail en commun, ce qui n’a pas été fait.
Les grands élus de l’Ouest sont donc responsables de ce statu quo assez préjudiciable. Songez que nous avons un axe d’aménagement Nantes-Rennes qui impacte l’ensemble du territoire, mais sans qu’aucun schéma prescriptif ne l’englobe !
L’avenir dira si le raisonnement développé à l’instant par Bernard Cazeneuve est juste. En termes économiques, les petites régions se trouvent aujourd'hui, dans l’ensemble, en situation de faiblesse. Je note que la région Pays de la Loire convoque une réunion d’urgence ce mois-ci en raison de la forte baisse des dotations au titre de son contrat de projets État-région. Quid, demain, de la région Centre ?
Tout le monde, ici, parle d’égalité territoriale, mais encore faudrait-il analyser – au cours des prochains mois, des prochaines années – ce qui restera de cette égalité des chances lorsqu’il s'agira de faire du lobbying au niveau européen… Où sera l’égalité des chances entre des régions comprenant dix ou douze départements et d’autres n’en réunissant que quatre, avec des moyens différents, y compris dans le rapport avec l’État, qui est aussi, parfois, un rapport de force…
Cela ne traduit pas une logique d’égalité territoriale, même si l’on considère que la diversité des territoires français, dont il faut évidemment tenir compte, s'oppose à la formation systématique de grandes régions de taille comparable.
Au fond, je crois que la sagesse serait de donner du temps au temps. La situation n’est pas obligatoirement appelée à se prolonger, une porte a été ouverte – ne serait-ce qu’avec le nom de la région Centre, qui deviendrait Centre - Val de Loire –…